14-18Hebdo

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Souvenirs de guerre 1914-1919 (Paul Boucher) - Ch. 6-2 - Hartmann- Metzeral

Chapitre 6 – Hartmann- Metzeral

Document transmis par Renaud Seynave, son petit-fils - 25/02/2016

  

  

Paul Boucher 6-1 Image1 Photo des Cies.jpg

Une partie de la 4e section de la 1re Cie commandée par le lieutenant de réserve Paul Boucher en septembre 1914 à Soultzeren. (Paul Boucher est le 3e en partant de la gauche, rangée du bas)

 

   

Note de Renaud Seynave : Nous sommes le 22 mars 1915 et Paul Boucher est à l’Hartmann.

 

Suite du récit de Paul Boucher.

Un peu plus tard, je fus demandé par le commandant Sermet pour gagner son abri. Je suivis une partie de la tranchée allemande remplie de cadavres et mes souliers furent littéralement couverts d’entrailles et de débris humains. Le commandant me prévient à 2 heures du matin de regrouper ma Cie et de serrer de 100 mètres à gauche dans la nouvelle ligne conquise que je dois maintenir et parer aux contre-attaques attendues. Je fais creuser un boyau entre l’ancienne et la nouvelle ligne le 24 mars, ce qui fût exécuté et nous passâmes une journée très dure et très intéressante. Devant nous, nous voyons un grouillement ininterrompu d’Allemands.

 

 

Paul Boucher 6-2 Image2 Dessin Illustration.jpg

                  Steinbach

Hartmann           Molkenrain

          956m                1125m             

                    Ballon de Guebwiller

          1428m

« Dessin  provenant du journal « L’Illustration du 3 avril 1915 »

 

Que font-ils ? Il me semble qu’ils sont sans chefs et abandonnés à eux-mêmes ou bien ce sont des têtes de colonnes de contre-attaque qui n’ont pas débouché et sont arrêtés par notre tir continu. Nous apercevons un passage de tranchée traversé à intervalles réguliers par des Allemands. Un de nos bons tireurs, Thionville de Sainte Sabine s’installe et en tue successivement cinq ou six. Un brave soldat, Auberger, mineur, a fait toute une provision de grenades allemandes à manche et il vient en avant de notre tranchée jusqu’à un trou d’obus d’où sont lancées des grenades. Il en lance deux et le silence se fait. Le commandant du 7e alpin passe et me dit : « Voulez-vous passer en avant avec votre Cie, je pense que vous y arriverez sans peine ».

 

Je lui réponds que je n’ai pas d’ordre semblable et que je les attends de mes chefs. Ce ne sera pas la seule fois que je serai ainsi incité à essayer quelque chose pour le compte de voisins !

 

Une idée me vient, je fais un billet où j’écris au stylo en mauvais allemand : « Rendez-vous ou le bombardement recommence ». Et je fais lancer ce billet par mon grenadier Auberger. Au même moment, on me dit : « Veillez, une troupe importante semble être en marche vers nous ».

 

Une contre-préparation d’artillerie de 75 va la battre et fait une violente canonnade qui s’abattit en avant de nous. Au même moment, sur notre gauche, face à ce que nous appelâmes ensuite la Roche Sermet, j’entends des cris « Kommen », des coups de fusils et des coups de notre mitrailleuse puis des Allemands assez nombreux s’avancent vers nous, la plupart désarmés, d’autres en armes et d’autres encore derrière. Les uns jettent leurs armes, les autres fuient mais beaucoup se rendirent. Ils sont plus nombreux que nous et j’envoie quelques hommes en renfort, prêts à intervenir mais ils se mettent docilement les uns derrière les autres et je les envoie immédiatement vers le commandant. Ils appartiennent au 25e RI, ce régiment que nous avons déjà vu à Steinbach, le jour de la contre-attaque.

 

Ils sont heureux et donnent en passant tout ce qu’ils ont dans leurs poches, cigares, allumettes… Je prends même de l’un d’eux une pastille de menthe que je conserve encore. Plusieurs blessés sont portés à dos par leurs camarades, d’autres sautent aves souplesse au-dessus des sapins couchés sur la tranchée. Je conduis même un groupe, révolver en main jusqu’au commandant afin de bien lui montrer « mes prisonniers » qu’un camarade, capitaine à la 3e Cie s’attribuait volontiers tout en manœuvrant toujours pour que sa Cie ne soit pas engagée en première ligne. Il restait à l’arrière puis guettait l’une après l’autre ses sections et faisait des rapports élogieux d’ailleurs mérités pour ses subordonnés et recueillait pour son unité toutes les récompenses. Nous en étions naturellement furieux et comme malheureusement il avait l’oreille du commandant… Je tiens cette fois en amenant moi-même ces prisonniers à bien faire voir qu’ils m’appartenaient. Ce fut d’ailleurs pour recevoir du commandant qui se garde bien d’en faire état !

 

De retour, très excité et énervé, je me trouvais à côté de Duplessy, mon lieutenant, et sans personne devant nous, toujours aux aguets lorsque je vis Duplessy s’écrouler à mes pieds. Je pensais tout d’abord qu’il avait buté et était tombé mais je vis ses yeux se retourner et j’aperçus ma chaussure inondée de sang qui sortait de sa blessure. Il avait reçu une balle que je n’avais pas entendue.

 

Je couchai Duplessy, appelai Valence, mon brave infirmier, et Cloué un caporal-prêtre de Pontarlier, et demandais à Duplessy, instituteur, un peu areligieux s’il voulait l’absolution que, sur un signe affirmatif, Cloué donna tandis que, déprimé subitement, j’éclatais en sanglot et qu’on emmena Duplessy mourant. J’écris à son père, instituteur à Xertigny et le prépare à la triste nouvelle qui heureusement ne se produit pas. Après avoir passé plusieurs jours entre la vie et la mort et après avoir eu une affreuse blessure gangrénée, Duplessy reprend le dessus et s’en tire grâce à sa jeunesse. Je ne l’ai plus revu à la 1e Cie.

 

Encore sous l’émotion de cette blessure, nous sommes relevés à 8 heures du soir par Martinet et la 11e Cie et allons nous reposer dans l’ancienne première ligne, pas pour longtemps, car convoqué le lendemain à midi par le commandant. J’apprends que le lendemain, l’attaque continue et que ma Cie, la première Cie est la seule du bataillon à marcher en première ligne. Ce n’est pas son tour car le 23 mars, la 2e et la 4e ont marché ainsi que la 1e.

 

Le 24, la 1e Cie a été toute la journée sur la brèche et c’est au tour de la 3e Cie qui se défile conformément à l’habitude de son chef !

 

1_ Objectif tranchées

 

2- La deuxième ligne à cheval sur la crête s’arrête sur la première ligne. Deux hommes sont porteurs de grands panneaux rouges de 2 mètres sur 1 mètre pour jalonner la ligne. Muni de mes ordres, je rassemble la Cie et lui fais un laïus, désigne les sections.

 

En première ligne : la première et deuxième Cie commandées par Le Perrien, la troisième et quatrième commandées par Saint Martin et Bourquin.

 

Je promets aux premiers arrivés de récupérer un bon louis d’or, les hommes m’ont répondu : « Nous n’avons pas besoin de cela mais nous les accepterons pour trinquer. »

 

Paul Boucher 6-2 Image3 JMO 22 mars.jpg
 
Journal de marche du 152e RI du 22 au 23 mars 1915 durant les combats de l’Hartmann

 

Fin de la deuxième partie du chapitre 6

 



18/03/2016
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