Docelles – 1914-1918 – 3. Etat de guerre
Christian Tarantola - Novembre 2004
Un village de soldats
Docelles s'installe dans la guerre en un bouleversement total. Les hommes sont presque tous partis, dans le village des troupes venues d'un peu partout de France et plus tard de beaucoup plus loin vont s'installer, certaines par roulement, d'autres uniquement de passage.
Chaque grange, chaque grenier reçoit son lot de soldats, certains au parler chantant, venant du Sud, d'autres aux accents plus rocailleux. Les demeures et fermes sont répertoriées, Lana et Vraichamps accueillent de gros contingents. Des logements temporaires sont établis dans les bureaux chez Boucher. Les officiers et autres grades sont reçus chez les habitants, les billets de logement étant délivrés par les autorités communales. Mr Parisse, adjoint, remplace Mr Berlin parti lui aussi, Mr Defer, instituteur, est secrétaire de mairie.
Dans les écuries, les lourds chevaux d'artillerie remplacent les réquisitionnés, faisant parfois un bruit du diable. Les canons sont parqués place de l'Espine, cachés par des branchages, des chevaux accrochés aux bornes, ou encore à une corde le long de l'église.
Les « roulantes » font leur apparition un peu plus tard à l'Espine, au Pâquis, à la Rue chaude, devant l'Ouvroir (maison Thérèse Bégel), à Vraichamps…
Le nombre impressionnant de soldats à loger, le front est proche, conduit les autorités militaires à mettre en place des baraques ADRIAN, une à l'emplacement actuel de la M.J.C., la seconde, montée plus tard, actuelle rue d'Alsace.
Les cartes postales nous confirment cette présence : de Marie à son frère le 3 janvier « nous avons des soldats en cantonnement depuis le 10 août ».
Et « EUX », que pensaient-ils de ce cantonnement ?
Nous avons quelques témoignages issus de cartes postales et de livres :
De Séguier Albert, soldat au repos « je te dirai que nous sommes au repos c'est plus intéressant de penser à la perm qu'au pays où nous sommes ! »
Du 2 avril 1915 : « Depuis ce soir nous sommes à ce village ci-dessus (vue de Docelles), gentil petit patelin de 900 habitants, on couche dans des lits mais en payant »
De R. Fleuret, du 453e TMR à J.D., Docelles « J'ai été heureux de trouver chez vous un bon accueil.... »
Le 19/10/1915 « on est dans un triste pays ici, les boches ne nous laissent pas dormir… On n’est plus à la Rosière ici. » (Lieu-dit du village)
D'un inconnu à Thérèse (Docelles) : « Je vous dirai que ce n’est plus la vie à Docelles, on est toujours dans un bois ».
Le 2/10/1916 : « Nous sommes dans un mauvais pays. Où est donc Docelles où je me plaisais tant ? Les habitants d'ici méprisent les militaires. »
Situation générale
Zone Z
L'armée a pris possession de notre cité pour quatre longues années et la vie va se remettre en place à travers de nouvelles contraintes.
Docelles est classé en Zone Z, zone des armées. Tout déplacement est soumis à autorisation militaire. Les sauf-conduits sont nécessaires, plus difficiles à obtenir pour les étrangers. Des mesures d'assouplissement seront obtenues pour visiter les blessés. Les trajets seront alors très longs. Il faut noter que pénétrer dans cette zone est tout aussi aléatoire.
Les enfants
L'école
Elle ne commencera que le 10 octobre, avec des moyens très réduits. Si aucun problème ne se pose chez les filles, les demoiselles Marchal assurent les cours, il n’en est pas de même chez les garçons. Les maîtres sont à la guerre pour la plupart : Michel ROBERT, qui sera tué le 14 septembre 1914, Georges SIDRE qui subira le même sort le 18 juin 1915 à Metzeral, Mr Defer, dont le fils est au front, et qui en parle régulièrement aux élèves, est souvent appelé au secrétariat de mairie qui est au-dessus de l'école. En ces moments, les plus grands assurent la garde des plus petits (Jean Haumonté, Jean Tarantola, Fernand Grandjean). Si notre secrétaire monte avec ses lourdes galoches aux pieds, il n'oublie pas de les ôter quand il descend, dans l'espoir de prendre sur le fait quelque trublion et tombait la phrase fatale : « Je t'y prends mon garçon, midi à l'école ! », ce qui équivalait à la retenue…
Pour cette rentrée de 1914 le ton est donné par une directive de l'inspection du 29 septembre 1914 : « Je désire que le jour de la rentrée, dans chaque cité, dans chaque classe, la première parole du maître aux élèves hausse les cœurs vers la patrie et que sa première leçon honore la lutte sacrée où nos armées sont engagées ».
