14-18Hebdo

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90e semaine de guerre - Lundi 17 avril au dimanche 23 avril 1916

 

LUNDI 17 AVRIL 1916 - SAINT ANICET - 624e jour de la guerre

MARDI 18 AVRIL 1916 - SAINT APOLLONIUS - 625e jour de la guerre

MERCREDI 19 AVRIL 1916 - SAINT ELPHEGE - 626e jour de la guerre

JEUDI 20 AVRIL 1916 - JEUDI SAINT - SAINT THEODORE - 627e jour de la guerre

VENDREDI 21 AVRIL 1916 - VENDREDI SAINT - SAINT ANSELME - 628e jour de la guerre

SAMEDI 22 AVRIL 1916 - SAMEDI SAINT - SAINTE OPPORTUNE - 629e jour de la guerre

DIMANCHE 23 AVRIL 1916 - PAQUES - SAINT GEORGES - 630e jour de la guerre

Revue de presse

-       "Courage… on les aura" dit le général Pétain dans un ordre du jour

-       Trois avions alliés sur Constantinople

-       M. Sonnino expose la politique de l'Italie

-       Expédition américaine au Mexique - Villa est-il mort ?

-       Prise de Trébizonde par les Russes

-       Bombes sur Belfort

-       L'Allemagne veut toute la Pologne

-       D'Annunzio conservera la vue

-       Autour de Verdun - Deux brillantes contre-attaques françaises - Tranchées reprises au nord-ouest de Vaux et dans la région de Mort-Homme

-       Des troupes russes ont débarqué en France – Elles viennent combattre avec nous : le généralissime les salue

-       La situation à Constantinople - Le régime de la terreur

-       En Mésopotamie dans la nuit du 17 au 18 avril les Turcs ont eu 3,000 tués

-       L'offensive russe continue au Caucase

-       L'Angleterre admet le service obligatoire pour tous

-       Mort du général von der Goltz

-       Les Autrichiens ayant attaqué en force, les positions italiennes à l'ouest du Torrent de Larganza ont été repoussées

-       Afrique orientale - On se bat près de Kondoirangi

 

Morceaux choisis de la correspondance

Je vois que tu serais aussi ennuyé que moi si ta permission était retardée. J’attends ton retour depuis si longtemps et m’en réjouis tellement.

17 avril - ELLE (Arcachon).- Je suis installée entre Noëlle et André qui font leurs devoirs et qui trouvent que c’est bien ennuyeux, naturellement ils envient leurs petits cousins qui ne font que s’amuser. Evidemment le travail semble plus dur quand il se fait à la maison et qu’on entend rire et jouer par les fenêtres ouvertes. Nous venons de faire une dictée et maintenant ils font leur exercice d’application, c’est à dire qu’ils cherchent dans la dictée les verbes, noms au singulier et pluriel, masculin, adjectifs, pronoms, etc., ce qui me permet de te répondre tranquillement.

 

Je reçois en ce moment ta lettre du 14 avril. Je n’avais pas vu le post-scriptum dont tu parles et je trouve que premièrement tu as été plus royaliste que le roi et que 2° tu as exagéré puisque j’ai beau faire l’addition de ce que nous avons touché je ne trouve que 24 000. Mais surtout tu es bien bon de n’avoir pas profité de la facilité qu’on laisse à tous les mobilisés. Sois tranquille, après la guerre, ce sera encore nous qui serons forcés de payer les frais de la guerre, donc ce n’était pas la peine de commencer avant l’heure. Enfin c’est fait.

 

Maman est partie ce matin à Bordeaux avec Paul. Elle y a trouvé de la houille, mais à 124 fr. prise à Bordeaux, ajoute à cela plus de 20 fr. de port, et elle reviendra à la chaudière à 150 fr. On est loin des prix anciens.

 

Je vois que tu serais aussi ennuyé que moi si ta permission était retardée, aussi j’espère que tu n’auras pas d’empêchement et que tu nous arriveras bien exactement le 2 mai, car je serais bien déçue. J’attends ton retour depuis si longtemps et m’en réjouis tellement.

