14-18Hebdo

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Souvenirs de guerre 1914-1919 (Paul Boucher) - Ch 9-5 – La réorganisation

Chapitre 9 – La réorganisation – 5e partie

Document transmis par Renaud Seynave, son petit-fils - 18/08/2016

 

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Le capitaine Paul Boucher et son cheval Goéland qui le suivra au 68e BCA

 

 

Nos boches troublés par le coup de fusil du colonel deviennent méchants, ils m’on tué deux poseurs de fils de fer. Ils tuent un guetteur au poste Chambaud, un rouquin surnommé Dudule.

 

Le commandant Thiéry s’étonne de ces pertes et je dois lui rappeler que nous sommes en guerre. La situation est très tendue entre nous.

 

Au 152e RI, cela ne va plus du tout depuis l’affaire de décembre 1915.

(Note de Renaud Seynave : relire le chapitre VIII sur les durs combats de l’Hartmannswillerkopf).

 

Malgré tout, ce n’est plus le même esprit et je me mets en rapport avec différents amis pour me faire inviter, notamment avec le lieutenant-colonel Chenèble, et Papa en parle un jour au général de division Nollet qui lui promet de s’en occuper.

(Note de Renaud Seynave : relire première partie du chapitre 9 où Paul Boucher parle du lieutenant-colonel Chenèble).

 

Naturellement, je n’en parle à personne et la surprise fut grande lorsque du bureau du colonel, on me fait connaitre ma mutation au 68e bataillon de chasseurs alpins.

 

Mes hommes en paraissent navrés. Le commandant inquiet et le colonel furieux, ma mutation m’est communiquée le 1er mai, signée de Nollet et Combarieu que j’allais trouver plus tard à la 164e division et contresignée de Tivard, capitaine qui fut plus tard Haut-commissaire en Rhénanie.

 

Le 2 mai 1916, je fais mes adieux à la Cie et j’obtiens d’emmener mon ordonnance Georgel du village de La Chapelle et mon cheval Goéland auquel je tiens pour sa douceur et son calme.

 

Je me présente à Saint Amarin au lieutenant-colonel Chenèble qui me conduit à Thann pour me présenter au commandant du 68e, Dupont. Il me désigne « Commandant de la Cie de mitrailleuse ».

 

Le brave commandant Dupont était mal à ce moment avec Chenèble et je vois que cette désignation semble lui déplaire. Je dine à la brigade avec F. Nohain, le général Pouydraguin et on me coiffe du béret. Le lieutenant-colonel Chenèble me fait partir le même jour pour Gérardmer où j’arrive dans la nuit annoncer moi-même cette mutation aux parents plutôt ahuris.

 

Le lendemain matin, je repars par le même chemin, quelle différence et quelle liberté après la lourde contrainte du 152e RI.

 

Je reste deux jours dans la vallée pour changer mes affaires. Le 152e RI entre-temps descend au repos à Bitchwiller tandis que le 68e BCA monte en ligne à Roche-Dure, sommet situé entre l’Hartmann et le Sudel, château très calme et en ruine. Les tranchées sont assez distantes de l’ennemi. C’est un très bel observatoire sur l’Hartmann, la vallée de Werenheim et la plaine d’Alsace. J’ai la satisfaction de déjeuner avec le 2e bataillon du 152e. On plaisante sur mon béret et le 8 mai, je rejoins le corps à Roche-Dure. Avec mon prestige du 152e RI, je suis très bien accueilli par les jeunes officiers du 68e, tous officiers de réserve.

 

Je remplis tout d’abord les fonctions d’adjudant-major au commandant. J’admire la grande facilité de ravitaillement de vivres et matériels ainsi que la grande initiative des commandants de Cie, la bonne organisation du peloton des sapeurs. Ici, on construit un vrai village au camp dit « Sicurani ».

