14-18Hebdo

14-18Hebdo

Edouard Favre (1876-1949)

Florian Hensel et Marie Favre

 

Son parcours militaire 

Fiche réalisée par Florian Hensel

Parcours polytechniciens en 1914-1918

  

A l’exemple d'autres écoles comme l'ENS, la communauté polytechnicienne s’est intéressée aux parcours des élèves et anciens élèves mobilisés « Pour la Patrie », en 1914-1918, et tout particulièrement leurs nombreux officiers des « armes savantes » dans cette guerre d'un autre type (génie, artillerie, arme blindée et aviation naissantes).

 

Dans le contexte de la commémoration de la Grande Guerre, la SABIX Société des Amis de la Bibliothèque et de l’histoire de l'Ecole polytechnique, en novembre 2014, a fait réaliser par un vacataire historien, Florian Hensel, doctorant en histoire contemporaine à l’université de Strasbourg, une cinquantaine de fiches sur des parcours polytechniciens variés et représentatifs de leurs différentes trajectoires.

 

Une liste alphabétique donne accès à une fiche biographique illustrée, citant scrupuleusement ses sources.

 

https://www.polytechnique.edu/bibliotheque/fr/parcours-polytechniciens-en-1914-1918

  

 

FAVRE Edouard (X1897)

Né le 28 septembre 1876 à Saint-Jorioz (Haute-Savoie)

Décédé le 12 novembre 1949 à Paris

 

Promotion X1897

Grade le plus élevé atteint au cours de la carrière : lieutenant-colonel (artillerie puis armée de l’air)

 

 

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©Collections Ecole polytechnique (Palaiseau, Essonne)

 

Edouard Favre naît le 28 septembre 1876 en Haute-Savoie d’une mère au foyer et d’un père banquier. A partir de 1885, suite à la disparition de ce dernier, il est élevé par sa mère avec ses deux frères et sa sœur à Annecy. Étant l’ainé de la famille, cet exercice développe son esprit pratique et sa débrouillardise. Admis à l’X en 1897, il y suit une scolarité dans la moyenne malgré une prometteuse 14e place au concours. Deux ans plus tard, il est 134e d’une promotion de 223 élèves et opte pour l’artillerie et continue sa formation à l’École d’Application de l’Artillerie et du Génie. Il en sort avec le grade de lieutenant le 1er octobre 1901 et est alors affecté au 6e régiment d’Artillerie. Il y reste jusqu’au 24 décembre 1909, date de son affectation au 2e régiment d’artillerie de campagne où il est nommé capitaine-instructeur un an plus tard. En 1912 il perd sa femme, Marie Aussedat, qu’il a épousée le 18 septembre 1902 [2].

 

C’est au début des années 1910 qu’il met au point une théorie devant, selon lui, révolutionner l’aviation : le vol avec battements par suspension élastique. Proposant cette dernière aux services aéronautiques de l’armée, son projet n’est pas retenu. L’ingénieur choisit alors de mener des essais seul, en Savoie, mais ne parvient pas à les terminer quand arrive août 1914.

 

De l'artillerie à l'aviation

Quand sonne le tocsin de la mobilisation, Edouard Favre est à la tête de la 3e batterie du 1er groupe du 2e régiment d’artillerie avec le grade de capitaine. C’est au front qu’il passe les premiers mois de guerre. Tout d’abord en Alsace et dans les Vosges, du côté du Donon et de Saint-Dié [3]. Son attitude au feu y est rapidement récompensée par la croix de guerre avec palme [4] qu’il obtient le 8 septembre ainsi que par sa première citation à l’ordre de l’Armée, le 8 octobre [5]. Au cours de son séjour dans ce secteur, il développe notamment de nouvelles techniques de tir contre les avions. Dès les premiers mois de campagne, il demande à être affecté dans l’aviation mais cela lui a été refusé pour le motif qu’il a cinq enfants. Il présente sa théorie à plusieurs reprises, à l’Armée comme à l’Académie des Sciences, mais il n’a pas plus d’avis favorable que par le passé car le développement de son appareil est jugé irréalisable.

