14-18Hebdo

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Ephémérides de l'occupation 1914-1918 (Louise Bonte) 2/4 : 1915

 

En 1914, le Nord est en zone d'occupation. A Roubaix, Louise Bonte, 21 ans, se porte volontaire comme ambulancière. Son père, industriel, a créé une entreprise de négoce de laine. Elle a trois frères. Félix, qui mourra en bas âge. Pierre, mon père, 18 ans en 1914, est envoyé à Leeds (Angleterre) pour faire des études de textile ; en 1915, il est mobilisé à Bergerac, puis envoyé au front sur la Somme et au Chemin des Dames. Le plus jeune Adrien, 16 ans en 1914, attend sa mobilisation.

Document transmis par Michel Bonte, son neveu - 05/09/2014

1915

27 janvier

Les occupants ne perdent pas une occasion de fête ; aujourd'hui, c'est l'anniversaire de Guillaume, et ce sont des exhibitions militaires, des défilés, des parades, grande débauche de charcuteries et de bons vins réquisitionnés dans nos caves.

Un moment nous avons eu pénurie de pain. Maintenant les Allemands fournissent de la farine ; nous avons du pain, mais un pain immangeable, aussi nous pétrissons.

1er février

Une affiche a invité les hommes de 17 à 50 ans à se faire inscrire ; très peu ont répondu à l'appel. Aujourd'hui les Allemands font circuler dans les maisons des feuilles de recensement pour la population masculine au-dessus de 15 ans. Papa et Adrien s'inscrivent.

10 février

Un rayon de soleil ! Une lettre de Pierre de Leeds, datée du 25 janvier.

Un article paru dans un journal allemand dit notre population heureuse de l'occupation ; en protestation, des femmes portent des cocardes tricolores. Et comment serait-on heureux d'être sous la domination teutonne ? De plus en plus, nous sommes envahis : les églises leur sont réservées à certaines heures -le dimanche, Saint-Martin, de 9 h. à 10 h. (passée)-, à plusieurs reprises même, ils célèbrent des offices protestants.

Les Bains Roubaisiens sont transformés en prison.

Pour avoir manifesté son patriotisme au passage des prisonniers français, la ville de Lille est consignée à 6 h. (h. all.) pour quinze jours.

Nous avons en main deux journaux, les premiers depuis 6 mois ! Un moment nous avons eu "La Belgique" ; et maintenant les seuls journaux autorisés sont "La Gazette des Ardennes" et "Le Bulletin de Lille".

Une affiche prévient que sera traité en espion quiconque correspond avec la France non occupée, garde des journaux, les copie, etc. Les journaux lancés par des aéroplanes doivent être portés au plus tôt à la "Kommandantur".

Papa allait à Lille en tramway, quand sa voiture a été arrêtée par les Allemands et les voyageurs fouillés ; il a pu dissimuler à temps les deux journaux de Paris qu'il avait sur lui.

2 mars

Papa est convoqué comme otage et dispensé pour raison de santé.

10 mars

36 boulangers de la ville ont été condamnés à 100 frs d'amende pour ne pas s'être rendus aux cours de boulangerie donnés par les Allemands.

11 mars

Un courrier de France : une lettre de Mme Rossé, du 9 février, nous annonçant les cruelles nouvelles, le deuil est dans la maison ; une lettre de Pierre du 9 février et quelques mots de l'oncle Paul.

Un aéroplane anglais lance une bombe sur Saint Martin d'Esquermes, endommage l'église et démolit un poste de télégraphie sans fil ; les aviateurs obligés d'atterrir se cachent.

Les Allemands font des tranchées ; nous visitons celles de Marcq, près du fort de Bondues : c'est un travail dont on ne peut se faire idée.

20 mars

L'autorité allemande prévient la filature de Maufait (usine Paul Bonte et frère) qu'elle va prendre livraison des marchandises consignées.

27 mars

Le 107ème régiment arrive dans la ville (58ème division) ; nous avons un officier à loger, le lieutenant Prietsch et son ordonnance.

