14-18Hebdo

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Carnets de guerre (Anna Vautrin) – N° 36 - 14 au 20 juin 1915

 

J’envoie toutes les semaines des colis aux prisonniers de Gercourt. Je reçois des réponses mais ils me demandent tous du pain car leur ration est bien maigre....J’ai des prisonniers à Ingolstadt, Grafenwöhr, Ohrdruf, Königsbürg.

 

1909 Fiancailles Paul Boucher et Suzanne Vautrin pour blog.jpgFiançailles de Suzanne Vautrin et Paul Boucher le 23 août 1909 au Roseaux, chalet des Vautrin sur le lac de Gérardmer. De nombreux membres des familles Perrin, Boucher et alliés sont présents.

Document transmis par Renaud Seynave, son arrière-petit-fils - 10/06/2015

 

Lundi 14 juin 1915

Un zeppelin est encore allé sur les côtes d’Angleterre. Il y a eu 15 tués et de nombreux blessés.

A Nancy la chaleur est étouffante. Alexis a toujours beaucoup de blessés à la clinique des Beaux-arts.

Mardi 15 juin 1915

Monseigneur Ruch évêque coadjuteur de Nancy vient d’être décoré de la Légion d’honneur. Il est aumônier de 20e corps près d’Arras. Les soldats l’aiment beaucoup, il est très dévoué.

Mercredi 16 juin 1915

Alexis a reçu aujourd’hui des blessés des environs de Nomeny. C’est un obus qui est tombé sur une grange où plusieurs soldats dormaient. Ils ont des blessures affreuses.

Alice Kempf revient de Moyenmoutier. Les Allemands sont toujours à Senones. Elle entendait le soir les obus siffler car les Allemands avaient repérer une batterie se trouvant au dessus de Moyenmoutier. On ne peut toujours pas les déloger de Senones. Ils sont très fortifiés. (Note de RS : Alice Kempf est la fille d’Ernest-Camille Humbert, cousin germain d’Anna Vautrin).

Le cuirassé anglais HMS Majestic de la Royal Navy a été torpillé par un sous-marin allemand. (Note de RS : il a été torpillé le 25 mai 1915 au large du cap Helles dans la bataille des Dardanelles.)

 

          1915 Naufrage du Majestic.jpg                       1915 Cuirasse HSM Majestic.jpg

                     Naufrage du Majestic                                            Le cuirassé HSM Majestic de la Royal Navy

 

Jeudi 17 juin 1915

Mardi soir à 7 heures, 5 avions allemands sont venus sur Nancy. Nous avons vu de nos fenêtres la chasse par trois de nos avions. On voyait les fumées d’obus et on entendait la canonnade et de très fortes détonations. C’étaient des bombes que les avions lançaient, 22 bombes au total. Une est tombée près des Magasins Réunis et il y a eu trois tués, une autre est tombée rue de la Craffe et a tué l’antiquaire qui habite près de la porte de la Craffe et tué aussi un pâtissier dans le café à côté. Il y a aussi une bombe sur les rails de la gare 5 minutes après le passage de l’express de Paris. Une autre est tombée sur une fruiterie, a traversé toute la maison jusqu’à la cave. Le propriétaire était en train de tirer du vin. L’obus n’a pas éclaté. Une autre est tombée derrière la chapelle ducale à 3 mètres de la chapelle des tombeaux des princes de la Maison d’Autriche. Les vitraux sont brisés. Toutes les autres bombes n’ont pas fait beaucoup de dégâts. En tout, il y a eu 6 tués et beaucoup de blessés. C’était très émotionnant de voir arriver ces taubes l’un après l’autre. Les taubes ont lancé beaucoup de fléchettes dans la rue St Léon. Un garçon a eu le pied traversé par l’une d’elle. Alexis l’a soigné à l’hôpital.

Les Allemands ont bombardé la ville de Compiègne avec des canons qui portent à 24km.

Vendredi 18 juin 1915

C’est aujourd’hui l’anniversaire de Waterloo, il y a cent ans jour pour jour que se livrait la grande bataille.

