14-18Hebdo

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Souvenirs de guerre 1914-1919 (Paul Boucher) - Ch 12-4 – Le 16 avril 1917- Ce que j’ai vu- Le Chemin des Dames-Mon passage à l’état-major

Document transmis par Renaud Seynave, son petit-fils - 01/03/2018

 

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Paul et son père Henry Boucher en 1916

 

Fin de l’épisode précédent (chapitre 12 - 3e partie) paru en novembre 2016.

« J’installe sur ordre une section de mitrailleuses pour protéger le PC du colonel Payard. Au premier tir, le colonel m’ordonne de cesser, crainte d’attirer l’attention de l’ennemi et le bombardement. Le bois de Beau Marais est violemment bombardé par obus à gaz. Nous mettons nos masques. Je reçois l’ordre d’envoyer deux pièces de mitrailleuses dans la plaine entre Chevreux et la falaise de Craonne. Cette section est sacrifiée d’avance. Je le signale à Bertinet et au commandant. Un camarade devait appuyer ces deux pièces avec une section de la 9e Cie. Les hommes vus de partout ne peuvent pas bouger de la journée. Les mitrailleurs face à l’avant sont isolés, la section de la 9e n’est pas en place. Je le signale de nouveau au commandant qui en rend compte au colonel Payard de l’inutilité. Il répond « Restez, l’ordre est formel ».

 

Chapitre 12, quatrième partie

 

La section changea le 1er et 2 mai au matin, j’apprends qu’un coup de main avait eu lieu. Mes hommes ont battu en retraite, firent prévenir la 9e et regagnèrent leurs emplacements mais hélas les affûts étaient seuls, plus de mitrailleuses, un branlebas général. On en parle au téléphone. Va-t-on rendre compte de la vérité, des mitrailleuses trainent partout, et signaler qu’elles ont été détruites par le bombardement ? Oui, mais si la radio boche annonce la capture de deux pièces sans prisonniers !

 

De tout cela, je fais un compte-rendu exact disant que c’était inévitable. Le sergent avait manqué de sang-froid, mais après tout, il valait mieux que ces hommes furent vivants. Que pouvaient-ils à six contre 40. Je l’avais signalé. On hésite mais le téléphone a peut-être été entendu ? On en réfère au lieutenant-colonel Payard embêté. Malheureusement mes observations ont été verbales, je ne suis pas couvert. Je déclare revendiquer toute responsabilité. On fait le compte-rendu exact. Cela passera-t-il !

 

Entre temps le bataillon est relevé par le 32e RI, beau régiment bien tenu, suivant un ordre et une bonne habitude. Les mitrailleurs sont laissés 24 heures avec les suivants. Je demeure donc 24 heures ignoré des chefs et je suis relevé au cours d’un fort marmitage et le 5 mai, je gagne Unchair.

 

Nos hommes étaient découragés depuis le 16 avril, fatigués, furieux de la suppression des permissions et nous assez dégoûtés, lorsqu’en route un de nos cavaliers m’apporte une note. Le général qui depuis le 20 avril est le fameux Brissaud-Desmaillet veut prendre une sanction et doit venir à 10 heures voir ma Cie.

 

Or nous sommes seulement sur le chemin du retour et nous arrivons juste pour le rassemblement, nos hommes sont magnifiques sous la boue de la bataille, puants à souhait et sales.

 

Le général s’amène en auto, beau et pimpant, suivi de Segonne, monocle à l’œil, mon ancien chef du 152e, devenu commandant des « chasseurs », et Payard penaud, celui qui donna cet ordre ridicule. Le commandant Dupont est ennuyé, quant à moi, j’ai la conscience tranquille face à mes hommes.

 

La Cie en ligne, le général s’avance et dit à peu près ceci. « Capitaine, il s’est passé dans votre unité un fait regrettable, les boches nous ont pris deux mitrailleuses. Je ne chercherai pas les circonstances (et pour cause) mais au moment où je parle, les camarades reçoivent peut-être des balles de nos mitrailleurs.

