14-18Hebdo

14-18Hebdo

126e semaine de guerre - Lundi 25 décembre au dimanche 31 décembre 1916

 

LUNDI 25 DECEMBRE 1916 - NOEL - 876e jour de la guerre

MARDI 26 DECEMBRE 1916 - SAINT ETIENNE - 877e jour de la guerre

MERCREDI 27 DECEMBRE 1916 - SAINT JEAN APOTRE - 878e jour de la guerre

JEUDI 28 DECEMBRE 1916 - SAINTS INNOCENTS - 879e jour de la guerre

VENDREDI 29 DECEMBRE 1916 - SAINT THOMAS DE CANTORBERY - 880e jour de la guerre

SAMEDI 30 DECEMBRE 1916 - SAINT LIBERE - 881e jour de la guerre

DIMANCHE 31 DECEMBRE 1916 - SAINT SYLVESTRE - 882e jour de la guerre

Revue de presse

-       Sur le front roumain l'ennemi avance pied à pied vers Rimnicul-Sarat et Braïla

-       Importants succès des Russes dans les Carpathes boisées

-       Au nord de la Somme considérable activité de l'artillerie

-       La crise du charbon en Suisse

-       Les Anglais s'emparent de Maghdabah, forte position ennemie - Ils font 1,130 prisonniers

-       Le général Joffre élevé à la dignité de Maréchal de France

-       L'Allemagne repousse la proposition Wilson

-       Les manœuvres de paix

-       La lutte d'artillerie redouble de vigueur au sud de l'Ancre

-       La guerre aérienne - Heurteaux abat son 16e, Loste son 6e, Martin son 5e, De la Tour abat son 8e, Lusbery son 6e

-       En Roumanie l'attaque convergente contre Focsani

-       Le cuirassé "Gaulois" torpillé

 

Morceaux choisis de la correspondance

26 décembre - ELLE.- Je n’ai pas pu t’écrire ce matin dans mon lit comme j’en ai l’habitude, car j’ai été obligée de me lever plus tôt que je ne le fais en général, Maman étant absente, ayant de ce fait quelques petites obligations. Il y avait d’abord un service d’enterrement pour un soldat tué, le courrier que je devais porter au bureau pour que Marie prépare les échantillons, etc., tout cela par un temps affreux, la pluie tombait à seaux, tout ruisselait. Je me demande comment tu fais pour te sécher par des temps pareils, tes gros manteaux à pèlerines doivent être transpercés et je voudrais vraiment que tu t’achètes un manteau de caoutchouc, qui te serait bien moins lourd à transporter et à supporter par les temps humides mais doux. Si tu passes à Paris pour revenir, tu feras bien d’y penser. On doit en trouver à la Belle Jardinière.

 

Nous sommes allés hier à Epinal par une pluie torrentielle. Nos deux garçons étaient sur un petit siège d’arrière, bien emballés avec leurs peaux de bique, une pèlerine caoutchoutée sur le dos, une couverture de cuir sur les genoux, ils n’ont pas eu froid, mais comme ils étaient un peu empaquetés et ne pouvaient bouger, ils ont été heureux d’arriver. Les Tantes nous ont reçus très aimablement. Tante Marie a encore dit que le sort des Pierre Geny n’était pas gai. Pierre a su par des évacués que leur maison de Courrières est pillée, de plus le banquier belge chez lequel ses beaux-parents avaient leur fortune et où il avait laissé la dot de sa femme a été brûlé ou pillé, je ne sais lequel. Sa fortune à lui était en forêts près du Donon et les Allemands ne doivent pas se faire faute d’y tailler et abattre. Pour le moment, il gagne 500 francs par mois, mais au prix actuel de la vie ils ne peuvent pas vivre avec cela ayant déjà près de 300 francs de loyer.

 

Maman est partie hier soir à 5 heures ½ d’Epinal, nouveau train qui arrive à 6 h 05 du matin à Paris, tu n’auras pas besoin la prochaine fois de partir dès 9 heures du matin comme tu l’as fait en septembre. Elle avait un express gare St Lazare à 7 h 30 qui l’amenait à Rouen pour 9 heures ou 10. Elle espérait faire toutes ses affaires en un jour et partir demain pour Nantes. Nous avons télégraphié à Monsieur Vérilhac pour lui demander un rendez-vous.