 

Nous avons la pluie aujourd’hui et une température très froide, néanmoins nous sommes restées Maguy et moi sur le balcon jusque 4 heures à travailler et causer. Pour Maguy ce repos de quelques jours sans son Paul sera très bon quoique un peu trop court car elle a l’air fatigué, et elle est inouïe. Seule avec nous, elle reste bien étendue et même elle ne travaille pas du tout à ses ouvrages, ce qui prouve qu’elle se sent fatiguée et l’autre jour, dès que Paul a paru, de suite elle est redevenue frétillante, remuante, se dépensant et faisant mille frais. Tu me diras que c’est gentil et charmant pour son mari d’avoir une femme qui se dépense ainsi pour lui, mais moi je voudrais bien qu’elle se repose plus, car j’ai peur qu’elle retombe malade. Mais, il n’y a rien à lui dire, quand ce n’est pas Paul qui l’a dit, elle n’en fait qu’à sa tête et elle est entêtée comme une Bretonne. Nous avons Thérèse et moi maintenant bien plus d’idées communes qu’avec ma vraie sœur qui a tellement changé depuis qu’elle s’est éloignée de nous. Cela fait parfois un peu de peine de voir combien nous tenons peu de place dans sa vie et combien elle s’est détachée de la famille et des Vosges mais, comme je ne veux pas faire comme ta pauvre sœur qui se navre pour peu de chose, après un petit moment de peine je me secoue et n’y pense plus. Cela ne changerait rien et, puisque je t’ai, cela est bien meilleur que n’importe quoi. Mais tu vois que de plus en plus, il faut que tu reviennes.

 

Le foie gras était-il bon ou médiocre, aimeras-tu en recevoir un autre ou une autre conserve ?

 

Encore une année où je ne serai pas près de toi pour t’embrasser bien tendrement en te souhaitant ta fête.

18 avril - ELLE (Arcachon).- Encore une année où je ne serai pas près de toi pour t’embrasser bien tendrement en te souhaitant ta fête. Mon bon chéri, mon cœur et ma pensée te suivent encore plus que les autres jours, dimanche prochain, qui devrait être double fête pour nous en tant que Pâques et en ton honneur. Mais hélas ! Toutes ces années qu’on passe, séparés, vous enlèvent les petites joies comme les grandes et les jours s’écoulent monotones, pour nous du moins qui n’avons pas vos dangers, les batailles, la surveillance de l’ennemi, etc. Pour ta fête, que puis-je t’offrir, mon bon chéri, tout te manque et pourtant je ne sais ce qui te ferait plaisir. Tu recevras quelques chocolats, mais ce que je t’envoie surtout, c’est mon amour tout entier, j’embrasse tes chers yeux, ta bouche que j’aime tant, tout mon Geogi adoré que je voudrais revoir et qui me manque tant.

 

Heureusement que ta venue est proche et que nous pourrons l’un et l’autre refaire une provision de courage et de tendresses. Encore quinze jours et tu seras avec moi, quelle joie pour nous tous, les enfants se réjouissent tant de ton arrivée.

 

Ils préparent des morceaux de piano pour toi, André travaille très bien, il a fait beaucoup de progrès, c’est vraiment dommage qu’il ne puisse continuer ainsi car cela l’aurait bien avancé. Noëlle y met moins d’attention mais, comme elle est bien douée, elle suit quand même. A ce point de vue, le séjour au Moulleau aura été très profitable. Pour la santé aussi d’ailleurs, ils ont tous une mine excellente qui persévérera j’espère, même après la fatigue du voyage, pour que tu les voies encore bien bruns et roses. Il fait très froid ces jours-ci et Maman s’est refroidie, elle souffre à nouveau de l’épaule et je l’ai priée de rester au lit aujourd’hui, ce qu’elle a fait sagement.

