Souvenirs de guerre 1914-1919 (Paul Boucher) - Ch 14-5 –1918 La bataille vue de l’état-major – Cinquième partie - De mars à mai 1918
Document transmis par Renaud Seynave, son petit-fils - 13/06/2018
Emblème de la 164e Division, la division du dragon.
"A minuit, le vent est meilleur, un coup de téléphone, une lueur et une détonation lourde, puis rien. A-t-on zigouillé des boches ? Personne ne l’a jamais su… "
Je reçois un jour ma belle-sœur à l’hôtel des Vosges, je lui montre notre salle à manger avec un certain sucrier de faïence de Gien auquel on a fait un petit bec d’alpin aux trois galons. On coiffe la tête du sucrier. Cela me ressemble, parait-il ! Cela amuse beaucoup le général et ça m’est bien égal. J’aime mieux cela que des balles de mitrailleuses.
(Notes prises dans le carnet de Paul Boucher en date du dimanche 14 avril : Lunéville)
A midi, visite des Nancéiens. Papa, Maman, Yvonne, Gogo (Marguerite Vautrin), Camille et Cécile Biesse. Déjeuner à l’hôtel des Vosges, on fête la rosette de Camille Biesse. Promenade en ville, musique du 152e. Départ des hommes en auto et des dames par le tram.)
On reçoit quelques bombardements à gaz. Je participe aussi à une opération à gaz avec projections que je vais narrer. Ce sont les Anglais qui ont imaginé ce bombardement, les boches ont suivi et nous ensuite.
C’est une opération qui consiste à envoyer sur un point de quelques hectares une dose massive de gaz telle que rien ne puisse résister en raison du manque total d’oxygène.
Les Allemands ayant attaqué fin 1917 sur le front de Lorraine et ayant asphyxié une demi-compagnie de vieux territoriaux, il fut décidé de leur rendre la pareille.
Cette opération est surtout impressionnante au point de vue moral car aucun masque ne résiste mais c’est une opération longue, coûteuse et dangereuse. Une Cie entière du génie dite Cie « Zo » vint sous prétexte de faire des voies de 0,6 m. On repère un secteur où le boche a un saillant, on y dispose une centaine de lance-bombes à départ simultané avec l’aide d’un magnéto et on attend le jour favorable.
Car il faut un vent de 10 mètres/seconde dans la direction de l’ennemi, évacuer la ligne française sur plusieurs centaines de mètres, on craint soit une saute de vent, soit une saute de l’ennemi prévenu par le bruit des préparatifs.
Comme officier « ZP » (gaz protection) de la division, je suis engagé pour suivre l’attaque. Corvée me dis-je ? Je ne dois pas me faire asphyxier. Car je croyais que j’allais être au milieu des lance-bombes, erreur : le poste de combat était une baraque postée sur une hauteur 3 km en arrière, baraque munie d’instruments perfectionnés : anémomètre, enregistreur, téléphones, etc. Et comme occupants, un colonel et deux commandants du génie.
Le vent allait mal, la Cie était sur place. A minuit, le vent est meilleur, un coup de téléphone, une lueur et une détonation lourde, puis rien. A-t-on zigouillé des boches ? Personne ne l’a jamais su mais on a fait immédiatement des plans superbes avec des zones terrestres : Zone mortelle, zone meurtrière, zone infectée.
Nous repartons sur Rosières où nous reprenons nos places, nous chez la bonne Madame Poirel. Nous devons embarquer, puis c’est différé, la grippe sévissant parmi les chasseurs, grippe appelée « Dingue » par notre médecin divisionnaire, Boyer, un colonial qui a connu cette grippe spéciale, je ne sais trop où !
On opère Annette des amygdales à Nancy.
(Notes de Renaud Seynave : Son grand-père, Alexis Vautrin l’opère le 15 mai 1918).
Le général me conduit aimablement la voir à la clinique. On me reçoit à la popote sur invitation du général avec Suzanne, Yvonne et Gogo. Amabilité très rare et d’ailleurs contraire aux règlements, ce fut très gai. On fit de part et d’autre autant d’amabilité et de politesse si bien que les dames au retour faillirent manquer leur train bien que j’eusse réservé un équipage civil pour les conduire à la gare.
Fin du 14e Chapitre
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