14-18Hebdo

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Souvenirs de guerre 1914-1919 (Paul Boucher) - Ch 15-2 –1918 L’armistice, le retour, la dislocation et la démobilisation – Deuxième partie - 30 mai au 30 juin 1918

Document transmis par Renaud Seynave, son petit-fils - 20/09/2018

 

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Emblème de la 164e Division, la division du dragon.

 

Le général qui cherche de tous les côtés des ordres manque de se faire prendre par les boches à Bézu-Saint-Germain. Je requiers une section de camions-autos et lui fait transporter mon ancien bataillon. Thiéry du 152e RI est dès le lendemain matin au contact avec les boches qui pour la première fois depuis leur attaque vont trouver de la résistance. Il y a une grande pagaille d’ordres et je vais appliquer une fois de plus le principe stupide de retirer aux troupes leurs chefs pour les prêter à droite, à gauche. Ce principe est malfaisant au possible car les troupes ne rendent pas la moitié. Lorsqu’on est prêté, on n’a pas de récompenses, ni citations et on n’hésite pas à éreinter les corps qui ne sont pas vôtres.

 

C’est ainsi que nous nous trouvons démunis de nos troupes et que le 31 mai dans la matinée, ayant terminé le débarquement, je pars à la recherche de la division.

 

Les routes sont plus qu’encombrées, ma voiture est mise en joue par des tirailleurs en retraite. Enfin, je rejoins Bussiares où j’ai cantonné avec le 68e en juin 1917. Nous recevons quelques obus qui blessent des officiers du génie à côté de nous.

 

Nous déjeunons et nous nous replions vers Château-Thierry, à la ferme de La Nouette dans un petit hameau au nord-ouest de Crogis-Aulnois.

 

Nous avons avec nous l’infanterie divisionnaire française et l’escadron divisionnaire. Bruits suspects, sifflets stridents, seraient-ce des fantassins ennemis ? Pour la nuit, nous couchons à la ferme de La Nouette, abondamment pillée et vide de ses habitants.

 

Le général a sous ses ordres des bataillons malgaches et coloniaux que personne ne trouve. Il a aussi sous ses ordres les postes de la Marne depuis Château-Thierry jusqu’à La Ferté-sur-Jouarre avec le génie d’arrière. Le PC est installé à la ferme Beaurepaire.

 

La situation reste confuse, nos régiments se battent avec la 43e division du général Michel.

 

Je vais vérifier les postes de Charly-sur-Marne et Saulchery et suis en liaison avec le général Michel. Pendant ce temps et sur demande de Foch, les divisions américaines de la marine et le 9e RI viennent en renfort. Un chef de bataillon américain se présente à nous à la ferme de Beaurepaire. Son bataillon occupe 4 km de longueur.

 

Les Allemands ont pris Château-Thierry, ils peuvent se faufiler le long de la Marne. Le général fait sauter le pont d’Azy. Le secteur se trouve modifié, il est repris par la 4e division de cavalerie du général Lavigne-Delville. La 2e division américaine du général Bundy entre en ligne.

 

Nous sommes le 4 juin et sommes attachés à cette unité américaine comme informateur. Ils se passent très bien de nous, nous sommes pour la journée à la mairie de Montreuil-aux-Lions tandis que les troupes montent en ligne.

 

J’accompagne le général à une visite au général Bundy, commandant la brigade qui allait s’illustrer au Bois Belleau, célèbre aujourd’hui dans l’Amérique entière. Le général Bundy porte un large ruban rouge.

 

« Légion d’Honneur ? » demande Gaucher.

« No, campagne contre les peaux-rouges ! Vous avez de belles troupes mais quelques mauvais sujets. J’en ai fait prendre quelques-uns aux ailes de la route car ils se sauvaient ! »

« Quel pouvoir » admire notre général

« Good bye Captain » me dit le général Bundy en le quittant.

 

Puis notre division passe la Marne pour se regrouper à Saâcy-sur-Marne où nous sommes fort bien, fraises, fleurs...

 

On doit réprimer les habitudes de pillage. Mon ordonnance a osé rentrer dans une maison vide, il récolte deux mois de prison.

 

Nous retrouvons avec plaisir nos régiments qui ont bien souffert depuis leur débarquement.

 

Les chasseurs ont eu des prisonniers, le 43 surtout. Le C.I.D (centre d’instruction divisionnaire) a été engagé aussi, Thiéry a fait des siennes au 152e RI. Il a organisé son bataillon en deux parties, la première est sous le commandement de l’adjudant-major Piard, la deuxième est sous son commandement, ce qui lui permit d’être à cheval. Il était 2km en arrière de son bataillon. Cet acte de demi-folie est un comble. Sur l’ordre du général, il fut emmené à 5h du matin dans une auto-sanitaire jusqu’au plus proche hôpital pour toqués. Il n’en est jamais sorti car cet homme était fou.

 

Pendant tout ce temps, le 41e bataillon de chasseur à pied était resté en Lorraine à cause de la grippe.

 

Le 12 juin, après quelques jours tranquilles à Saâcy-sur-Marne, nous partons à La Ferté-sur-Jouarre où la division travaille à organiser une position qu’elle occupe nuit et jour tant on est peu sûr du lendemain. Le moral étant si bas que fin mai tout semblait perdu. L’entrée en ligne des Américains avait produit un revirement total.

 

Chose à constater, le combat victorieux dans cette terrible guerre n’amenait que des gens dévastés en zone plus dévastée dans des villages vides d’habitants. La retraite au contraire porte la troupe dans les pays riches à souhait, sinon en habitant mais en boissons et vivres. Ce fut un pillage en règle et on se réjouissait presque d’une retraite, et en plus, on ne reculait plus, la vie devenait facile et bon marché.

 

Nous nous installons à la villa « La Gazèle » appartenant à un vieil antiquaire parisien. Nous avons le 7e américain pour travailler avec nous. Echange de déjeuner.

 

Le 21 juin, nous faisons des exercices avec des petits chars d’assaut Renault, c’est une nouveauté, char léger contenant une mitrailleuse ou un canon de 37.

 

J’ai quelques nouvelles familiales de fin mai. Albert Vautrin a disparu, Gilbert de Sahune (fils de Juliette Liouville) a été tué. J’apprends que le pauvre Claude Baratin, mon ami du 68e a été tué à l’arrière par un obus aérien. Il venait d’être affecté à l’Etat-major du groupe, donc mis à peu près à l’abri et presque le même jour, sa femme mettait au monde un fils.

  

Quelques cérémonies de remises de fourragères au 133. Dîner à l’armée avec le général Degoutte. Je vois et entends beaucoup de choses intéressantes. Le général américain Cameron nous invite à déjeuner, déjeuner étrange avec un cocktail à base d’oranges glacées dans un verre à dent servi au milieu du repas.



21/09/2018
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