 

A la fin de ces premiers mois de combat, il quitte l’Est pour le front de Champagne, où il prend part aux opérations de l’année 1915. Pendant cette période, il poursuit sa réflexion sur le vol à suspension élastique et tente même quelques expériences alors qu’il est en ligne. Suite aux nombreux courriers et projets qu’il a envoyés, il est finalement appelé à l’École Aéronautique de Paris pour une dizaine de jours à compter du 21 août 1915. Il en profite pour essayer d’adapter son invention à un avion aux ateliers de Chalais-Meudon mais ses travaux sont interrompus car il est rappelé d’urgence à son corps. Le 23 octobre 1915, il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur et obtient une nouvelle citation à l’ordre de l’Armée. « La batterie étant repérée par des avions ennemis et soumis à un bombardement d’obus de gros calibre, a inspiré le calme à tous, faisant abriter son personnel et restant stoïque à son poste de commandement. Déjà cité à l’ordre de l’armée, n’a pas cessé de donner les plus beaux exemples de bravoure et d’intrépidité depuis le commencement de la campagne. » [6]

 

Le 11 novembre 1915 il part une nouvelle fois en mission à Paris, pour un mois cette fois. Ce nouveau séjour lui donne l’occasion de mettre en œuvre ses expérimentations mais celles-ci donnent des résultats mitigés. A son retour au front, il dirige à nouveau sa batterie, d’abord dans les Vosges, puis à Verdun jusqu’à la fin de l’été 1916, et du côté de Laffaux pour le reste de l’année. Le 23 février 1917 il est promu chef d’escadron et est transféré au 21e régiment d’artillerie de campagne, au sein de la 62e division d’infanterie. Il quittera ce dernier le 1er avril suivant pour le 1er groupe du 221e RA. Pendant cette période, il combat dans le Nord, en Belgique puis dans l’Aisne. A la fin de l’année, il fait une demande pour faire un stage au service des fabrications de l’aviation mais sa sollicitation reste à nouveau vaine.

 

Le 10 mai 1918, il est cité une troisième fois. « Officier supérieur d’une rare énergie, a commandé provisoirement une A.C.D. pendant une semaine dans des conditions extrêmement difficiles et critiques. A rempli avec autorité toutes les missions qui lui ont été confiées en donnant à tous l’exemple du calme et du sang froid. ». Le 6 septembre 1918, il est une dernière fois cité à l’ordre de l’Armée. « Officier supérieur d’une grande valeur. A déployé une activité inlassable pendant l’offensive du 27 juillet au 7 août, payant sans cesse de sa personne pour poster rapidement ses batteries en avant. A obtenu de son groupe un excellent rendement. A fait exécuter avec à propos et décision des tirs parfaitement réglés et contrôlés qui ont causé des pertes sévères à l’ennemi et assuré un appui efficace à la marche en avant de notre infanterie. » En parallèle il poursuit à plusieurs occasions la promotion de son système élastique auprès des autorités militaires et civiles mais sans plus de succès.

 

Ce n’est finalement que le 15 octobre 1918 que sa demande d’affectation dans l’aviation est validée. Il est alors détaché à l’école supérieure d’aéronautique mais il semble toutefois qu’il ait alors abandonné ses expérimentations.

 

Un inventeur au service de la France

Au lendemain de la guerre, le commandant Favre poursuit sa carrière dans l’aviation. Le 13 août 1919 il est définitivement affecté au service technique de l’aéronautique. Le 1er janvier 1922, on le retrouve à l’Office national météorologique. Le 8 août 1925, il passe à l’Inspection du matériel technique et des installations techniques de l’aéronautique militaire. Il y suit notamment les études balistiques relatives à l’armement et aux projectiles employés par l’aéronautique. Le 22 décembre suivant il est fait Officier de la Légion d’Honneur.