De quelques sujets
Donnés à des enfants ayant entre 9 et 13 ans, ils sont édifiants.
De Rédaction
- Comment comprenez vous le rôle des femmes pendant la guerre ?
- Vous avez fait un envoi aux soldats sur le front pour célébrer les fêtes de Noël.
- Qu'est ce qu'un traître ? un embusqué ?
De Morale
- Cette année il n'y aura pas de mauvais écolier.
- Les enfants doivent à leurs parents amour, obéissance, respect et reconnaissance.
D'Orthographe
- Une tombe de soldat
- Verdun
D'Economie domestique
- J'aiderai ma mère à faire le ménage, je balayerai, je laverai les parquets j'éplucherai les légumes.
- Une femme qui comprend bien ses devoirs est affectueuse et dévouée.
Les bons points
Les thèmes de ceux retrouvés sur Docelles, reçus par Mlle Gremillet et Mlle Tarantola alors âgées de 10 et 11 ans en 1916 et 1917, sont souvent patriotiques : le passage du gué par les Zouaves, la soupe dans les tranchées, une charge des Serbes dans la montagne…
Le travail des enfants
Dès le début du conflit, les enfants participent à toutes les petites tâches de la vie. Ils sont l'appui de la maman et pour le soldat du front le repère, la référence qui ne peut ni tricher ni mentir. Ils aident dans les champs et jardins, participent aussi à la quête de nourriture.
Les distractions enfantines.
Bien entendu, ces années marquées par la tristesse, le deuil, l'attente, ménagent aussi pour nos mioches des périodes de liberté. Dès les premiers jours de guerre, attirés par les mouvements de soldats, ils se précipitent à la côte des Forges quand ils entendent le bruit de la clique, s'asseyent sur les bordures de ponts pour les regarder passer. Pour les plus grands (Louis Chaircuite par exemple ou encore Fernand) la fierté est de porter un fusil. Venant de Bruyères, ils s'arrêtent souvent prés de la Fontaine, devant chez la Rose. A cette époque, il y a des jardins entre la route et la palissade.
La route de Gérardmer est observée, elle aussi, dans l'attente des Chasseurs et de leur fameux béret, les chefs voyageant dans des fourgons.
Allant à l'école, les enfants flânent, émerveillés par « les lourds canons, si bien arrangés ».
La gare est aussi un lieu de rendez vous intéressant. En attendant que la seconde machine soit accrochée, les gosses vont chercher du vin dans les différents débits de boisons.
Il y a toujours une petite récompense, que ce soit en bonbons, en rations en ravitaillement, en boîte de singe. Si la disette n'a pas régné, il y eut tout de même des moments d'approvisionnement peu aisés, beurre et viande manquèrent. Les cuisines roulantes étaient très courtisées, bien qu'il faille attendre que les poilus soient servis. Fernand quant à lui, allait souvent à l'abattoir de Pouxeux pour ramener dans sa petite charrette à 4 roues de la tête de bœuf, ou des déchets de viande, des bas morceaux.
Quant aux jeux, ils sont la plupart du temps guerriers, même s'il y a peu de jouets.
Les Femmes
Contexte économique
Elles restent seules, chargées de toutes les tâches, s'efforçant de faire face avec le maigre pécule octroyé par l'Etat. La loi du 5 août 1914 attribue une allocation de 1,25 francs par jour, avec une majoration de 0,50 francs par enfant de moins de 16 ans. Le pain coûte 40 centimes le kilo, la viande 3,8 francs le kilo, les 100 kilos de pommes de terre 13 francs. Notons qu'en 1918, ces prix seront respectivement de 47 centimes, 7,8 francs et 50 francs. Les cartes de rationnement apparaissent dès le 10 mars 1917, octroyant 750 grammes de sucre par personne et par mois.