 

Le général me demande le fanion et continue « J’avais l’intention de vous retirer votre fanion, vos chefs ont fait appel à mon cœur et je vous le rends. Il faudra lui faire gagner la croix de guerre, mais je maintiens ma sanction contre la section défaillante. Elle sera dissoute et répartie dans les Cies. Capitaine, vous pouvez voir la peine que j’éprouve à vous dire ces paroles. Vous refaites une section neuve qui tuera du boche ».

 

Pendant ce temps, mes hommes énervés ricanaient, j’entendais murmurer « Vas-y donc, viens avec nous pour voir ».

 

J’eus toutes les peines avec des gestes de la main à les faire taire. Le général a surement entendu !

 

La cérémonie avait été d’une maladresse où un malaise général régnait parmi les troupes. Segonne eut le toupet, lui qui avait ordonné l’abandon de cette section de rappeler dans une note : « Un incident récent m’oblige à rappeler que la section de mitrailleuses n’est pas un instrument de combat, qu’elle doit pour se défendre avoir des grenadiers, etc.

 

Je fus dans une grande colère et ne craignant pas de dire que le métier militaire n’était que mensonges vis-à-vis de ses supérieurs comme si un homme ne valait pas une mitrailleuse…

 

Bref la section ne fut nullement dissoute, je calmais mes hommes. J’achetai un nouveau très beau fanion qui reçut peu après la croix de guerre.

 

Le général se rendant compte de sa gaffe la rattrapa quelques semaines plus tard lors de ma décoration. J’obtins une courte permission et file à Nancy le 11 mai où j’arrive en surprise et repars le surlendemain.

 

Le mécontentement est grand parmi les troupes à l’arrière. Les troupes d’active inoccupées se gorgent de vin.

 

Chez nous, mesure ridicule du général : à toutes prises d’armes, on lève le sabre et la troupe doit hurler : « On les aura ».

 

Prise d’arme le 16 mai de tout le 8e groupe pour le drapeau des chasseurs, on présente les armes, le colonel Payard lève son sabre et 2 000 hommes hurlent « On les aura, les permissions ». Ce fut la première et la dernière fois que cette comédie eut lieu.

 

Une messe est dite pour Banni. Nos hommes ont bu trop de vin servi à la louche. Nous veillons de près sur la troupe. Le soir, nous circulons dans le cantonnement et faisons rentrer doucement les hommes. Nous entendons quelques cris dans les granges « A bas la guerre ».

 

Nous circulons toute la nuit et tout est calme. Une revue de décorations puis des jeux et nous partons vers le camp de Venteley où nous sommes bien mieux qu’à Unchair.

 

Il y a eu un effort à l’arrière, mais il n’est pas douteux que l’ordre d’offensive d’avril créa dans la troupe un découragement auquel je n’échappais pas moi-même. Ayant vécu 1914, 1915, 1916, nous avons subi un entrainement physique et moral formidable, nous y allions de tout cœur le 16 avril où l’attaque mal préparée échoua.

 

Les permissions supprimées, ce fut le point de départ et cela n’a pas été assez dit. Ce ne furent que dans les troupes d’attaques, fatiguées de saigner pour rien que le découragement se fit sentir. Les rivalités du haut commandement si éloigné de la bataille ne furent pas étrangères et malgré toutes les fautes commises, le coup de main de Japignal où le plan avait été enlevé, je crois qu’il eut suffi d’attendre le soleil car jamais une offensive ne réussit par mauvais temps.

 

On ne peut remettre prétendent les Etats-Majors. Allons donc ! Et comme le 16 avril, la troupe est restée debout sous la pluie pendant 48 heures alors qu’aucun avion vole, aucun canon se règle, quand le léger chasseur a l’agilité d’un scaphandrier et retire de sa poche un morceau de pain gluant de tabac et de chocolat !

