William Fournié – 7e partie - Ginette FOURNIÉ - Pour que ses enfants se souviennent
Anne Fournié, sa petite-fille – 25/02/2018
Les enfants Fournié en 1915 : Christiane, Roger, Odile et Gilberte.
Pour que ses enfants se souviennent (Ginette Fournié) - 25 avril 1916
Le 1er jour de la Mobilisation, c’est-à-dire le 2 août 1914, Willie a rejoint son régiment ; il partit comme Capitaine au 106e régiment d’Infanterie territoriale à Bourgoin (Isère). Là, pendant 15 jours il se morfondit, rongeant son frein en pensant que ses camarades se battaient. Ce vaillant ne pouvait supporter l’idée de ne pas prendre une part plus active à la guerre car il était soldat dans l’âme.
Le 15 août, je lui adressai une dépêche comme : « Si tu veux partir n’hésite pas à cause de moi ». Je sais combien il fut heureux et fier de voir que sa femme le comprenait et je crois que j’ai fait mon devoir. Dès lors il fit toutes les démarches pour partir et demanda à marcher avec le 14e bon de Chasseurs alpins de Grenoble. Depuis le 10 août environ, son régiment s’était transporté à Grenoble et c’est là qu’il avait pu apprécier ce bataillon.
Le 1er septembre, sur sa demande, j’allais à Paris pour hâter les demandes.
Enfin, le 14 septembre, il recevait sa nomination au 14e Chasseurs et dès lors attendit impatiemment son départ pour le front.
C’est le lundi 28 septembre qu’il quitta Grenoble, devant rejoindre non pas le 14e mais le 54e bon de Chasseurs, il emmena avec lui, je crois, une compagnie. Combien il était heureux de commander à ces jeunes-gens pleins d’enthousiasme et combien il fut de suite adoré de ses hommes. L’ordre de départ fut donné pour Raon l’Étape, mais en cours de route cela fut changé et ils furent dirigés sur Arras où se livraient alors ces terribles batailles contre notre aile gauche. C’est près de là, à Hénin s/Cojeul qu’il trouva la mort le 4 octobre, 4 jours après son arrivée. Il avait pris le commandement du bataillon.
Les enfants liront et conserveront les lettres relatant sa mort.
Je ne sais rien de plus à ce jour et je n’appris la fatale nouvelle que trois semaines plus tard par le plus grand des hasards : un médecin de son bon évacué à Paris.
Conversation avec le Lt Galais – 24 février 1915
Je tiens à relater la conversation que j’ai eue hier avec le Lt Galais au sujet de mon mari bien-aimé afin que ses enfants soient au courant du peu que je sache.
Le Lt Galais m’a dit quelle impression d’énergie et de force lui avait faite mon mari.
Pendant les 3 jours effroyables qu’ils ont passés ensemble Willie lui a beaucoup parlé de moi et de ses enfants. J’ose le répéter puisque cela est vrai, il n’a cessé de dire combien il admirait mon courage, à moi qui l’ai laissé libre de partir et qui ai fait ainsi le plus grand sacrifice que Dieu puisse demander. Je n’ai fait que mon devoir car Willie retenu eût été trop malheureux et c’était briser sa vie que de le retenir.
Je suis heureuse de penser qu’il a été fier de moi et je bénis Dieu de me donner cette légère consolation.
Willie a rejoint le 54e bataillon en cours de route à Gray le 29 sept ; le 30 au soir il était à Arras et dès le 1er se battait à Hénin-sur-Cojeul où il trouve la mort. Pendant 3 jours et 3 nuits il n’a pas arrêté.
Le combat était horrible ; ce n’était que corps à corps ; nous étions 6 000 contre 20 000 Allemands. Willie a pris ce commandement du Bon le 3 au soir, le Ct Mazoyer étant malade ; il a senti quelle lourde responsabilité lui était attribuée et évidemment il a dû songer qu’il ne reviendrait pas. Lui qui était si vaillant, il s’en est trouvé un peu abattu. Le colonel F. du regt d’Infanterie était venu voir comment se passait le combat et a trouvé la mort en même temps que Willie. Parlant avec lui et devant le Lt Galais il avait dit qu’il le proposerait pour la Croix. Willie a vu qu’il fallait ordonner la retraite du Bon devant des forces qui les encerclaient. À ce moment et pourquoi ? il a voulu traverser une route forcément repérée par les mitrailleuses ennemies car elle rayonnait sous l’éclat de la lune. Il fut atteint de projectiles mortels ; on alla chercher le Lt Galais qui était à l’aile opposée. Le temps qu’il arrive, mon mari était déjà dans le coma ou à peu près ; il ne put que lui dire « Mon pauvre Galais, je suis fichu ». Celui-ci examina la blessure qu’il jugea mortelle car les entrailles sortaient, lui fit un pansement sommaire et alla chercher six Chasseurs pour l’emporter. Mais au bout de quelques mètres, les Allemands les poursuivant, ils durent l’abandonner.
Le lieutenant Galais a beaucoup regretté de ne rien avoir pris de ce qui était à lui d’autant plus que Willie lui avait montré son portefeuille contenant 2 000 frs et des souvenirs, lui disant de ne pas les laisser aux Allemands. Il a eu un moment d’oubli et a cru que lui-même ne sortirait pas vivant de cette fournaise. J’aurais tant voulu avoir ses bagues et c’est pour moi un immense regret.
Willie ne se rendait pas compte du tout de ce qu’était cette horrible guerre. Il la voyait telle qu’elle était décrite dans les livres et c’est avec une foi profonde dans le retour qu’il est parti. Mais je ne dois pas regretter qu’il soit parti avec un Bon Actif. Le Lt Galais me disait qu’avec des Territoriaux il eût été trop malheureux ; beaucoup ont donné des désillusions et il n’y eût pas résisté.
Sur les 6 Chasseurs qui ont essayé d’emporter Willie, 5 sont déjà morts ; le 6e gravement blessé ne pourra retourner au front.
Le Lt Galais croit que les Allemands auront enterré mon mari sur place.
Voici, je crois, tout ce qu’a pu me raconter le Lt Galais. Il a surtout insisté sur le fait que Willie était si heureux d’être parti et qu’il m’en était si reconnaissant.
Je ne dois pas regretter mon sacrifice puisque je lui ai procuré une dernière joie.
Citations du 54e BATAILLON – 25 août 1916
Citation à l’Ordre de la 10e Armée – Ordre N° 1 - du 23 octobre 1914
Chargé au début d’octobre 1914 de couvrir des débarquements de troupes, le 54e bataillon de chasseurs, sous les ordres du capitaine William FourniÉ a résisté, sans appui d’artillerie, pendant quatre jours, à des forces six fois supérieures, et pourvues de nombreux canons. N’a évacué que sur ordre le village confié à sa garde, après avoir ainsi permis par son héroïque résistance, la réalisation des projets du commandement.
(Georges Westercamp (1871-1933), beau-frère de Ginette)
Ci-dessous suite et fin de cette lettre :
Veuillez agréer Madame je vous prie, l’hommage de mes sentiments les plus respectueux.
Signature illisible
Fin
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