14-18Hebdo

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La légende noire des troupes du Midi

Patrick Germain · 08/09/2014

"Les sales troupes du Midi" (Lettre d'Elle à Lui du 08/09, caractérisant qqs méfaits domestiques attribués à des soldats originaires du midi).

Pourquoi ce qualificatif ? parce que le 1er engagement sérieux de la guerre qui a eu lieu à Lagarde (les 10 et 11/08/14), a été une affaire incontestablement malheureuse, occasionnant des pertes injustifiées de 2 000 hommes et 2 batteries d'artillerie détruites, appartenant à une brigade mixte (infanterie, cavalerie, artillerie) des troupes du midi, dont le comportement qualifié à tort de fuite devant l'ennemi a alimenté une rumeur qui s'est installée dès le début de la guerre et qui mérite une controverse, à l'examen réel des faits. Cette controverse est décrite dans les Carnets de Guerre d'Alexis Callies, officier d'artillerie commandant une batterie du 19ème R.A.C, qui a pris part à ce combat de bout en bout ( ces Carnets de Guerre ont été retranscrits et commentés par Eric Labayle préalablement à leur publication en 1999).

Cet officier a vécu douloureusement cette "légende noire" attachée aux troupes du Midi, et s'est appliqué, de par la description précise qu'il a dressée de ces combats, à combattre cette injustice. Les consignes de l'E.M général à toutes les unités étaient d'éviter toute escarmouche tant que la concentration sur l'ensemble du front n'était pas terminée (les engagements devaient ainsi débuter le 14/08) ; or, malgré tout, enfreignant ces consignes, le général Lescot, commandant la 2ème division de cavalerie dont dépendait la brigade mixte, décide de pousser de qqs kms au-delà de la frontière et d'investir le village de Lagarde, au moyen de 2 bataillons d'infanterie (appartenant aux 40ème et 58ème R.I), et du 19ème régiment d'artillerie de campagne, auquel appartenait le capitaine Callies. Il a été évoqué une "expédition punitive", destinée à investir et incendier un château habité par des Allemands à proximité immédiate du village de Lagarde ; on ne peut manquer de sourire à un pareil objectif, qui ne répondait à aucun intérêt tactique...

Ainsi, sans disposer de renseignements précis sur la nature, le volume et la proximité de l'ennemi dans cette zone, le général Lescot, commandant la 2ème D.C, a décidé de lancer en avant 2 bataillons d'infanterie appuyés par le 19ème R.A.C.

Si, dans un 1er temps le 10/08, les Allemands, peu nombreux, ont reflué, laissant nos troupes investir le village, en revanche dès le 11/08 dans la matinée, ils ont débouché brutalement en masse d'un bois, prenant à revers les 2 bataillons d'infanterie et les 2 compagnies d'artillerie déployées, anéantissant ces dernières, avant qu'elles aient tiré pratiquement à bout portant sur les assaillants qui débouchaient du bois, et n'ayant même pas terminé leur mise en batterie ; le capitaine Callies, posté en appui en retrait non loin de là avec sa batterie selon les ordres reçus, a assisté à ce désastre.

Le rapport de forces (non détecté par absence de renseignements) était écrasant en faveur des Allemands, qui engageaient 1 brigade d'infanterie, 1 régiment de cavalerie, et 9 batteries d'artillerie, alors que les unités Françaises déployées ne bénéficiaient d'aucun appui, ces derniers étant non opérationnels à l'arrière... En outre, l'absence d'ordres précis du commandement de la division (un simple lieutenant, mandaté par le général Lescot avait dicté les ordres à la réunion préparatoire de l'action...), des ordres imprudents (on ne poste pas en avant d'un dispositif 2 batteries d'artillerie proche de la lisière d'un bois dont on ignore s'il est habité ou non), et une mauvaise coordination dans la chaîne de commandement n'ont fait qu'aggraver cette imprudence tactique majeure. La fraction de nos troupes encerclée dans le village a défendu chèrement sa peau, en causant d'énormes dégâts à la cavalerie allemande (mitrailleuse dans le clocher de l'église), pour couvrir le repli précipité des autres troupes.

En conclusion, pour revenir à la correspondance évoquée au début, on comprend l'amalgame réalisé avec le comportement des soldats de Lagarde, auxquels "collait déjà à la peau" la rumeur de débandade. Ces soldats se sont courageusement battus, mais ils ont fait les frais non d'une erreur, mais d'une faute tragique du commandement (le général Lescot a été immédiatement destitué de son commandement de la 2ème D.C.)



12/09/2014
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