 

La confession de Noëlle samedi lui a fait de l’impression car Maman avait prévenu Mr le Curé d’insister beaucoup sur le mensonge et, comme Noëlle n’a pas pu penser que Mr le Curé le savait par nous, elle en a été toute remuée, pourvu que l’impression soit durable.

 

J’espère que 1917 verra la fin d’une séparation qui me pèse tant.

26 décembre - LUI.- Je t’ai écrit un peu rapidement hier, mais il est temps que je songe que l’année nouvelle approche à grands pas et je suis heureux de profiter de cette occasion pour redire à ma Mie combien je l’aime et pour la remercier encore une fois de tout le bonheur qu’elle m’a si largement donné. Combien je regrette notre séparation momentanée ma pauvre Mie, tu t’en doutes bien n’est-ce pas. Voilà sans doute deux années presque perdues pour nous, deux années pendant lesquelles j’ai été privé de ton amour, de tes caresses dont je raffole, deux années pendant lesquelles je n’ai pu que trop rarement hélas serrer dans mes bras ton petit corps chéri ma Mie. Je ne veux pas croire que le bon Dieu nous impose encore longtemps pareil sacrifice et malgré toutes les apparences j’espère que 1917 verra la fin d’une séparation qui me pèse tant. Que souhaiterai-je à nos chers petits, eux ne sont pas encore assez grands pour comprendre et sont parfaitement heureux avec leur bonne grand-mère et leur maman si bonne qui prend tant de soin d’eux. Je prie le bon Dieu de les protéger encore, de leur donner une bonne santé et de les conduire toujours dans le chemin du devoir.

 

Je me réjouis de vous voir tous prochainement, combien ces quelques semaines vont me paraître longues. Il est vrai que nous avons beaucoup à faire et d’un côté j’en suis très heureux car on pense moins à autre chose.

 

J’ai écrit à Marie Paul, Marie Molard, Thérèse, aux Laroche-Joubert et à Maman à l’occasion du Nouvel An. Vois-tu d’autres lettres à écrire ?

 

A bientôt ma Mie. Ne pensons qu’au plaisir de nous revoir.

 

J’ai un excellent poêle et suis parfaitement bien maintenant.

 

Dieu veuille enfin cette année nous réunir et faire finir cette guerre qui fait le malheur de tant d’êtres humains.

28 décembre - ELLE.- Je suis contente de voir les jours passer en ce moment et je voudrais même vieillir plus vite puisque cela me rapprocherait du moment heureux où je te reverrai, c’est si long ton absence mon aimé.

 

Cette lettre va t’arriver le 1er janvier, jour béni en général, où on se resserre, où on échange des vœux : chimères, paroles vaines, sans doute, mais auxquelles on tient quand on sent l’affection qui y est contenue et la tendresse de ceux qui vous font ces souhaits. Pour la troisième fois, nous serons séparés, alors que j’aimerais tant te donner un baiser avec tout mon cœur et te dire mon amour. Dieu veuille enfin cette année nous réunir et faire finir cette guerre qui fait le malheur de tant d’êtres humains. Noëlle t’a envoyé la boîte de chocolats qu’on lui avait donnée à Epinal, j’espère qu’elle te sera bien arrivée, car cela lui faisait plaisir de te faire ce petit cadeau.

 

Nous avons commencé les démarches pour faire revenir Georges en Suisse et espérons réussir pour la nouvelle commission qui partira dans deux mois. Si la guerre ne doit plus durer que jusqu’au printemps comme on le dit, ce n’est peut-être plus guère la peine, mais c’est incertain et il vaut mieux prendre ses précautions. Ils doivent être serrés comme nourriture puisque Georges nous demande 5 K. de pommes de terre par quinzaine. Jusqu’alors, il ne nous demandait jamais de légumes.

 

Il a fait très bon aujourd’hui et comme c’était jeudi les enfants en ont bien profité. André m’a demandé la permission de ne pas aller se promener avec Mademoiselle mais d’aller au camionnage avec les bœufs. Comme il avait été sage ce matin, j’ai permis jusque 3 heures. Ils vont tous bien, c’est dommage qu’ils soient si diables.

 

28 décembre - LUI.- J’ai reçu tes deux bonnes lettres du 23 et du 24. Celle du 23 m’apportait ta photographie, que je suis bien content de regarder de temps à autre. C’est bien toi et je reconnais bien tes yeux si doux et si aimants. Les lieutenants qui l’ont vue sur ma table de travail te trouvent toute jeunette et toute jolie. Tu comprends que j’étais fier de leur dire que cette jeune personne était ma femme.

