14-18Hebdo

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Docelles – 1914-1918 – 4. Le courrier

Christian Tarantola - Novembre 2004

 

Sources : cartes Henri Bourion, A Tarantola, M. Latrasse, divers

 

Les années de guerre voient une explosion du trafic du courrier, lettres, cartes, cartes-lettres ornées ou non de petits drapeaux des nations alliées ou de motifs patriotiques. Le texte est souvent écrit à l'aide de ces crayons dont on mouille le bout et qui produisent une encre violette, ou encore au crayon de papier. Parfois un simple bout de papier arraché à un carnet, au dernier moment avant que de remonter aux tranchées.

 

Ce courrier bien que soumis à la censure laisse transparaître des indications intéressantes sur les pensées qui agitent les populations et les soldats. Nous commencerons cette brève revue par une carte écrite par Camille Marotel, le 26 juillet 1914.

« Nous rentrons du Valdahon le 20 août. On la trouvera amère après 11 jours de marche, mais bientôt, je vous rejoindrai ; ce sera la quille ». Le pauvre, après 3 années de service, allait connaitre 4 années de guerre.

 

La guerre

A Mme J. Durand

18 avril 1915 : « Nous sommes inondés par des pluies torrentielles. Nous travaillons une nuit sur deux dans l'eau jusqu'au-dessus des genoux. »

 

De Jeandel de Notre Dame de Lorette le 3 juin 1915 : « le bombardement continue nuit et jour, c'est un carnage, tant de cadavres qui ne sont pas enterrés et les mouches forment un essaim sur ces pauvres victimes ».

 

A Mme J. Durand Bonenfant : « Car voilà bientôt 6 mois que l'on traîne sa viande dans tous les coins… la mort plane sur nos têtes, les larmes m'ont coulé des yeux quand un camarade d'ici a été tué à mes cotés et sa dernière parole a été d'appeler sa pauvre mère, c'est triste. Les enfants, c'est beau de les faire grandir, mais quand il faut les élever, si c'est pour les amener à la boucherie comme l'on est, on ferait mieux de les laisser mourir de faim. » Marcel. Notez la dureté de ces lignes.

 

10 mars 1916 : « il y a de quoi devenir fou avec tous ces bombardements. Pertes énormes, ce sont des monceaux de cadavres. »

 

30 octobre 1916 : « Nous sommes toujours dans les tranchées, nous sommes dans l'eau tous les jours ».

 

d'André T, soldat au 152e à ses parents, 20 mai 1917 : « mais ce que je voudrais, c'est qu'on ne voie plus d'officiers, ils sont trop vaches. Un autre en rentrant hier de permission, pour ses cheveux il a eu 15 jours de prison et une demie heure après il se jette un coup de fusil dans la tête ; c'est un côté du Col des Journaux… on dirait une bande de fous, et quand on sera dans les bois on dira presque des sauvages ».

 

Les permissions

Le 5 janvier 1916 : « c'est un moment bien court et bien triste quand il faut se quitter pour repartir... »

 

Sur une carte de Notre Dame de Lorette : « déjà la pensée de retourner en permission se fait sentir, espérons que je serai bientôt parmi vous. » C. Marotel

 

10 août 1916 : « C'est un bien triste départ, car ce n’est que pleurs, le cafard commence à se dissiper un peu. »

 

27/8/1917 : « je suis en permission, il y a beaucoup de travail et ça me fait de la peine de les voir dans l'embarras surtout que papa n’est plus guère fort. » Ernest à Jeanne

 

Les conditions climatiques

De Joseph Jacquemin en décembre 1916 : « nous sommes dans la boue, il tombe de la neige ».

 

De Seguier Albert le 5 mars 1918 : « nous sommes au repos, il y a de la neige, il ne fait pas très chaud. »

 

De Jules Gremillet, à Thann, en novembre 1915 : « La neige tombe dans la vallée et les hauteurs, 30 à 40 centimètres. »

 

(D’une manière générale sur toutes les correspondances mentionnant le temps, il s'agit de pluie, froid ou neige.)

 

Les destinations

Le 16 juin 1917 : « je crois que nous partons du côté de Salonique, nous allons crever tous des fièvres ».

 

De Jeanne à Victor : « tu me dis que tu es toujours dans cette Somme, on peut dire qu'on en aura causé. »

 

Le 10 août 1916 : « Demain nous partons par le train, destination inconnue : Somme ou Verdun. »

 

Des détresses

D'un soldat de Docelles qui sera tué, cette lettre poignante :

 

« Ma chère Amie,

  

Je viens d'apprendre que tu te maries, je ne sais pas si c'est vrai alors tu penses si ça me fait de la peine. Tu avais dit que tu m'attendrais... Quand je t'ai vue la dernière fois, j'aurais bien voulu de causer, seulement je n'ai pas osé. »

 

D'autres ont commis de poignantes lettres, laissons-les à l'intimité de l'éternité, les sujets étant graves.

 

L'espoir

De Louise Claudel à J.B Thiriet (mon arrière-grand-père), le 2 janvier 1915 : « J'ai à vous dire qu'il y a une voisine que son mari vient d'être tué. Elle est laissée avec 5 enfants en bas âge. Ah que le Bon dieu veuille nous ramener nos maris en bonne santé ».

 

Louis Rivat à Marie Thiriet, le 27 avril 1915 « vivement que tout cela finisse ».

 

Suzanne Thiriet à J.B. Thiriet, du 11 janvier 1917 : « il est à souhaiter que 1917 sera celle de la paix et de la victoire ».

 

Camille Jacquemin, le 12 juillet 1915 : « je vais bien, mais le temps long après la fin de cette guerre ».

 

L'humour

Quelques pointes d'humour apparaissent tout de même :

 

De Jeandel à M.B : «… avec ton piano tu ne ferais pas mal de venir dans les tranchées pour amuser les Boches, car ils ne sont pas toujours gentils. »

 

De Camille Jacquemin le 12 juillet : « … j'ai été attrapé, je croyais que c'était de la goutte qui était dans la petite bouteille et c'était du vinaigre. J'ai bien ri après de ma méprise ».

 

Les rencontres

Parfois d'un même village, d'une même famille on se rencontre sur le front, ou dans une gare, voire à Paris au gré des affectations régimentaires :

 

De C. Marotel à V D le 1/3/1915 : « toujours en bonne santé, bien le bonjour de Jeanroy et de Thiébaut. »

 

Camille et Louis Rivat se rencontrent au front.

 

Jules Gremillet (classe 90) à sa femme Marie en octobre 1915 : « J'ai rencontré mon frère Charles à Villers » et en novembre il a rencontré Pierron, Albert Divoux et Cailloux.

 

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Prochain article : Docelles - 1914-1918 – 5. Aux morts de la Grande Guerre


02/10/2018
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