29 mars

Un train d'évacués emmène vers le sud de la France, par l'Allemagne et la Suisse, des vieillards de l'hospice et des indigents sous prétexte de "menace de disette". Le surlendemain, ils étaient à la frontière suisse.

Nous recevons une lettre de Madeleine et de Pierre datée du 3 janvier de Birkenhead où Pierre a passé quelques jours de vacances.

Comme dans les autres villes occupées, tous les mois vont avoir lieu des "Revues d'Appel" pour les hommes nés de 1898 à 1865. Une affiche est posée, Adrien doit se présenter le 6 avril.

15 avril

Les Allemands enlèvent les marchandises de la filature.

Et les réquisitions continuent toujours ; ils vident usines, maisons, caves ; ils nous prennent tout et cela doit servir contre la France. Il est triste de voir des civils français ou belges les aider dans cette besogne. Successivement, après les bicyclettes, il a fallu cacher le vin, les pommes de terre, les cuivres, le téléphone ; mais gare aux dénonciations, il est honteux de dire qu'il y a tant de lettres anonymes. L'oncle Arthur, pour avoir dissimulé des téléphones et des machines à écrire, a été condamné à une amende.

Très peu de nouvelles en ce moment qu'affichent les Allemands ; quelques journaux belges censurés mais qui passent en fraude.

Une lettre de l'oncle Ernest du 14 avril.

La frontière hollandaise est de plus en plus sévèrement gardée ; quoique le passage présente des difficultés énormes, beaucoup de mobilisables français et belges n'hésitent pas à regagner sur le front la place du devoir.

Nous avons l'occasion de voir une jeune fille d'Avesnes, la vie y est la même qu'ici, mais, comble de la pédanterie allemande, les notables de la ville sont tenus à prendre des leçons d'allemand.

22 avril

Une entorse me libère de mon service à l'ambulance.

26 avril

Deux soldats de la Landsturm perquisitionnent la maison de la cave au grenier, ne trouvant à consigner que le vin, des confitures, le téléphone ; de poste en poste, les maisons sont fouillées, la Chambre de Commerce et le Cercle sont perquisitionnés de fond en comble.

Un aéroplane anglais jette ses bombes sur la gare de Roubaix. Depuis quelques jours, nous avons souvent la visite d'aéros anglais ; les Allemands les prennent sous le feu de leurs canons et de leurs mitrailleuses... sans en descendre.

1er mai

Le quartier de St Jean Baptiste et du nouveau Roubaix est consigné à 6 h. (h.all.) pour 10 jours ; la ville de Roubaix est condamnée à 100 000 frs : on a soi-disant tiré sur une sentinelle allemande, une nuit, entre le 20 et le 24 avril.

5 mai

Le district de Lille, Roubaix, Tourcoing est assimilé à la Belgique pour le ravitaillement par le comité hispano-américain. Aujourd'hui, première distribution du pain de "The Commission for relief in Belgium".

9 mai

Départ précipité du 107ème et de Prietsch.

10 mai

Enlèvement du vin.

26 mai

Adrien doit se présenter à la Revue d'Appel.

30 mai

Sauter, le capitaine de la 1ère compagnie des Landsturm vient voir le logement de ses hommes ; l'un n'avait pas de lit, il fait une scène : "ce n'est pas lit pour soldat allemand, je veux, j'ordonne que demain matin il y ait un lit..."

1er juin

La 1ère compagnie de la Landsturm quitte Roubaix ; nous retrouvons notre salle de jeux.

Nous recevons une lettre de Pierre du 20 avril.

Plus d'otage, mais notre maire Mr Lebas, qui avait été arrêté, a été transporté en Allemagne.

Nous avons visité les tranchées de Mons-en-Barœul à proximité du fort et du champ d'aviation, c'est une ligne ininterrompue de tranchées de Bondues à Marcq, le petit Wasquehal, Mons-en-Barœul, partout d'importants travaux de tranchées et de fils de fer barbelés, des civils allemands y travaillent.

Des canons et des mitraillettes sont installés sur le nouveau boulevard près du dépôt de Marcq pour tirer sur les aéroplanes ; un jour, un obus est tombé à Hem, a éclaté, a tué 4 personnes.

