Souvenirs de guerre 1914-1919 (Paul Boucher) - Ch 6-4 - Hartmann- Metzeral
Chapitre 6 – Hartmann- Metzeral
Document transmis par Renaud Seynave, son petit-fils - 14/04/2016
Une partie de la 4e section de la 1re Cie commandée par le lieutenant de réserve Paul Boucher en septembre 1914 à Soultzeren. (Paul Boucher est le 3e en partant de la gauche, rangée du bas)
Mars 1915
Aucun ordre nouveau, nous creusons une petite heure. Des outils et des grenades nous sont apportés, la caisse de grenades nous sert de siège, table et oreiller. Le Perrien est exténué. Je le fais dormir. La neige tombe. Nous apercevons sous les arbres quelques boches avec lorgnettes qui nous repèrent. Gare au canon !
Nos braves cuistots nous rejoignent, bien accueillis. Nous inventorions nos pertes. Nous nous sommes fixés du travail à accomplir.
Le 27 au matin, un grand cortège arrive, c’est le général Serret qui en l’honneur du 152 a un képi, suivi de Jacquemot. Croyez-vous que ce soit pour regarder la position ou donner son avis ? Non c’est la visite nécessaire que faisait Serret de bon cœur. Il me serre la main et me dit : « Avez-vous quelqu’un méritant la médaille militaire ? ».
Les artilleurs voulaient qu’on décore le porteur de panneaux, Oscar Noël. Jacquemot me tire par la manche et me dit : « dites un nom ou cette médaille va aux chasseurs ».
Je pense alors à mon brave grenadier Auberger que je fais appeler.
Le général ordonne aux hommes les plus rapprochés : « Feu de salve pour ouvrir le ban ». Feu.
J’avoue que les hommes un peu étonnés tirèrent fort mal. Puis il remet la médaille à Auberger naturellement bègue et plus encore par l’émotion, tandis que le général faisait voler à terre la boite ayant renfermé la médaille.
« Désires-tu quelque chose ? » dit le général.
« Oui, la boite s’il vous plait » répondit Auberger et chacun de rire aux éclats.
J’étais si content et oubliant mon peu de repos avec Jacquemot, je lui remis une très belle boussole-thermomètre-baromètre trouvée sur un officier boche. Je regrettai toujours par la suite ce cadeau.
Le 28, un dimanche, la 2e Cie est relevée et je vais sur la crête même avec la 1re en demi-repos. Nous essayons de nous faire des abris précaires. Je loge avec le commandant Sermet qui est en froid avec moi. Il me demande une proposition de citation que je donne. Il faut faire des états réguliers et le sergent major se sert d’une baïonnette comme règle.
Je veux lui proposer des mitrailleurs de la section qui ont travaillé avec moi mais il déclare que je n’ai jamais eu de mitrailleurs à ma disposition et n’en demande pas. La 1re Cie a eu dans cette affaire 10 tués, 39 blessés, 19 citations et une médaille militaire.
Après quelques jours, le service de relève s’organise et je relève la 2e Cie puis la 6e et nous partons le 6 avril au repos dans le village au hameau évacué de Neuhausen-Altenbach où nous recevons deux capitaines de cavalerie au bataillon pour commander la 2e et la 4e.
Nous passons le jour de Pâques. La messe est dite par Cloué.
Un renfort de la classe 1915 nous arrive et je reçus une visite de Papa avec un fort ravitaillement, les deux toujours bienvenus.
Nous remontons en ligne et ma chance continue. Les Cies que je remplace ont été bombardées et notamment la 2e, ancienne Cie pleine de cadavres lorsque mon renfort de la classe 1915 prêt pour le service demandait si c’était chaque jour ainsi. Je m’efforce de les rassurer tandis que les brancardiers de la 2e enlevaient les morts dont un décapité, le brancardier mit la tête dans sa musette, au grand effroi de la classe 1915.
