Carnets de guerre (Anna Vautrin) – N° 59 - 20 déc. 1915 au 3 janv. 1916
Tous les monuments de Nancy sont recouverts de sable et de planches de crainte que les zeppelins jettent des bombes...
Alexis Vautrin et ses deux plus jeunes filles, Yvonne et Marguerite
Document transmis par Renaud Seynave, son arrière-petit-fils - 04/12/2015
Lundi 20 décembre 1915
J’ai rencontré dans les rues une mission d’officiers étrangers. J’ai vu un colonel japonais.
Mardi 21 décembre 1915
18 avions sont partis pour bombarder du côté d’Altkirch. François Marcot qui était de l’escadrille de Belfort est parti avec un appareil et n’est pas revenu. On dit que son appareil a été incendié et lui carbonisé mais cela n’est pas sûr.
Mission suédoise le 25 novembre 1915, place Carrière à Nancy
Auteur: Ministère de la Guerre, France. Albums Valois / Date: 1900 – 1918 / Meurthe-et-Moselle
Mercredi 22 décembre 1915
Le soir, je vois un aéroplane allumé. C’est comme une grosse étoile dans le ciel. Il y a plusieurs aéroplanes de 7 à 10h du soir. Le temps est si mauvais qu’un soldat qui revient de l’Argonne me dit que les Français et les Allemands causent entre eux sans tuer les uns sur les autres.
Jeudi 23 décembre 1915
Je rencontre Madame Rolsmer qui me dit que son fils Jean est revenu des Dardanelles souffrant et que son gendre Mr Fenal qui est prisonnier est très triste et souffre de l’inaction. Il est prisonnier depuis le mois de septembre 1914, presque 15 mois !
Vendredi 24 décembre 1915
Je vois des voitures de Pont-à-Mousson, ce sont encore des réfugiés qui partent à cause des obus. Les Allemands bombardent toujours Pont-à-Mousson. J’apprends que le mari de la fille du docteur Greuil vient d’être tué aux Dardanelles. Sa femme ne le sait pas car elle est retenue à Stenay avec sa petite fille prisonnière des Allemands.
Samedi 25 décembre 1915
C’est aujourd’hui jour de Noël. Il n’y a pas eu de messe de minuit par ordre militaire. Nous apprenons que Camille Biesse (mari de Cécile Perrin nièce d’Anna Vautrin) vient d’être nommé lieutenant-colonel.
Tous les monuments de Nancy sont recouverts de sable et de planches de crainte que les zeppelins jettent des bombes. La fontaine d’Alliance, les fontaines de la place Stanislas, la porte du Musée lorrain, tous les tombeaux de la chapelle ronde sont entourés de sacs de sable et de planches.
Intérieur de l’église des Cordeliers avec protection des tombeaux des ducs de Lorraine avec des sacs de sable
Protection de l’extérieur du Palais ducal
Auteur: Ministère de la Guerre, France. Albums Valois / Date: 1900 – 1918 / Meurthe-et-Moselle.
Dimanche 26 décembre 1915 au vendredi 31 décembre 1915
Rien de nouveau
Samedi 1er janvier 1916
A 5h30 du matin, nous entendons une très forte explosion et nous apercevons des lueurs d’incendie. C’est un dépôt de munitions qui saute. Il contenait plus de 100 obus et était situé dans un terrain derrière la tonnellerie Früholz au Pont d’Essey. Plusieurs personnes ont vu des fusées rouges et vertes lancées au moment de l’incendie. C’était un incendie allumé pour repérer la gare en ligne droite. Nous nous levons précipitamment croyant à un zeppelin et nous descendons à la cave. On enveloppe la bonne Colette dans une couverture pour la descendre à la cave. Elle est très gentille et à chaque coup d’obus qui éclate, elle rit aux éclats.
Vers 8 heures, je sors pour faire des courses et j’entends à 10 minutes d’intervalle des explosions. J’étais persuadée que c’était des obus qui éclataient dans l’incendie. En rentrant, mon frère Paul Perrin nous dit « Il ne faut pas sortir car on bombarde Nancy. » Nous ne le croyons pas et nous continuons à bavarder avec ma cousine Kempf devant la maison.
Tout à coup une formidable explosion retentit. C’était bien Nancy qu’on bombardait. Nous rentrons précipitamment et nous restons dans la cave. Les coups se succédaient toutes les 5 minutes. On entendait un coup terrible puis un autre coup comme l’effondrement de la maison. Il y a eu en tout 12 bombes.
1e Sur les colis postaux, détruit toute la gare et la gare de petite vitesse
2e Rue Saint Jean, a écrasé une maison
3e Rue Jeanne d’Arc, a démoli et coupé en deux une maison
4e Rue Saint Jean, une autre maison
5e Rue du Vieil Aitre, maison démolie
6e Rue des Goncourt
7e Plateau de Malzéville
8e A Médreville
9 et 10e Laitre-sous-Amance
11 et 12e Dans les champs
Nous avons à déplorer 8 blessés et 3 morts. Ce sont de gros obus de 380mm et la pièce se trouve dans la forêt de Hampont près de Château-Salins.
C’était fini à midi, Alexis (Vautrin) rentre de la clinique. Il me rapporte un gros éclat d’obus encore chaud qui est venu frapper la fenêtre de son cabinet à la clinique pendant qu’il y était. C’est un éclat qui vient de l’obus tombé rue Jeanne d’Arc. La sœur ne pouvait pas le ramasser car il était encore bouillant ! Il y avait plusieurs éclats tombés dans la rue près de la clinique.
Nous descendons à la cave. Alexis rentre mais ma cuisinière a fait la cuisine à la buanderie et si cela continue nous dînerons ce soir à la cave.
Quel 1er janvier !
Dimanche 2 janvier 1916
On est affolé à Nancy, aussi les habitants commencent à se sauver. Les trains sont pris d’assaut. On ne trouve plus de place. On voit dans les rues des quantités de personnes qui partent et des chariots sur lesquels ils entassent leurs affaires pour se sauver. Tous les quartiers où sont tombées les bombes sont déserts.
On ne voit que des personnes avec des valises et des cartons qui partent. On voit des personnes montées sur des voitures à foin. On voit même des gens dans une voiture de boueurs (éboueurs).
Les trains ne partent plus de Nancy. On va prendre les trains à Jarville ou à Champigneulles.
Les voitures de place se louent à des prix fous !!
Lundi 3 janvier 1916
On a donné plus de 15 000 laissez-passer dans un jour. On force d’évacuer toutes les maisons près de la gare.
Note de Renaud Seynave
Malheureusement le carnet suivant pour la période du 4 janvier au 16 juin 1916 a disparu.
Rendez-vous le 17 juin…
A suivre…
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