3 juin

Un sous-officier, Aüer, député socialiste de Bavière, pour le moment au gouvernement civil installé à la Banque de France, prend possession de la chambre... d'amis.

7 juin

Monsieur Poutrain meurt d'une congestion provoquée par une émotion : l'Allemand qu'il logeait rentre ivre et le menace de son petit sabre dont il blesse Madame Poutrain.

8 juin

Enlèvement du téléphone.

9 juin

Une lettre de Monsieur Clay (correspondant des filatures P. Bonte en Angleterre) du 28 mai nous apprend que Pierre a quitté Leeds pour rejoindre son corps à Bergerac.

Et maintenant se pose la question du travail. Des manifestations se produisent dans les usines travaillant pour les Allemands : Mrs Eugène et Edouard Motte éclairés sur leur devoir cessent le travail ; ils sont arrêtés, relâchés quelques jours après et arrêtés de nouveau. Il est à déplorer que, jusqu'à présent, il ne se soit trouvé personne de compétent pour dire où se limitent les droits des occupants et les nôtres ; aujourd'hui que la lumière s'est faite, nous leur refusons patriotiquement le travail, le travail exigé étant des sacs avec lesquels ils se défendent dans leurs tranchées. Les Allemands vont chercher les ouvriers et ouvrières chez eux, baïonnette au canon, ils les enferment et pour les faire céder emploient tous les procédés... la persuasion, la force, la faim, les plus mauvais traitements ; sommes-nous revenus à la barbarie ou sous le régime de la terreur ? Ces hommes, ces femmes, des enfants même, résistent, leur conduite est admirable, les sanctions pleuvent, les prisons sont bondées.

26 juin

Aussi longtemps que durera l'entêtement, la ville aura à ses frais l'entretien de deux régiments.

28 juin

Mr l'abbé Bellaert est arrêté pour le sermon qu'il a prononcé hier à Saint Martin.

29 juin

Une lettre de l'oncle Paul du 5.

Deux Allemands vont perquisitionner la maison une seconde fois ; à la cave ils voient la caisse de bière d'Aüer, cela suffit pour les arrêter.

1er juillet

Des notables de Roubaix, des conseillers municipaux, des prêtres sont convoqués par l'autorité allemande à la Commandanture ; ils donnent leur parole de revenir le lendemain matin pour partir en Allemagne ; cette mesure a pour cause le refus d'abord de travailler avec les Allemands et ensuite de payer l'indemnité de 150 000 frs imposée à la ville de Roubaix en représailles du bombardement d'Alexandrette et Haïfa ! La ville toutefois consentirait à payer si les Allemands scindaient les deux questions, mais devant leurs exigences les otages partiront.

2 juillet

Deux fois : convocation et faux départ. Nous sommes témoins de scènes de brutalité aux abords de la gare et de la place.

3 juillet

130 notables sont partis vers Tourcoing pour une destination inconnue.

5 juillet

Monsieur l'abbé Bellaert est condamné à mort.

6 juillet

Revue d'Appel pour Adrien.

8 juillet

De nouveaux notables, Papa est du nombre, sont convoqués ; ils donnent leur parole de se présenter au premier appel. 8 otages sont retenus jusqu'à le reprise du travail.

Affiche : "A été condamnée, par tribunal militaire, le 29 juin 1915, Claire Leclercq née Motte, épouse du fabricant de Roubaix, pour correspondance illicite et pour injures à l'égard de soldats allemands, à une amende de 2 000 marks ou, en cas de non-paiement, à 3 mois de prison ; suivent d'autres condamnations.

9 juillet

Papa de nouveau convoqué est réformé pour cause de santé.

Affiche : le travail étant insuffisamment repris (?), la retraite est fixée à 6 heures (h. all.). Les cafés et restaurants doivent être fermés à midi.

10 juillet

Nous lisons "Le Matin" du 5. Les positions restent stationnaires ; nous avons compté sur le printemps pour la délivrance et nous sommes toujours là, occupés par un peuple inhumain et barbare, nous avons vu des gendarmes taper sur une femme ; la patrouille est intraitable ; et cependant la population garde un calme admirable.

