82e semaine de guerre - Lundi 21 février au dimanche 27 février 1916
LUNDI 21 FEVRIER 1916 - SAINT PEPIN - 568e jour de la guerre
MARDI 22 FEVRIER 1916 - SAINTE ISABELLE - 569e jour de la guerre
MERCREDI 23 FEVRIER 1916 - CHASSE DE SAINT PIERRE A ANTIOCHE - 570e jour de la guerre
JEUDI 24 FEVRIER 1916 - SAINT MATHIAS - 571e jour de la guerre
VENDREDI 25 FEVRIER 1916 - SAINT FELIX - 572e jour de la guerre
SAMEDI 26 FEVRIER 1916 - SAINT NESTOR - 573e jour de la guerre
DIMANCHE 27 FEVRIER 1916 - SEXAGESIME - 574e jour de la guerre
Revue de presse
- Un raid d'hydravions allemands sur la côte anglaise - Ils jettent des bombes sur Lowestoft et sur Walmer - Deux hommes et un enfant tués
- Un zeppelin abattu dans nos lignes près de Bar-le-Duc - Pris en chasse à Revigny par nos autos-canons il s'abat en flammes - L'équipage, comprenant 22 hommes, a été brûlé vif
- Le roi George est complètement remis
- La Douma, en rentrant, acclame Nicolas II
- Une bataille acharnée est engagée au nord de Verdun et se développe sur un front de quarante kilomètres
- La bataille se poursuit avec une violence sans précédent au nord de Verdun - L'ennemi subit des pertes extraordinaires - Nos troupes tiennent admirablement sous le choc furieux
- La furieuse offensive du Kronprinz contre Verdun conserve le même acharnement
- Une magnifique ruée de nos troupes reprend Douaumont
- L'adjudant-aviateur Navarre abat deux avions allemands
- Le Kaiser dirige en personne l'attaque sur Verdun
Morceaux choisis de la correspondance
21 février - ELLE.- J’ai reçu ta si bonne lettre du 15 avec une grande joie ce matin. Elle a mis comme tu le vois six grands jours pour m’arriver, tandis que de Vauxbuin il ne fallait que trois ou quatre jours. J’espère que lorsque vous serez installés à nouveau, la correspondance reprendra ses bonnes habitudes.
Nos enfants viennent d’être très intéressés par le récit que Maman leur a fait en rentrant d’Epinal. Elle y est allée ce matin avec Faron et, au moment où elle arrivait, on tirait le canon contre un taube, qui a été atteint dès le premier coup et a commencé à descendre. Que s’est-il passé quand il a touché terre, s’est-il enflammé et les bombes qui étaient dedans ont-elles éclaté ou, au contraire, est-ce le choc d’arrivée qui a fait éclater une bombe et mis le feu à l’aéroplane. Toujours est-il qu’il y a eu un éclatement très fort et quand Maman est arrivée dans les environs du lieu de l’accident elle a vu cinq ou six civières portant des gens ensanglantés. Etaient-ils morts ou blessés ? Elle n’en savait rien, mais tu penses que tous ces détails ont fort intéressé nos enfants. Il paraît que c’était amusant de voir l’enthousiasme des Spinaliens quand l’aéroplane a commencé sa chute, mais en somme il a fait autant de mal étant abattu que si on l’avait laissé jeter ses bombes.
Tu ne diras plus que je ne suis pas raisonnable. J’emporte ma chaise longue au Moulleau pour y continuer mon régime. J’ai prévenu le docteur à Paris pour qu’il me donne un rendez-vous jeudi pour Bertus et pour moi. Il se déclare satisfait de mon augmentation de poids mais m’annonce encore une assez longue cure de repos. Cela ne me pèse pas du tout au contraire, je me trouve mieux sur ma chaise longue que partout ailleurs, faut-il être paresseuse, n’est-ce pas ?
Thérèse part à Paris par Nancy espérant voir Maurice en gare de Toul au passage, mais nous prenons la voie de Chalindrey qui arrive un peu plus tôt à Paris et ne nous oblige pas au transbordement de Jarville à Champigneulles. La Compagnie de l’Est ne délivre pas de billets de famille, comme nous prenons donc des billets individuels, on est libre de se partager. J’ai écrit à Marie Molard et à Marie Paul de nous recevoir à déjeuner et à dîner.
Tu sais que depuis que la maison de Pierre Mangin a été envahie par des alpins, on lui donne chaque fois des officiers quand il y a des passages.