 

Sources et bibliographie

  • Archives de l’École polytechnique, Dossier VI2A2 (1897)
  • Dossier personnel de bénéficiaire de la Légion d’Honneur en ligne dans la base Leonore, cote 19800035/15/1916
  • FAVRE Marie, Edouard Favre - Mes cahiers de souvenirs, 2014

 

Notes

[1] Remerciements : Marie Favre

[2] Elle décède de la diphtérie.

[3] Au cours de ces opérations, il est légèrement blessé à deux reprises, le 24 août puis le 21 septembre 1914.

[4] Il en obtiendra deux autres, le 23 septembre 1915 et le 19 mai 1916.

[5] « S’est particulièrement distingué par sa belle attitude et sa belle conduite au feu. »

[6] Cette dernière fait référence à des opérations qui se sont déroulées le 1er octobre.

 

 

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L’homme et sa famille

  

Un inventeur méconnu, peut-être, mais certainement un « honnête homme »

 

 

Fiche réalisée par Marie Favre, sa petite-fille. 

Edouard Favre (1876-1949) nous a laissé un journal sous forme de cahiers. Ayant terminé un travail sur une correspondance volumineuse couvrant toute la période de la guerre de 14-18, j’ai voulu reprendre ce journal et surtout entamer la saisie sur traitement de texte pour une plus large diffusion au sein de la famille. J’ai été séduite par le style, élégant, les personnes instruites de son temps savaient écrire. Mais j’ai également trouvé l’homme touchant et attachant. La forme du journal intime apporte un élément nouveau par rapport à une correspondance, en effet l’auteur écrit ses réflexions ou ses sentiments pour lui et non pas pour les adresser à un correspondant.

 

Il y a trois époques dans « Mes cahiers de souvenirs » (ce texte a été publié en 2014) :

Ses vacances à Saint-Jorioz (1899-1900).

Sa demande en mariage (1901-1902).

Son idée fixe (1914-1918).

 

L'enfance et les vacances à Saint-Jorioz (1899-1900)

Ses vacances à Saint-Jorioz (1899-1900). Il a 23 ans et il parle avec émotion des vacances de rêve qu’il a passées chaque été dans la maison de ses grands-parents Callies au bord du lac d’Annecy. Ce passionné de voile termine ses études et il se rend compte que ces moments merveilleux ne se renouvelleront plus.

 

Edouard Favre est né le 28 septembre 1876 à Saint-Jorioz, situé à une dizaine de km d’Annecy, au bord du lac du même nom.

 

Edouard et ses frères et sœur, Antoine (1878-1963), André (1881-1961), et Marguerite (1882-1965), habitent Annecy avec leur mère, Louise née Callies (1853-1923) et aînée de cette famille. Elle a perdu en 1885 son mari qui était banquier.

 

Edouard est élève au collège Saint Michel, collège de Jésuites à Saint-Etienne, puis à l’école de la rue des Postes à Paris (ancêtre de Sainte-Geneviève à Versailles ou Ginette) avant d'intégrer l'X.

 

Lui et ses frères et sœur passent, enfants, toutes leurs vacances à St Jorioz, dans la maison de vacances de leurs grands-parents maternels : Jules-Aristide et Louise-Claudine Callies. Les enfants Favre sont les aînés de la nouvelle génération.

 

En cet été 1898, sont aussi présents à St Jorioz des oncles et tantes, frères et sœurs de leur mère, et leurs enfants. Il y a oncle Jacques Callies et sa femme Marie, née Aussedat, qui ont 10 enfants. Il y a les Deries, tante Marie et oncle Armand et leurs 5 enfants. Il y a les Adenot, tante Jeanne et oncle Etienne avec 3 enfants. Edouard parle beaucoup aussi de ses oncles Alexis Callies et Louis Callies, les derniers de la famille, qui ont respectivement 6 ans et 4 ans de plus que lui.

