Carnets de guerre (Anna Vautrin) – N° 37 - 21 au 27 juin 1915
Nous apprenons la mort de Monsieur Collardelle commandant qui était resté très longtemps à Gérardmer… Il interrogeait des prisonniers et tout à coup un prisonnier a jeté une grenade…
Famille Vautrin en 1916 : La dernière fois où la famille était réunie avant la mort d’Edouard Michaut.
De gauche à droite : Suzanne Boucher, Alexis Vautrin, une amie, Madeleine Michaut, Paul Boucher, Marguerite Vautrin, Yvonne Vautrin au dessus, Edouard Michaut assis et Annette Boucher enfant le tenant par l’épaule
Document transmis par Renaud Seynave, son arrière-petit-fils - 17/06/2015
Lundi 21 juin 1915
On se bat près du Bonhomme et nos soldats sont entrés dans le village du Bonhomme.
Edouard écrit qu’il faut beaucoup d’obus. Dans une seule nuit, il en a fait parvenir à sa batterie 18 000.
Mardi 22 juin 1915
Nous avons entendu le canon très fort pendant la nuit. Il venait du côté de Champenoux. Pendant toute la nuit, il y a eu de l’artillerie qui est passée sur le cours Léopold. Dimanche dernier est venue à Nancy une femme qui se dit envoyée de Dieu et libératrice de la France. Elle s’est promenée dans les rues de Nancy dans une voiture. Elle était habillée en violet, gants violets avec une bague comme celle d’un évêque. Elle était dans une voiture tenant un drapeau déployé, elle distribuait des papiers et des prières. Elle est venue dans plusieurs églises et la police la laissait faire. Elle disait qu’elle venait de Bordeaux et qu’elle avait entendu des voix lui disant d’aller à Nancy, à St Nicolas puis à Orléans et Domrémy et après ces voyages, la France serait délivrée. Alexis et mes filles l’ont vue dimanche en voiture.
Mercredi 23 juin 1915
Suzanne vient de recevoir une lettre de Paul qui lui dit qu’il est descendu dans la vallée et qu’il va remonter sur les hauteurs au dessus de Metzeral. Il est nommé capitaine et va changer de vie. Il est avec le commandant Dauser que nous connaissons.
Madeleine a reçu une lettre de Docelles de Célina pour la remercier au nom de Georges qui est toujours prisonnier en Allemagne d’un colis qu’elle lui avait envoyé. Il n’a plus la permission d’écrire à personne autrement qu’à sa mère. Dans deux ou trois lettres écrites à sa mère, les quelques lignes de Georges consacrées à l’alimentation étaient tout à fait biffées. Le commandant du camp que Georges avait trouvé en arrivant fin novembre a été changé malheureusement. C’était à lui que Georges avait été recommandé par le duc de Bade. Depuis, c’est beaucoup plus sévère. Maurice Boucher est toujours à Epinal au dépôt. Il avait demandé de commander une section de mitrailleuses mais sa demande est arrivée trop tard. Il va repartir pour le front un de ces jours.
Jeudi 24 juin 1915
Je suis allée voir Madame Rohmer pour la féliciter de la décoration de son fils André pour la légion d’Honneur. Il s’est conduit en brave depuis le début de la guerre en Lorraine et en Artois ramassant les blessés et bravant le danger.
Son autre fils Jean est dans les Dardanelles. Elle m’a dit que Monsieur Fenal leur écrivait des lettres très tristes. Il réclame des lettres qui n’arrivent pas. Il est prisonnier à Ingolstadt ! Les lettres sont beaucoup plus tristes qu’avant.
Note de RS : André Rohmer est médecin major
Vendredi 25 juin 1915
Paul Boucher vient d’être changé. Il a quitté le Vieil Armand pour descendre dans la vallée alsacienne. Il est arrivé à Metzeral pour la bataille. Il y a eu une mêlée affreuse et Paul en écrivant à Suzanne après la bataille disait que cela avait encore été plus terrible qu’à Steinbach. Il a couché dans une tranchée pleine de cadavres. Ils avaient laissé beaucoup de munitions de toutes sortes. Son bataillon a eu beaucoup à souffrir aussi, il restait 49 soldats dans sa compagnie qui est de 220 hommes. Il est en ce moment à St Amarin pour un peu de repos.
Photographies du service des armées prises le 20 juin 1915 prises à l’Hartmannswillerkopf.
Tranchée avec des grillages installés au dessus contre les grenades
Les soldats réparent leurs vêtements.
Samedi 26 juin 1915
Nancy est très calme et on ne voit plus de taubes. On n’entend plus le canon. Les officiers ne viennent plus guère à Nancy. On est très sévère.
Dimanche 27 juin 1915
Nous apprenons la mort de Monsieur Collardelle commandant qui était resté très longtemps à Gérardmer. Il est mort à Metzeral. Il interrogeait des prisonniers et tout à coup un prisonnier a jeté une grenade qu’il tenait dans sa poche et qui a tué le commandant Collardelle et un officier qui était près de lui. Aussitôt nos soldats ont voulu fusiller tous les prisonniers. On a découvert 19 prisonniers qui avaient encore des grenades dans leurs poches. Ils ont été pendus. C’est affreux ces boches comme ils sont faux !
A suivre…
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