Cornimont, village frontière, dans la Grande Guerre - 6 - Arrivée des Alsaciens à Cornimont et dans les communes voisines
Danièle Grandemange – 19-12-2017
Dès l’année 1915, 3 000 Alsaciens Lorrains sont évacués dans les Vosges, en presque totalité dans l’arrondissement de Remiremont. (ADV 4M428). Sur ce total, presque un millier est envoyé dans les communes de la Haute-Moselotte, se répartissant ainsi :
A La Bresse : 365 personnes.
A Cornimont : 290 personnes.
A Saulxures/Moselotte : 307 personnes.
A Ventron : 109 personnes.
Ils ont été évacués de leurs villages par l’armée française à cause des violents combats qui s’y déroulaient. Ils viennent surtout de Stosswihr – Orbey – Sulzern – Linthal – Hohrothberg – Mittlach – Saint Amarin – Arnpfersbach – Lauterbach Zell.
En février 1915, la vallée de Munster n’est plus qu’un champ de ruines et de décombres. Suivant la ligne de front, une partie des habitants (en amont de Munster) est évacuée du côté français, l’autre partie, en aval de Munster est envoyée du côté allemand. La ville de Munster est prise en tenaille entre les deux belligérants.
Traumatisés par l’épisode guerrier qu’ils ont vécu, perturbés par la perte de leurs maisons et de leurs biens, ils auront du mal à trouver un réconfort dans leur nouvelle situation. Dans les villages vosgiens où ils arrivent, il n’y a pas de combats et peu de bombardements mais ils sont accueillis plutôt froidement. Beaucoup ne parlent pas le français, cela leur était interdit par l’autorité allemande.
Ils vont travailler surtout dans l’artisanat et l’industrie. Cette dernière souffre de la pénurie de main d’œuvre depuis le départ des hommes sur le front. Ils trouveront donc du travail facilement, mais les gens du village les regardent en pensant qu’ils prennent la place de leurs enfants.
A Cornimont, pour faciliter leur intégration, des cours de français sont organisés pour les adultes, le soir après les cours des enfants, par une institutrice. Pour ceux qui parlent déjà français on cherche à leur faire perdre leur accent alsacien. Les enfants alsaciens ont également droit à des cours supplémentaires. Mais l’administration doit sans cesse rappeler à la population qu’ils sont Français et qu’il ne faut pas les « traiter de Boches », sous peine de sanctions. Le gouvernement français veut ainsi préparer leur retour au sein de la nation française.
Mais, en même temps ces évacués alsaciens font l’objet d’une surveillance extrême. A plusieurs reprises, des demandes sont faites aux maires des villages qui les accueillent : Combien sont-ils ? Que pensent-ils ? Ont-ils constitué des associations ? Ont-ils des exigences particulières ?
Doc 30 : un télégramme à propos des Alsaciens
Ces évacués doivent rester cantonnés dans les localités qui leur ont été assignées. Par exemple : des laisser passer de quelques heures pourront être accordés en cas de nécessité aux évacués de Ventron pour aller à Cornimont. Ils devront être visés à Cornimont par l’Officier Commandant d’Armes et être remis au retour à l’Officier Commandant d’Armes de Ventron. Le laisser passer devra mentionner la qualité d’évacué alsacien, l’heure de départ et de retour, dans les limites de temps strictement nécessaires. De quoi les décourager d’entreprendre de telles démarches ! Et de se sentir quasiment prisonniers !
Et naturellement interdiction de tenter un retour en Alsace !
Ces précautions visent surtout à déceler d’éventuels espions à la solde de l’Allemagne ou même seulement des sentiments un peu trop germanophiles.
A la fin de la guerre, une grande partie repartira vers son village natal. Pourtant quelques-uns s’installeront définitivement dans leur village d’accueil, ayant trouvé « l’âme sœur » dans les Vosges ou pour d’autres raisons. L’un d’entre eux a un descendant qui tient un commerce sur la place de la Pranzière à Cornimont aujourd’hui.
A suivre…
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