14-18Hebdo

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Souvenirs de guerre 1914-1919 (Paul Boucher) - Ch 9-4 – La réorganisation

Chapitre 9 – La réorganisation – 4e partie

Document transmis par Renaud Seynave, son petit-fils - 10/08/2016

 

 

Paul Boucher 9-4 Image 1 Guillaume II et Etat-major.jpgGuillaume II et son Etat-major au plateau d’Amance devant Nancy

 

 

… Il n’y a aucun abri de bombardement, pas de fil de fer, aucune ligne de retraite, un vrai coupe-gorge. A peine arrivé, je demande au chef de bataillon de faire des abris de bombardement. Refus… puis je prescris de cesser toute histoire avec les boches et j’inscris mes ordres sur le cahier de rapport.

 

J’ordonne de regagner le poste Chambaud en le creusant d’avantage et en y amenant des boucliers en sacs de terre pour protéger nos guetteurs.

 

Tout le monde avait entendu parler de ce secteur où l’on envoyait les boches, cela fut rapporté à la popote du colonel Semaire et celui-ci vint le 30 mars suivi d’une nombreuse cohorte et l’air furieux me dit. « On court aux boches ici ».

 

Sans attendre d’autres explications, il va lui-même au poste Chambaud puis à un poste plus proche occupé par quelques territoriaux. Là, il fait siffler le boche qui ne tarde pas à apparaître. Le colonel tire un coup de fusil sur le boche sans que nous puissions savoir le résultat. Le procédé est critiquable et fait son effet tout à fait contraire à celui espéré par le colonel.

 

Pendant ce temps, les élucubrations du chef de bataillon continuent. On passe les journées à faire des consignes, les défaire et les refaire. On recommence pour un titre et pendant ce temps, on n’a rien fait de sérieux.

 

J’entreprends des poses de fil de fer au cours desquelles j’ai malheureusement deux tués. Je vais commencer des abris et suis enfin approuvé par le fou Thiéry qui vient de recevoir des renseignements des combats de Verdun d’où il découle qu’il vaut mieux avoir des abris sous tranchées avec des hommes qui peuvent sortir vivants que des tranchées où toutes les défenses sont écrasés par la mitraille !

 

Simple bon sens… C’est trop demander.

 

Ci-dessous : Portrait du Commandant Thiéry par P. Janin

Paul Boucher 9-4 Image 2 Portrait Ct Thiery.jpg

 

 

« La gazette du centenaire du 152e RI n° 27»

Editée en mars 2016 par la cellule communication du 152e RI à Colmar et transmise par le lieutenant-colonel Bodénès de la direction des Ressources Humaines de l’armée de terre.

 

 Paul Boucher 9-4 Image 33 Gazette centenaire mars 2016.jpg

 

MARS 1916, STEINBACH :

Le début du mois de mars 1916 voit le 15-2 conserver ses positions en première ligne dans le secteur de Steinbach. Le 8 mars, le LCL Semaire diffuse dans le secteur un ordre secret en vue de la préparation d’une attaque qui aura lieu le lendemain sur le point clé du secteur, la côte 425. Cette attaque a pour but unique de faire des prisonniers pour récolter des renseignements. Elle est décrite dans le JMO : « […] à 16 heures, l’artillerie ouvre son feu sur le saillant allemand de la côte 425, sur le double réseau de fil de fer qui la protège et sur le fortin qui se trouve à son centre. Obus de 65, de 75 et de 115, torpilles aériennes de 58 préparent la voie d’assaut avec une remarquable précision.

 

La riposte allemande semble moins précise, elle se disperse entre les 1res lignes et les voies d’accès probables des réserves. Son intensité, du reste, atteint à peine le tiers de la nôtre.

 

A 18 heures, la préparation d’artillerie étant jugée suffisante, le commandant Deleau déclenche l’attaque d’infanterie. Les deux demi-sections de la 12e compagnie, formant la 1re vague, s’élancent par les deux points de franchissement de notre tranchée, précédées à 20 mètres par des éclaireurs et sapeurs du génie munis de pétards et cisailles. La ½ section de droite, conduite par l’aspirant Adam, arrive la 1re dans la tranchée allemande et, sans laisser à ses occupants le temps de se ressaisir, capture dans un abri effondré 8 soldats allemands. Ceux-ci sont aussitôt dirigés sur la 2ème vague qui est sortie à son tour et qui les ramène dans nos lignes.

