14-18Hebdo

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Souvenirs de guerre 1914-1919 (Paul Boucher) - Ch 7-5 - La vie de secteur, les relèves, le repos.

Chapitre 7 – La vie de secteur, les relèves, le repos.

 

Document transmis par Renaud Seynave, son petit-fils - 09/06/2016

 

 

Paul Boucher 7-5 image 1 Exposition.jpg

Exposition à l’occasion du centenaire de la libération de Steinbach le 4 janvier 2015.

Détail du panneau sur Paul et François Boucher du 152e RI

 

J’habite au camp Brun, une baraque toute ouverte sur l’extérieure, ne tenant nullement à la chaleur. J’y ai pour compagnon le capitaine Martin, précédemment à la 11e Cie et commandant les mitrailleurs de la brigade.

 

La baraque sert de salle à manger et de lieu de réunion. Nos ordonnances ont découvert des provisions de bois dont nous brûlons au moins un demi-stère par jour. On distribue des skis et je vais plusieurs fois à Breitfirst voir nos sections, à Oberlauchen avec Villard. Le 19 novembre, nous touchons un nouveau chef de bataillon, le capitaine Mas, venu du 27e Chasseurs, c’est mon 14e chef de bataillon depuis le début : incapable, brave, gros homme barbu auquel je ne songe pas sans reconnaissance au sort qui m’a protégé le même jour où lui a écopé. Mais n’anticipons pas !

 

Paul Boucher 7-5 Image2 JMO 15 novembre.jpgJournal de marche du 152e RI du 11 au 20 novembre 1915

 

Le temps passe vite et peu militairement. On joue aux cartes, on écrit du courrier. Ma Cie revient de Breitfirst et voici que nous apprenons que le lieutenant-colonel Segonne quitte le régiment le 4 décembre. Il a l’air très satisfait. Nous saurons plus tard pourquoi.

 

Je retrouve comme commandant, Brissaud des chasseurs. Il fut relativement bienveillant à mon égard, notamment pour ma décoration.

 

Enfin, voici qu’on parle de relève, nos hommes ont souffert du froid, ils sont contents d’aller un peu dans la douce vallée de la Thur.

 

Le 8 décembre, nous descendons à Saint Amarin où nous sommes mal installés. L’unité qui doit nous céder son logement n’étant pas partie à cause de l’état-major de division. Cet état-major faisait le mondain dans la vallée… On grognait fort contre lui et notamment le brave commandant Guey du 1er bataillon.

 

 

« La gazette du centenaire n° 23»

 

Editée en novembre 2015 par la cellule communication du 152e RI à Colmar et transmise par le lieutenant-colonel Bodénès de la direction des Ressources Humaines de l’armée de terre.

 

Novembre 1915, troisième mois sur l’Hilsenfirst :

 

Le mois de novembre est marqué par le très mauvais temps, tempêtes de neige et vent. Ainsi le 13 novembre il est noté dans le journal de marche et d’opérations : « Violente tempête de neige et de pluie qui déracine les arbres, abime les toitures. » Les échanges de tir d’artillerie et les survols des avions de reconnaissance ne se font que lorsque la visibilité est bonne. Les deux camps en profitent pour essayer de réaliser des travaux en dehors des tranchées. Les bataillons et les compagnies se relèvent mutuellement entre la première ligne et les camps en deuxième ligne. Sans se plaindre, courageusement dans le froid, l’inconfort et le danger des premières lignes, le poilu du 15-2, résigné, attend avec patience le moment de la relève ou de l’action.

 

Le casque Adrian :

 

Au début du premier conflit mondial, le soldat français ne dispose pas de casque pour protéger sa tête des éclats et de la mitraille du champ de bataille. Avant l’adoption d’une protection, 77% des blessures des poilus étaient à la tête, elles seront de 22% en 1916 après la généralisation du port du casque.

 

Paul Boucher 7-5 Image3 Blesses de la tete.jpgLE POURCENTAGE DES BLESSES A LA TETE EN 1914, 1915, 1917

Au début de la campagne, ce pourcentage était énorme ; fortement réduit en 1915, lors de l’adoption dans l’infanterie de la calotte d’acier protectrice, il a été diminué des deux tiers depuis que tous nos poilus portent le casque Adrian.

 

Dès l’automne 1914, le sous-intendant militaire Louis Adrian, inventeur entre autres de cabanes démontables (énorme succès) et de protections d’épaule, de poitrine et d’abdomen (aucun succès, car ils gênaient les mouvements), commence l’étude d’un casque destiné en particulier à protéger les soldats des éclats des obus qui explosaient au-dessus des tranchées. Dès février 1915 est adoptée et distribuée une cervelière (calotte d'acier portée sous la casquette ou le képi) fort inconfortable et souvent utilisée comme ustensile de cuisine ou récipient à munitions. Elle fût quand même distribuée à 700 000 exemplaires.

 

En avril 1915, Louis Adrian présente son casque au général Joffre, commandant en chef des armées, qui l’accepte. Il est adopté officiellement le 21 mai suivant. Sa particularité : un acier résistant et léger. C'est une tôle d'acier au manganèse, d'une épaisseur de sept millimètres, d'un poids de 670 à 750 grammes. La présence d'un cimier est une réminiscence des casques de cavalerie ; il est destiné à amortir les chocs venant par le dessus (le cimier s'écrase, puis le choc est transmis à la bombe du casque). Comme la plupart des casques de cette époque, il n'était pas question d'essayer d'arrêter directement une balle de fusil ou de mitrailleuse.