De nouvelles recettes se font jour : Gâteau de marrons aux topinambours (et il est spécifié sans beurre, sans lait, sans farine, sans sucre).
L'heure est à l'économie, comme le montrent les nombreuses affiches de l'époque. Tout pour le front.
L'agriculture
Les travaux de la ferme sont aidés par des enfants, les hommes non mobilisés et plus tard les soldats que l'armée met à disposition. Les paysans souffrent aussi des réquisitions. Dès le 6 août 1914, un télégramme émanant d'Epinal enjoint aux maires des communes, dont Docelles, de suspendre l'arrachage et la fourniture des pommes de terre. Les affiches émanant de la Préfecture codifient les réquisitions des chevaux.
Divers
Les gamines prêtent la main dans les épiceries qui ont éclos, spontanément. Plusieurs femmes ouvrent boutique pour y vendre du vin, trouvant ainsi un petit complément de ressources… (rue du Montcey principalement).
De quelques drames
Durant ces quatre années de misère et d'abandon il y eut des drames, laissons les pauvres protagonistes dormir en paix.
Pour la petite histoire, une vieille dame refusa jusqu'à la fin de sa vie de se confesser, ne pouvant pardonner la trahison de sa belle-fille.
Papeterie Boucher
Quand les premiers vieux mobilisé revinrent, la papeterie Boucher put se remettre en route. La chaudière manquant de charbon fut alimentée par le bois que les ouvrières cherchaient en forêt. Les cahiers sont piqués à la machine, abîmant les mains. Le pays, d'une manière générale, souffre d'une grave crise papetière. Dès 1916, apparaît un papier de très mauvaise qualité, dit papier GC (grande consommation). Pour sa part ma Tante Marie Thiriet allait remplacer les tuiles défectueuses sur les toits des maisons appartenant à la papeterie, d'où rires des soldats !
Les Obusières
Les difficultés de la vie amèneront plusieurs de nos concitoyennes à partir tourner des obus dans les usines, notamment à Valence : Anna Demangeon (sur la photo), Camille Simon, une demoiselle Didier, Marie Pasquet.
Valence 12 novembre 1917 Anna Demangeon
Généralités
Ces temps difficiles sont aussi le moment d'un extraordinaire bouleversement de la condition féminine et le retour des hommes ne s'est pas fait sans difficultés.
Des femmes comme Mme Boucher, Mlle Krantz ont été des éléments forts dans notre commune.
L'ouvroir organisé autour des Demoiselles Lagarde et Rosalie Hérold, dont l'objectif en temps de paix était de former les jeunes filles aux tâches ménagères, se transforme en infirmerie.
La Vie religieuse
Après quelques mois la vie religieuse reprit : la messe du dimanche suivie par des paroissiens en bleu. Les autorités religieuses fixent pour la France entière la date des communions au premier dimanche du mois de mars 1915. Mme Boucher offrit les souliers de communiants aux enfants de la commune.
L'espionnage
Au début de la guerre s'installe un état d'esprit qui fait voir de l'espionnage un peu partout. Lumières dans les clochers, vagabond... Les pouvoirs publics ne sont pas en reste.
En sept 1914 la préfecture indique que les « municipalités devront surveiller avec le plus grand soin, sous leur responsabilité et sous peine de sanctions sévères les individus suspects, les clochers d'où peuvent partir des signaux, les lignes téléphoniques et télégraphiques suspectes ».
Dans un télégramme, non daté, le maire de Bruyères alerte ses collègues sur une automobile :
« Automobiles suspectes signalées région, notamment automobile verte vers Gray, portant deux hommes et bagages, et automobiles 276 GT 4T portant 4 hommes qui auraient saboté ligne ».
De divers événements
La guerre est elle-même génératrice d'événements.
Au début de la guerre on note le passage des avions. L'aéroplane allemand du 10 août est signalé par de nombreux témoins qui craignent par ailleurs les retombées des tirs du fort d’Arches visant à l'abattre !
La population se presse en juillet 1915 pour voir passer les prisonniers allemands de la Fontenelle, descendant à pied la côte des Forges, encadrés par des chasseurs à cheval : ils ont été promenés un peu partout, afin de remonter le moral des habitants.