 

Rien à faire, la revue des batailles ne peut marcher et ne marche pas. Les jeunes sont tués et les vieux sont dans à l’Etat-major.

 

Le 3e bureau soumet son ordre au général. « N’oubliez pas ce principe absolu et que seul ce qui est simple réussit ».

 

La ruée en avant par le beau temps, pas de manœuvre sans le feu, pas de changement de direction, la ruée toute droite devant soi et c’est déjà beau d’obtenir cela après trois ans d’hécatombes.

 

1914 : les cadres ont été décimés.

 

1915 : la troupe active a été hachée et à partir de ce moment la France n’a plus eu d’infanterie convenable. Une troupe passive vivant pour la permission et pour le pinard et le tabac.

 

Avril 1917 fut le dernier coup, après rien. La percée de 1918 où l’infanterie refluait par régiments entiers, peur d’infiltrations de tireurs. La percée de juillet 1918 fut l’arrivée des tanks et de la fatigue des boches, puis de l’entrée en ligne des Américains.

 

Le Français orgueilleux voulut crâner, l’Américain tirait en vissant. Les Boches s’en aperçurent, des prisonniers me l’ont confirmé.

 

Je retourne au camp de Ventelay d’où nous regagnons notre bastion de Chevreux, considérablement agrandi par le 32e RI, bataillon Herment mais pourquoi ces opérations de détail. A quoi cela rime-t-il ? J’habite un endroit nommé 5454-15, bel abri boche où depuis 24 heures un abri à côté fume encore où les boches ont été rôtis par lance-flammes.

 

Le lendemain Pentecôte, le 75 tape sur ma ligne, me casse une pièce et blesse cinq de mes chasseurs…

 

Note de Renaud Seynave

Comme dans les derniers épisodes, je vous transmets la gazette du centenaire du 152e RI, régiment où Paul Boucher a servi d’août 1914 à mai 1916 comme lieutenant de réserve puis capitaine.

 

 

 

« La gazette du centenaire du 152e RI n° 41 »

 

Editée en mai 2017 par la cellule communication du 152e RI à Colmar et transmise par le lieutenant-colonel Bodénès de la Direction des Ressources Humaines de l’Armée de Terre.

 

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1er AU 22 MAI 1917 : PRÉPARATIFS POUR L’ASSAUT

Lorsque le lieutenant-colonel Barrard rentre de permission le 4 mai, il retrouve son régiment toujours au repos et à l’exercice. Cette période sera de courte durée, car le 9 mai, il reçoit l’ordre de la division de se tenir prêt à faire mouvement, le lendemain 10 mai, par voie de terre, c’est-à-dire à pied.

 

La 164e division vient d’être rattachée au 18e corps d’armée de la Xe armée et a reçu l’ordre de rejoindre la région de Fère-en-Tardenois le 10 mai puis la région du Chemin des Dames pour relever la 35e division d’infanterie entre Craonne et Hurtebise.

 

Le 11 mai à 17 heures, le 15-2 cantonne à mi-chemin alors que le 41e BCP, le 334e RI et le 213e RI qui se sont déplacés en camion-auto sont déjà sur zone et se préparent à relever des bataillons de la 35e DI dans la nuit. Le 12 mai, le 15-2 arrive sur place. Il est placé en réserve de la division et reconnaît ses nouvelles positions. L’état-major et le 2e bataillon cantonnent au Moulin-Rouge, le 1er bataillon à Craonnelle et le 3e bataillon à Beaurieux.

 

Le régiment est déployé en deuxième ligne à moins de 10 kilomètres des premières lignes et n’échappe pas aux bombardements de l’ennemi qui a identifié depuis longtemps les zones de cantonnement.

 

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CANTONNEMENTS DU 15-2 LE 12 MAI EN RESERVE DIVISION.