Notre repos à Altenbach où nous nous installons bien, et où nous aurions pu nous reposer si l’on n’avait pas eu l’idée de nous faire travailler sur les hauteurs près du ballon de Guebwiller (côte 208) à faire des tranchées de deux lignes. J’écris des citations. Valence, mon caporal infirmier, reçoit la médaille militaire. Heureusement, le colonel ignorait sa qualité de séminariste, sinon il l’aurait sûrement annulée. Je reçus une citation à l’ordre de la brigade, je suis d’autant plus mécontent que le motif est inscrit et ne mentionne que la lutte du 24 contre diverses contre-attaques sans parler des prisonniers et surtout de l’attaque du 26 où l’Hartmannswillerkopf a été enlevé de haute main. Toute la presse et tous les communiqués étaient remplis de cet événement.
Pendant ce temps où j’avais vaincu honorablement, commandé ma Cie et en plus j’étais au front depuis le début, avec toutes les fatigues. Pour me remercier, on affecte à la Cie un nouveau chef d’active embusqué au bureau, le lieutenant Journet. Celui-ci, sans même m’aviser, fait commander des lapins vivants que je vis arriver au ravitaillement et qui m’apprirent mon limogeage qui n’eut pas lieu car le dit intriguant qui n’avait pas ma veine, avait en attendant pris du service à la 2e Cie et fut pris avec mon capitaine sous un gourbi écrasé par un obus. Le capitaine en mourut et lui fut évacué. Mais je retins en la circonstance l’amabilité de mes chefs commandants et colonels. Cela ne devait pas porter chance au commandant Sermet.
Le 19 avril, nous recevons une pluie d’obus suivie d’un essai d’attaque.
Le 20 avril, je viens relever la 2e Cie dans la tranchée du centre, celle conquise par ma Cie le 26 mars. On sent une certaine effervescence, les boches travaillent. Je n’ai qu’un tort, ne pas rendre compte par écrit. Le commandement a décidé que l’Hartmannswillerkopf est désormais calme. Il s’excite plus au nord du côté de Metzeral, exactement au Schnepfenried où l’on amène les fameux 220 et tous les renforts. On apprend que le boche le sait.
Le 21, nous trouvons à quelques mètres en avant de la corniche de gauche, des pelles pioches, grenades à manches apportées tout près et qui révèlent une mauvaise intention de l’ennemi. Le commandant Sermet me prie de creuser un petit boyau, travail que j’exécute dans la nuit du 21 au 22 avril.
Le 22 à 5 heures du matin, alors que je dormais dans mon abri, le pied dépassant dans la tranchée, le commandant Sermet arrive, frappe mes souliers avec sa canne et me dit : « je viens voir votre poste en construction ».
Le temps de me sortir de mon terrier, le commandant a fait 50 mètres séparant mon abri du petit boyau en construction à faire en pleine roche. Lorsque j’arrive sur place, je vois les occupants de ce coin tous bouleversés. Le commandant est étendu à terre sans connaissance. Son corps ayant quelques soubresauts, mon infirmier Valence est justement à Saint Amarin où le général Joffre est de passage et doit lui remettre sa médaille militaire. Mais tous les soins sont inutiles, le commandant a reçu une balle qui a coupé l’artère radiale et probablement atteint le cœur.
Par un billet car le téléphone n’existe pas, je préviens son poste, adjudant et médecin auxiliaire Jobard et je rends compte au colonel.
Le capitaine Bejanne prend le commandement du bataillon. Le médecin auxiliaire vient sur place constater le décès.
Le lendemain 23, je suis relevé par la 5e Cie, celle que je devais commander par la suite, et commandée par un capitaine d’active Gérault de Langalerie. Je vais sous la neige en réserve dans un camp construit par les alpins et nommé camp Renié.
Depuis le 26 mars, on avait rectifié la ligne de l’Hartmannswillerkopf et le 7 avril, toute la Cie descend tout près de la cote 742 qui avait été prise par le 27e alpin.