 

En même temps que ton autre lettre, j’ai reçu un petit paquet beaucoup moins intéressant. Ce sont tes cartes de correspondance. Tu comprends que cela ne m’amuse pas du tout d’écrire à tous les oncles et tantes. D’abord je ne l’ai jamais fait depuis que je suis mobilisé. Je suppose que toi tu leur écris. Ne trouves-tu pas que par ce temps de guerre c’est largement suffisant et je voudrais bien que tu me dispensâs d’une correspondance aussi peu intéressante. Donc jusqu’à nouvel ordre, je remise les cartes en question dans ma cantine. Je t’ai dit dans ma dernière lettre que j’avais écrit à Maman, Marie Paul, Marie Molard, Thérèse et Maguite. Henry m’écrira ou t’écrira sûrement et je lui répondrai. D’ailleurs je ne sais pas s’il est encore à Dijon.

 

Vous faites très bien de ne pas aller en Suisse et vous serez beaucoup mieux en France aux environs de Chamonix pour beaucoup de raisons. Mais je crois que ce petit voyage vous fera du bien et il ne faut pas hésiter un seul instant à profiter de ce que Dédé n’est pas encore au collège et que son instruction peut aussi bien se faire à Chamonix qu’à Docelles. Partez au moins jusqu’à fin avril. Je ne sais pas ce que les Allemands vont faire au mois de février. Je crois que s’ils le peuvent ils tâcheront de nous repousser à Salonique, puis ils se retourneront contre les Italiens et ne nous attaqueront que si tout cela réussit pour eux. Mais je puis me tromper et il est possible au contraire qu’ils essaient quelque chose du côté de Belfort ou de la Suisse et, s’ils obtiennent des succès, les troupes d’Alsace seraient forcées de se replier et peut-être Docelles serait-il découvert. Tout cela est évidemment trop pessimiste. Je ne crois pas à leur succès mais il vaut mieux trop prévoir que pas assez et je serai bien content pendant cette période un peu critique de vous savoir loin des Vosges.

 

Je pars très probablement de demain en quinze, le 12 janvier par conséquent pour être le 13 à Docelles, à moins de changement. Il fait rudement froid ma Mie, tâche de faire un bon feu tu sais où.

 

Bonnes amitiés à Maman si elle est revenue de Rouen où j’espère que Vérilhac aura pu lui rendre quelque service.

 

28 décembre - Lt Bonnier (Armées) à Georges Cuny.- Excusez-moi d’être resté si longtemps sans vous avoir donné de mes nouvelles. Je suis pleinement satisfait de ma nouvelle vie, si nous avions un peu moins de travail. On voudrait nous faire en 3 mois ce qu’on faisait avant en 1 an. Ils ont bien supprimé quelques parties que nous n’aurions pas pu comprendre n’ayant pas fait les cours de Polytechnique, mais par contre il y a bien des questions dont on ne parlait pas avant la guerre, et sur lesquelles on nous fait des cours assez détaillés. C’est ainsi que nous avons un cours d’automobilisme, un de téléphonie, télégraphie sans fil, etc. Tous ces cours sont excessivement intéressants et instructifs, quoique souvent un peu trop théoriques, ils me seront d’une grande utilité quand je reviendrai à votre batterie. On ne sait pas encore quand nous sortirons de l’école, mais il semble se confirmer que nous retournerons tous dans nos anciennes batteries.

 

29 décembre - ELLE.- Maman m’a télégraphié qu’elle ne rentre que demain, devant rencontrer Maguy à Paris aujourd’hui. Je suis contente de penser qu’elles auront toutes deux bien du plaisir à se retrouver. Ta bonne et tendre lettre écrite le 26 et m’apportant tes vœux m’a fait pleurer de joie ce matin, mon Gi, en me montrant une fois de plus la profondeur de ton amour et quel grand et noble cœur j’ai su gagner. Mon aimé, moi non plus je ne te dirai jamais assez combien tu m’as donné de bonheur, de quelle intense joie rayonne mon âme en pensant à toi, à ta tendresse et à ta bonté. Je suis trop heureuse, je te l’ai dit si souvent et te le répète encore, comme je le dis dans mes prières. Comment se fait-il que Dieu a été si bon de me donner à toi ? Mais c’est aussi pourquoi j’ai si peur qu’il m’enlève mon bonheur. Que deviendrais-je sans toi mon Gi ?