Nous savons indirectement que Pierre est au camp de La Courtine.

12 juillet

Première distribution de denrées par le comité hispano-américain.

Devant les circonstances difficiles, la Croix-Rouge se retire.

14 juillet

Les notables convoqués tous les jours depuis le 8 n'auront plus à se présenter. L'indemnité a été payée avec un supplément de 90 000 frs pour les 9 jours de retard.

15 juillet

Le travail n'étant pas encore suffisamment repris (?), les tramways ne sont plus à la disposition du public.

24 juillet

Beaucoup d'aéros alliés survolent la région en ce moment, accueillis chaque fois à coups de canons et de mitrailleuses ; un aéroplane français a descendu à coups de mitrailleuse un aéroplane allemand qui est tombé non loin du champ d'aviation ; un aviateur a été tué, l'autre blessé.

On sonne les cloches dans toutes les églises pour fêter une victoire sur les Russes.

25 juillet

Le travail étant suffisamment repris (?), suppression des punitions.

26 juillet

Un aéroplane français a atterri à Roncq ; les aviateurs ont emporté les principales pièces de leur appareil et se cachent, tous les tramways sont fouillés.

27 juillet

Des évacués du 9 octobre faits prisonniers rentrent à Roubaix.

La ville de Lille est consignée à 5 heures pour trois semaines. Des soldats du 8ème qui se trouvaient à Lille lors du bombardement se cachaient depuis ; ils ont été dénoncés ; des Allemands font des rafles d'hommes, examinent leurs papiers et ne les relâchent que s'ils sont en règle.

Les Allemands tirent beaucoup sur un aéro, des éclats d'obus tombent dans le jardin et dans la rue de Barbieux.

Beaucoup de troupes en ce moment, on entend de la musique toute la journée, ils donnent des concerts spirituels, ce sont des Saxons.

28 juillet

Les otages retenus à la Commandanture sont libérés.

29 juillet

Nous lisons "Le Temps" du 21.

31 juillet

Un aéroplane a lancé des journaux français, "l'Indépendant" contenant une liste de réfugiés ou évacués.

Les six prêtres otages et le pasteur protestant rentrent de Güstrow rapportant l'impression de la vie arrêtée en Allemagne, il n'y a plus d'hommes, la race allemande s'y montre cruelle et barbare ; mais nos prisonniers ont de grandes consolations morales, ils sont pleins de confiance et ont plus de courage que nous.

2 août

Hofmann part en vacances, von Blankenburg est commandant d'étape par intérim.

5 août

On sonne les cloches : "L'armée du prince Léopold de Bavière a percé et pris hier et cette nuit les forts extérieurs et intérieurs de la forteresse de Varsovie. La ville fut occupée ce matin par nos troupes". (affiché le soir même).

8 août

Nous lisons "Le Temps" du 29 juillet.

9 août

Revue d'Appel pour Adrien.

11 août

Retour des otages de Güstrow.

Le camion est réquisitionné ; les chevaux l'ont été en janvier ; à la filature, après les huiles et autres accessoires, ce sont les courroies.

16 août

Hofmann rentre de vacances.

18 août

Nous rencontrons un groupe de jeunes gens encadrés de casques à pointe, ce qui se présente tous les jours ; une carte d'identité est exigée de tous les hommes de 15 à 55 ans ; beaucoup de jeunes gens qui se cachaient vont maintenant se faire inscrire et font de la prison. Les hommes devront être porteurs de cette carte à partir du 1er septembre.

19 août

Affiche : entre autres condamnations : "par jugement du tribunal militaire a été condamné J.B. Bellaert, curé à Roubaix, pour avoir tenu un sermon provocant et hostile envers l'Allemagne, à la peine de mort. Sa Majesté l'Empereur a commué par grâce sa peine de mort en 10 ans de prison (21 juillet 1915). Le condamné sera transporté en Allemagne pour y subir sa peine".

20 août

On sonne les cloches : prise de Novo-Georgievsk.