Photo fournie par Mlle Hélène COLIN
Un avion est tombé à l’étang Didon, et l'on s'empresse d'aller chercher un souvenir, les écoles y allant en rang. Elles iront de même regarder, de loin, l’avion qui s’est posé à Vraichamps en 1916.
Les chevaux morts sont enterrés dans les prés de Vraichamps (des ossements ont été découverts clans les années 60 à cet endroit).
Les inondations de 1915 ont causé bien des soucis, toute la prairie étant inondée. Le terrible hiver de 1917, en pleine pénurie de charbon alors qu’il gèle à moins 25 ajoute à la misère. Carte du lundi 20 décembre 1916 : « Il fait un froid de loup, on n'a droit qu'à un kilo de charbon, le Père Deynoux est arrivé hier au soir en permission, chacun son tour ».
Les Américains
Ils ont laissé un grand souvenir dans la vie de nos concitoyens. En 1918, ils sont là, avec leur drôle de chapeaux, leur musique, leur prise d'armes. Il s'agit certainement du 5e Bataillon US, alors sur le camp d'Arches vers juillet-août comme le montrent des photographies prises dans le village (impropres à la reproduction). Les enfants apprendront vite à les côtoyer, profitant de leur largesse, quasi incongrue en ces temps difficiles. Plutôt que manger le lard, on déguste leur corned-beef, leurs sucreries. Ils sont d'excellents clients pour les perleurs. Ils chercheront très vite les deux maisons « accueillantes » du village. Les nouvelles allaient vite ! Et les enfants délurés s'empressaient moyennement quelques sucreries de les renseigner.
Les mutineries
En juin 1917, des régiments descendant du front crient des slogans séditieux semblant menacer les officiers. En juin, des éléments de régiments en fièvre passent à Docelles. Il y aurait eu des cris et des tracts lancés ? Les affaires se passeront plutôt au camp d’Arches. Un seul, parmi la population d'alors, s'est vu accuser de mutinerie et l’annonce infamante a été faite à Docelles. Ma Grand'Mére et d'autres personnes de l'époque m'ont cité un avis qui aurait été apposé sur sa porte ? Ce qui reste certain, c'est que 60 années après elle ne voulait, ni d'autres d'ailleurs, livrer le nom. Sa famille a eu à pâtir de cet événement, les filles ne trouvant pas à se marier.
Docelles s'organise
Les gardes-voies se mettent en place : il s'agit d'hommes âgés qui vont garder les ponts et les voies ferrées. Leur cantonnement est dans la papeterie de Vraichamps. Parmi les plus anciens : Prosper Bahoff, à la crinière déjà blanche. C'est dans cette fonction que Jean-Baptiste Defranoux, de Xamontarupt, est tué par une locomotive, laissant une veuve et 5 enfants.
Mr Michel Petronin racontait l'histoire de ce garde-voie de Cheniménil, en poste à Vanémont que sa famille visitait tous les dimanches !
A Lana, transformé en hébergement pour la troupe, dans leurs temps de loisirs, enfants et adolescents vont remplir de paille des paillasses pour les blessés.
Détentes
Mais la guerre laisse des moments de détente, organisés ou non.
Le cinéma
va faire son apparition dans une baraque ADRIAN (du nom de son concepteur) sise dans la rue d'Alsace actuelle prés de chez Mr Lallement.
Les séances vont devenir régulières à partir de 1917. Le service cinématographique des armées tourne des documentaires sur la guerre, que vont voir les Poilus qui préfèrent toutefois les films de Charlot ou les épisodes de Judex.
Des jeunes filles vont aussi pousser la chansonnette pour dérider ces hommes revenus de l'enfer. Germaine Pierron les régalait de chants d'opéras.