Nos tuyaux d’arrivée d’eau à la maison sont débouchés. Ils ont ouvert en plein le tuyau de purge et la prise d’arrosage et ont lancé toute la pression. Il paraît qu’il en est sorti plus de deux cents grenouilles, les unes vivantes les autres mortes, c’était tout cet amas qui bouchait la conduite. Cela vient certainement des chambres supérieures dans lesquelles on a trouvé souvent des grenouilles, elles auront fait des œufs et c’est ce qui nous aura donné toute cette dégoûtation. A part cela, nous n’avons eu aucun ennui car il n’y a pas eu besoin de faire des fouilles, c’est encore heureux.
22 février - ELLE (en gare de Langres).- Nous sommes en gare de Langres, étant venus visiter la ville au lieu de rester 3 grandes heures à Chalindrey, en compagnie de Marcelle André rencontrée à Epinal retour de l’enterrement de son père. Figure-toi que cette jeune femme est tellement coquette qu’elle repart à Paris pas du tout endeuillée, avec les chapeaux et costumes qu’elle avait à l’aller, sous le prétexte que le chapeau de crêpe qu’on lui a fait à La Bresse est trop laid. Jusqu’alors le voyage se fait très bien, les enfants sont très sages, mais on vient de nous annoncer que notre train a une heure de retard, ce qui ne nous amènera qu’à 10 heures à Paris. Tendresses.
25 février - ELLE (en gare de Bordeaux, 7 heures du matin).- Nous voici je pense à la fin de nos péripéties puisque nous arriverons à Arcachon dans deux heures. Nous avons eu pour arriver à Paris un retard énorme dû aux nombreux trains de troupes que nous rencontrions ou suivions et nous ne sommes arrivés qu’à 4 heures du matin au lieu de 9 heures du soir, ce qui était bien ennuyeux. Enfin tout se passe, on s’est vite couché. J’espérais que les enfants dormiraient tard, mais ils avaient sommeillé dans le train et dès 7 h 1/2 ils sonnaient déjà le branle-bas. Néanmoins on les a gardés au lit jusque 9 heures et ensuite je les ai emmenés avec Elise dans un magasin, puis nous avons déjeuné et à 1 h 1/2 j’avais rendez-vous chez le docteur qui nous a trouvés mieux Robert et moi. Je t’écrirai plus longuement tout à l’heure. Tendresses de ta Mi.
25 février - ELLE (Les Bruyères - Le Moulleau par Arcachon - 3 heures).- Me voici installée sur ma chaise longue, près d’une fenêtre ouverte tout comme à Docelles, surveillant de loin les ébats des enfants dans le jardin. La villa est au milieu d’une longue languette de jardin, d’un côté c’est la route, de l’autre c’est la mer. La vue sur la mer est charmante, mais je n’en profiterai guère, car le Dr m’a recommandé de ne pas m’exposer aux vents de mer et de vivre ainsi que Robert surtout du côté de la forêt de pins. Nous n’avons pas eu de chance pour notre arrivée, il neigeait ici à gros flocons tout comme dans les Vosges et les gens du pays avaient beau nous dire que c’était la première fois que cela se passait, il n’en faisait pas plus chaud et l’arrivée dans la villa inhabitée tout l’hiver n’était pas très agréable, mais je crois que nous nous trouverons bien. Le climat est bien meilleur que chez nous. Ainsi après cette bourrasque, le soleil s’est montré de suite et il faisait délicieux. Nous avons des palmiers dans le jardin et, en venant ce matin en voiture depuis Arcachon, nous voyions les mimosas en fleurs, les pruniers également tout blancs, ce qui nous donne confiance pour l’avenir, quand il fera vraiment beau.
Comme je te le disais dans ma carte de ce matin, le voyage a été assez fatigant, car nous avons eu deux nuits en wagon au lieu d’une comme nous y comptions, et la première a presqu’été la plus ennuyeuse, ayant laissé aux bonnes toutes nos couvertures et mantes. Jusque Troyes, on croyait toujours qu’on rattraperait le retard, mais plus on allait, plus on traînait et nous ne sommes arrivés qu’à 4 heures du matin, les enfants ont très bien dormi. Nous nous étions séparés pour avoir plus de place. Maman était avec les deux petits, André et moi dans un autre compartiment, et nous avons pu nous allonger. Thérèse était passée par Nancy pour voir son mari en gare de Toul, et nous l’avions laissée partir seule de son côté pour éviter la descente à Jarville et les retards plus fréquents sur cette ligne que sur celle de Chalindrey. Mais pour une fois c’était le contraire, Thérèse est arrivée ½ heure avant nous à Paris.