22 août

Un aviateur français, Mahieu, sur un aéroplane anglais est touché, tombe et se tue.

26 août

On resonne les cloches pour une nouvelle victoire : la prise de Brest-Litovsk ; il faut bien remonter le moral de ses combattants !

28 août

Arrestation du Père Roupain qui a menti à l'armée allemande !

30 août

Une lettre de l'oncle Ernest du 17 juillet.

31 août

Le Krieg-lazarett est parti cette nuit, il n'y a plus de blessés à Roubaix, et, dans toute la région, il ne reste que le minimum de troupes, le prince héritier de Bavière a quitté Lille, on ne voit plus circuler d'autos. Mais il ne faut pas beaucoup d'occupants pour "occuper", il suffit pour Roubaix du commandant Hofmann et de ses âmes damnées : Baür et Liebel ; le commandant de la gare est von Bülow ; à Lille, le gouverneur est von Heinrich et le commandant : von Graevenitz ; à Tourcoing : von Tessin ; l'inspection des étapes est à Valenciennes. Dans les rues, nous nous croirions en pays étranger, des enseignes et des écriteaux en langue allemande, des étalages de journaux, de tabac, de charcuterie, d'uniformes, etc. Les murs sont couverts d'affiches où s'étalent les plus dures menaces : sera fusillé, sera déporté en Allemagne, sera passible d'amende... Avec des pigeons, c'est communiquer avec l'ennemi ; faire du feu en plein air, c'est faire des signaux aux aéroplanes.

9 septembre

Adrien se présente à la Revue d'Appel.

L'autorité allemande va faire le recensement de la population, la "liste de maison" doit être affichée à un endroit visible.

12 septembre

Nous faisons une visite aux tranchées d'Hem et d'Annapes, creusées dans le bois même et tout autour du fort de Babylone mis en état de défense.

13 septembre

Un incendie se déclare au champ d'aviation.

14 septembre

Deux Allemands visitent le jardin espérant y trouver de productifs arbres fruitiers.

15 septembre

Le R.P. Roupain sort de prison.

17 septembre

Après les bouchons, le caoutchouc, les fruits, aujourd'hui c'est la consignation des vêtements de laine.

Il passe de temps en temps des journaux de Paris ; les Messieurs, n'ayant plus leur Cercle, se réunissent pour les lire une fois chez l'un, une fois chez l'autre ; le journal des "occupés" inoccupés nous apporte des articles réconfortants mais en fraude, sans cela nous n'avons que des traductions de la "Gazette de Cologne" et le "Bruxellois", journal anti-belge.

18 septembre

Aüer s'en va en ordonnant qu'on lui retienne sa chambre.

19 septembre

Nous avons entre les mains le "Daily Express" du 11 qu'un aéroplane a jeté.

21 septembre

Dans le Bruxellois, paraît notre article réclamant des nouvelles de notre tante Trannoy.

22 septembre

A Lille ont été fusillés : Monsieur Jacquet, le lieutenant Deconinck, un commerçant Maestens et un ouvrier Verhulst (passeur), accusés d'espionnage pour avoir recueilli l'aviateur anglais atterri le 11 mars et lui avoir à lui et à des soldats français facilité le passage pour regagner les lignes françaises. Ils sont morts en héros en criant : Vive la France !

23 septembre

Une lettre de Mr Clay du 25 juin.

Le canon tonne sans interruption, certains soirs on entend très distinctement la fusillade et les mitrailleuses.

25 septembre

"Les souscriptions en faveur du 3ème emprunt de guerre allemand ont dépassé 12 milliards de marks".

Henri Desbuquois est arrêté pour avoir déchiré des affiches.

26 septembre

Nous voyons un aéroplane faire un signal, c'est paraît-il quand un aviateur n'est pas rentré.

Jour et nuit, il passe des trains venant de la Belgique vers Lille.

28 septembre

"Consignation des chiens". Les Boches sans doute n'avaient pas encore pensé à eux !

Devant le marchand de journaux, il y a une queue pour le Bruxellois comme pour le ravitaillement, nous avons hâte de connaître les communiqués annonçant de bonnes nouvelles.

