Causeries et souvenirs 1914-1915 (Gabriel Bon) - 1. Le 1er août
En 1914, le général Gabriel Bon, 61 ans, commande à La Fère (Aisne) l'artillerie du 2ème corps d'armée. Blessé en 1915, il ne participera pas à la suite de la guerre et publiera en 1916 "Causeries et souvenirs, 1914-1915", d'où est extrait ce témoignage.
Document transmis par Bernadette Grandcolas, son arrière-petite-fille· 13/09/2014
J'ai par hasard entre les mains les "Causeries et souvenirs" du général Bon, arrière-grand-père de certains d'entre nous, publié en 1916, et j'y trouve son compte rendu du 1 août 1914 :
"Depuis trois jours nous étions prêts, attendant à chaque heure l'ordre de départ. C'est la période d'énervement. Enfin le 31 juillet, les ordres arrivent : les troupes de couverture seront dirigées vers la frontière à partir de minuit. Je dois embarquer le 1er août à 6 heures du matin. Un calme impressionnant règne dans la place.
À 8 heures du soir, je touche mon indemnité d'entrée en campagne. Cet argent me produit un effet bizarre. Le froissement des billets de banque neufs me cause une sensation intense. Ce n'est pas le prix du sang que vous trouvez, et pourtant...
La nuit passe vite... À 5 heures et demie, je quitte mon logement. Le maire est venu me saluer à mon départ. Toute la population est debout et me salue au passage.
À 6 heures arrivés au quai, une batterie procède avec ordre à son embarquement. Des trains de cavaliers, emportés vers la frontière, passent devant nous et nous saluent d'acclamations joyeuses.
Cependant, assis sur un talus, ma pensée cherche à percer le voile qui nous cache l'avenir.
C'est avec confiance que j'envisage l'issue définitive des opérations, mais les difficultés énormes que nous allons rencontrer, le danger imminent de l'invasion qui nous menace par la Belgique, m'impressionnent vivement...
Nous voilà partis. Dans le train, les officiers se voient déjà vainqueurs. Ils me semblent méconnaître complètement la valeur de l'organisation ennemie. Aussi après déjeuner, je crois devoir leur dire :
Comme vous, je suis convaincu du succès. Mais n'oubliez pas que vous allez combattre la première armée du monde... Cachez et dispersez vos batteries. Faites un large usage du téléphone, des éclaireurs et des observateurs. J'aurais voulu vous donner un avion par régiment. Vous savez comment mes efforts ont échoué. Je chercherai à en mettre le plus possible à votre disposition. Soyez-en sûr, c'est le canon qui nous sauvera.
Ils sont un peu ahuris.
4 heures. Sedan. Le chef de gare nous annonce que la mobilisation est décrétée.
6 heures, arrivée à la gare de débarquement, nous montons à cheval.
Nous voilà en guerre."
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