  

 

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La « vieille » maison à St Jorioz (Albums François Favre)

 

 

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 Vers 1895 - Docteur Jules-Aristide Callies

 Directeur de l’Hôpital d’Annecy

(Archives Alain Aussedat)

 

 

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 1900 - Louise Favre, née Callies

    

  

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Saint-Jorioz - Jules-Aristide et Louise-Claudine Callies et leurs descendants

Vers 1895-1896 (Archives Hervé Farge)

 

 

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Famille Jacques Callies et Marie Aussedat en 1898

Debout : Pierre, François, Jean. Assis 2e rang : Anne, Marie tenant Madeleine, Marthe, Jacques tenant Philippe, Jacques. Devant : Paul et André. (Noël et Joseph ne sont pas encore nés.) (Archives Alain Aussedat) 

 

 

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 La « Vieille » maison à St Jorioz vers 1904-1905 : un après-midi sur la terrasse

Joséphine Callies (1858-1920), Jules-Aristide Callies (1823-1907), Marie Callies-Aussedat (1860-1936),

François Callies (1885-1905), Jeanne Adenot-Callies (1868-1954), Louise-Claudine Callies-Fleuret (1830-1909),

Jean Callies (1886-1961) et Edouard Callies (1857-1917)

 

 

Leurs bateaux sur le lac d'Annecy 

« Courlis », « Sémillante », « Le Goéland », Les régates de Menthon, « La Périssoire », « Nicole », « Le Saint Bernard », Le port de Talloires et Duingt  

 

 

« Depuis l’âge où j’ai commencé à jouir de mes premières vacances, nous avions en effet un bateau. Il ne nous appartenait pas mais nous l’avions si régulièrement chaque vacances que nous y étions habitués et que nous le considérions un peu comme nôtre. Nous le louions chaque année à un loueur d’Annecy moyennant un franc par jour[1] et nous le gardions en moyenne deux mois, des premiers jours d’août aux premiers jours d’octobre. Nous avions d’abord « le Courlis », tout petit à avirons et ayant une seule voile à livarde, puis « la Sémillante », mesurant 8 mètres de long, avec 6 avirons et deux voiles à livarde d’abord puis deux voiles latines. Mais il n’offrait pas une grande sécurité par les coups de bise noire car il était étroit et effilé. Il se comportait beaucoup mieux lorsque 3 ou 6 rameurs souquaient sur ses avirons. C’est sur ce bateau que j’appris le métier. J’étais simple mousse sous les ordres de mes oncles Louis et Alexis[2] qui s’amusaient un peu à me tyranniser. Très heureux et très fier d’être avec les grands je supportais courageusement les coups de garcettes sur mes mollets nus, je portais une voile à la maison, je riais quand on me forçait à ramer, quand on me jetait à l’eau (en costume de bain), quand pour me punir de ma mauvaise conduite on me prenait par les pieds et qu’on me trempait la tête dans l’eau. C’est sur ce bateau que j’appris à tenir la barre à la rame ou à la voile, que je sus reconnaître les risées et leur direction et les distinguer au loin de l’ombre d’un nuage, que j’appris à faire les nœuds de drisse, d’amures d’écoute, ou les épissures. Lorsque le Goéland vint mouiller pour la première fois dans la rade de St Jorioz je montais à son bord comme matelot, Antoine qui était malade avait néanmoins le titre de mousse. »

 



[1] 1 franc de 1901 équivaut à environ 3,86 euros d’aujourd’hui (INSEE - 2017)

[2] Ses deux oncles, Louis (1872-1946) et Alexis Callies (1870-1950), derniers de la famille Callies, ont respectivement 4 ans et 6 ans de plus que lui.

 

 

 

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Lac d’Annecy vu du col de la Forclaz

   

   

Le Goéland

   