1er octobre

A Lille, nous rencontrons un prisonnier anglais.

Pierre nous envoie de ses nouvelles par un de ses camarades de régiment.

8 octobre

Adrien se présente à la Revue d'Appel.

9 octobre

Raymond Dubly est arrêté à la Revue d'Appel.

12 octobre

Une lettre de l'oncle Paul du 13 août et une lettre de Pierre du 19 août avec sa photographie qui nous apprend qu'il est au 8ème.

13 octobre

Nous lisons dans "le Temps" du 5 les récits de nos récents succès.

15 octobre

Anniversaire de l'occupation, nous avons acquis pendant ce temps la connaissance du peuple allemand, c'est un peuple de menteurs : les chefs trompent leurs hommes et les hommes trompent leurs chefs, c'est encore une race de voleurs par instinct et par ordre ; ils ont une mentalité à part, incompréhensible pour nous ; l'officier allemand ne pense qu'à boire, manger, s'amuser et à se pommader ; vis-à-vis de ses hommes, il est brutal et plus encore vis-à-vis de nous qui sommes en apparence les vaincus ; chez eux ils le sont, dans le pays, dans les campagnes, dans les villes, dans les maisons ; tout doit plier devant eux ou ils n'hésitent pas à se servir de la cravache. L'occupation est pour nous une grande leçon de patience, on apprend à attendre, et aussi à se mettre à la portée de toutes les circonstances, il y a tellement de malheureux maintenant, les ouvriers ne travaillent plus et les vivres passent de plus en plus difficilement ; les Allemands tirent sur ceux qui passent la frontière, on cite plusieurs tués, sans compter les prisonniers.

Les pommes de terre sont rares, plus d'éclairage, les vivres atteignent des prix fantastiques ; beurre : 9 fr50 le kilo, un gigot : 30 fr, le pain blanc : 2 fr, le lait presque inconnu, bœuf : 5 fr le kilo, œufs : 0fr40 ; heureusement que nous avons le ravitaillement par le comité hispano-américain, c'est une aide bien précieuse, ce n'est pas sur les occupants que nous pouvons compter, du moment qu'ils font leurs orgies, qu'est-ce-que cela peut leur faire que nous mourions de faim ?

Le Kaiser a circulé dans le pays.

20 octobre

Le vin restant dans les caves doit être déclaré.

Primes pour objets trouvés : baïonnettes, mitrailleuses, fusils, balles, etc.

23 octobre

Il est défendu de faire de la photographie ; les appareils doivent être déclarés.

29 octobre

Affiche "condamnations" : Raymond Dubly, pour avoir séjourné en habits civils sur le territoire de l'étape étant soldat français, à 10 ans de réclusion. Henri Desbuquois, pour avoir déchiré des affiches de la Commandanture de l'étape de Roubaix, à 3 mois de prison", et beaucoup d'autres condamnations.

Il ne faut pas s'étonner quand on va à Lille de voir son tramway arrêté au Croisé Laroche ; les Allemands font descendre les voyageurs, les font entrer au château Franchomme, et un à un les passent à une visite minutieuse.

1er novembre

Mr l'abbé Bonnet est arrêté sous l'inculpation d'avoir facilité les rapports avec l'extérieur des prisonniers internés aux Bains Roubaisiens, où il disait la messe chaque dimanche.

Une affiche de Valenciennes est placardée : 2 arrêts de mort et d'autres condamnations ont été prononcées dans le rayon de Maubeuge pour espionnage.

Revue d'Appel pour Adrien.

"Mr et Mme Louis Bonte" sont convoqués à la Commandanture de Tourcoing. Les Allemands ont en mains une lettre de l'oncle Albert accusant réception de nouvelles reçues de Louis B. et Paul D.

A Lille a été fusillé à la citadelle, l'étudiant belge Léon Trulin (né en 1899), accusé d'espionnage.

Mr l'abbé Bonnet est condamné à 2 mois de prison pour abus de confiance.

L'oncle Paul Dujardin a comparu et a déclaré ignorer quel est le porteur de la lettre et si quelqu'un y a ajouté un post-scriptum.