 

Les mitrailleuses allemandes du saillant étant trop profondément ensevelies sous un effondrement, le capitaine Vollaire donne le signal du retour qui s’effectue, comme l’assaut, sans aucune perte. […]

 

Pour protéger la sortie de notre infanterie, les 65 ont, pendant la durée de la rafle, fait un violent tir de barrage en lisière de la plaine, en avant de Sandosweiller et de Cernay…

 

Les 9 prisonniers allemands sont tous de la 2e compagnie du bataillon des tirailleurs de la Garde. Leur âge varie de 20 à 25 ans. »

 

Paul Boucher 9-4 Image 3 Attaque de la cote 425.jpgAttaque de la côte 425 le 9 mars 1916 à 17h55. Dessin de Paul Janin.

 

Les jours suivants, les guetteurs observent les travaux des Allemands dans les tranchées dévastées de la côte 425. Le 18 mars, le JMO signale un raid d’une dizaine d’avions français sur Mulhouse : trois sont abattus dont un réussira à redécoller dans la nuit. Le 22 mars, le deuxième bataillon est relevé par le 57e territorial, les premier et troisième bataillons le sont le lendemain par ce même régiment. Ils cantonnent ensuite respectivement à Moosch, Saint-Amarin et Malmerspach. Le 25 mars, une prise d’armes est organisée sur le champ de manœuvre de Saint-Amarin au cours de laquelle le lieutenant-colonel Semaire décore quelques braves du régiment.

 

Le 26 mars, les officiers du régiment vont reconnaître leur nouveau secteur du Sudel. C’est une crête de 1500 m de longueur constituée de quatre mamelons d’une altitude moyenne de 1000 m. Cette crête s’étire selon une direction ouest-est au nord du Hartmannswillerkopf. Dans la nuit du 28 mars, le deuxième bataillon relève le 41e bataillon de chasseurs en première ligne, le premier bataillon est placé en réserve de division et le troisième bataillon en réserve de brigade dans le même secteur. La 1re compagnie de mitrailleuses du 15-2 est en première ligne, la deuxième en réserve sauf une section en première ligne.

 

Le 15-2 termine donc ce mois de mars non loin du HWK.

 

LES NETTOYEURS DE TRANCHÉES :

Dans l’ordre d’attaque du 9 mars 1916, le lieutenant-colonel Semaire précise que : « les nettoyeurs de tranchées marcheront avec la première vague d’assaut. La première vague dépassera les 1ères lignes ennemies et prendra position en avant de ces lignes pour permettre aux nettoyeurs de tranchées d’opérer dans la tranchée conquise. » Mais qui sont ces nettoyeurs de tranchées et à quoi servent-ils ?

 

Paul Boucher 9-4 Image 4 Nettoyeur tranchees.jpgLe nettoyeur de tranchées

 

Entre les premières tranchées amies et les premières tranchées ennemies s’étend une zone de terrain connue sous l’expression anglaise de No Man’s Land qui varie de quelques dizaines de mètres (dans les Vosges) jusqu’à plus de 1000 mètres de largeur. Cette zone, encombrée d’obstacles et bouleversée par les trous d’obus est interdite de jour car aucun homme ne peut s’y tenir sans s’exposer au tir adverse. Seules, la nuit, des patrouilles s’y aventurent pour recueillir du renseignement.

 

Lors d’un assaut, le no man’s land est un véritable enfer à traverser, battu par les tirs formant un mur d’acier provenant des tranchées de première ligne. La préparation d’artillerie qui précède une attaque a en particulier pour objectif de neutraliser les obstacles du no man’s land et ceux des premières lignes adverses. Le no man’s land est donc traversé très vite et sans s’arrêter par la première vague d’assaut, renforcée par des sapeurs qui neutralisent les obstacles. Les nettoyeurs de tranchées interviennent ensuite dans les premières lignes conquises.

 

Ce sont des hommes recrutés pour leur sang-froid avéré et qui ont suivi un entraînement spécial. Armés de grenades, de revolvers et parfois (souvent) de couteaux, ils font une inspection rapide des tranchées et boyaux attenants, tuent tout ennemi qui pourrait résister, évacuent les prisonniers alliés libérés, et ramènent dans les lignes des prisonniers qui livreront peut-être des informations capitales pour la suite des combats. Les nettoyeurs de tranchées existaient des deux côtés. On ne faisait pas trop de publicité sur leur existence et on trouve très peu de témoignages. Un grand-père racontait ceci à son petit-fils : « Je vais te dire pourquoi après la guerre j’étais alcoolique : j’étais nettoyeur de tranchée. Pour faire ce travail, il fallait avoir le cœur bien accroché, alors on nous donnait une bonne ration de gnole, ça nous aidait à ne pas se poser de questions. »



12/08/2016
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