 

Je vais un jour refaire un tour de l’Hartmann pour voir mes camardes. Mon successeur, le capitaine Grisard venant des pompiers, devait être tué quelques mois plus tard à Cléry-sur-Somme. Je reçois de tous un accueil charmant et je vais sur la tombe de Séjournant où je place une plaque émaillée que j’ai fait venir de Gérardmer.

(Note de Renaud Seynave : Chapitre 8, deuxième partie : Séjournant est le fidèle ordonnance de Paul Boucher depuis le début de la guerre, il est mort le 22 décembre 1915. Voici ce qu’écrivait Paul Boucher : « Puis un obus éclate tout contre faisant trembler tout l’abri. Ah, celui là n’est pas bien loin. Nous passons le nez dehors, l’abri à côté est effondré et fume encore et hélas mon pauvre Séjournant est dessous. J’obtiens quelques hommes pour le dégager mais il est mort ».).

 

Le lendemain, un commandant de Cie inaugure un nouveau gourbi. Visite avec des fleurs au commandant, compliments et diner avec menu imprimé, c’est incroyable et cela à 300 mètres de l’Hartmann et des boches.

 

J’ai une permission le 1er juin et j’arrive en surprise à Saint Amé où est la famille, puis visite au Kertoff, Rambervillers, Nancy et Gérardmer.

 

Je rentre à Roche-Dure le 23 juin, grande tranquillité, je fais tous les matins le tour des lignes puis je passe de longs moments à l’observatoire de Werenheim où j’assiste à de nombreux réglages d’artillerie.

Fin du 9e chapitre

 

 

« La gazette du centenaire du 152e RI n° 28 »

Editée en avril 2016 par la cellule communication du 152e RI à Colmar et transmise par le lieutenant-colonel Bodénès de la direction des Ressources Humaines de l’armée de terre.

 

 

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AVRIL 1916, LE SUDEL :

En ce début du mois d’avril, les vols des avions d’observation allemands sont quotidiens au-dessus des positions du régiment dans le secteur du Sudel. Ils sont généralement suivis quelques temps après par des tirs d’artillerie sur les positions repérées. A cette époque, les avions ne pouvaient pas communiquer avec le sol par radio et la transmission des comptes rendus d’observation se faisait soit par message lancé en survolant une position amie soit à l’atterrissage.

 

A compter du 13 avril, la météo va se dégrader et une tempête de neige va balayer pendant 4 jours les hauteurs vosgiennes. Le 17 avril, lorsque le ciel se dégage, le paysage est entièrement blanc et permet aux observateurs de bien détecter les mouvements de trains allemands entre Mulhouse et Colmar ou entre Mulhouse et Ensisheim. La couche de neige est tellement épaisse que l’on lit dans le JMO à la date du 21 avril qu’une relève de section n’a pu s’effectuer « à cause des amoncellements de neige » et est remise à une date ultérieure.

 

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Ce même mois, les soldats de la classe 1916 sont incorporés au sein des compagnies du 15-2. Le secteur est calme et on peut les considérer comme chanceux de ne pas participer à la bataille de Verdun qui fait rage depuis plus d’un mois. Le Sudel pendant la totalité du conflit ne coûtera qu’environ 250 victimes françaises. Cependant régulièrement le 15-2 relève des blessés par les tirs d’artillerie, de mitrailleuses, de grenades ou de fusils et parfois un mort comme le 10 avril : un soldat de la 7e compagnie tué par un éclat d’obus à la tête, le 14 : un soldat de la 5e compagnie tué par balle, le 25 : un soldat de la 6e compagnie tué par un obus. Les tirs d’artillerie allemands auxquels répondent nos tirs de contre-batterie restent le danger le plus courant.

 

Au début de la guerre, pour éviter la pénurie d’hommes, la classe 1914 avait été appelée par anticipation. Ensuite, une classe fut appelée chaque année, mais avec 11 mois d’avance pour la classe 1915, et plus d’un an et demi pour les classes 1916 à 1919 sur la date théorique de recensement (classe 1916 : date théorique d’incorporation 10/1916. Date effective 04/1915). Ainsi, au lieu d’avoir 20 ans au moment de leur incorporation, les recrues n’en avaient que 18 ou 19. Ensuite, les nouvelles recrues faisaient leurs classes avant d'être envoyées au front en fonction des besoins d'une unité ou pour poursuivre leur formation militaire dans le régiment.