« Nous avons loué le Goéland 11 années de suite... Quels bons moments nous passions sur ce vieux Goéland, que de souvenirs s’y rattachent : un jour la misaine cassé par le vent, un autre le tapecul démoli. Une autre fois par un coup de bise noire une embardée terrible nous fait embarquer sous le vent 2 ou 300 litres d’un coup malgré les 5 matelots assis sur le bord opposé, pendant que le Fouèze tempête contre son foc qu’il n’a pas la force de tenir et que l’oncle Louis à la barre crie avec grand calme en regardant au vent : « C’est pas tout ». Il nous en a tiré tout de même le vieux Lou car c’est un vrai loup et il ne perd jamais la tête. Les voiles étaient larguées et secouaient le bateau sans qu’il se redresse, l’oncle Louis borda la grand-voile de toutes ses forces, nous embarquâmes terriblement encore un coup mais le Goéland rentra dans le vent et se redressa enfin. Pendant ce temps la « Béatrice » montée par Mr Taine recevait la même risée et, perdant la tête, son patron se jetait à la côte largue à quelques mètres au sud du ponton de St Jorioz. Il s’engrava heureusement sur du sable mais il y entra si profondément qu’il dut délester son bateau, lui enlever sa mâture et employer 4 hommes tirant depuis le ponton pour le remettre à flot. Il n’avait heureusement aucune avarie sérieuse. »

 

  

   

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Le lac et une vue sur Menthon-Saint-Bernard

 

 

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Le Roc de Chère vu de Duingt (Wikipedia)

 

 

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En 1998, M. Bernard de Menthon se sépare de son bateau, le Saint-Bernard, en le confiant à la famille Callies.

En 1923, le St Bernard sévit toujours sur le lac d’Annecy - Le voici avec, dans le fond, le Semnoz (Albums François Favre)

  

 

Des excursions en montagne 

« Il est bien certain que pour St Jorioz c’est le lac la grande attraction de sorte que nos fuites de St Jorioz sont rares. Cependant dans un pays comme le nôtre, montagneux et pittoresque, il n’est pas possible de rester 2 mois sans faire une ou 2 excursions. D’ailleurs nous faisons presque toujours les mêmes. Ne voulant nous résoudre à quitter St Jorioz que quelques heures, les seules ascensions intéressantes à faire sont le Semnoz et la Tournette. Nous y allons généralement pour le lever du soleil. »

 

Le Semnoz 

  

« L’oncle Jacques... Les neveux, ne trouvez-vous pas qu’il fait beau cette nuit, la lune arrive, si nous montions au Semnoz ce soir. Vous n’avez rien de pressé à faire demain matin ? - Rien - Eh bien, c’est entendu : Edouard tu nous réveilleras à minuit, Antoine et André allez dire à la cuisine que l’on prépare tout de suite sur la table de la salle à manger nos déjeuners froids que nous avalerons à minuit et demi, du pain, du fromage, du vin et remplissez une gourde de rhum. Quant à nous, allons dire au salon que nous partons cette nuit et allons nous coucher... »

 

« C’est ainsi qu’à minuit je vais les réveiller, que nous déjeunons avec les yeux tout alourdis du premier sommeil et éblouis par les bougies, et que nous sortons par la porte de derrière en plaçant la clef sur la lucarne voisine ou simplement par la porte de la salle à manger sans la refermer à clef. La fraîcheur nous réveille tout à fait et la promenade se fait généralement sans incident. Nous rentrons, quand il y a des tout jeunes, vers 10 heures du matin et, naturellement, notre premier soin est d’aller au lac pour y piquer une tête et faire disparaître la fatigue. »

 

« Un jour que j’étais seul avec l’oncle Jacques, Antoine et André ayant du travail, nous étions montés en 4 heures, étions restés au sommet ¾ d’heure, y avions mangé notre pain et notre fromage et avalé le liquide emporté, étions repartis du sommet à 6 heures ½ et nous trouvions de retour sans être fatigués à 8 heures du matin, au moment où la famille descendait des chambres à la salle à manger. »

 

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 Le Semnoz - 1699 mètres

 

 

La Tournette

  

« Les ascensions à la Tournette se décident de la même façon et avec la même rapidité ou peu s’en faut. Les préparatifs en sont plus longs car nous sommes obligés d’emporter un repas froid pour la route. J’ai fait cette ascension plusieurs fois, 6 ou 7 fois peut-être. »

 

 

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La Tournette - 2351 mètres (Wikipedia)

 

 

« ... Nous étions quatre seulement, l’oncle Louis, l’oncle Da (aujourd’hui oncle Pacôme), Louis Revel et moi. Nous étions partis très matin, vers 2 ou 3 heures, nous avions traversé le lac sur le Goéland. A 9 heures environ nous arrivions au sommet pour jouir d’une vue superbe et prêts à rassasier un formidable appétit par le repas que nous portions sur nos épaules. A dix heures nous nous installions au pied du rocher, nous défaisions nos sacs, faisions rafraîchir notre vin dans la neige. »

 

 

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La Tournette - 2351 mètres (Albums François Favre) 

 

 

Et d’autres montagnes : le Dôme de Chasseforêt, la pointe Percée, ...