Tout le 20e corps a quitté les environs de Nancy pour ceux de Verdun assurément moins confortables en ce moment. Tous ces transports de troupes sont causes de retards et, à deux heures de Paris à peu près, on a fait baisser les rideaux des compartiments de peur de servir de guide aux zeppelins sans doute.
A Paris, Maman a été chercher les billets à l’agence, puis enregistrer les bagages. Moi j’ai emmené les enfants et Elise dans le métro jusqu’à l’Opéra. Tout dans le métro les amusait. On a déjeuné et je suis allée chez le docteur avec Robert et André qui a souvent encore du mal de respirer, mais il paraît que ce n’est rien, une suite de ses végétations. Robert va beaucoup mieux aussi. Le Dr l’a radiographié, ce qui impressionnait beaucoup Robert au début, c’est très curieux et cela m’a intéressée. Le docteur m’a bien expliqué ce qu’on voyait, et cet examen l’a satisfait. Ensuite ce fut mon tour, et il me promet de me guérir très bien. Les deux kilos que j’ai repris sont de bon augure, mais il prétend qu’il faut au moins que je grossisse de 10 kilos pour que je me porte parfaitement. Nous avons donc le temps d’attendre mais naturellement je ne demande qu’à espérer. Le docteur dit que cela sera l’affaire de 8 à 10 mois. Il m’a prévenue que, si l’air d’ici me faisait maigrir, que cela prouverait qu’il ne me convient pas et que je quitte immédiatement Arcachon. Après cela je suis allée voir Marie Paul qui n’avait pas pu nous recevoir à déjeuner étant au lit pour une quinzaine, nouveau régime que son docteur institue. Quelles pauvres femmes nous faisons, avec nos petites santés.
Je t’écrirai demain longuement encore, je t’embrasse, mon chéri, bien tendrement. Ta Mi
Je souhaite bien qu’on ne t’envoie pas à la rescousse des troupes de Verdun.
26 février - ELLE (Arcachon).- Nous n’avons pas de chance pour notre arrivée dans le soi-disant pays du soleil. Hier matin, nous avons été salués par une bourrasque de neige digne des Vosges et les gens du pays, cocher, concierge de la villa, etc. avaient beau nous dire que c’était très rare, cela ne nous réchauffait pas. Nous avons gardé nos manteaux pour déjeuner et défaire nos malles, bourré les cheminées de bois, mais finalement avons décidé ce matin de louer un fourneau. Le fumiste vient de le poser dans la salle à manger et quand il fera chaud on ouvrira la porte à double battant qui relie le salon de façon à ce que nous ayons chaud.
Ce matin il faisait du soleil et les enfants moins Robert se sont amusés sur la plage, mais à midi le vent s’est de nouveau élevé, ce qui les a empêchés de recommencer leurs ébats. Je les ai envoyés se promener dans les pins sous la garde d’Elise. André commence à avoir des petites idées d’aristocrate. Il trouve que nous avons ici une maison de pauvres, qu’il n’y a pas de tapis par terre, pas de rideaux aux fenêtres, pas de parquets cirés. La villa est en effet très simple, genre Chanonyère d’autrefois, mais cela nous suffit amplement et donnera moins de mal aux bonnes. Ce sera leurs vacances qu’elles n’ont pas eues depuis la guerre, les braves filles.
Je reçois à l’instant ta lettre du 23. Elle arrive vite quoique nous soyons aux deux bouts de la France. Je souhaite bien qu’on ne t’envoie pas à la rescousse des troupes de Verdun. Quoique je ne connaisse pas l’état de tranquillité de votre secteur, je l’espère plus calme que celui de droite. Mais ce qui m’ennuie c’est de vous savoir infestés de rats et, si vous ne voulez pas les empoisonner par crainte de la mauvaise odeur, je ne connais guère de moyens de vous en débarrasser. J’ai entendu parler du virus Pasteur, il paraît qu’on en a envoyé déjà une quantité énorme sur le front, vous pourriez en demander à l’institut Pasteur. Je ne sais comment cela s’emploie, il paraît que les bêtes attrapent une maladie qu’elles se communiquent et qui les fait fuir avant de mourir, ce qui évite la puanteur.