Des bombes sont tombées sur une école au Blanc-Seau.

Neuf évacués du 9 octobre, prisonniers au camp de Celles, sont rentrés ; André Chatteleyn nous a apporté des nouvelles de Pierre du 25 octobre.

26 novembre

La Commandanture donne l'ordre de remettre les bons de réquisition à l'autorité allemande qui veut en faire le relevé.

29 novembre

L'oncle P. Dujardin, de nouveau appelé, est condamné à 80 marks d'amende ou 16 jours de prison.

A la frontière, des femmes armées de revolver remplacent les "diables verts".

3 décembre

De nombreux évacués de Comines sont arrivés en fuyant le bombardement.

4 décembre

Une affiche annonce : "Transports vers le sud de la France".

5 décembre

L'affiche d'hier est annulée, mais les inscriptions ont lieu malgré tout : perplexité, tentation, serrement de cœur...

6 décembre

Mr le Curé de Saint Joseph est arrêté avec un de ses vicaires pour correspondance illicite. Il y a en prison un prêtre allemand qui avait aidé au transport de lettres.

9 décembre

Revue d'Appel pour Adrien.

10 décembre

5 obus sont tombés sur Lille. Pauvre Lille bien éprouvé en ce moment par une épidémie de fièvre typhoïde qui sévit dans tous les quartiers, et en particulier dans les grandes agglomérations : pensionnats, séminaires, etc. Ce qui ajoute à la peine d'avoir des malades, c'est que les Allemands obligent les familles à les faire soigner à l'hôpital ; et pendant ce temps, à Lille, ils font travailler à l'achèvement du théâtre.

13 décembre

On enlève la laine chez "Paul Bonte et Cie".

14 décembre

Des aéroplanes ont lancé des journaux de Paris du 13, nous faisant d'autant plus de plaisir que les nouvelles sont rares. Le dernier numéro de "Confiance" a paru.

16 décembre

Une lettre de Pierre et de l'oncle Ernest du 14 octobre.

17 décembre

Ce matin est parti le premier train d'évacués, emmenant malades et indigents ; à onze heures, un second et à 3 heures le dernier.

19 décembre

Un aviateur belge a lancé des journaux de Paris des 10 et 12.

Il est arrivé ici un groupe de prisonniers russes que les Allemands font travailler, les employant même aux réquisitions.

23 décembre

Un prisonnier, détenu aux Bains Roubaisiens pour dix mois, a tenté de s'évader et s'est blessé en tombant.

25 décembre

Henri Desbuquois sort de prison après avoir purgé sa peine de 3 mois.

Mr l'abbé Bonnet a été autorisé à sortir pour les fêtes de Noël.

Ils ont inauguré cette nuit le théâtre de Lille avec une troupe de Hanovre qui donnait "Iphigénie en Tauride". Il y avait déjà comme ici : des cercles, casinos, cinéma (Casino Palace).

27 décembre

L'oncle Henri est appelé à comparaître pour diffamation. Faisant une réclamation pour des dégâts commis à sa campagne, il a cité deux officiers qui l'attaquent. L'affaire se termine par une amende.

Des bombes ! C'est une fabrique de grenades à mains qui a sauté à Comines.

31 décembre

Encore un bruit formidable ???

Les enfants, en pension en Belgique, sont pour les vacances amenés et reconduits par les Allemands aux jours et heures qui leur conviennent.

Tristes fêtes encore cette année : ce qui est pénible c'est cette séparation, cette absence de nouvelles, et cela dure. Matériellement pourtant, il ne manque rien, mais la vie est chère : œufs : 0 fr,25 ; beurre : 10 frs ; huile : 10 frs ; sucre : 2 frs. Pour les malheureux, l'éclairage et le chauffage sont des problèmes. Heureusement que le ravitaillement nous aide pour l'alimentation.

Nous avons même eu une petite gâterie : chacun une coquille (brioche en forme de l'enfant Jésus) en l'honneur de Noël.

A suivre…

La semaine prochaine : année 1916 (3/4)



19/09/2014
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