14-18Hebdo

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Les décorations et les citations en 14-18

 

Patrick Germain · 03/10/2014

La guerre a toujours cultivé un paradoxe : celui de faire cohabiter une notion négative, celle de la destruction, avec l'exaltation des plus hautes vertus humaines, en ce sens que l'Homme y met en jeu ce qu'il a de plus précieux, sa vie.

Ses actes de bravoure et d'héroïsme sont générées par sa volonté de dominer son adversaire, mais plus encore, par son instinct de conservation poussé à l'extrême.

On peut regretter que, de tous temps, les actions d'éclat aient servi de paravent à des choses moins glorieuses, mais malgré tout, cela ne dénature en rien le caractère souvent surhumain, parce qu'exceptionnel, de ces comportements hors normes, dont les auteurs ont été gratifiés par les citations et décorations.

Il y a des décorations de temps de guerre, et aussi de temps de paix ; et on peut déplorer ainsi que la Légion d'Honneur, dans ses statuts, mette sur un pied d'égalité de rang les mérites de temps de paix et ceux du temps de guerre.

En 1914, La Légion d'Honneur (avec ses grades) et la Médaille militaire demeuraient les seuls objets de décoration en vigueur, pour récompenser respectivement surtout les officiers et sous-officiers.

La nomination dans l'ordre de la Légion d'Honneur (grade de chevalier), et la promotion dans ses grades (officier et commandeur) et dignités (grand officier et grand croix), ainsi que l'octroi de la Médaille militaire, étaient accompagnés d'une citation résumant l'action d'éclat ou le motif récompensés ; mais bien vite, avec la multiplication des citations à l'ordre du jour pour un même bénéficiaire, il apparut nécessaire de créer une récompense (exclusive à la guerre) qui accompagne le simple témoignage écrit figurant dans "Le Bulletin des Armées de La République", les états de service et le livret militaire. Cette décoration "administrative» devait laisser la place à un signe distinctif clair et visible, permettant au chef de décorer les plus vaillants de ses soldats sur les lieux mêmes des combats.

C'est ainsi que la croix de guerre fut officiellement crée en 1915. Son ruban (de larges bandes vertes alternant avec de fines rayures rouges) était curieusement identique à celui de la Médaille de Sainte Hélène, créée par Napoléon III pour honorer les anciens de la Grande Armée.

Bien vite apparurent, sur ces rubans, les signes distinctifs des différents degrés des citations obtenues : des étoiles en bronze, argent ou vermeil selon que celles-ci étaient à l'ordre du régiment ou de la brigade, de la division, et du corps d'armée, et des palmes en bronze pour celles à l'ordre de l'armée.

L'octroi de la croix de guerre s'étendait aussi aux unités ; il s'agissait dans ce cas de citations collectives ; la croix ainsi chargée de ses attributs était épinglée au fanion du bataillon ou au drapeau du régiment, et souvent accompagnée d'une fourragère aux couleurs de la croix de guerre (rouge et vert), de la Médaille militaire (jaune et vert), ou de la Légion d'Honneur (rouge), selon que le bataillon ou le régiment avaient obtenu au minimum 2, 4 ou 6 citations à l'ordre de l'armée.

J'eus pour ma part l'honneur de servir comme sous-lieutenant et futur officier de réserve au 152e R.I (stationné en 1914 à Gérardmer, puis depuis 1919 à Colmar), le Régiment des "Diables Rouges" (ainsi surnommé par les Allemands à l'occasion des combats de l'Hartmannswillerkopf en 1915), dont le drapeau porte la croix de guerre 14-18 avec 6 palmes et 1 étoile de vermeil, accompagnée de la fourragère de la Légion d'Honneur.

Fort heureusement, la croix de guerre n'était pas réservée aux seuls combattants ; les brancardiers, le service de santé (médecins et infirmier(es), et les aumôniers méritaient également que soient distingués leurs actes de courage et de dévouement.

De nombreuses villes et localités ayant versé un très lourd tribut furent également distinguées ; entre autres Reims, ville martyre, reçut la Légion d'Honneur de Mr Poincaré, Président de la République, en 1919.

Malheureusement et loin s'en faut, nombre d'actions d'éclat individuelles ou collectives ne furent pas sanctionnés par une décoration ou une citation ; c'est le propre de la subjectivité de l'appréciation des faits et de l'oubli (volontaire ou non) de certains chefs...

On note dans certaines correspondances l'amertume de combattants déçus dans leur espérance, mais aussi les ressentiments des épouses vis à vis des "planqués de l'arrière" auxquels il arrivait au Commandement d'accorder des faveurs, au détriment de leur brave mari.

Une disparité existait aussi d'une arme à une autre ; davantage de citations et décorations pour l'infanterie et les chasseurs, moins à l'artillerie.

L'aviation battait tous les records ; l'as des as René Fonck épingla pas moins de 28 palmes sur sa Croix de guerre, et Guynemer 23 (bien que mort en 17), alors que les meilleurs des fantassins et chasseurs atteignaient rarement 10 palmes ou étoiles.

Pour clore ce chapitre, et par souci d'exhaustivité, d'autres décorations moins prestigieuses, mais non moins valeureuses sont apparues après la guerre pour honorer les survivants de l'ensemble du front (Commémorative 14-18, Médaille Interalliée de la Victoire), ou de certains théâtres d'opérations (La Marne, Verdun, La Somme). La Médaille de la reconnaissance française (créée en Juillet 17) était destinée à récompenser tous ceux qui, sans obligation légale ni militaire, étaient venus aider les blessés, les invalides, les réfugiés ou qui avaient accompli un acte de dévouement exceptionnel.

Enfin, La Croix du combattant (créée en 1930), créa un statut particulier à tous ceux qui avaient participé aux durs combats de 14-18 dont Clémenceau disait qu'"ils ont des droits sur nous".



10/10/2014
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