14-18Hebdo

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Souvenirs de guerre 1914-1919 (Paul Boucher) - Ch. 5-XX - Commémoration du centenaire des combats de Steinbach, le 4 Janvier 2015

Chapitre 5 – STEINBACH – La mort de François

Document transmis par Renaud Seynave, son petit-fils - 11/02/2016

 

En souvenir de François Boucher tombé sur le champ de bataille le 2 janvier 1915 à Steinbach

 

 

Paul Boucher 5-8 Image1 Dessin Francois.jpgEsquisse de François Boucher réalisé par Honoré Umbricht en 1915

 

A l’invitation de Monsieur Marc Roger, maire de Steinbach, je me suis rendu avec ma sœur et mon beau-frère aux différentes cérémonies. Sept neveux et nièces de François Boucher étaient présents. Patrick Germain, ami de la famille, ancien officier de réserve du 152e RI, a eu la gentillesse de m’accompagner.

 

Renaud Seynave

 

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Discours prononcé par Monsieur le Maire de Steinbach, Marc Roger lors de la cérémonie de commémoration du centenaire de la libération de Steinbach devant la stèle de François Boucher le 4 janvier 1915.

 

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Le panneau retraçant la vie de François Boucher, les drapeaux et Monsieur le maire Marc Roger à droite de la photo.

 

Nous nous réunissons aujourd’hui devant cette stèle pour dévoiler un panneau à la mémoire de François Boucher tombé ici même le 2 janvier 1915.

 

François Boucher naît le 11 mai 1888, à Gérardmer (Vosges). Il passe sa jeunesse et fait ses études à Paris.

 

Dès son enfance, François manifeste sa passion pour l’histoire et l’archéologie. Après avoir réussi son baccalauréat ès lettres philosophie, François entre à l’Ecole des Chartes. En 1911, il sort brillamment de l’Ecole, avec le titre d’archiviste paléographe, à la suite d’une thèse remarquée sur la cathédrale de Toul.

 

De 1911 à 1913, il fait son service militaire, à la 2e compagnie du 152e RI et en sort sergent. Il est aussitôt nommé au poste de bibliothécaire stagiaire, à la Bibliothèque nationale, à Paris. Mais l’heure de la mobilisation sonne. Il rejoint sa compagnie, la 2e, en même temps que son frère Paul qui était à la 1re compagnie du même régiment.

 

François Boucher suit vaillamment le 152e RI, sur tous les théâtres de luttes et de gloire, notamment au Spitzemberg où il est légèrement blessé à l’œil. Le jour de Noël, il est lancé, avec la 1re et la 2e compagnie, dans cette terrible bataille qui, pour tous ceux qui l’on vécue, restera l’enfer de Steinbach.

 

Le 2 janvier 1915, il était avec sa section dans une petite tranchée pleine d’eau, tout près des maisons de Steinbach, encore occupées par les Allemands. Ceux-ci observaient, munis de leurs carabines à lunettes. En se déplaçant, François devait franchir un boyau éboulé. C’était se découvrir. Il n’hésite pas et passe. Mais le tireur allemand était à l’affût et, dans le court moment où la cible se présentait, il eut le temps de tirer. François reçut une balle en pleine tête. Il tomba sans un cri, sans une parole. Son frère Paul, qui se trouvait dans un chemin creux à proximité, ne put que constater le décès.