Hier à Paris chez Marie Paul comme chez Marie Molard, j’ai eu l’impression de l’esprit débilitant de l’arrière. Elles trouvaient que c’était ridicule de continuer la lutte, qu’on n’avait qu’à traiter, que l’Allemagne ne demandait pas mieux de regagner ses positions d’avant-guerre sans demander d’indemnité. Je leur ai fait remarquer que ce serait vraiment honteux d’avoir laissé tuer tant de monde, dépenser tant d’argent, d’avoir laissé mettre à feu et à sang la Belgique, le nord de la France etc. qu’il faudra indemniser, et que l’Allemagne rentre tranquillement chez elle, gardant l’Alsace, sa marine indemne et que ce soit la France qui fasse les frais de la guerre. Il est vrai que ces bonnes dames ne font que répéter les propos de Paul qui n’a rien d’un grand patriote et de Pierre Mangin qui l’est encore moins. Et en fin de compte, je me suis fait attraper, car on a trouvé que je devrais surtout souhaiter ton retour prompt avant de songer à la France. A part cette petite discussion, très courtoise d’ailleurs, toutes deux m’ont paru avoir grand plaisir à nous voir, les enfants et moi. Marie Paul a donné à Noëlle un livre pour le voyage et des boîtes de chocolat aux garçons. J’ai admiré l’installation de Marie Molard. Germaine est devenue tout à fait jeune fille, elle voit beaucoup les petites Mangin qui sont très gentilles et intelligentes. Elles assistent à des cours à la Sorbonne, physiologie, art, français, etc.
Je viens de voir dans l’Echo de Paris la mort de Madame Luc. On a dû l’enterrer mardi ou mercredi. Tu feras bien d’écrire à Paul Luc et aux Garnier qui doivent être bien tristes car ils aimaient beaucoup Mme Luc. Je vais écrire moi aussi aux jeunes femmes et à tante Caro.
Quand nous retrouverons-nous pour nous aimer comme par le passé ?
27 février - ELLE (Arcachon).- Décidément ce pays n’est pas accueillant pour nous, il continue à faire très froid et pluvieux. Heureusement les enfants sont habitués à un climat rigoureux et n’en sont pas saisis.
Maman a fait poser un bon petit fourneau de faïence à la salle à manger et nous pouvons maintenant y séjourner et prendre nos repas sans garder nos jaquettes et manteaux. Il y fait une bonne petite température. Moi je ne souffre pas du froid car ma fenêtre ouverte la nuit et mes stations sur la chaise longue à l’air m’ont aguerrie mais Thérèse est très frileuse et souffrait de ce froid.
Nos enfants sont très sages. André et Noëlle font des devoirs tous les jours, ils en auront au moins pour deux bonnes heures. Mlle Marchal leur envoie le programme des journées d’école, André suivra donc son cours, moins les explications que je ne lui donne évidemment pas aussi bien que Mademoiselle, mais cela lui évitera tout au moins d’oublier ce qu’il sait. Il n’y a pas de piano dans la maison et ce n’est guère la peine d’en louer. J’ai apporté un petit livre de solfège dans lequel je leur ferai lire leurs notes et chanter en mesure.
Les chambres du côté de la mer étaient très ventilées ces jours-ci à cause de la tempête. Ce soir le temps si mauvais a l’air de se calmer. André et Noëlle sont allés se promener dans les pins avec les bonnes et nous disaient qu’il y faisait très bon. Moi j’ai été avec Robert en tram à Arcachon pour nous peser, puisque le docteur nous recommande de le faire régulièrement pour voir si l’air de la mer ne nous est pas néfaste, et nous recommencerons dans une huitaine. Je pense que je continuerai à grossir car je dévore depuis que je suis ici. Il faut ½ heure d’ici à Arcachon en tram, nous sommes partis à 1 heure ½ et sommes rentrés à 3 heures. Je me suis installée sur la terrasse et Robert a joué dans le jardin. André avait été très gentil ce matin et hier, il lui avait apporté une vingtaine de petites brouettes de sable de la plage pour qu’il puisse aussi faire des forts et des gâteaux de sable quoique n’allant pas à la plage.
Les petits Françoise et Lili sont fort grognons. Je pense que c’est l’air marin et le changement d’habitudes qui en sont cause. Tante Mimi est forcée de faire les gros yeux et de menacer d’une fouettée, mais jusqu’alors on n’a pas été forcé d’aller jusqu’à l’exécution. J’espère d’ailleurs que cela n’aura qu’un temps.