 

Henry est maintenant à Tunis, toujours à la 5e Cie du 15e bataillon territorial, caserne à la Kasbah. Il pense avoir quelques jours de permission pour aller à Sfax. D’après lui, sa présence y serait bien utile surtout pour les divers travaux à donner à la vigie, principalement le soufrage. Jusqu’alors les sauterelles n’ont pas fait leur apparition, il faut espérer que la campagne agricole s’achèvera sans leur présence.

 

19 avril - ELLE (Arcachon).- J’ai emmené tout à l’heure nos enfants se confesser avec moi pour leurs Pâques et je ne sais si c’est cela qui a mis Monsieur Dédé de mauvaise humeur mais il est tout à fait grognard et fait très mal ses devoirs, c’est bien de la contrition imparfaite qu’il avait, car le résultat de la confession est plutôt médiocre. Ta petite semonce à Noëlle a fait très bon effet, elle retravaille beaucoup mieux depuis.

 

Comme vous, nous avons la pluie à torrents depuis 3 jours, ce n’est qu’ennuyeux pour nous, tandis que je suis bien désolée de penser que tu patauges dans la boue et que tu es mouillé tout le jour. Ne voudrais-tu pas que je t’envoie un manteau de caoutchouc, pour cette saison, ce serait plus agréable que ton manteau d’hiver si lourd avec sa double pèlerine, car à partir de maintenant tu ne souffriras plus du froid.

 

Maman est encore restée au lit aujourd’hui, elle souffre très peu, mais sent le froid et, comme le temps est très humide, il vaut beaucoup mieux qu’elle ne bouge pas, ainsi elle ne sent pas les courants d’air.

 

Tu te rappelleras que tes lettres mettent 3 jours pour m’arriver, comme nous quittons le 27, à partir du jour de Pâques ne m’écris plus ici, envoie-moi un mot chez ta sœur 18 rue Boissière où je le trouverai le 28. Maman a envie de ne pas rentrer en même temps que nous dans les Vosges et d’aller à Rouen rendre visite à ses transitaires de pâtes, voir aussi les stocks de charbon et peut-être aller jusque Dunkerque et Calais pour les mêmes raisons. Mais ces projets dépendent de son état de santé, il est évident que je ne la laisserai pas partir seule si elle ne va pas parfaitement, elle reviendra avec nous simplement.

 

Comment es-tu dans ton gourbi, as-tu avec toi tes lieutenants ou es-tu seul, comment installes-tu tous tes effets, habits, chaussures, linge et menus objets, tu ne peux pas les jeter à terre, as-tu des portemanteaux, raconte-moi tout cela.

 

Dès que tu pourras partir, fais-le sans tarder de crainte qu’on ne suspende une fois encore les permissions.

20 avril - ELLE (Arcachon).- Toujours la pluie, mais comme on nous écrit des Vosges que pluie et neige font rage, nous nous consolons en nous disant que chez nous ce serait encore pis, mais c’est vexant quand même car tous les habitués du Moulleau nous vantent la beauté et la douceur du climat dans les années habituelles.

 

Maman va mieux, elle s’est levée aujourd’hui, son séjour au lit lui a fait grand bien en la tenant au chaud et en la reposant de ses fatigues antérieures.

 

Nous allons partir à un office cet après-midi qu’on a annoncé en grande pompe, il y aura de beaux chants dont un Stabat et le Crucifix de Fauré chantés par un artiste de la Scala de Milan. Je n’ai jamais vu qu’on chante ainsi dans l’église le Jeudi Saint mais de cette façon la demi-heure d’adoration va passer bien plus vite et ce sera moins carême et pénitence. Nous avons un abbé qui doit être musicien car il y a toujours de très jolis chants ici. Je suis même allée l’autre jour, je crois te l’avoir déjà dit, lui demander les paroles et musique d’un joli air patriotique qui ferait très bien dans l’église de Docelles.

