Carnets de guerre (Anna Vautrin) – N° 41 - 19 au 25 juillet 1915
J’envoie tous les dimanches des paquets à des prisonniers de Gercourt et de la Meuse. J’en envoie dix. Ils se composent chacun d’un pain…
Alexis Vautrin et ses deux plus jeunes filles, Yvonne et Marguerite
Document transmis par Renaud Seynave, son arrière-petit-fils - 12/07/2015
Lundi 19 juillet 1915
Madeleine est à Lunéville aujourd’hui pour voir Edouard. Elle a eu beaucoup de mal de passer à Blainville. Il a fallu qu’elle montre une dépêche que sa cousine Mlle Lalande de Lunéville m’avait envoyée. Après bien des difficultés on lui a permis de passer. Elle a pu rester avec Edouard l’après-midi.
Mardi 20 juillet 1915
Les enfants sont délicieux. Colette a maintenant 11 mois et Jean a 20 mois. Colette n’a pas encore de dents mais Jean marche tout seul.
Mercredi 21 juillet 1915
Nous entendons beaucoup le canon. Alexis a reçu quelques blessés du côté de la Seille. Les prisonniers de Grafenwöhr peuvent de nouveau écrire à Nancy. Cela leur était interdit.
Jeudi 22 juillet 1915
On a fait une exécution ce matin à Nancy. Un homme a été décapité devant la prison. Il était condamné à mort. Il n’y a pas eu de curieux. Personne ne savait qu’on allait décapiter un homme aujourd’hui. Deibler était venu mercredi soir.
Vendredi 23 juillet 1915
Le canon tonne la journée. Edouard est au repos à Lunéville avec le XXème corps. Paul est à l’Hilsenfirst, montagne entre le Hohneck et le Ballon de Guebwiller.
On me dit aujourd’hui qu’un avion de notre escadrille de Malzéville est revenu de Karlsruhe et a oublié qu’il avait une bombe. En faisant un mouvement brusque, la bombe est tombée en revenant à Nancy chez Monsieur Kind près de l’école normale. Cela a été terrible si elle avait blessé quelqu’un. Lorsque le taube est venu il y a huit jours sur Nancy, il a lancé des bombes et de nombreuses fléchettes. Il y a eu 26 fléchettes sur le toit du docteur Chery et 30 sur la maison à côté. Une de nos fusées est tombée dans le jardin du docteur. Madame Chery m’a donné une flèche allemande. Elle est à peu près comme les françaises.
Il y a quinze jours, les Allemands étaient tout près de Pont-à-Mousson, à 500 mètres mais on a pu les repousser.
Samedi 24 juillet 1915
On me dit que Madame Jean Geny qui était au mois d’août dans sa maison de campagne près du Donon a logé beaucoup de Français. Elle leur avait donné plusieurs renseignements qu’elle avait mis par écrit. Lorsque les Allemands sont arrivés à Thiaville, ils ont fouillé la maison et ont trouvé ces renseignements. La pauvre femme a été emmenée et emprisonnée en Allemagne. Depuis le mois d’août, elle est en prison en Allemagne. Son mari ne savait pas ce qu’elle était devenue et il vient d’apprendre qu’on vient de la juger et qu’elle est condamnée à 11 ans de forteresse. C’est affreux, elle a un fils de 16 ans.
Dimanche 25 juillet 1915
J’envoie tous les dimanches des paquets à des prisonniers de Gercourt et de la Meuse. J’en envoie dix. Ils se composent chacun d’un pain d’un kilo que j’achète dans une boulangerie qui fait exprès du pain de prisonnier. C’est du pain très cuit qui doit se garder un mois puisqu’il n’arrive qu’au bout de 3 semaines. J’y ajoute du tabac, sucre, chocolat. J’en envoie à des prisonniers qui sont dans les camps d’Ingolstadt, Grafenwöhr, Parchim, etc. Les prisonniers m’écrivent qu’ils reçoivent très bien le pain et que ce n’est pas comme leurs camarades qui reçoivent leur pain moisi. Pauvres gens, il y a des civils et des militaires. Il parait que les prisonniers russes qui sont avec eux ne reçoivent rien, ils meurent de faim. Quelle guerre abominable.
A suivre…
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