J’ai signalé que les boches auteurs de la mort du commandant Sermet, indiquaient leur proximité. Leur colonel était-il conscient du danger. Toujours est-il que précisément, dans la nuit du 24 au 25 avril, on nous retire le 27e chasseur, on étire le 152 et place aux deux ailes deux Cies du 57e territorial venues pour la première fois au feu. Deux Cies du 152, la 1re et la 3ème sont en réserve à proximité des territoriaux, moi au camp Renié, la 3e à Bonnegoutte. Les 2e et 4e sont en réserve au camp Depierre sur la pente du Molkenrain à dix minutes du poste du colonel au Silberloch où tombent tous les coups longs. Dispersion très bonne si le front avait été calme.
D’abord très mal logé au camp Renié, je dîne le 24 au soir avec les officiers de la 10e Cie qui sont relevés dans la nuit et qui le lendemain seront prisonniers ou tués.
Je m’installe le lendemain 25 dans un gourbi du camp Renié, très confortable et qui a servi depuis à toutes les grosses légumes, colonel etc. Le PC y fut transporté.
La journée du 25 est agitée. Les boches bombardent les lignes, celles des territoriaux du Silberloch et quelques éclaboussures font leur premier tué. Leur capitaine me demande de mettre quelques-uns de mes hommes avec la 6e pour les rassurer, ce que je fais.
Mon sergent Vandorme me signale qu’il entend à sa gauche une forte fusillade, des cris suivis d’un grand silence de mauvais augure, surtout que le bombardement se tait.
Nous apprenons bientôt que les boches ont repris pied sur l’Hartmann et qu’il y a du mauvais. On parle de nombreux prisonniers. A tout hasard, je fais alerter la Cie et je reçois l’ordre de remonter au Silberloch avec trois sections en laissant les braves territoriaux. La 3e est rappelée. Nous nous installons au camp Depierre après avoir fait sans bobo un trajet sous les shrapnels. Les 2e et 4e Cies qui étaient à Depierre se portent vers le sommet tandis que Jenoudet et moi sommes appelés au PC du colonel à Silberloch.
C’est la première fois depuis le commencement de la guerre que je pénètre dans un poste de commandement et j’y entrais dans des circonstances particulièrement tragiques.
Le poste est assez long et étroit. Autour d’une table se trouvent le colonel Goybet, Jacquemot, Scheurer, l’adjoint de Jacquemot, échappé on ne sait comment des artilleurs. Tout le monde est atterré et attend les comptes rendus qui ne viennent pas et pour cause. La ligne a été enfoncée à la 10e Cie qui avait occupé dans la nuit ses emplacements et avait été empêchée par le bombardement de les reconnaitre. Le boche devait être prévenu ou, si c’était le résultat du hasard, il ne pouvait pas mieux tomber comme jour d’attaque ce jour là.
« La gazette du centenaire n° 16 »
Editée en avril 2015 par la cellule communication du 152e RI à Colmar et transmise par le lieutenant-colonel Bodénès de la direction des Ressources Humaines de l’armée de terre.
Du 1er au 24 Avril 1915,
Depuis le 28 mars, les trois bataillons du régiment alternent phases de repos à Altenbach et position en première ligne au Hartmannswillerkopf. Altenbach est un petit village d’environ 80 habitants, situé au pied du ballon de Guebwiller et complètement évacué en raison de sa proximité du champ de bataille. Un bataillon est au repos dans des maisons de cultivateurs, couché dans le foin des granges, deux autres sont en première ligne. Le temps est très froid et la neige continue de tomber.
Le Hartmannswillerkopf
Quotidiennement les premières lignes sont violemment « marmitées » par l’artillerie allemande de tout calibre, 74, 77, 105, 150 qui entraîne des pertes, tués et blessés. Des renforts arrivent pour combler les pertes, ainsi le 3 avril 10 officiers et 360 hommes.
