Carnets de guerre (Anna Vautrin) – N° 51 - 27 sept au 3 oct 1915
L’offensive faite par nos troupes en Champagne a fait 23 000 prisonniers et pris 123 canons…
Alexis et Anna Vautrin avant la guerre
Document transmis par Renaud Seynave, son arrière-petit-fils - 11/09/2015
Lundi 27 septembre 1915
On a vendu dans toute la France de petites pochettes pour les mutilés de guerre. J’en ai pris 100 et Madeleine aussi 100. Sur 5 000 il y avait un bon pour un numéro gagnant. Madeleine a trouvé un gagnant dans ses pochettes. Que va-t-elle gagner ?
Le général Gouraud qui a eu un bras amputé aux Dardanelles a été soigné rue Bizet à Paris chez les sœurs de Niederbronn. Le Président et tous les ministres sont venus le voir. Son petit-neveu qui a été opéré à la clinique d’Alexis d’une appendicite est allé le voir après son opération et lui a raconté qu’il y avait eu une bombe d’avion qui est tombée à la clinique pendant qu’il y était et qu’il n’avait pas eu peur. Le général était tout fier de son neveu. Le général Joffre est venu voir le général Gouraud et a parlé longuement avec lui.
Mardi 28 septembre 1915
Notre cousin Lombard qui était médecin à Varennes vient nous voir. Il nous dit que sa maison est complètement brûlée. Il parait que le Kronprinz faisait des orgies pendant qu’il était à Varennes. Il ne couchait jamais deux jours de suite dans la même maison de peur des espions. Les Allemands s’habillaient en femmes. On a vu un Allemand se promener dans Varennes avec le costume de chasse et le chapeau haut de forme du cousin. Avant de partir de Varennes, les Allemands ont tout brûlé. La maison de Louis XVI est détruite et tout Varennes.
Mercredi 29 septembre 1915
On entend encore le canon. On a commencé aujourd’hui la grande offensive qui était attendue depuis longtemps. Des quantités de trains emmènent les soldats et l’artillerie.
Hier j’ai vu partir de la gare des fourgons avec l’artillerie et des caissons. Les fourgons étaient remplis de soldats qui chantaient et nous faisaient des signes de la main. Cela me rappelait les premiers jours de la mobilisation l’année dernière au mois d’août. J’ai vu partir aussi deux aéroplanes par le chemin de fer et des masses de soldats pour la Champagne car c’est entre Châlons et Reims que va se passer l’action et la grande offensive française. Nous avons maintenant des munitions en quantité. On disait que chaque canon a mille obus à sa disposition.
Jeudi 30 septembre 1915
L’offensive faite par nos troupes en Champagne a fait 23 000 prisonniers et pris 123 canons. C’est la plus grande offensive faite depuis le commencement de la guerre avec autant de pertes pour les Allemands. Le Kaiser a fait revenir de Russie plus de 16 divisions, ce qui fait à peu près 160 000 hommes contre nous. Nous n’avons pas beaucoup de pertes. Edouard est en Champagne et prend part à l’offensive. Pendant 48 heures, il y a eu tous nos canons qui ont donné à la fois. C’était affreux parait-il. Tous les Allemands ont été pris dans les tranchées comme hébétés. Nos soldats les ont tués avec leurs baïonnettes.
Vendredi 1er octobre 1915
Edouard écrit à Madeleine et elle reçoit 3 lettres en un jour et elles mettent maintenant 8 jours. Il dit qu’il lui écrit avec une bougie sur ses genoux. Les Allemands se servent d’un nouveau gaz dans leurs obus. Avant ils avaient du gaz asphyxiant et maintenant ils ont des gaz suffocants et des gaz lacrymogènes. Cela fait très mal aux yeux des soldats quand ils les lancent et pendant ce temps-là ils peuvent attaquer. Edouard dit que ce gaz lacrymogène sent tout à fait le lilas.
La Bulgarie mobilise ses troupes et la Grèce aussi mais on ne sait pas encore ce que la Bulgarie veut. Les Alliés vont lui adresser une demande pour savoir ce qu’elle désire faire. On dit que nous envoyons des troupes à Tripoli en vue d’une attaque de la Bulgarie sur la Serbie qui est notre alliée.
Pendant que les Français faisaient l’attaque en Champagne, les Anglais attaquaient les Allemands dans l’Aisne. Il y a eu beaucoup de tués de part et d’autre. On disait qu’en deux jours, les Allemands ont eu 80 000 morts. C’est la plus dure bataille qui a eu lieu depuis la guerre.
Samedi 2 octobre 1915
Quatre taubes sont venus et ont lancé 5 bombes sur le plateau de Malzéville. Ils ont aussi lancé des bombes sur Varangéville et Dombasle.
Nous avons vu passer sur le Cours Léopold des autobus remplis de soldats qui chantaient et qui demandaient si c’était bien Nancy qu’ils traversaient. Ils allaient du côté de Pont-à-Mousson. On dit qu’on va faire encore une grande offensive de ce côté-là. Combien de ces pauvres soldats reviendront ?
Dimanche 3 octobre 1915
Il passe toujours des troupes. On ne sait toujours rien de la Bulgarie qui continue à mobiliser. Alexis reçoit quelques blessés du côté de Lunéville où il y a quelques luttes d’artillerie du côté de Flirey et Parroy.
A suivre…
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