Et toi, mon chéri, comment es-tu ? Couches-tu dans tes abris ou êtes-vous près d’un village dans lequel vous pouvez gîter. On aurait bien mieux fait de vous laisser à Vauxbuin où finalement vous aviez vos habitudes. Peux-tu aller souvent à Reims ?
Au fait, et notre moustache, comment va-t-elle, tourne-t-elle à mon gré ?
Au fait, et notre moustache, comment va-t-elle, tourne-t-elle à mon gré ? De penser à ta moustache et surtout à la gentille petite bouche qu’elle ombrage me donne bien envie de t’embrasser mon chéri et de recevoir de toi les délicieux baisers que j’aime tant. Mari chéri, quand nous retrouverons-nous pour nous aimer comme par le passé ?
Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 27/02/1916 (N° 1314)
Le châtiment du pirate - Un zeppelin sombre dans la mer du Nord
Il revenait d’un raid sur l’Angleterre, il revenait tout guilleret, car il avait tué nombre de femmes, d’enfants et de vieillards. Même, en route, par-dessus la mer, il se débarrassait joyeusement des bombes qui lui restaient, et les jetait indistinctement sur tous les navires qu’il rencontrait, sans même s’inquiéter de leur nationalité. Il s’en allait donc tout guilleret vers les côtes d’Allemagne. Mais que lui advint-il soudain ?... Est-il vrai que, passant à faible hauteur au-dessus d’une île hollandaise, il ait reçu quelques pruneaux des soldats qui gardaient cette île ? Ou bien une avarie inattendue se produisit-elle spontanément dans son énorme carcasse ? Toujours est-il qu’il se mit à descendre, à descendre et que bientôt il rasa les flots. Les hommes qui le montaient essayèrent de retenir avec des cordes les flancs métalliques du géant qui menaçait de s’entrouvrir. Peine perdue ! Les ballonnets intérieurs se vidaient ; le zeppelin descendait toujours. Bientôt ses nacelles furent submergées. L’équipage se réfugia sur la plate-forme supérieure du ballon.
Alors, au lointain apparut un tout petit navire, un modeste chalutier anglais du genre de ceux que le zeppelin s’était amusé à envoyer au fond de l’eau à coups de bombes, au cours de sa croisière nocturne. Le jour s’était levé ; on fit des signaux, on cria. Le chalutier s’était approché ; c’était le ‘King Stephen’ du port de Grimsby. Le patron du chalutier anglais, M. William Martin, raconte que, lors de la rencontre, une quarantaine de mètres de la carcasse flottaient encore, dominant l’eau d’une hauteur de dix mètres. Une quinzaine d’hommes se voyaient dans la nacelle du haut de l’appareil mais l’équipage était plus nombreux. « Envoyez-nous une embarcation, cria un des naufragés, qui paraissait être un officier de marine : je vous donnerai cinq livres ! » M. William Martin réfléchit que les Allemands étaient une trentaine, qu’ils étaient armés et que lui n’avait à son bord que neuf hommes et un seul pistolet. Le sauvetage lui parut dangereux. « A supposer que je vous prenne, dit-il, que vous nous jetiez par-dessus bord et que vous dirigiez le chalutier vers l’Allemagne, cela vous ferait beaucoup d’honneur mais cela ne nous rapporterait guère à nous ! » L’officier protesta que ni lui ni ses hommes ne feraient rien de semblable. Mais le patron anglais se souvint de ce qu’avaient fait les Huns et de ce qu’ils pourraient faire encore. Il ne se laissa pas convaincre d’exposer son équipage et lui-même à un tel danger. « Je m’écartai donc du zeppelin vers neuf heures trente du matin, déclara-t-il. Le capitaine me dit qu’ils coulaient. Quelques Allemands de l’équipage me crièrent tout d’abord : « Sauvez-nous ! » Puis ils montrèrent leurs poings dès qu’ils s’aperçurent que cela n’avait aucun effet. Je les aurais bien sauvés, n’eût été la raison que j’ai dite. Je partis à la recherche d’une canonnière ou d’un vaisseau patrouilleur mieux aménagé pour surveiller un équipage ennemi. En temps de paix, évidemment, j’aurais pris tous les Allemands à mon bord en deux temps et deux mouvements… »
De cette aventure, le peuple boche pourra tirer une moralité. C’est à savoir que si le patron du chalutier anglais a refusé de sauver l’équipage du zeppelin, la faute en est à la réputation de cruauté et de félonie que les Allemands se sont créée depuis le début de la guerre. Et les boches, cette fois, furent punis par où ils avaient péché.