 

Que tes vœux se réalisent pour nos enfants et qu’ils suivent la voie du devoir. En ce moment ils ont bien des défauts mais je veux espérer que, l’âge venant, les conseils qu’on leur donne porteront semence et qu’ils te ressembleront.

 

Monsieur Dédé est très peu ardent au travail, il faudra le secouer un peu à ton retour. Quand je lui dis d’apprendre mieux ses leçons ou de tenir mieux ses cahiers, etc., il me répond : « J’en saurai toujours assez pour être cultivateur ». Belle théorie que voilà !

 

Robert prépare la petite valse à te jouer dès ton arrivée, à chaque instant dans la journée il se met au piano : « Je vais vite jouer la petite valse pour Papa ». Il aime beaucoup la musique, c’est certain, on voit qu’il éprouve du plaisir à jouer et à écouter un joli air.

 

J’ai reçu une carte d’Henry, SP143 par B.C.M. Dijon. Il est dans une section sanitaire donc pas bien malchanceux.

 

Je crois que tu ferais bien d’envoyer une petite carte aux oncles, cela ne te demandera pas beaucoup de temps et fait plaisir. Baisers bien tendres de ta Mi.

 

30 décembre - LUI.- J’ai reçu ta bonne lettre du 26 avec la deuxième photographie. Je trouve celle-ci moins bonne que la première. A mon avis la pose n’est pas si naturelle et ce n’est pas tout à fait toi. J’ai reçu des lettres de Marie Molard, Paul, Georges Garnier et Henry qui m’annonce qu’il est enfin parti sur le front dans une section sanitaire. Ainsi il ne sera pas trop exposé. Je serais heureux s’il venait dans mes environs. Je t’ai dit que je préférais ne pas écrire aux oncles et tantes à moins que tu y tiennes absolument. J’écrirai cependant à Gustave, car lui ce n’est pas tout à fait la même chose.

 

Il fait en effet très mauvais temps mais tu sais que je ne sors guère que pour aller à l’observatoire. Lorsqu’on arrive dans une position de batterie où rien n’est organisé, on a pas mal de travaux de bureau. Il faut essayer ses tirs, consulter les cartes, faire des profils, etc., et on n’a pas beaucoup le temps de se promener. En tout cas, nous sommes heureux qu’on nous laisse encore quelque temps ici car toujours changer est ennuyeux et fatigant.

 

Lorsque je reviendrai de permission, puisque tu me dis qu’il existe un train très commode partant d’Epinal à 5h et arrivant à Paris vers 6h du matin, j’aurai le temps d’acheter un caoutchouc et j’irai aussi pendant cette matinée voir les Molard et Marie Paul, puisque mon train ne repart qu’à une heure de Paris. Je voudrais bien que tu m’achètes une très bonne paire de chaussures. La dernière que tu m’as achetée ne valait pas les autres. Sans doute l’eau ne pénètre pas, mais le cuir et la semelle se laissent tout de même pénétrer, de sorte qu’on a toute la journée une sensation d’humidité très désagréable.

 

Je suis maintenant très bien dans ma cagna. J’ai un bon poêle et mon ordonnance a trouvé le moyen de m’arranger un lit avec draps de sorte que je peux me déshabiller et mieux me reposer. Dans quinze jours ma Mie je serai avec toi bien heureux.

 

Tu dois commencer à connaître le cours de l’Aisne depuis plus de deux ans que tu campes sur ses bords.

31 décembre - ELLE.- Plus ta permission approche et plus je la trouve lente à venir, c’est que je m’en réjouis tant, les heures me semblent longues à passer qui me séparent de cette joie. Le 21e corps revient vers Belfort. Quand sera-ce enfin ton tour de te rapprocher ? Tu dois commencer à connaître le cours de l’Aisne depuis plus de deux ans que tu campes sur ses bords.

 

Victor est maintenant dans l’artillerie lourde à tracteurs, il est à Vincennes encore pour un mois, nous écrit sa femme, puis partira au front.