 

 

En prenant à sa charge le secteur de la 35e DI, la 164e DI a reçu pour mission de s’emparer du plateau de Vauclerc, dit des Casemates, de façon à occuper solidement la crête militaire nord, en particulier, la tranchée de Fribourg. Depuis l’offensive du 16 avril, les Allemands et les Français se disputent, pied à pied, la crête du Chemin des Dames où tous les efforts de la 35e DI se sont brisés. Les Allemands ont organisé le plateau de Vauclerc avec des casemates et des abris immenses installés dans d’anciennes carrières souterraines, appelées creutes et reliées entre elles par des tunnels, dispositif qui rend la vie intenable aux premières lignes françaises conquises de haute lutte il y a un mois. Devant les tranchées de première ligne, constituées de trous d’obus plus ou moins reliés entre eux, les Diables Rouges peuvent observer « un terrain entièrement bouleversé, une zone lunaire de terrains nus et dévastés, grillée par le soleil, taillée de boyaux et creusée d’entonnoirs », comme la décrit le docteur Chagnaud, nouveau médecin-chef du régiment.

 

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LE LCL BARRARD ET LE CMDT DU BOURG DANS CRAONELLE. PHOTO MARIUS VASSE.

 

 

L’attaque de la division est prévue le 19 mai avec la 154e DI qui attaquera simultanément sur la droite, sur le plateau de Californie. Dès le 14, l’artillerie entre en action pour détruire les positions ennemies. Le 17 au soir, un féroce duel d’artillerie s’engage qui va occasionner des pertes assez élevées et des dégâts matériels sérieux en première ligne. L’attaque est reportée et fixée au 22 mai à 16h20.

 

Elle est confiée aux 1er et 2e bataillons du 15-2. Ils seront flancs-gardés à gauche par une compagnie du 334e RI, à droite par deux sections du 41e BCP. Le lieutenant-colonel Barrard commandera l’attaque de l’infanterie, l’attaque générale est aux ordres de l’état-major de la division. Le général Gaucher, qui la commande, écrit dans ses mémoires : « Tout était préparé minutieusement. Depuis 8 jours, chaque matin, suivi du commandant du Bourg, qui aurait considéré comme un manquement grave à son devoir, s’il n’avait passé le plus grand nombre d’heures possible là où il tombait le plus de marmites, le lieutenant-colonel Barrard parcourait son secteur d’attaque et en apprenait jusqu’aux moindre détails. » Pendant ce temps, les Diables Rouges se préparaient à l’assaut tout en continuant à effectuer des travaux d’organisation et d’amélioration des tranchées de nuit dans les lignes du 334e RI. Dans la nuit du 19 au 20 mai, les Allemands tirent des obus à gaz, sur les positions du régiment. Prévenus rapidement par le médecin-chef, les Diables Rouges coiffent leurs masques à gaz et tous en réchappent.

 

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LE LCL BARRARD SUIVI DU CDT DU BOURG EN RECONNAISSANCE DES PREMIERES LIGNES. PHOTO MARIUS VASSE.

 

 

Le 21 mai, en début de nuit, discrètement, les 1er et 2e bataillons gagnent leurs positions de départ alors que le 3e bataillon est conservé en réserve de division. Il tombe une pluie diluvienne qui rend la mise en place très pénible. Toute la journée du 22, les Diables Rouges restent immobiles, couchés sous leurs toiles de tente pour échapper aux observations de l’aviation ennemie qui ne manquerait pas de signaler ce regroupement de troupes en première ligne. Le mauvais temps qui règne les camoufle et les protège des observations, l’activité de l’artillerie allemande reste habituelle. Juste avant l’heure H tout le monde est prêt et en place, pourvu de 3 jours de vivres.

 

22 MAI 1917: CONQUÊTE DU PLATEAU DE VAUCLERC

Trente secondes avant le début de l’attaque, emmenés par leur chef, le commandant Thiery, les Diables Rouges du 2e bataillon, couverts de terre, bondissent en dehors des tranchées et s’élancent vers les lignes ennemies. Comme à son habitude, le tir de barrage allemand tombe derrière le bataillon et des groupes de mitrailleuses allemandes disséminés çà et là sur le plateau taillent des brèches sanglantes dans les rangs. Mais l’élan irrésistible du 2e bataillon submerge l’ennemi qui est rapidement neutralisé par les groupes de nettoyeurs de tranchées épaulés des équipes de lance-flammes. Quelques minutes après le départ, le 2e bataillon a atteint son objectif.