Pour consolider leur emprise sur l’Hartmannswillerkopf, les Français doivent procéder à une rectification de la première ligne et la porter jusqu’au Rehfelsen, au sud des rochers qui suivent la ligne de crête de la cuisse droite. Cette occupation de tout le massif, donnera aux Français la maîtrise de l’artillerie sur la plaine d’Alsace et garantira la pérennité de la conquête du sommet. Le 4 avril une attaque est prévue, menée par le 27e BCA et le 53e BCA appuyés par le 15-2. Mais la neige tombant abondamment, elle est reportée au 6 avril. Le 27e BCA prend les rochers du Wickle et Obere Rehfelsen qui se trouvent au sud-est du sommet sur la cuisse droite. Les Allemands répliquent par de violents tirs d’artillerie, 700 coups à l’heure, qui causent des pertes sensibles dans les rangs du 15.2 : 12 tués et 61 blessés. Le 12 avril les 7e et 53e BCA tentent de s’emparer du Rehfelsen sans succès. Le 14 avril le 53e récidive, toujours sans succès car l’artillerie ne peut agir efficacement contre ce nid d’aigle percé d’abris et de galeries « comme un Gibraltar ».
Positions du 6 au 25 avril 1915
A compter du 16 avril, la 1re brigade de chasseurs quitte le secteur et le 22 avril, deux bataillons du 15.2 montent en première ligne, le 1er en réserve, dans un secteur qui s’est considérablement étiré. Les hommes sont presque à 10 mètres les uns des autres dans les tranchées. Le colonel GOYBET, commandant la 81e brigade et ancien chef de corps du 15-2, dirige la manœuvre. De part et d’autre du 15-2, les territoriaux du 57e régiment d’infanterie territoriale (Auxonne) sont en première ligne.
Les Allemands ont eux aussi bien compris l’importance tactique de tenir le sommet. La division Fuchs est relevée mi-avril par la 12e division de Landwehr renforcée par deux bataillons de tirailleurs et de chasseurs de la garde. Le 19 avril de 11 heures à 20 heures, les Allemands exécutent un bombardement extrêmement violent dont la cadence de tir atteint par moment 3 000 coups à l’heure. De 16 heures 30 à 20 heures, ils lancent plusieurs attaques qui sont repoussées par les feux d’infanterie du 15-2, des 7e et 27e BCA au prix de 60 morts. Emile Beuraud décrit cette attaque : « Vers 4h1/2 après une rafale des 77, le canon cesse, alors on entend quelques balles siffler. Ça y est, l'attaque commence, seulement le bombardement n'a causé que des dégâts matériels, il n'y a que quelques blessés, et l'ennemi qui croyait prendre notre tranchée l'arme à la bretelle, après une lutte d'une heure, se voit obligé de se replier en laissant un grand nombre de cadavres et de blessés. » L’ennemi tire de l’échec de ses attaques les mêmes enseignements que les Français : tirs d’artillerie inefficaces, bases de départ trop éloignées et visibles, réseaux de fils de fer non entamés, mauvaises liaisons infanterie-artillerie et efficacité des contre-préparations d’artillerie sur les tranchées repérées.
Ce même jour, le régiment apprend par l’ordre général N°26 qu’il est cité à l’ordre de l’armée pour la troisième fois : « Le 152e régiment d’infanterie, commandé par le Lcl Jacquemot a, avec les 7e, 13e , 27e et 53e bataillons de chasseurs, rivalisé d’énergie et de courage, sous la direction du Lcl Tabouis, commandant la 1re brigade de chasseurs, pour se rendre maître, après plusieurs semaines de lutte pied à pied et une série d’assauts à la baïonnette, de tous les retranchements accumulés par l’ennemi sur la position de l’Hartmannswillerkopf ». Signé PUTZ.
Le 22 avril, le commandant Sermet, commandant le 1er bataillon, est tué dans les tranchées par une balle alors qu’il donnait des ordres sur les travaux de défense à effectuer. A compter de ce jour, le lieu où il a été tué porte son nom dans le JMO et sur les cartes : « la roche Sermet ».
Jusqu’au 25 avril, le temps est mauvais et les Allemands qui ont minutieusement préparé une nouvelle attaque patientent et attendent une éclaircie qui arrive dans la nuit du 24 au 25 avril.