 

Il y a eu énormément de mouvements de troupes toute cette semaine vers la trouée de Belfort, Pontarlier, enfin la frontière Suisse. Je m’en doutais car le trafic était arrêté pour nos marchandises et on m’a dit à la gare d’Epinal, où je suis allée hier chercher Maman retour de Nantes-Rouen-Paris, que les express avaient eu un retard énorme ces derniers jours. Maman n’a eu qu’une heure ½. J’avais prévenu les bonnes pour qu’elles fassent manger Mlle et les enfants à 7 heures ½ si nous n’étions pas rentrées pour cette heure-là. Nous sommes arrivées d’ailleurs bientôt après, vers 8 h moins le quart.

 

Ce matin je suis restée au lit et ne suis même pas allée à la messe, ayant des causes de fatigue. Maman m’a grondée d’être allée la chercher hier, mais je ne pouvais faire autrement, il fallait rapporter l’argent de la paie et Faron vient d’avoir la scarlatine, il n’est pas encore très bien guéri, je ne voulais pas l’exposer au froid.

 

Maman a fait assez bon voyage quoique fatigant et rapide. Elle a été reçue très aimablement par Mr Lyon, associé de Mr Vérilhac à Rouen, qu’elle a trouvé homme parfait, aimable, intelligent. Il a voulu l’accompagner dans toutes ses courses pour lui faciliter les choses. Madame Vérilhac a invité Maman à déjeuner. Son mari était à Paris, c’est pourquoi il avait chargé Mr Lyon de le remplacer. Leurs filles sont très bien, l’une est très jolie. Là-bas, dans l’Ouest, ils sont stupéfaits que nous continuions à travailler. Un de ces Messieurs que Maman a vus lui disait qu’elle était bien imprudente d’amasser ainsi des pâtes, qu’elle devrait tâcher au contraire de les absorber le plus vite possible, pour que les Allemands ne trouvent rien s’ils viennent au printemps. C’est gai comme perspective, si au bout de 2 ans ½ de guerre il faut encore fuir devant l’ennemi. Moi je n’y crois pas.

 

Les L.J. que Maman a vus à Paris eux, c’est autre chose, ils sont convaincus qu’il y aura une révolution après la guerre. Et en homme de précaution, Paul a acheté des billets de banque américains pour pouvoir aller en Amérique vivre pendant les mois nécessaires au retour du calme intérieur. Tu vois que ma pauvre Maman n’a pas vu des gens bien remontants au cours de ses voyages. Je suis peut-être insouciante et imprévoyante mais je me refuse à croire à toutes ces calamités. Mon calme a rasséréné Maman qui a très bien dormi cette nuit, elle avait besoin de sommeil d’ailleurs.

 

31 décembre - Paul Laroche-Joubert (Angoulême) à Georges Cuny.- Nous venons de trouver ta bonne lettre de souhaits au retour d’un court voyage à Paris au cours duquel nous avons eu le plaisir de voir Maman quelques instants. Nous formons des vœux bien sincères et bien affectueux pour que tu n’aies pas à souffrir longtemps des maux de la guerre et que tu retrouves dans ton foyer le calme et le bonheur que tu as si bien mérités.

 

Je veux en même temps t’avertir que tu vas sans doute recevoir sous peu un ordre pour venir passer à Angoulême 24 ou 48 heures. Bien entendu cette absence doit être absolument indépendante de la permission que tu vas avoir incessamment. L’ordre que tu recevras ainsi viendra sur ma sollicitation et j’espère que tu n’en seras pas contrarié. Nous aurons la grande joie de te voir et de te posséder un peu. Mais bien entendu là n’est pas la seule raison de ma demande. J’ai un besoin urgent de te parler d’une affaire très importante touchant la défense nationale pour laquelle ton avis me sera précieux. Excuse-moi de ne pas te donner plus d’explications mais je ne veux rien confier au papier. Ne t’étonne donc pas et excuse-moi de m’être ainsi permis de te demander brusquement, mais je n’ai pas eu le temps de te consulter. A bientôt donc. Envoie-moi une dépêche pour fixer l’heure et le jour exacts de ton arrivée. Nous nous réjouissons bien de te revoir.