Madame Boucher écrit à Suzanne qu’on se bat beaucoup près de Metzeral. On entend à Gérardmer une forte canonnade. On a amené 150 prisonniers et 14 officiers. Les Allemands ont incendié Metzeral.

Paul a écrit du Vieil Armand où il est remonté depuis quelques jours que les tranchées sont très bien faites et qu’ils sont à 50 mètres des boches. Ils sont trop près pour s’envoyer des obus mais ils s’envoient des grenades et des torpilles aériennes.

Edouard est toujours près de Carency. Il écrivait hier à Madeleine qu’ils avaient lancé en deux jours 700 000 obus sur les Allemands. C’est effrayant ! On a maintenant beaucoup d’obus.

J’envoie toutes les semaines des colis aux prisonniers de Gercourt. Je reçois des réponses mais ils me demandent tous du pain car leur ration est bien maigre. J’achète ici du pain que l’on fait exprès pour les prisonniers. On le cuit 2 heures alors que notre pain ordinaire n’est cuit qu’une demi-heure. Il arrive très bien. J’ai des prisonniers à Ingolstadt, Grafenwöhr, Ohrdruf, Königsbürg.

Samedi 19 juin 1915

Pendant la nuit, nous avons entendu passer de l’artillerie et cet après midi un énorme canon de 155 sur lequel était inscrit « Colossal ». Il était tout bariolé de peintures de toutes les couleurs pour qu’il se voie moins dans la forêt. Il partait pour le bois Le Prêtre. Ma débarrasseuse a son fils cuirassier près d’Arras. On vient de leur rendre leurs cuirasses et on a peint tous les chevaux en blanc et clair. Voudrait-on faire une charge de cuirassiers ?

Les Italiens avancent, ils sont à la frontière autrichienne.

Des taubes ont lancé des bombes sur Venise. Une bombe est tombée tout près de l’hôtel de Monaco où nous sommes descendues quand nous sommes allées à Venise.

On nous dit qu’à Senones les Allemands y sont toujours. La maison de Monsieur Petit-Collot (gendre du docteur Pierre Parisot) est complètement pillée. Il ne reste absolument rien. Tout est jeté, même les lettres. L’argenterie est volée ainsi que les bijoux. Les Allemands étaient contents en sortant de la maison et brandissaient des papiers en criant « nous avons trouvé les plans de la forêt chez le garde forestier ».

Dimanche 20 juin 1915

Les Allemands sont si furieux du raid par nos avions sur Karlsruhe qu’ils projettent un raid de zeppelin sur Londres et Paris.

L’aviateur Anglais Warneford de la Royal Navy Air Force qui avait fait tomber un zeppelin à Paris il y a 8 jours vient d’être tué en faisant un vol d’essai. Le jour même, Joffre l’avait décoré de la Légion d’honneur sur l’aérodrome de Buc. C’est une grande perte pour l’aviation.

Un officier nous dit que deux avions de l’escadrille qui est allée sur Karlsruhe ne sont pas revenus. Deux pilotes ont été lynchés par la foule en Allemagne et les deux autres ont été brûlés près de Strasbourg.

Des aviateurs français ont jeté en Alsace des papiers sur Guebwiller et Colmar sur lesquels il était écrit « Alsaciens, l’Italie collabore à l’écrasement de l’Allemagne. Vive la France, Vive l’Alsace. »

Nos troupes sont près de Metzeral. Aujourd’hui nos soldats viennent de prendre le village de Metzeral où nous sommes allés si souvent en promenade pendant les vacances depuis Gérardmer.

Paul est toujours au sommet de l’Hartmannswillerkopf près de Thann. Il écrit « nous entendons souvent le sifflet de la sentinelle qui avertit tous nos soldats de se coucher dans la tranchée quand la sentinelle voit la 1ère grenade partir. Les Allemands font de même de sorte qu’on entend continuellement ces coups de sifflet ».

A suivre…



12/06/2015
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