 

Paul Boucher 7-5 Image4 Casque Adrian.jpgCasque Adrian infanterie modèle 1915

 

Le casque Adrian, qui porte le nom de son concepteur, est plus léger que les casques allemands (Stahlhelm) qui apparurent en février 1916 et britanniques (Brodie) qui apparurent fin 1915. De couleur bleu horizon, il était, contrairement à ces derniers, constitué de 5 pièces, la bombe, la visière et la nuquière, le cimier et la coiffe en cuir. À l'avant du casque était agrafé par des pattes métalliques l'attribut caractéristique de l'arme (infanterie, artillerie, chasseurs à pied), service de santé, la plus répandue étant celle de l'infanterie, une grenade surmontée d'une flamme, estampillée des initiales « RF » pour République française. La coiffe, noire ou marron, initialement taillée dans un seul morceau de cuir et comportant sept « dents de loup » trouées et rivetées pour permettre le passage d'une cordelette, fut constituée ultérieurement de sept morceaux de cuir cousus (six dents de loup et une couronne au dos de laquelle est cousue une bande de tissu, généralement fabriquée avec des bouts d'uniformes usagés). En hiver, certains soldats rajoutaient un rembourrage supplémentaire de tissu ou de papier journal entre la coque et la coiffe. Les premiers casques furent peints en bleu brillant. Il apparut rapidement que les reflets du soleil en faisaient d'excellentes cibles. Les soldats les passèrent donc à la boue, puis une peinture mate fut distribuée aux unités, ainsi que des couvre-casques de tissu, avant qu'ils ne soient peints en bleu mat en unité, puis directement en usine. Les casques des troupes d'Afrique furent repeints en couleur moutarde, puis directement peints de cette couleur en usine.

 

Paul Boucher 7-5 Image5 Casque Adrian Dessins.jpgLe casque Adrian. Dessin de Paul Janin

 

Les casques Adrian commencent à être distribués à l’été 1915, « Notre casque a reçu le baptême du feu. Il est prouvé qu'il préserve dans une proportion très considérable les troupiers qui en sont pourvus », écrit Louis Adrian en août 1915. On peut voir sur la photo de la remise de la Croix de guerre au drapeau du 15-2, le 6 septembre 1915, que la garde au drapeau du régiment en est équipée. Le lancement de la production à grande échelle est laborieux bien que 15 entreprises en soient immédiatement et simultanément chargées. 3 millions de casques sont produits fin 1915. Devant la pénurie initiale de casques, des entreprises privées vendaient « dans le civil » ces mêmes casques, mais souvent de qualité́ moindre, voire nulle. Par exemple, des casques en acier trempé furent commercialisés par la société Franck et Siraudin au prix de 20 à 25 francs (soit 47 à 59 €). Le commandement interdit rapidement le port des casques non réglementaires sur le champ de bataille car ils étaient inefficaces en cas d'impact.

 

Au moment de l'Armistice, il y avait plus de 20 millions de casques Adrian. Ils survécurent à la Grande Guerre et furent légèrement améliorés en 1926. Fabriqués en acier plus résistant, d'une seule pièce plus la crête, il en fut produit 3 millions d'exemplaires. À partir de 1935, le kaki remplaça le bleu horizon dans l'armée française et la couleur du casque fut modifiée en teintes allant du kaki jaune au kaki vert ou au marron. Dans l'armée française, le casque Adrian (essentiellement dans sa version 1926) a été l'équipement standard jusqu'après la Seconde Guerre mondiale, et fut utilisé par les forces de police jusque dans les années 1970. Chez les pompiers, où il était chromé, il a été utilisé jusqu'au milieu des années 1980 puis remplacé par le casque F1, spécialement conçu pour leurs missions. Le casque « Adrian » est devenu le « casque de tradition » de nombreux corps de sapeurs-pompiers.

 

L’intendant général Louis-Auguste ADRIAN

 

Paul Boucher 7-5 Image6 Louis-Auguste Adrian.jpgLouis Auguste Adrian 1859-1933

 

Auguste-Louis Adrian est né en 1859 à Metz. Sa famille, « pour rester française », quitte la ville après le traité de Francfort (1871). Une famille, déracinée, ballottée entre Saint-Omer, Bourges et Tours. En 1878, il réussit le Concours général et est admis à Polytechnique. Il choisit de servir dans l'armée, d’abord dans le génie et participe à la campagne de Madagascar en 1895. Il entre dans l’intendance en 1898 et enseigne entre 1901 et 1904 au stage des officiers de l’intendance à Vincennes. Promu sous-intendant de 1re classe (colonel) en 1908, il est alors sous-directeur de l’intendance au ministère de la Guerre. En 1913, il quitte l’armée et entre dans une société privée franco-vénézuélienne, pour laquelle il invente un système de construction de baraques démontables. En août 1914, il est rappelé en qualité de colonel de réserve comme adjoint au directeur de l’intendance. En novembre 1914, il propose sa baraque démontable expérimentée au Venezuela pour remédier à la pénurie des toiles de tentes. En 1915, Adrian présente ses projets de casque et d’épaulières, qui sont immédiatement adoptés. Réintégré dans le cadre actif en mai 1916, il est détaché en décembre de la même année au service des essais, études et expériences techniques du sous-secrétariat d’Etat des Inventions, dépendant du ministère de l’Armement. Il y travaille sur de nouveaux projets. Intendant militaire en juin 1917, il devient inspecteur général des cantonnements et du logement des populations réfugiées ou rapatriées en janvier 1918. Il accède au cadre de réserve en 1922. Il décède au Val-de-Grâce le 8 août 1933.

Fin de la cinquième partie du chapitre VII



10/06/2016
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