La chanson
Vecteurs de souvenirs, des cahiers de chants nous racontent leur histoire : chansons recopiées par des soldats sur des cahiers, dont les titres sont évocateurs :
Le Bois le Prêtre copié en janvier 1917
La Madelon « rectifiée à la Rosière le 13 août 1918 »
Les petits chasseurs « aux Armées le 8 avril 1917 »
Les embusqués
Tout le long de la Tamise « Copié le 18 avril 1918 à Docelles Vosges »
Donbarthommier Jacques
L'amour d'une blonde « copié dans une soirée en compagnie de trois gentils garçons du 257e d'artillerie, 28e batterie, 4e pièces, secteur 195
Les bals
L'on danse aussi durant la guerre, en des bals impromptus et les filles de l'époque se laissent aller au bras des petits chasseurs qui obtiennent le plus de succès. Un béguin, et puis le front de nouveau, mais plusieurs de nos concitoyennes, dont deux dans ma famille, trouveront le bonheur et s'uniront à de braves pioupious. Ce qu'auraient bien souhaité d'autres jeunes filles dont certains soldats audacieux venaient frapper aux portes le soir. Il est vrai que se marier semble alors présenter un véritable souci : d'une carte de Docelles datée du 11 janvier 1920 : « Vous me demandez quand ce sera mon tour de faire comme la cousine Marie (mariage) mais je ne le sais pas encore, car vous savez maintenant les hommes se font rares ».
Autres détentes
Bien entendu, les débits de boisson, bien que strictement contrôlés, attirent la troupe, ce qui ne va pas sans difficultés.
Autre élément de détente pour ces guerriers, ce sont certaines maisons accueillantes, la « maison carrée » pour les officiers, connue jusque dans les lignes, et une autre pour le soldat de base.
Les Dons
Comme partout ailleurs, les habitants participent aux différentes journées qui sont organisées : journée du 75 en septembre 1915, des régions envahies… Des courriers attestent de la souscription aux divers emprunts nationaux. Dans les Nouvelles : Comité départemental de secours aux victimes de l'invasion, souscriptions pour les secours aux habitants du département des Vosges victimes de l'invasion ennemie (6e liste).
Docelles 604,95, Xamontarupt 94,45 francs.
L'Armistice
D'une manière générale, les gens savaient qu'il se passait quelque chose. Une carte écrite le 9-11-1918 : « Tout le monde a bon espoir d'une fin prochaine de la guerre ». Quand sonnèrent les cloches de l'Armistice, si la joie fut grande elle fut aussi mitigée. Si d'aucuns ne virent pas le soleil se coucher, d'autres pleurèrent, la guerre leur ayant enlevé une personne chère, la douleur occultait la joie. De Jeanne Halbout : « nous n'eûmes pas droit d’aller au village. Autour de la table, devant le portrait du disparu, tout le monde pleurait ».
Il y a à Docelles en ces jours des troupes d'infanterie, des Polonais, « avec leur drôle de casquette carrée », des Américains (ces troupes étaient prêtes à participer à l'offensive qui devait se déclencher le 14 novembre sur la Lorraine), quelques prisonniers allemands. Ce qui produit un certain mélange comme l'indique cette carte du 9 novembre : « En attendant, toujours le même fourbi ici, en plus des Polonais, il y a l'infanterie française qui vient d'arriver. Il y a de la troupe plein le pays, enfin vivement le jour où tous repartiront chez eux ».
Des soldats étaient encore présents en 1920. Et les familles durent encore attendre plusieurs mois avant que de revoir les leurs.
La mort
Très rapidement la mort va s'installer, ombre noire qui ne cessera pas de hanter les jours et les nuits durant des années. Le rituel est toujours le même : un avis arrive à la mairie, confidentiel, demandant de prévenir avec beaucoup de précaution la famille de la mort de… « Mort pour la patrie ». Les gens craignaient de voir apparaître la haute silhouette imposante de Mr Parisse, à la longue barbe, accompagné la plupart du temps de Mr Defer.
Louis Chaircuite enfant a suivi cette longue attente chez Lallement. Elle s'est terminée par un drame : le silence des lettres et puis, un jour, l'arrivée des deux messagers, le message lugubre et les pleurs, l'effondrement, et ce n'était que le début de la guerre. Un matin, un enfant n'était pas en classe… Il revenait quelques jours plus tard en pleurs, le brassard noir au bras. Il était entré dans la grande famille des orphelins de guerre.
N'oublions que c'était une mort lointaine, et que les corps restaient, dans le meilleur des cas, dans un cimetière du front. Le deuil était difficile à faire pour ces villageois qui avaient toujours accompagné leurs défunts jusque la dernière veille.
Prochain article : Docelles - 1914-1918 – 4. Le courrier
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