 

Le 10 avril, le lieutenant-colonel Semaire est nommé commandant du secteur qui englobe le Sudel tenu par le 2e bataillon du 15.2 et le Fürstacker tenu par un bataillon du 55e territorial juste sur la gauche du 2e bataillon.

 

Le 17 avril, le 1er bataillon est relevé en réserve de division par le 67e bataillon de chasseurs et monte en première ligne dans le secteur de la Lauch situé sous le Grand Ballon.

 

Le 25 avril, la compagnie de mitrailleuses de la brigade devient la 2e compagnie de mitrailleuses du 15-2 qui compte ainsi 3 compagnies de mitrailleuses, autant que de bataillons.

 

Ce mois d’avril a été assez calme pour le 15-2 et mis à profit pour poursuivre l’amalgame des jeunes avec les anciens et forger ainsi l’âme du régiment du diable.

 

21 FÉVRIER – 15 DÉCEMBRE 1916, LA BATAILLE DE VERDUN :

Au début de l’année 1916, le général allemand Falkenhayn, chef de l’état-major impérial, veut reprendre l’initiative du combat. En effet, depuis 1914, l’armée allemande et l’armée française s’affrontent dans une interminable guerre de tranchées. Pour mettre un terme à une guerre d’usure, Falkenhayn décide donc de briser la ligne de front et déclare vouloir « saigner à blanc » l’armée française. Contrairement à son homologue français le général Joffre, qui prône une guerre de mouvement, Falkenhayn décide d’attirer les troupes françaises vers un point défini à l’avance afin de les anéantir et de forcer le gouvernement à signer une paix séparée. Le site de Verdun retient l’attention des militaires allemands car les Français ont dégarni cette partie du front qui se trouve près d’un important carrefour ferroviaire permettant d’approvisionner rapidement les troupes allemandes en munitions. Par ailleurs, la ligne de front fortifiée forme à Verdun un important saillant dans les lignes françaises. Enfin, Joffre, qui prépare une grande offensive dans la Somme, a fait retirer les canons des anciens forts jugés obsolètes et le site n’est plus très bien défendu.

 

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Le 21 février 1916 au matin, au nord de Verdun, Falkenhayn déclenche le Trommelfeuer le « feu roulant », un déluge d’acier qui pilonne les positions françaises et hache toutes leurs défenses et notamment les barbelés, nivelle le terrain et comble les tranchées. Ce déluge va durer neuf longues heures et dévaster les tranchées où se tiennent les chasseurs (Bois des Caures) et les soldats français. Deux millions d’obus tombent sur un front de 15 kilomètres. Les forces françaises, qui ne s’attendaient pas à être attaquées par-là, sont écrasées par cette pluie d’acier.

 

Enfin, à 16h45, 60 000 soldats allemands montent à l’assaut, certains équipés d’une arme terrifiante : le lance-flammes. Mais la progression allemande est lente, car à la suite de tous ces bombardements d’obus, le sol est devenu très instable et dangereux. Contre toute attente, les Français assommés par ce déluge de feu répliquent avec courage : les soldats éparpillés, parfois sans officier, parviennent en plusieurs secteurs à ralentir l’assaut allemand en allant jusqu’à combattre au corps à corps.

 

Le 25 février, le fort de Douaumont est pris et les Allemands ne sont plus qu’à 5 kilomètres de Verdun. Les combattants français épuisés, noirs de poussière et de boue, les yeux hagards trouvent quand même la force de lutter et, grâce à l’arrivée de troupes fraîches, parviennent à ralentir l’avance ennemie. Cette résistance acharnée surprend les Allemands et les bloque dans leur progression à quatre kilomètres de leur point de départ.