La retraite des Turcs après la prise d’Erzeroum par les Russes
Ce fut une grande et belle victoire que celle de nos alliés sur les Turcs au Caucase, devant les premières défenses d’Erzeroum. Les premières positions turques furent enlevées d’assaut, au milieu d’une formidable tempête de neige. Les soldats russes avaient avancé à travers les neiges, à de hautes altitudes, par un froid variant entre 20 et 40 degrés. Les Turcs furent complètement surpris par cette avance ; leurs fusées éclairantes et leurs réflecteurs n’avaient été d’aucune utilité dans la tourmente de neige. Les soldats russes coupèrent silencieusement les fils de fer et attaquèrent soudainement avec des grenades et à la baïonnette. La panique se mit dans les rangs ennemis dès le début de la bataille. Depuis, nos alliés ont poussé leur avantage et ont mis en déroute toute l’armée ennemie, qui a reculé de 50 milles. Des cosaques récemment arrivés de Mandchourie ont poursuivi les fugitifs sans trêve, sabrant ceux qui offraient une résistance, faisant des prisonniers par centaines dans les villages. Les routes étaient jonchées d’une multitude de cadavres de Turcs morts de froid. Des canons, des fusils, des munitions, des effets d’équipement furent abandonnés en chemin par les Turcs, dont une poignée seulement atteignit le refuge des forts d’Erzeroum. Mais une semaine plus tard, les Russes s’emparaient de la grande forteresse arménienne. Et les débris de l’armée turque fuyaient dans un désordre pittoresque dont notre gravure reproduit l’aspect émouvant et tragique.
Les instantanés de la guerre (photos)
Sur le front italien - Auto blindée munie d'un appareil pour briser les fils de fer
L'armement des Etats-Unis - Un canon gigantesque pour la défense des côtes
Ferme de Villeblain (Seine-et-Marne) - Prisonniers allemands employés aux travaux agricoles
Bonne tranchée, bon équipement et bon jus
La cloche qui annonce l'arrivée des gaz asphyxiants
Construction de tranchées sur les lignes du Vardar
Sauvetage d'un boche par les matelots d'un sous-marin anglais
Gourbi souterrain intitulé : A la Tortue
Femmes serbes de Belgrade se rendant au marché
Les instantanés de la guerre (photos)
La fin glorieuse d'un autobus
Gonflement d'un ballon captif
A Salonique - Débarquement d'une charrette sur un radeau
A Salonique - Débarquement à dos d'homme
Un avion allemand "Fokker" descendu par nos soldats
A Salonique - Mise à l'eau d'un hydroplane
Sur le front - Un ingénieux musicien a construit un violon avec une boite à cigares
Le nouveau crapouillot
Sur le front italien - Un poste téléphonique portatif
A bord d'un transport de troupes - On vient de signaler un sous-marin ennemi
Thèmes qui pourraient être développés
- Verdun - Une grande offensive allemande sur Verdun
- Orphelins de guerre - Le droit des orphelins de guerre
- Santé - Les chaises longues
- Transport en train - Les billets de famille ne marchent pas sur la Compagnie de l'Est
- Allemagne - Les évêques allemands vont prêcher la résignation à leurs fidèles
- Transport en train - Retard des trains (juste au moment de Verdun, transports de troupes)
- Paris - Le Métro parisien
- Les Américains voyagent à bord de paquebots armés
- Front - Les rats
- Arrière - L'esprit débilitant de l'arrière
- Aviation - L'adjudant aviateur Navarre
- La moustache
- Aviation - Le châtiment du pirate - Au retour d’un raid sur l’Angleterre le zeppelin L-19 sombre dans la mer du Nord (LPJ Sup)
- Allemagne - Leurs chants nationaux (LPJ Sup)
- Turquie - La retraite des Turcs après la prise d'Erzeroum par les Russes (LPJ Sup)
- Les instantanés de la guerre (Photos dans LPJ Sup)
- Conseils pratiques - Droits des femmes - Les femmes hésitent entre le mariage et la vie professionnelle (LPJ Sup)
- Religion - Fête religieuse - Châsse de Saint Pierre à Antioche - 23 février
- Religion - Fête religieuse - Sexagésime
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