 

Je suis si contente de voir les jours passer qui me rapprochent de ton retour, il va faire si bon se revoir, se retrouver, reprendre pour quelques jours notre chère vie d’autrefois, embrasser mon mari si aimé dont je suis si privée. Ne perds pas de temps et viens le plus vite possible, nous rentrerons le samedi soir 29 avril, et dès que tu pourras partir après cette date, fais-le sans tarder de crainte qu’on ne suspende une fois encore les permissions.

 

Tu te moques de moi parce que je veux te voir avec ta bricole mais tu sais que tous les officiers en ont maintenant. Quand Maurice est revenu il l’avait, André Bertin aussi, tous les officiers permissionnaires que je vois ici l’ont aussi et cela fait très bien sur le drap bleu, naturellement qu’on ne pend pas après tous les impedimenta, on la met très unie et c’est très joli. Tu ne veux pas me croire mais cela ne fait rien, je t’aime quand même et j’embrasse tes yeux et ta bouche qui se moquent de moi. Encore un baiser et je te quitte.

 

Quel malheur de voir toutes ces belles intelligences mourir ainsi, quelle perte pour le pays que tous ces hommes fauchés dans la force de l’âge et dans la plénitude de leur science.

21 avril - ELLE (Arcachon).- Nous sommes près de la mer aujourd’hui et je pense à toi qui serais si bien près de nous, au grand repos. Il fait vraiment bon quand il fait beau temps, c’est dommage que cela arrive si rarement.

 

Maurice a écrit à sa femme hier que Maurice Masson a été tué la veille du jour où Maurice écrivait. Quel malheur de voir toutes ces belles intelligences mourir ainsi, quelle perte pour le pays que tous ces hommes fauchés dans la force de l’âge et dans la plénitude de leur science.

 

Maurice l’avait revu juste quelques jours avant, dans des circonstances curieuses. La nuit vers onze heures du soir par une pluie battante, Maurice était allé dans un boyau où on travaillait pour dire qu’on arrête le travail cette nuit-là car les hommes étaient vraiment trop trempés. Il demande quel est l’officier. Un s/lieutenant arrive - lieutenant Masson - capitaine Boucher - puis ils causent, arrive une fusée éclairante mais ils ne se sont pas reconnus. En retournant au cantonnement où Maurice avait laissé son cheval, Maurice demande à son compagnon d’où il est - de Fribourg en Brisgau et vous - de Docelles dans les Vosges. Là-dessus Mr Masson dit à Maurice qu’il lui semblait en effet avoir reconnu sa voix, qu’il était venu autrefois chez nous quand l’abbé Hamant y était. Ils ont parlé longtemps ensemble et se sont promis de se revoir. Malheureusement un vilain obus en a décidé autrement. Dès que Maurice l’a su, il a écrit à l’abbé Hamant pour qu’il prévienne sa famille, mère et femme.

 

Noëlle est un peu fiévreuse aujourd’hui, je pense que c’est un embarras gastrique, aussi je l’ai laissée au lit et mise à la diète. C’est ce qui lui fera le plus de bien, elle s’amuse dans son lit et ne paraît pas bien malade. André fait ses devoirs bien sagement, nous sommes tous bien contents d’être réunis, mais nous regrettons tous de n’avoir pas nos maris chéris. Ce serait si bon d’être ensemble au lieu de vous sentir dans l’ennui, la solitude et surtout au feu.

 

Je vais écrire à Bordeaux pour retenir des couchettes pour notre retour, car il faut s’y prendre à l’avance. Les enfants se réjouissent de repartir, de même qu’en février ils avaient grand plaisir à l’avance en pensant au voyage, mais ils seront aussi heureux de rentrer et de retrouver leurs jouets.

 

On vient d’y bâtir de grands baraquements pour y recevoir des Sénégalais, chair à canon sans doute pour les prochaines offensives comme les braves Russes qui viennent de débarquer. Les Allemands vont y voir une preuve que nous manquons d’hommes et s’en réjouiront.

22 avril - ELLE (Arcachon).- J’attends impatiemment de tes nouvelles, hier le courrier ne m’a rien apporté et je suis si habituée chaque deux jours à recevoir un mot tendre de mon mari adoré que cela me manque beaucoup.