 

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La pointe Percée, point culminant de la chaîne des Aravis - 2750 m (Wikipedia)

 

 

De nombreuses courses en bicyclette

Dont les grottes de la Filière près de Thorens et le tricycle à pétrole.

 

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Un tricycle à pétrole - 1899

Ce tricycle à pétrole traîne une remorque dans laquelle sont installées ces dames.

Cet engin roule à 60 kilomètres/heure, mais sans l’attelage.

(Clichés d’Antoine Carcenac - Le Périgord de mon père)

 

 

Son mariage avec Marie Aussedat (1902-1912)

Sa demande en mariage (1901-1902). Il a 25 ans et il nous raconte son long calvaire car, suite à sa demande, il attend une réponse mais elle ne vient pas. Le « dossier » est en attente au niveau des parents et des grands-parents et la fiancée de son choix, elle, n’est toujours pas au courant.

 

 

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Edouard Favre en 1902 (il a 26 ans)

 

 

29 août 1902

« A 5 heures, je me présentais chez Madame Aussedat, j’étais plus gai, plus content que de coutume, sans savoir pourquoi. Marie de son côté avait l’air plus calme. Pendant une heure et demie, nous restions ensemble au salon, tantôt seuls, tantôt avec Mme Jean. Vers 6h1/2 je jugeais convenable de me retirer, ayant encore vaguement l’intention d’aller dîner à St-Jorioz, bien que j’aie dit que je resterais probablement à Annecy pour tenir compagnie à grand-père. Mais Marie me dit si gentiment que je pouvais rester encore, que je m’asseyais de nouveau sans me faire prier. Enfin à 7 heures moins dix, comme il fallait que je parte, je me levais et Marie qui paraissait tout émue se levait aussi, s’approchait de moi et me donnait enfin ce consentement que j’attendais depuis quatre semaines. »

 

 

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Marie Aussedat et son fiancé Edouard Favre - Août 1902 à Pringy

(Archives Alain Aussedat)

 

 

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Famille Jean-Marie II Aussedat à Cran Gevrier - 1891

Devant : Germaine (6 ans), Maurice (2 ans). 2e rang : Marie (12 ans), Antonie (5 ans), Marie Despine Aussedat (37 ans),

Jean-Marie II Aussedat (44 ans).

Derrière : Thérèse (9 ans), Louis (14 ans), Joseph (16 ans), Marguerite (10 ans), Jeanne (13 ans) (Archives Alain Aussedat)

 

 

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Ils se marient le 18 septembre 1902

 

 

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1903 - Baptême de François Favre : les deux arrière-grands-parents

Augustine Aussedat née Basin (75 ans) et le docteur Jules-Aristide Callies (80 ans)

(Archives Alain Aussedat)

 

 

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Marie Favre-Aussedat avec son fils François, le jour de son baptême – 1903
 

 

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1905 - Marie Favre-Aussedat avec François et Jean 

 

 

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Pringy - Eté 1908 - Famille Favre

Edouard, Jean, Marie tenant Marguerite, Thérèse et François

 

 

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Pringy - Eté 1908 - Famille Favre

Edouard et ses deux filles, Marie et ses deux fils 

 

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1909 - A Valence - Edouard, Mère Zi, Marie et les 4 petits,

l’ordonnance, les bonnes et le chien « Grillon »

 

 

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1909 - Jean, Thérèse, Goty et François Favre

(Archives Alain Aussedat)

 

 

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1909 - Jean, Goty, François et Thérèse

 

 

Sa femme meurt le 25 avril 1912 à l’âge de 32 ans, le laissant seul avec 5 enfants âgés de 8 à 1,5 ans (un petit dernier, Bernard, est né en 1910).

