14-18Hebdo

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Les habitants de Gercourt et leur exode pendant l’occupation allemande 1914 – Deuxième partie- 30 août 1914 au 6 septembre 1914

Document transmis par Renaud Seynave - 23/04/2018

Ecrit par Marcelle Ravenel, jeune institutrice de 24 ans

petite nièce de Marguerite Jeannesson épouse de Jean Vautrin.

(Ce cahier était avec les journaux de guerre d’Anna Vautrin)

 

Rappel de la famille Vautrin

Gercourt est un petit village de la Meuse où vivaient Jean et Marguerite Vautrin, les parents d’Alexis.

 

Jean Vautrin né à Gercourt (Meuse) le 24 septembre 1798, décédé à Gercourt le 12 avril 1882 épouse Marguerite Jeannesson le 15 avril 1856, née à Brieulles sur Meuse le 24 septembre 1826, décédée le 7 novembre 1914 à Saulnes (Meurthe et Moselle).

 

Jean Vautrin, participa à différentes campagnes, dont douze en Algérie, il prit part à la prise de la Smalah d’Abdel Kader. Il fut fait chevalier de la Légion d’Honneur le 14 avril 1844. Il prit sa retraite à Gercourt en 1852 avec le grade de capitaine. Il a été maire de son village de 1858 à 1872.

 

Jean et Marguerite Vautrin ont deux fils :

 

Alexis Vautrin né à Gercourt le 29 mars 1859, décédé à Nancy le 4 juin 1927, docteur en médecine, professeur de clinique chirurgicale à la Faculté de médecine de Nancy, chevalier de la Légion d’honneur épouse le 29 avril 1889 à Cornimont Anna Perrin, née à la Bresse le 11 janvier 1867, décédée à Nancy le 13 mars 1939.

 

Albert Vautrin né à Gercourt le 19 mai 1866, sorti de St Cyr, épouse Odette Aubertin en 1896 à Sedan. Il est en 1914 chef de bataillon au 76e RI. Il est blessé à Vauquois en 1915 et meurt à Epernay le 2 novembre 1924 des suites de ses blessures. Il était officier de la Légion d’honneur et titulaire de la Croix de guerre.

 

******* 

 

Nous campions comme les soldats en plein air, comme nous avions emporté une grande marmite, on fit un feu avec des pierres et chacun se mit à aider pour préparer de quoi manger.

 

L’heure de se reposer arrivée, nous nous rendons dans la grange et nous nous allongeons sur nos matelas.

 

Sidonie et une petite étaient restées à Gercourt. Cette même nuit du 30 au 31 août, Emile Lavigne et moi retournons à Gercourt, la nuit était noire, nous étions arrêtés à chaque instant par des patrouilleurs. Il était minuit sans doute quand nous arrivons. Il nous faut courir les champs pour rassembler les vaches qu’on avait laissées en liberté puis nous prenons quelques provisions et nous partons à nouveau à Esnes emmenant le troupeau.

 

Pendant trois jours, nous demeurons à Esnes, pendant la 3ème nuit arrivent les premiers blessés, ceux du passage de la Meuse. Ce sont les premiers que nous voyons, quel triste spectacle à jamais inoubliable. On les dépose dans l’église et chacun s’empresse de distribuer du lait, vin, le peu que l’on a à ceux qui peuvent le prendre. On fait à Esnes les premiers pansements puis on les dirige ensuite sur Dombasle-en-Argonne.

 

Toute cette nuit se passe en courses de tous côtés, on demande des renseignements à ceux qui sont peu atteints : les régiments engagés, l’endroit de la bataille, toutes choses qui touchent ceux qui ont des proches engagés.

 

Vers six heures du matin, le grand-père qui n’avait pas voulu nous suivre vient nous rejoindre et nous apprend qu’un petit-fils de Madame Henriet a été tué aux côtés de sa grand-mère, les autres n’ont rien eu, ils l’ont placé sur le lit et se sont enfuis. Quelques maisons sont en partie démolies.