 

Nous regardons tomber la pluie, Maguy et moi, de nos places sur le balcon. Thérèse et Maman font leur correspondance à la salle où elles ont fait faire du feu, car il ne fait vraiment pas chaud. Nous nous consolons en pensant que dans les Vosges il y aurait encore des températures plus basses puisqu’on nous annonce de la neige à Gérardmer et Cornimont. Noëlle est encore restée au lit aujourd’hui, mais elle n’avait presque plus de fièvre ce matin et je pense que ce sera vite fini, elle n’a encore eu que des infusions de thé et farine lactée à boire et elle crie famine, ce qui est bon signe. Je voudrais qu’elle soit guérie demain car deux jours seulement de fièvre et de diète lui ont enlevé ses bonnes couleurs et lui ont cerné les yeux, que diraient ses tantes à Paris auxquelles j’ai si bien écrit que nos enfants avaient bonne mine. André trouvait très amer de prendre ses leçons tout seul en paresseux qu’il est, et osait dire qu’il préférerait avoir la fièvre et rester au lit que de courir à sa leçon de piano et faire ses devoirs. Il est flemme par moments cet enfant, c’est effrayant. Il serait temps que Papa revienne pour secouer un peu tout ce petit monde.

 

Nous repartirons d’Arcachon sans en connaître les environs. J’ai si peu envie de bouger, mes sœur et belle-sœur aussi, que nous n’avons pas d’autre plaisir que de rester bien étendues près de notre maison.

 

Dimanche dernier, Paul a emmené ces dames à Cazeaux, pas loin d’ici où il y a un camp d’aviation pour des essais d’hydravions, et on vient d’y bâtir de grands baraquements pour y recevoir des Sénégalais, chair à canon sans doute pour les prochaines offensives comme les braves Russes qui viennent de débarquer. Les Allemands vont y voir une preuve que nous manquons d’hommes et s’en réjouiront.

 

Demain c’est ta fête mon adoré, nous devrions être ensemble et nous aimer en cet honneur plus tendrement que d’habitude, et c’est navrant d’être si loin de l’autre. Dans huit jours, tu seras bien près de venir nous retrouver, mon doux chéri, j’en suis très heureuse, je t’embrasse. Ta Mi. Ne m’écris plus ici.

 

23 avril - ELLE (Arcachon).- Nous avons été agréablement surprises à la sortie de la messe en trouvant Paul L.J. qui nous attendait et qui avait amené Mr Catel pour déjeuner. Mr Catel a épousé Mlle Conroy de Lépanges, il est apparenté aux Evrard. Il était au 152e, a été blessé le premier du régiment vers le 8 ou le 9 août 14. Il est à la poudrerie d’Angoulême comme chimiste depuis 6 mois. Il paraît que le Ministre a envoyé à toutes les usines de la défense nationale ordre d’arrêter pendant 12 heures, Paul en a profité bien vite pour venir ici, ce qui nous a fait grand plaisir. Mr Catel est aimable et gentil, il est très ami d’André Boucher avec lequel il a été à Albertville et du Dr Gaillemin. Cette course en auto jusqu’ici et le déjeuner en famille paraissaient lui plaire. En ce moment ils sont en promenade sur la plage, Thérèse, les L.J. et Mr Catel. Je suis restée parce que j’attendais le docteur que j’ai fait venir pour Noëlle, qui continue à avoir une petite fiévrotte sans aucune manifestation extérieure de maladie, elle n’a mal nulle part, chante comme un pinson et le docteur est d’avis comme moi que c’est une simple mauvaise digestion qui est cause de cette fièvre, pour le moment du moins. Il ordonne une seconde purgation pour demain, un peu de quinine et espère que mardi ce sera fini. Mais je suis vexée parce que Noëlle a perdu sa bonne mine, elle était si jolie avec ses joues roses, voilà ce que c’est, les péchés d’orgueil des mamans sont toujours punis, et Dieu ne veut pas que je sois trop fière de ma fille en passant à Paris.