 

Dans son « Journal de marche de la 1re compagnie », Paul Boucher écrit le soir de ce 2 janvier 1915 : « Un groupe de maisons est pris, l’ennemi tire de tous les côtés et rend toute circulation impossible. Sergent Boucher tué par balle à la tête – mon frère. »

 

François Boucher reçut la médaille militaire et la croix de guerre avec étoile de bronze, à titre posthume, avec la citation suivante : « Sous-officier donnant à ses hommes le plus bel exemple en toutes circonstances. Tombé glorieusement pour la France, le 2 janvier 1915, à Steinbach. Tué à l’ennemi. »

 

Paul Boucher fit ériger une croix à l’endroit où son frère était tombé. « J’ai fait une croix à l’endroit où il est tombé, croix refaite en 1918 par mes anciens mitrailleurs. J’ai obtenu du propriétaire du terrain l’autorisation de faire un petit monument en pierre en cet endroit. Je n’ai pas encore pu le réaliser à l’heure où j’écris le 23 novembre 1920. »

 

Aujourd’hui, cette stèle se dresse, ici, dans ce verger. C’est pourquoi nous dévoilons aujourd’hui ce panneau afin de permettre aux promeneurs de remarquer cette stèle, d’en connaitre l’origine et de découvrir le destin de ce jeune homme fauché comme beaucoup d’autres à la fleur de l’âge.

 

François Boucher est inhumé dans le caveau familial, à Gérardmer. Son nom est inscrit sur le marbre de l’Ecole des Chartes et de la Bibliothèque Nationale.

 

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Les neveux et nièces de François Boucher présents lors de la cérémonie du 4 janvier 2015 à Steinbach

 

 

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Le panneau réalisé par la commission du patrimoine. Au fond à gauche, on aperçoit la stèle. A droite de la photo, les propriétaires du verger, Monsieur et Madame Zink.

 

 

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Messe dans l’église de Steinbach pour tous nos soldats morts aux combats

 

 

Paul Boucher 5-11 Image8 Soldats.jpgPhoto prise au cimetière avec un détachement du 152e RI devant la tombe du soldat Balouzet mort à 22 ans.

 

 

Cérémonie au cimetière de Steinbach où une plaque a été dévoilée sur la tombe du soldat Baptiste Balouzet, mort le 5 janvier 1915 à l’âge de 22ans.

 

 

Source : livre « Steinbach, 1914/1918, un petit village d’Alsace dans la grande guerre ».

 

 « Après la guerre, au début des années 20, ses parents viennent habiter Steinbach pour être plus près de l’endroit où est tombé leur fils ainé. En tant que résidents, ils ont la possibilité de faire inhumer son corps dans le cimetière du village lorsque, en 1924, les dépouilles des soldats français reposant dans les cimetières militaires de Steinbach sont transférées au cimetière national du Silberloch (Vieil Armand) ou au cimetière militaire de Cernay».

 

 

Paul Boucher 5-11 Image9 Soldats 2.jpgCérémonie au monument aux morts de Steinbach

 

Discours prononcé par Monsieur le Maire de Steinbach, Marc Roger lors de la cérémonie de commémoration du centenaire de la libération de Steinbach devant le Monument aux Morts le 4 janvier 2015.

 

Début 1914, l’Europe et le monde sont en crise.

 

Depuis plusieurs années, la montée des nationalismes et des volontés expansionnistes ont conduit plusieurs pays à une course aux armements. En 1912 et 1913, la poudrière des Balkans a été le théâtre de deux guerres. Début 1914, les projets militaires se multiplient un peu partout en Europe.

 

Dans ce contexte, l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d’Autriche-Hongrie, à Sarajevo le 28 juin 1914 engage le processus qui va conduire au déclenchement de la Première Guerre Mondiale.

 

Le 31 juillet à Paris, Jean Jaurès, l’un des plus virulents opposants à la guerre est assassiné.

Le 1er août, l’Allemagne déclare la guerre à la Russie.

Le 2 août, la France décrète la mobilisation générale.

Le 3 août, l’Allemagne déclare la guerre à la France.

 

Dès le 4 août 1914, l’armée française reçoit l’ordre d’avancer en Alsace pour s’emparer des vallées et des villes principales. Le 7 août, Thann est libérée et le 8 août les Français s’emparent de Mulhouse. Mais ils ne peuvent y rester et se replient dans la vallée de Thann.