 

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 31/12/1916 (N° 1358)

LPJ Illustre 1916-12-31 A.jpg

Le général Lyautey - Ministre de la Guerre

Le général Louis-Hubert-Gonzalve Lyautey, ministre de la Guerre, a soixante-deux ans. Il est né à Nancy le 17 novembre 1854. Petit-fils d’un général de division qui fut sénateur sous le second empire, il entra à Saint-Cyr le 24 octobre 1873. Il fut nommé sous-lieutenant de cavalerie le 1er octobre 1875, lieutenant le 20 décembre 1877 ; capitaine le 22 septembre 1882 ; chef d’escadron le 22 mars 1893 ; colonel le 6 février 1900 ; général de brigade le 9 octobre 1903 ; de division le 30 juillet 1907. Il est grand croix de la Légion d’honneur depuis le 17 septembre 1913. L’Académie française l’a élu peu de temps avant la guerre au fauteuil laissé vacant par la mort du général Langlois ; mais sa réception a été ajournée en raison des événements.

 

Le général Lyautey est un des plus illustres parmi ces chefs qui se formèrent dans les expéditions coloniales et dont la présente guerre donne tous les jours l’occasion d’apprécier l’énergie et les talents militaires. Jeune chef d’escadron de cavalerie, il avait obtenu de suivre Gallieni au Tonkin puis à Madagascar, et tout de suite il s’était distingué parmi ses meilleurs lieutenants, non pas seulement par sa belle tenue dans les combats, mais aussi et surtout par ses hautes qualités d’administrateur. Lorsque Lyautey quitta Madagascar, en 1902, Gallieni lui adressa une lettre rappelant l’œuvre accomplie et se terminant ainsi : « J’émets le vœu que le gouvernement fasse encore appel à votre patriotisme pour présider à l’épanouissement d’une œuvre coloniale nouvelle dont votre expérience assurera le succès. » Dix ans plus tard, en 1912, le vœu de Gallieni devait s’accomplir : Lyautey fut nommé résident général et commandant en chef au Maroc.

 

Il prenait possession de ses fonctions en une période critique, au lendemain des sanglantes émeutes de Fez, alors que l’empire chérifien en feu semblait devoir nous échapper. En quelques mois, il sut rétablir une situation presque désespérée ; il délivra Fez des bandes qui l’assiégeaient, il fit occuper Marrakech, mettant ainsi fin à la menaçante agitation du Sud ; il refoula les tribus berbères dans l’Est, vers l’Atlas. En 1913, par les expéditions des généraux Gouraud et Baumgarten à Khenifra et à Taza, il opéra la jonction entre le Maroc occidental et le Maroc oriental. Dès lors, le Maroc était conquis et presque pacifié.

 

« Tout le monde sait aujourd’hui, dit M. Eugène Tardieu, dans une excellente étude sur le nouveau ministre, qu’au premier jour de la guerre, devant la nécessité de ramener en France toutes les troupes occupant le Maroc, on suggéra au général Lyautey de ramener ses forces à la côte et d’abandonner ainsi provisoirement le Maroc à lui-même. Résolument, le général Lyautey s’y refusa. Il mobilisa sur place tous les Français résidant au Maroc, leva des régiments indigènes, envoya en France un contingent plus élevé que celui qu’on attendait de lui et poursuivit la lutte. Les intrigues allemandes furent maîtrisées, les tribus rebelles maintenues grâce à des prodiges d’héroïsme de la part des troupes qui restaient en terre marocaine, et en pleine guerre le général Lyautey inaugurait cette Exposition de Casablanca, bientôt suivie de la foire de Fez, manifestations qui attestaient d’une manière éclatante la pérennité de notre action pacifique au Maroc.. » Et notre confrère ajoute : « Le nouveau ministre de la Guerre est par-dessus tout un homme d’idées et de réalisation. »

  

 

 

LPJ Illustre 1916-12-31 B.jpg

Calendrier du « Petit Journal » pour 1917

Comme de coutume, le ‘Supplément Illustré du Petit Journal’ offre à ses lecteurs un calendrier illustré pour l’année qui va s’ouvrir. Rappelons à ce propos, en quelques mots, l’histoire du calendrier. C’est d’elle surtout qu’on peut dire qu’elle se perd dans la nuit des temps.

 

L’usage du calendrier remonte à la civilisation de l’antique Chaldée, peut-être même plus haut encore, car il est certain que les anciens Chinois connurent l’art de dénombrer les jours et de les diviser suivant le cours des astres. Mais tenons-nous-en aux calendriers qui sont encore en usage aujourd’hui.