 

Le 2 septembre, nous sommes tous là, nous quittons Esnes pour nous rendre à Dombasle-en-Argonne car on commence à évacuer la région, mais avant de sortir, il faut payer dit le fermier, propriétaire de la remise, pour avoir occupé sa remise. On doit donner 20 francs.

 

Dombasle regorge d’émigrants, il n’est pas possible de trouver une remise pour abriter les chars. Malgré toutes les recherches, nous ne trouvons aucune chambre, aucune remise pour passer la nuit. Nous faisons comme les autres, à la sortie du village, bon nombre de voitures sont alignées, nous prenons place à la suite sur le bord de la route.

 

Le premier souci est de se rendre à la gare. Là, on consent à nous prendre pour Coulommiers, la tante et moi, mais sans bagages, rien que ce qu’on peut emporter à la main. Alors la tante refuse absolument de partir sans son panier, bien qu’on lui renouvelle la promesse qu’elle a faite de quitter la Meuse. Elle doit donc comme nous camper sur le bord de la route, nous installons les lits sous des pommiers. La nuit est fraiche, une rosée blanche recouvre tout au matin, nous ne dormons plus. Toute la nuit, nous assistons à un défilé lamentable, les troupes reculent et ne peuvent s’empêcher de plaindre ceux qui, comme nous, logent à la belle étoile. Quelles tristes réflexions leur suggère ce campement.

 

On leur distribue le lait des vaches qui pâturent dans les environs et ils défilent tristes, harassés de fatigues et de privations.

 

Nous demeurons deux jours à Dombasle. A la gare, on fait une distribution de pain, nous y allons car nous n’en avons plus et chez les boulangers, il n’y a rien. On a aménagé dans une remise près de la gare une ambulance (hôpital de campagne). Les blessés y sont entassés, on n’entend que plaintes et cris de douleur, les opérations pressantes se font là puis on les embarque aussitôt.

 

Dans une grange à côté, reposent ceux qui sont morts, un planton en garde l’entrée. Nous suivons le cortège de 4 pauvres soldats qu’on enterre dans le cimetière de Dombasle, puis le 5 au matin, nous partons à nouveau, nous croyons que sous Verdun, nous serons mieux et nous en prenons le chemin. Tout le jour, nous marchons, il est déjà tard quand nous parvenons à Baleycourt, nous avons suivi les autres. Les évacués se comptent par mille aux environs de Baleycourt. Il nous faut donc camper dehors, seules la tante et la tante Lise trouvent un abri dans un hangar au milieu de gens étrangers. Les autres restent dehors, Sidonie et moi faisons le café pour la bande et pour des soldats qui viennent se chauffer à notre petit feu en attendant le jour.

 

Ce fut pendant cette nuit que la tante commence à être fatiguée et que nous décidons de retourner vers le village, car la vie que nous menons depuis huit jours et les refus que nous subissons nous ennuient.

 

C’est alors que nous allons vers le Gouverneur de Verdun demander des laissez-passer. Il nous dit que ne devons pas ignorer que nos villages sont occupés, que c’est à nos risques et périls si nous partons mais enfin, il nous les délivre. Ce laissez-passer fait en allemand et en français mentionne le nombre de personnes, de voitures, de têtes de bétail qui composent le convoi.

 

En passant au moulin, nous pouvons obtenir un sac de farine blanche qu’on nous cède en voyant les enfants et les vieillards.

 

Le 6 septembre, nous sommes en route pour Gercourt, à midi, nous arrivons à Villers-les-Moines dans une ferme située entre Charny et Verdun. Camille y est en permanence. Nous dînons avec lui, puis pendant que les bêtes se reposent, nous nous rendons au fort de Mare où sont encore tous nos soldats. Nous passons quelques heures avec eux et nous descendons rejoindre les voitures sur la route de Charny à Cumières.

A suivre…



27/04/2018
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