 

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PLATEAU DE VAUCLERC, CASEMATE ALLEMANDE PRISE PAR LE 2EME BATAILLON. PHOTO MARIUS VASSE.

 

 

3 minutes après, à 16h23, les hommes du 1er bataillon sautent par-dessus les parapets et s’élancent derrière le commandant Toussaint vers la tranchée de Fribourg, complètement ravagée par les tirs d’artillerie. En quelques minutes aussi, ils atteignent et dépassent cette tranchée malgré un violent tir de barrage allemand consécutif de l’assaut en avance de phase du 2e bataillon qui leur cause de lourdes pertes. La tranchée est cependant nettoyée par le groupe franc du 41e BCP donné en renfort au 3e bataillon. L’ennemi contre-attaque vigoureusement depuis une zone d’abris enterrés et un violent corps-à-corps s’engage dans la tranchée de Fribourg, mais l’ennemi est finalement repoussé.

 

La compagnie du 334e RI qui flanc-gardait à gauche l’attaque principale a eu moins de succès. Elle s’est élancée en même temps que le 2e bataillon, a atteint rapidement l’objectif qui lui a été assigné malgré un feu de mitrailleuses terrible qui la prend de flanc, tue le capitaine Harent commandant la compagnie et lui cause des pertes considérables. Son aile droite a été clouée au sol à 40 mètres des tranchées de départ et un vide s’est creusé entre elle et le 2e bataillon. L’ennemi surgissant des abris enterrés contre-attaque sur ses survivants qui se trouvent isolés en avant et sont contraints de rejoindre les positions de départ en emmenant leurs prisonniers. La 5e compagnie du 2e bataillon s’élance pour boucher le trou, le sous-lieutenant Damade est immédiatement tué, révolver au poing, à la tête de ses grenadiers. Les trois-quarts de la compagnie sont fauchés, le trou subsiste toujours. Le commandant Thiery comprenant le danger d’être pris à revers par les Allemands qui surgissent des abris enterrés et voyant les gaz asphyxiants remonter les pentes nord, décide de stabiliser son front 80 mètres en arrière de la crête militaire.

 

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ATTAQUE DU 22 MAI 1917. PLATEAU DE VAUCLERC.

 

 

A 18h30, le régiment tient fermement ses objectifs. Le lieutenant-colonel Barrard demande la relève du 2e bataillon très éprouvé car il sait que les Allemands ne resteront pas sans réagir devant la conquête de ce plateau auquel ils tiennent tant. Mais les ordres qui arrivent de la division sont de tenir, les réserves ne seront engagées que pour parer à l’imprévu. Le 23 mai, à une heure du matin, le dispositif est stabilisé et les Diables Rouges se tiennent prêts à repousser les attaques allemandes. Le reste de la nuit est consacré à l’organisation de la ligne de défense, l’évacuation des blessés, le ravitaillement et le rétablissement des communications. Les Diables-Rouges remuent la terre malgré leur fatigue, et l’artillerie de tranchée entretient un feu continu sur le dispositif ennemi tandis que des hommes du 3e bataillon ravitaillent les premières lignes en vivres, munitions et matériels. Le lieutenant-colonel Barrard, en souvenir de la garnison du 15-2 d’avant-guerre, a baptisé la position du 2e bataillon, tranchée de Gérardmer.