25 avril attaque allemande du HWK
25 avril, prise du sommet du HWK par les Allemands.
La nuit du 24 au 25 avril a été calme, le temps devient beau. Le matin on voit les rayons du soleil pénétrer dans les sapins. Dès 8h00, l’artillerie allemande commence à tirer sur le sommet, mais cela n’inquiète pas les Diables Rouges des 2e et 3e bataillons qui sont habitués à ce marmitage quotidien. Pourtant, à 15h00, et pendant deux longues heures, c'est comme un coup de tonnerre, tout craque à la fois. Jamais, pas même au Spitzemberg, nos soldats n'avaient subi un tel bombardement.
A 17h00, les colonnes d’assaut allemandes s’ébranlent sur l’aile droite du régiment. Le terrain est bouleversé et le tir de préparation allemand a causé des pertes importantes aux deux bataillons du 15-2, en particulier aux 9e et 10e compagnies sur lesquelles porte l’effort. Les Diables Rouges sortent des décombres et font face. Le Lcl Jacquemot a perdu la liaison filaire avec ses bataillons et ne communique plus que par agents de liaison. Il déclenche aussitôt des tirs de barrage, mais peu efficaces parce que les pièces les plus lourdes ne sont pas disponibles et qu’il a du mal à apprécier la situation. On apprend que la ligne est forcée sur l’aile droite entre les 9e et 10e compagnies. Les 5e et 6e compagnies sont prises à revers. Le reliquat des 9e et 12e compagnies est contraint de pivoter sur la droite pour faire face. Sur la gauche de la première ligne, le reliquat de la 8e compagnie fait de même.
A 17h45, les 1er et 2e bataillons du 75e régiment de Landwehr lancent l’assaut sur les 5e et 6e compagnies qui tentent de briser l’encerclement. A 20h00, l’étau s’est refermé. Sans munitions, épuisés, les Diables Rouges sont morts ou faits prisonniers. Le reste du régiment se réaligne sur la ligne de crête légèrement à l’ouest et sud du sommet avec le reliquat des 2e et 3e bataillons renforcé par le 1er bataillon monté en première ligne aux ordres du chef de corps. « Sauver l'Hartmannswillerkopf ! ». Tel est le mot d'ordre qui anime cette poignée d'hommes. La nuit tombe, le terrain est bouleversé, l’artillerie ennemie s'acharne sur nos positions, la situation semble désespérée, mais cela n'empêche pas les derniers soldats du 15-2 d'élever avec leurs poitrines une véritable digue contre laquelle la ruée allemande vient se briser. Tant d'obstination a forcé le sort. Au petit matin le régiment reste cramponné sur sa ligne de crête devant le sommet. 14 officiers et 811 hommes manquent à l’appel.
De sa capture, le soldat Emile Beuraud du 2e bataillon raconte : «Lorsque vers 18h nous entendons pousser des cris, nous nous retournons et apercevons une quantité d'Allemands qui nous arrivaient par derrière. Il était trop tard, aucun moyen de nous tirer d'affaire. Avant que nous ayons pu faire un mouvement, ils furent sur nous et nous firent prisonniers. [...] Nous sommes emmenés immédiatement en arrière. Nous sommes environ 600 prisonniers, et les 5 mitrailleuses. Nous arrivons à Guebwiller à minuit. On nous apporte du pain et du café et nous couchons sur la paille, dans une salle d'un assez grand hôtel où est installée une partie de l'état-major allemand. » Cependant quelques-uns sont parvenus à s'échapper. Le soldat Chassard, qui est venu jusqu'en première ligne à travers les bombardements pour porter à manger à ses camarades, surgit au milieu des Allemands. Il abat ceux qui l'approchent et se fraie un passage à travers les assaillants décontenancés. Le caporal Coulon rallie quelques hommes et fonce sur les Allemands qui lui crient de se rendre. Ces braves s'échappent en sautant de rocher en rocher, au milieu des balles qui ricochent, font les morts jusqu'à la nuit et regagnent nos lignes en rampant, à la lueur des fusées rouges que l'ennemi lance du haut de l'Hartmannswillerkopf pour faire allonger les tirs de son artillerie et qui éclairent sinistrement ce crépuscule de bataille.