 

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Le général Philippe Pétain, se voit alors confier le commandement en chef du secteur de Verdun. Il réorganise la défense de Verdun, décide de faire tourner les unités qui montent en première ligne pour ménager les hommes, emploie massivement l’aviation pour le bombardement et le renseignement sur les positions ennemies, mais surtout il organise la « Voie Sacrée », une route départementale de 56 kilomètres qui relie Verdun à Bar-le-Duc et sur laquelle vont circuler jour et nuit 3 000 camions de transports de troupes et ravitaillement. Enfin, il réclame des renforts à Joffre, mais ce dernier privilégie sa future offensive sur la Somme, ce qui fait dire à Pétain : « Le GQG (Grand Quartier Général) me donne plus de mal que les Boches ».

 

Les Allemands reprennent l’offensive à quatre contre un sur chaque rive de la Meuse. La boue, les combats à l’arme blanche, les bombardements, les gaz, la faim et la soif sont le lot quotidien des combattants. Ces attaques sont d’une rare violence : sur la rive gauche de la Meuse, autour du Mort-Homme, 10 000 soldats français meurent en défendant la cote 304, le village de Fleury est pris et repris seize fois. Le fort de Vaux, objectif de cette attaque, est pris par les Allemands en juin 1916. La bataille pour sa défense est un exemple de l’héroïsme des troupes françaises. Sous le commandement du commandant Raynal, la garnison va tenir durant plusieurs jours. Ils doivent faire face aux assauts ennemis, aux gaz, aux bombes, aux lance-flammes, à la faim, à la soif qui finalement aura raison d’eux, les citernes de réserve d’eau étant crevées. Lorsque le commandant Raynal se rend, sa défense acharnée pendant six jours avec 250 hommes face à la 50° division allemande a tellement impressionné les Allemands que ceux-ci leur rendent les honneurs militaires. Raynal est reçu en personne par le Kronprinz.

 

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Le 3 juillet, les Allemands ne sont plus qu’à 3 km de Verdun. La poussée est fantastique. Les troupes françaises sont sur le point de craquer, mais encore une fois, le simple soldat, celui qui deviendra le Soldat de Verdun, résiste et bloque l’offensive face au fort de Souville. La ville est sauvée.

 

En août et septembre, les troupes françaises vont contre-attaquer violemment afin de soulager Verdun des tirs d’artillerie, mais aussi pour conquérir de bonnes bases de départ pour reprendre le terrain perdu et principalement les forts de Vaux et de Douaumont.

 

Du 21 au 24 octobre, les Français contre-attaquent, Douaumont est repris fin octobre et le fort de Vaux en novembre. Sous des bombardements d’une rare violence, (30 millions d’obus allemands et 23 millions d’obus français de tous calibres vont tomber sur quelques dizaines de kilomètres carrés), les armées des deux bords sont impitoyablement broyées, écrasées, usées et « saignées à blanc ». A plusieurs reprises, un grand nombre d’unités devront être entièrement reconstituées. Le fer, le feu, la boue, les rats, la peur… seront le quotidien des armées des deux camps.

 

Enfin le 15 décembre 1916, les troupes allemandes sont refoulées sur leurs positions de départ. La Bataille de Verdun est finie. Le bilan pour la ville et pour la France est très lourd. Les pertes sont considérables pour un gain de territoire nul. La bataille a fait plus de 700 000 victimes : 306 000 morts et disparus (163 000 Français et 143 000 Allemands), environ 406 000 blessés (216 000 Français et 190 000 Allemands).

 

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CE SERA L’UNE DES PLUS LONGUES ET DES PLUS DÉVASTATRICES BATAILLES DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE, VOIRE DE L’HISTOIRE DE LA GUERRE. VERDUN RESTERA LONGTEMPS LE SYMBOLE DE L’HORREUR MAIS AUSSI CELUI DU COURAGE ET DE LA RÉSISTANCE DES SOLDATS.

 



19/08/2016
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