14-18Hebdo

14-18Hebdo

La mort de Charles Péguy

Patrick Germain · 14/09/2014

Tout le monde connait la mort glorieuse de Péguy ; mobilisé comme lieutenant de réserve, il participe à la tête de sa compagnie à la bataille de l'Ourcq le 05/09/14. La bataille de l''Ourcq, prélude à la contre offensive de la Marne, fut une attaque menée de flanc, venant de Paris, destinée à désorganiser l'aile droite allemande commandée par von Kluck.

Le lieutenant Péguy, alors qu'il exhortait sa compagnie à ne pas céder un pouce de terrain, a été atteint d'une balle au front près de Meaux, et mourut après avoir prononcé ces mots : "Oh mon Dieu, mes enfants".

En revanche, ce qui est moins connu, comme l'a écrit Bernanos : "la plupart des Français, à la mort de Péguy, ignorait jusqu'à son nom".

C'est la mort glorieuse de Péguy qui constitua semble-t-il son meilleur tremplin littéraire, comme le dit Henri Guillemin ; dès 1920, Gallimard réalisa la première grande édition de son œuvre, puis La Pléiade en 1941 ; il fallu attendre 1970 pour qu'on publiât ses dernières œuvres, inconnues jusqu'alors.

Tour à tour, le régime de Vichy et la Résistance tentèrent d'annexer à leur profit les valeurs de patriotisme de Péguy.

Pourquoi Péguy était-il peu connu à sa mort, en dehors des cercles littéraires ?

Parce qu'il eut dans sa vie de multiples trajectoires contradictoires, qu'il assuma d'ailleurs (sur la religion, le socialisme, le militarisme, l'Affaire Dreyfus...).

Péguy fut malheureux depuis son enfance ; sa mère le renia parce qu'il abandonna la carrière de professeur pour créer une librairie où il engloutit l'argent de sa femme et le sien ; son mariage ne fut pas harmonieux ; toute sa vie fut une quête de reconnaissance et d'authenticité, qui le poussait à passer d'un bord à l'autre, le faisant renier tour à tour ses convictions antérieures, pour en adopter de nouvelles ; il écrivit : "Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée, c'est d'avoir une pensée toute faite".

Il s'avoua un moment au bord du suicide, n'hésitant pas à se qualifier de "raté". Il écrivit en 1906 : "Quand un pauvre homme a la probité dans la peau, il est perdu pour les grandeurs".

La déclaration de guerre opéra chez lui une véritable "purification" ; il partit transfiguré, plein d'enthousiasme ; un de ses proches a rapporté qu'avant son départ pour le front, Péguy lui a affirmé : "Tu vois mes gars ? Avec ceux là, on va refaire 93".

N'avait-il pas écrit auparavant, faisant écho aux Béatitudes :

"Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle, mais pourvu que ce fût dans une juste guerre. Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles, couchés dessus le sol à la face de Dieu.

Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés".



19/09/2014
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 392 autres membres