Le 26 avril
26 avril, reprise du sommet du HWK par le 7e BCA.
A l’aube du 26 avril, le 7e BCA, appelé en toute hâte, arrive en renfort. Le colonel Goybet le met aux ordres du LCL Jacquemot et lui donne pour mission de reprendre le sommet avec les reliquats du 15-2. A cause de la faible disponibilité de l’artillerie, une préparation sommaire est déclenchée de 14h00 à 18h00. Elle provoque une violente réaction de l’artillerie ennemie sur nos positions. A 18h00, le 7e BCA, soutenu par le 15-2, dépasse le sommet et butte sur un important réseau de fils de fer intacts. Stoppé sur cette position, il s’organise pour tenir la ligne conquise. L’artillerie allemande pilonne dans la profondeur pour empêcher l’arrivée des renforts. C’est ainsi qu’à 19h30, un obus de gros calibre éclate sur le poste de commandement situé au col du Silberloch blessant le colonel Goybet et le lieutenant-colonel Jacquemot. Le lieutenant Munet de l’état-major de la brigade et le sous-lieutenant Scheurer, porte drapeau des Diables Rouges vont succomber plus tard à leurs graves blessures.
Le Sous-lieutenant Scheurer
Le sous-lieutenant Scheurer, une des plus nobles figures du 15-2, officier alsacien, originaire de Bitschwiller, était très aimé au 15-2. Il expire le 28 avril dans son village natal au milieu des siens ! Il y sera enterré le 1er mai 1915 en présence d’une délégation de deux officiers du régiment commandée par le commandant d’Auzers. La mort de cet enfant d'Alsace est un deuil pour tout le régiment. Une stèle à sa mémoire a été élevée après la guerre sur le côté sud du Monument National à proximité du col, et est toujours fleurie par les lieutenants du 15-2 lors des grandes cérémonies.
Stèle du sous-lieutenant Scheurer au HWK
Le 27 avril, le lieutenant-colonel de Poumayrac prend le commandement du 15-2, qui, malgré ses grandes pertes et ses blessés, tient toujours sur ses positions.
Le 28 avril, dans la nuit, le 3e bataillon (11e et 12e compagnies) est relevé par le 15e BCA et la 7e compagnie par le 7e BCA. Les 11e et 7e compagnies rassemblent les éléments des compagnies anéanties et vont s’installer au Molkenrain ; la 12e compagnie reste en soutien du 57e RIT. Dans la nuit du 28 au 29, les deux sections restantes de la 8e compagnie sont relevées par la 1re compagnie et rejoignent aussi le Molkenrain pour se fondre dans la 7e compagnie avec le reliquat des 5e et 6e compagnies qui est rattaché au 3e bataillon. Le régiment est réduit à deux bataillons, le 1er au complet, et le 3e à 3 compagnies. En face, le 75e régiment de Landwehr exsangue et fortement réduit est lui aussi relevé.
Le 29 avril, le chef de corps du 371e régiment d’infanterie (Belfort) et ses chefs de bataillon arrivent au poste de commandement du 15-2 pour préparer la relève.
Le 30 avril, les chefs de bataillons, les commandants d’unités et les chefs de section du 371e reconnaissent les positions de relève.
Depuis le 26 avril, les nuits sont relativement calmes, et seuls, pendant la journée, des tirs d’artillerie allemands tombent sur les positions françaises. Les adversaires organisent leurs nouvelles positions. Les Allemands vont transformer les leurs en une formidable forteresse. Au bilan, les Français n’ont plus de vues sur les flancs du HWK ni sur la plaine d’Alsace, les Allemands n’ont pas de vues sur nos lignes. La garde du sommet va être bientôt confiée à d'autres braves.
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