 

Le 9 août 1914 :

Le nom du village de Steinbach apparaît pour la première fois dans l’histoire de la Grande Guerre dans le Journal de Marche du 133e régiment d’infanterie.

 

Début décembre 1914 :

Le Général Joffre décide de déclencher une offensive en Alsace du Sud, dans le but de reconquérir Mulhouse. L'objectif de la 66e division d'infanterie est de conquérir la Cote 425 et le plateau d'Uffholtz, tous deux tenus par les Allemands, avant de s'emparer de Cernay. Mais le commandement français ignore que, depuis quelques jours, un régiment wurtembergeois, le L.I.R.119, est solidement installé dans Steinbach.

 

Dimanche 13 décembre :

A midi, l'artillerie française du 213e régiment d'infanterie ouvre le feu sur la Cote 425 et l'enlève tandis qu'un détachement du 5e bataillon de chasseurs à pied s'empare du village.

Mais dès le lendemain, le 14 décembre, contre-attaque des Allemands qui, supérieurs en nombre et en moyens, reprennent Steinbach et renforcent leurs positions, entourant le village de réseaux de fer barbelé, d'abatis, de tranchées et de barricades.

 

Le haut-commandement français choisit Noël pour lancer une nouvelle offensive d’envergure sur cette partie du front.

 

Vendredi 25 décembre 1915 :

Le 152e régiment d’infanterie, qui vient d'enlever le Spitzemberg après des combats meurtriers, arrive en renfort pendant la nuit avec, à sa tête, le lieutenant-colonel Jacquemot.

 

L'attaque française est déclenchée : le 213e RI part à l'assaut de la cote 425. L'assaut échoue. Six compagnies du 152e RI ont pour objectif le plateau d'Uffholtz en débordant Steinbach par le nord tandis que 2 compagnies doivent attaquer Steinbach par le sud. Lorsque les 2 compagnies débouchent du bois du Hirnelestein, en direction de Steinbach, elles sont clouées sur place par de violents tirs de mitrailleuses en provenance de la cote 425 et du village, subissent des pertes importantes et, à la nuit tombante, se retranchent sur leurs positions.

 

Dimanche 27 décembre 1915 :

Il neige et il fait très froid.

Dès 8h, l’artillerie bombarde les premières maisons du village. Des tirs intenses d'obus démolissent les habitations et déclenchent de nombreux incendies. La 1re et la 3e section s'élancent baïonnette au canon, vers le village, mais l'assaut est brisé par une fusillade très violente en provenance des soupiraux, des caves et des toits des maisons. Les pertes sont considérables dans les rangs français. L'échec de cette attaque démontre que Steinbach sera extrêmement dur à enlever car le village représente une position extrêmement forte. Les combats dans le secteur de la cote 425 sont d'une violence inouïe. Ces jours de lutte féroce dans la pluie, la boue, la neige et le froid resteront dans la mémoire des survivants comme "L'Enfer de Steinbach".

 

Mardi 29 décembre 1915 :

Le lieutenant Maurice Ravel, du 213e RI écrira : « La bataille se poursuit, dans une pluie glaciale, toujours sans résultat. Il faut soit s'emparer du village soit le détruire. L’artillerie française bombarde le village avec fureur. Il brûle en plusieurs endroits. Le clocher a été éventré et c'est fort heureux car l'ennemi ne peut plus s'en servir pour observer et y installer des mitrailleuses ».

 

Mercredi 30 décembre 1915 :

L’attaque reprend sur tout le front. Le 213e RI attaque sur le front de la cote 425. Le 15e BCP gagne du terrain vers Uffholtz. Des corps à corps féroces s'engagent à travers les réseaux de barbelés et les décombres des maisons. Au prix de luttes farouches, la 7e compagnie de 15/2 poursuit sa progression dans la Grand'Rue, avançant lentement, maison par maison. La lutte devient d’une sauvagerie atroce, au milieu des incendies et des bombardements ininterrompus, sous la fusillade qui part des soupiraux des caves, des toits, il faut faire le siège de chaque maison.