 

Dans la journée du 23 mai, l’ennemi tente par deux fois de reprendre le terrain perdu, à 16h00 face au 1er bataillon, à 20h30 face au 2e bataillon. Le 15-2 tient bon et ne perd pas un pouce de terrain. Ce même jour, la division reçoit les félicitations du général Hirschauer commandant le 18e corps d’armée : « Il ne faut pas longtemps pour connaître et apprécier une troupe quand les circonstances s’y prêtent ; la journée d’hier nous a offert une de ces circonstances et je n’ai pas besoin de vous dire ma satisfaction pour le succès remporté dans l’attaque du plateau de Vauclerc. Préparation, exécution de l’attaque, organisation de la position conquise, révélée par les photographies de ce matin, tout a été bien. J’adresse mes félicitations au commandement qui a préparé, aux troupes qui ont exécuté l’attaque. » Le 24 mai, après de violents bombardements, l’ennemi attaque encore à plusieurs reprises mais échoue à chaque fois. Le 25 mai, le marmitage se ralentit, l’ennemi renonce et semble maintenant convaincu de la vanité de ses contre-attaques.

 

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CASEMATE ALLEMANDE PRISE PAR LE 2ÉME BATAILLON.

UN SERVANT DE CANON ALLEMAND DÉCÉDÉ DÉSIGNÉ PAR UN POILU DU 15-2.

PHOTO MARIUS VASSE.

 

 

Le lieutenant-colonel Barrard a remué la terre, tout vu et tout prévu, les liaisons sont maintenant sûres, les barrages réglés et les positions à chaque heure plus solides. Si bien que le 28 mai, lorsque le 2e bataillon est relevé par le 3e bataillon qui sera lui-même relevé le 31 mai, le 29 mai lorsque le 1er est relevé par le 41e BCP, c’est un secteur qui est livré où, comme le souligne le général commandant la division, « il ne fait pas bon se promener pour tout le monde, mais où de braves gens n’ont pas à craindre la défaite ».

 

C’est un nouveau succès pour le régiment, mais qui coûte cher. 89 hommes dont 6 officiers sont tombés au champ d’honneur, 208 sont blessés dont 8 officiers, et 30 sont disparus. Pour l’ennemi les pertes sont encore plus terribles: outre de nombreux morts et blessés, il perd 5 canons, de nombreuses mitrailleuses et 90 prisonniers, mais surtout il perd un point clé du terrain qui lui aurait permis de nous repousser dans la vallée de l’Aisne à partir du Chemin des Dames. De toutes parts, les félicitations pleuvent sur le 15-2.

 

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TRANCHEE ET MITRAILLEUSE ALLEMANDE SUR LE PLATEAU DE VAUCLERC. PHOTO MARIUS VASSE.

 

 

Cependant, sur le plateau de Californie, il y a eu des cas de mutinerie et le 414e de ligne a même refusé de monter en ligne. Au 15-2 quand on apprend ces nouvelles, le commandement n’est pas inquiet car après ce nouveau succès le moral est bon. Pourtant, le régiment avec sa masse d’hommes, n’échappe pas non plus aux déserteurs (28 avant l’attaque), aux prétendus commotionnés, aux blessures suspectes. La majorité des Diables Rouges reste très saine car le régiment sait qu'il peut compter sur un encadrement qui les respecte, montre l’exemple, prépare ses actions avec minutie, n’engage pas ses troupes sans préparation ni au hasard et les conduit au succès. Dans ce domaine, le chef de corps n’est pas le dernier à montrer l’exemple. Le régiment est prestigieux, les hommes le savent, ils sont fiers et le montrent au quotidien dans leur attitude envers leurs chefs, leur manière de se comporter, des petits signes qui ne trompent pas et qui font que le 15-2 est un régiment sur lequel on peut compter.

 

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LES AGENTS DE LIAISON DU 15-2 DEVANT LE POSTE DE COMMANDEMENT DU RÉGIMENT DÉNOMMÉ ROXANE.

PHOTO MARIUS VASSE.

 

En cette fin de mois, il est mis au repos dans la région de Baslieux-lès-Fismes, à une quinzaine de kilomètres au sud de Craonne pour un repos annoncé ne pas durer plus de 15 jours.



02/03/2018
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