 

Le premier en date est le calendrier israélite. Il assigne, comme point de départ à sa numération l’époque présumée de la création du monde suivant la Bible. L’année qui va commencer sera, si je ne me trompe, la cinq mille six cent soixante-dix-septième du calendrier israélite.

 

Vient ensuite le calendrier Julien, imaginé par Jules César en l’an 46 avant J.-C., et dont se servent encore les Russes et les Grecs.

 

Ce calendrier ne concorde pas exactement avec l’année véritable. Le pape Grégoire XIII, frappé de cette anomalie, entreprit en 1582, de réformer le calendrier Julien, qui retardait alors de dix jours. De cette réforme naquit le calendrier Grégorien qui nous régit encore.

 

Les musulmans ont aussi leur calendrier qui part de l’Hégire, c’est-à-dire de la fuite de Mahomet de La Mecque, et qui n’en est qu’à son treizième siècle.

 

Enfin le calendrier le plus récent est le calendrier républicain dont le point de départ est le 22 septembre 1792, jour de la proclamation de la République. Il était composé de douze mois de trente jours chacun et de cinq jours complémentaires appelés ‘jours sans-culottides’, et consacrés à des fêtes spéciales. Un poète, Fabre d’Eglantine, fut le parrain de ces mois républicains. Afin de mieux toucher l’âme populaire, il donna une forme symbolique et imagée aux nomenclatures de son calendrier. Tous les jours de l’année reçurent les noms des fruits, des plantes, des instruments agricoles, des animaux domestiques. Quant aux mois, il se basa, pour les dénommer, sur l’évolution même de la nature : ainsi, les mois d’automne s’appelèrent vendémiaire, brumaire, frimaire ; ceux d’hiver, nivôse, ventôse, pluviôse ; ceux du printemps, germinal, floréal, prairial ; ceux de l’été, messidor, thermidor, fructidor. Ces dénominations, qui caractérisaient de façon si expressive, si harmonieuse et si exacte à la fois les périodes de l’année, prouvent que les révolutionnaires d’alors savaient du moins remplacer intelligemment ce qu’ils détruisaient.

 

Telle est l’histoire du calendrier ; tout au moins l’histoire de son passé, car il se pourrait qu’un nouveau chapitre vînt s’y ajouter. Ne signalait-on pas l’autre jour une réforme préconisée par nos astronomes et qui consisterait à nous faire un calendrier nouveau d’après lequel chaque mois comporterait exactement quatre semaines et chaque année treize mois. Les partisans de cette réforme font observer avec raison que l’époque serait bien choisie pour ouvrir une ère nouvelle après les événements considérables qui en ce moment bouleversent le monde.

 

 

Les instantanés de la guerre (photos)

LPJ Illustre 1916-12-31 C.jpg

Pièce de marine partant sur le front

La douche primitive des boches

Chargement de rondins pour les tranchées

Colonne d'alpins italiens

Une tranchée bien protégée

Minenwerfer allemand de 250

Nouveau casque boche, avec visière épaisse de 5 millimètres

Canons allemands pris sur la Somme

Chaise-brancard utilisée par les boches, pour le transport des blessés dans les boyaux

A travers les fils barbelés

Le départ pour l'attaque

Alpin italien en sentinelle

  

 

Thèmes qui pourraient être développés

  • Suisse - La crise du charbon en Suisse
  • Le général Joffre élevé à la dignité de Maréchal de France
  • L'Allemagne repousse la proposition Wilson - Les manœuvres de paix
  • Commerce - La Belle Jardinière
  • Armée - Section sanitaire
  • Arabie - Le Chérif de La Mecque devient roi du Hedjaz
  • Officier - Formation : des cours avec des questions dont on ne parlait pas avant la guerre : un cours d’automobilisme, un de téléphonie, télégraphie sans fil, etc.
  • Le général Lyautey, ministre de la Guerre (Portrait dans LPJ Sup)
  • Calendrier du Petit Journal pour 1917 (LPJ Sup)
  • Le jouet boche et le jouet français (LPJ Sup)
  • Les instantanés de la guerre (Photos dans LPJ Sup)
  • Conseils pratiques - Le tannage des peaux de bêtes (LPJ Sup)
  • Religion - Fête religieuse - Noël - 25 décembre
  • Religion - Fête religieuse - Saints Innocents - 28 décembre


23/12/2016
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 387 autres membres