 

La population civile est évacuée. Monsieur Ivan Rollin dira, le 4 juillet 1937 ici même, lors de l’inauguration de ce Monument aux Morts : « L'exode de cette population dans la nuit glacée de décembre, la fuite des femmes, des enfants, des vieillards au milieu des balles et des incendies, abandonnant leurs foyers détruits, fut une chose affreuse ».

 

Jeudi 31 décembre 1915 :

Par mauvais temps, l’attaque continue dans les mêmes conditions que la veille. Le 213e, essaie vers 17h30 d’enlever la tranchée allemande de la cote 425. Le 152e continue l’attaque sur Steinbach qu’il s’efforce de déborder par le sud et le nord. Grâce à l’énergie de tous, il parvient à s’emparer, maison par maison, d’un tiers du village tandis qu’à droite et à gauche ses tranchées se rapprochent de celles de l’ennemi.

 

Samedi 2 janvier 1915 :

Pluie mêlée de neige

Au cours de la nuit, la progression a continué dans l’intérieur de Steinbach, mais la journée est relativement calme. Toutefois, les tirs ennemis continuent de toutes parts, et le sergent Boucher est tué d’une balle à la tête, non loin de l’église, où tout à l’heure, nous avons dévoilé une plaque à sa mémoire.

 

Dimanche 3 janvier 1915 :

Après une violente préparation d'artillerie, l'attaque est déclenchée vers 13 heures. Les 1re et 2e compagnies se lancent à l'attaque à la baïonnette, au prix de lourdes pertes. Le 213e RI s'empare de la cote 425. La 12e compagnie a pour mission de prendre le centre du village et le cimetière. La progression est lente. Dans le village à moitié démoli et qui flambe, fusillades et cris retentissent.

 

Pris en tenaille, les Allemands se replient mais, pendant la nuit, le commandement allemand déclenche un violent bombardement et lance une contre-attaque, en partie repoussée. Quelques groupes de soldats allemands parviennent à s'infiltrer et à atteindre l'église et le cimetière où ils se retranchent. Ils sont refoulés par une charge à la baïonnette. Les hommes du 152e RI fouillent les maisons et font un grand nombre de prisonniers. Au petit matin, Steinbach est définitivement aux mains du 152e RI mais les pertes sont énormes.

 

A partir de cette date, les contre-attaques et les bombardements allemands vont continuer, mais après 15 jours et 15 nuits de combat, Steinbach est définitivement aux mains du 152e RI.

 

La prise de Steinbach défraya la chronique ; la presse française et les communiqués officiels firent de ce haut fait d'armes un symbole du retour de l'Alsace à la Mère Patrie. Mais cette conquête destructrice et coûteuse en vies ne fit reculer les Allemands que de quelques centaines de mètres puisque le front se stabilisa à la sortie du village pendant les 4 longues années que dura la guerre de position.

 

D'après un rapport du service de santé, entre le 25 décembre 1914 et le 10 janvier 1915, les combats firent 415 tués et 876 blessés parmi les 152e, 213e et 359e régiments d'infanterie, les 28e et 68e bataillons de chasseurs alpins, le 15e bataillon de chasseurs à pied et le 56e régiment d’artillerie, sans compter les disparus et les prisonniers...

 

Le 25 janvier 1915 :

A la suite des combats livrés pour la prise de Steinbach, le 152e régiment d'infanterie est cité à l'ordre de l'armée et le 6 novembre 1921, Steinbach reçoit la croix de guerre 1914-1918 avec palme.

 

Paul Boucher 5-11 Image10 Soldats 3.jpgCérémonie au monument aux morts de Steinbach

 

 

Paul Boucher 5-11 Image11 Maire et Alsaciennes.jpgMonsieur le Maire de Steinbach, Marc Roger, et trois Alsaciennes en costume traditionnel.

 



02/03/2016
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