 

Ta lettre d’hier m’a fait de la peine en pensant à ton ennui d’avoir à céder ta nouvelle position de batteries à d’autres troupes. C’est ennuyeux de ne pas profiter du travail qu’on a préparé, et je comprends que tes lieutenants soient furieux. Ne crois-tu pas que tu es trop bon et qu’on abuse de toi et que tu pourrais un peu grogner, peut-être qu’on ne te prendrait pas ainsi ta propriété.

 

Nous avons aujourd’hui un joli soleil qui fait du bien. Il va nous faire regretter de partir, mais moi j’ai deux raisons de me réjouir du départ, revoir mon chéri et mon pays, aussi j’espère que rien ne viendra entraver nos projets. Je t’aime mon adoré.

 

    

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 23/04/1916 (N° 1322)

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Le général Roques - Ministre de la Guerre

Le général Roques qui vient de remplacer, au ministère de la Guerre, le général Gallieni, forcé par son état de santé de prendre un repos bien gagné, est né à Marseillan (Hérault), le 28 décembre 1856. Sorti le premier de Polytechnique en 1875, il entra dans l’arme du génie, et servit d’abord en Algérie. En 1888, il sert au Tonkin avec le grade de capitaine sous les ordres de l’amiral Courbet. Quatre ans plus tard, le capitaine Roques est de retour en Afrique ; il fait partie de l’expédition du général Dodds au Dahomey. Dans une rencontre avec les farouches soldats de Béjanzin, il reçoit sa première blessure, blessure heureusement sans gravité : une balle qui vient s’aplatir sur le ceinturon de son sabre, et qui sans cet heureux hasard eût peut-être brisé une carrière qui devait être glorieuse et utile au pays. Roques revint du Dahomey chef de bataillon et tint quelque temps garnison à Versailles. Mais ce colonial, accoutumé à l’action et aux aventures périlleuses des campagnes, ne pouvait demeurer longtemps en France. C’était l’époque où le général Gallieni achevait la conquête et la pacification de Madagascar. Roques demanda à servir sous ses ordres. Il fut envoyé dans la grande île ; et bientôt, il y rendait d’éminents services qui lui valurent la citation à l’ordre du jour que voici : « Le chef de bataillon Roques, directeur du génie et des travaux publics, après avoir dirigé et mené à bonne fin les études de chemins de fer de Tamatave à Tananarive, a donné la plus heureuse impulsion à tous les travaux publics, qui ont pour but de faciliter le développement industriel et commercial de notre nouvelle colonie. » Roques gagna à Madagascar son cinquième galon. Rentré en France, il fut en 1906, avec le grade de colonel puis de général de brigade, le successeur du général Joffre comme directeur du génie au ministère de la Guerre. La direction de l’aéronautique militaire fut jointe alors à celle du génie ; et c’est le général Roques qui fut le créateur et l’organisateur de nos services d’aviation. Là encore, il rendit les plus précieux services.

 

Avant la guerre, il commandait le 12e corps à Limoges. Le 1er janvier 1915, il succéda comme chef d’une armée au général Dubail, promu commandant d’un groupe d’armées. Cette armée occupait alors un secteur très étendu où se passent aujourd’hui de grandes choses. Le général Roques veilla à ce que toutes les positions fussent très fortifiées. C’est lui qui entreprit et qui mena à bien l’attaque des Eparges où les Allemands avaient accumulé les défenses. Roques avait jugé que la possession de ce point qui domine la Woëvre était nécessaire pour la sécurité de Verdun. Ses troupes s’en emparèrent après des combats héroïques. On se rend compte aujourd’hui combien le général voyait juste quand il voulait nous assurer cette position. Les services rendus par le général Roques depuis le début de la guerre lui valurent, en janvier dernier, la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur ; le décret lui conférant cette dignité portait le motif suivant, qui nous dispense de tout commentaire : « A obtenu du corps d’armée qu’il commandait au début de la campagne les actions les plus brillantes, tant par sa bravoure personnelle que par sa maîtrise du commandement ; placé à la tête d’une armée, a continué à faire preuve des plus hautes qualités d’activité et d’intelligence et a su imposer à ses subordonnés le sentiment du devoir dont il est animé. »

