14-18Hebdo

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Comment les Français de Turquie sont partis pour défendre la France

 

Gabriel Hanotaux – Histoire illustrée de la guerre de 1914 – Tome 3 – Ch. 2

 

Il ne peut être question de donner ici un tableau de la mobilisation parmi les résidents français répandus sur toute la face du globe. Partout ce fut le même enthousiasme, le même coup au cœur, le même élan pour rejoindre coûte que coûte. Un de ces exodes particulièrement intéressant, celui des Français installés en Turquie, a été excellemment décrit par une plume officielle. A titre d'exemple, nous citerons quelques extraits du rapport de M. Bompard : « Comment les Français de Turquie sont partis pour défendre la France » :

 

Je ne sais si on parviendra facilement à se rendre compte, en France, de l'effet que peut causer une pareille surprise. Je prie le lecteur de faire effort pour s'imaginer quel doit être l’état d'esprit d'un homme qui mène son trantran de vie ordinaire et qui apprend tout à coup qu'il doit tout planter là et sur l'heure se mettre en route pour gagner la côte et s'embarquer sur le premier bateau en partance, afin de s'élancer au combat. Contre qui ? Il s'en doute bien. Mais, dans quelles conditions et pourquoi ? il l'ignore ? Eh bien ! sachez que pas un Français de Turquie n'a hésité, Tous s'en sont allés sans demander d'explications. La France les appelle : ils y vont... A Constantinople, la mobilisation n'a pris que quelques jours. Le consul suppléant qui y avait procédé s'est joint lui-même au dernier convoi de mobilisés. Une fois sa tâche accomplie, rien n'a pu le retenir ; le devoir militaire primait tout à ses yeux. Comme c'était le consulat qui était chargé du service de la mobilisation, les secrétaires de l'ambassade n'ont pas voulu attendre quelques jours. Ils m'ont abandonné dès le 4 août au matin... Le départ des mobilisés français fut un événement à Constantinople. A l'encontre des mobilisés allemands, ils ne se livrèrent à aucune manifestation en ville et attendirent, pour donner libre cours à leurs sentiments patriotiques, d'être réunis à bord, sous les plis du pavillon français. Alors, ce fut du délire. Tous les bateaux en rade français, amis ou alliés, arborèrent leur pavois et, de tous les points de la magnifique rade, accueillirent les Français en partance par une immense acclamation.
… Les scènes émouvantes dont Constantinople a été le théâtre ont eu leurs pendants à Smyrne, à Beyrouth, à Jaffa. Une des particularités de la mobilisation en Turquie a été le grand nombre de religieux mobilisés. Il y en avait de toutes robes et de tous styles ; capucins, dominicains, jésuites, assomptionnistes, lazaristes, frères de la doctrine chrétienne, frères maristes et, certes, j’en oublie, car quelle est la congrégation religieuse qui n’ait des représentants en Turquie ? Sur certains bateaux, les religieux formaient le quart du contingent des mobilisés. Ils y arrivaient sous la conduite de leurs supérieurs. J’ai encore présent devant les yeux ce frère de la doctrine chrétienne sonnant au clairon toutes les sonneries de la caserne, pendant qu’un lazariste mobilisé chantait la Marseillaise à pleine voix. Notez que ce lazariste n’était rien moins que le supérieur d’un collège de Constantinople, réputé pour sa tenue que d’aucuns, même, trouvent trop compassée. »

 



22/08/2014
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