 

 

 

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Les Russes à Ispahan

Les Russes sont entrés à Ispahan, la ville des roses, la seconde capitale de la Perse. Cette cité, autrefois une des plus riches et des plus peuplées de l’Orient, et capitale des Séfévides, possède actuellement une population de près de 80 000 habitants. La majeure partie de la ville est tombée en ruines et néanmoins la partie habitée est aussi grande que Téhéran, capitale actuelle des chahs. L’importance d’Ispahan vient surtout de sa position commerciale et stratégique. Les principales routes de la Perse rayonnent autour d’elle. Elle communique au nord avec Téhéran par une chaussée de 335 kilomètres qui se prolonge au sud jusqu’à Chiraz et Bouchir sur le golfe Persique. Elle est en relation directe avec Hamadan, Kermanchah et Bagdad à l’ouest, et avec Yezd et Kirman à l’est. La marche russe n’est pas moins heureuse du côté de l’ouest, dans la direction de la Mésopotamie, que du côté sud. Les agitateurs turco-allemands fuient dans toutes les directions, et sont de plus en plus refoulés. Après avoir perdu Koum et Ispahan, c’est à Kirman qu’ils ont transporté le siège de leur comité révolutionnaire.

 

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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Fantassins russes quittant leurs tranchées, pour attaquer à la baïonnette

Infanterie russe traversant une rivière sur un pont improvisé

Nos poilus construisent leurs cantonnements

Dans une tranchée de 1re ligne une mitrailleuse bien placée

Transport d'un blessé

Poste de commandement d'une section de mitrailleuses

Le "CACO" nouveau ballon captif français

Premiers soins donnés à un blessé sur le champ de bataille

Prisonniers allemands utilisés à l'établissement d'une route

Mlle Slavikia Tomitch, l'héroïne serbe

 

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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Camp serbe, à Corfou

Dans une rue de Salonique

Le Tea Room des Eparges

Lancement d'une torpille

Grosses pièces d'artillerie dans les tranchées

Grosse pièce de marine anglaise, en action dans la plaine

Un ravin sous le bombardement

Poilus abrités contre le bombardement

Un de nos 270 protégé

Dans un ravin des Hauts-de-Meuse

 

Thèmes qui pourraient être développés

  • Mexique - Expédition américaine au Mexique - Villa est-il mort ?
  • Russie - Prise de Trébizonde par les Russes
  • Pologne - L'Allemagne veut toute la Pologne
  • Italie - D'Annunzio conserve la vue
  • Russie - Des troupes russes ont débarqué en France – Elles viennent combattre avec nous
  • Turquie - La situation à Constantinople - Le régime de la terreur
  • L'Angleterre admet le service obligatoire pour tous
  • Turquie - Mort du général von der Goltz - Il aurait été assassiné par les soldats turcs
  • Afrique orientale - On se bat près de Kondoirangi
  • La Tunisie fidèle et prospère
  • Impôt - Déclaration de revenus
  • Verdun - La vue depuis le fort de Vaux - Désolation
  • La Foire du Livre à Lyon
  • Un Stabat et le Crucifix de Fauré chanté par un artiste de la Scala de Milan
  • Allemagne - Guillaume II appelle le chancelier Bethmann - La classe 1919
  • Le général Roques, ministre de la Guerre (Portrait dans LPJ Sup)
  • Les Russes à Ispahan (LPJ Sup)
  • Allemagne - Peuple d'espions (LPJ Sup)
  • Les instantanés de la guerre (Photos dans LPJ Sup)
  • Conseils pratiques - La Lecture (LPJ Sup)
  • Religion - Fête religieuse - La Semaine Sainte et Pâques


15/04/2016
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