 

Son idée fixe (1914-1918)

Il a 38 ans en août 1914, il est officier d’active dans l’artillerie, et il va passer toute la guerre au front. Mais il a une théorie révolutionnaire concernant l’aviation, qui en est encore à ses débuts, il s’agit d’avions suspendus, et il veut la faire partager. Il est obstiné, il frappe à toutes les portes et il ne comprend pas pourquoi personne ne semble s’y intéresser. Cette invention non développée pourrait-elle concerner un siècle plus tard le domaine de l’aéronautique ? En tout cas ses travaux lui ont été « une intéressante distraction » et lui ont probablement permis d’occuper son esprit pendant ces quatre années douloureuses et interminables.

 

Et puis... ce mail d’un cousin très éloigné, Hervé Farge, que je n’ai jamais vu d’ailleurs mais qui a lu les « Cahiers de souvenirs » :

« Sa ténacité sur son projet d'avion m'a impressionné. J'ai eu un petit sourire condescendant jusqu'au moment où j'ai lu un article sur les ailes souples dans le Point du 5 juin 2014. Il avait simplement un siècle d'avance… »

 

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Le Point 5 juin 2014

 

 

 

« Mes cahiers de souvenirs » pour la période de guerre ont été publiés en plusieurs articles sur le blog dans la rubrique « Témoignages ».

 

Egalement publié sur le blog dans la rubrique « Témoignages », le JMO de sa batterie de 1914 à février 1917, il est le rédacteur de ce « Journal des Marches » de sa batterie.

 

 

   

Son parcours de guerre

2 août 1914 - Mobilisation - Capitaine

2e Régiment d’Artillerie de Campagne / 1er Groupe / 3e Batterie

 

 

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6 août 1914 - Embarquement à Grenoble en direction des Vosges et de l’Alsace

 

1.       Août-Sept. 1914 - Les Vosges - Col du Hantz et la région de St Dié

2.       Octobre 1914-Août 1915 - La Somme - Lihons, près de Péronne

3.       Août-Octobre 1915 - La Champagne - Suippes près de Reims

4.       Nov. 1915-Février 1916 - Les Vosges et l’Alsace - Saint-Amarin

5.       Mars-Août 1916 - Verdun

6.       Septembre 1916-Mars 1917 - L’Aisne - Gernicourt

7.       Avril-Juin 1917 - Le Nord - Hondschoote, près de Nieuport

8.       Juillet 1917-Mars 1918 - L’Aisne - Terny Sorny, Fère-en-Tardenois

9.       Mars-Avril 1918 - Repli - Lassigny, Roye sur Matz (près de Noyon)

10.    Mai 1918- Juin 1918 - Les Vosges - près de St Dié

11.    Juillet-Août 1918 - Offensive - L’Aisne - Fère-en-Tardenois et passage de la Vesle

 

 

Journal d’Edouard Favre (1ère page des cahiers de guerre)

 

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Le capitaine Edouard Favre en 1915 (il a 39 ans)

 

 

Sa famille pendant ces années de guerre

A la déclaration de guerre, Edouard Favre approche de ses 38 ans.

 

Il est officier d’active, capitaine d’artillerie. Le 6 août 1914 il part de Grenoble pour les Vosges et l’Alsace. Il commande la 3e batterie du 1er groupe du 2e régiment d’artillerie.

 

Il est veuf, sa femme, Marie Aussedat, a attrapé la diphtérie en soignant son fils Bernard et est morte en 1912, âgée de 32 ans.

 

Il a 5 enfants : François, 11 ans, Jean, 10 ans, Thérèse, 8 ans et demi, Marguerite, dite Goty, 7 ans, et Bernard, 3 ans et demi. Sa mère Louise, née Callies, a pris en charge ses enfants. Tous l’appellent mère Zi.

 

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Famille Edouard Favre vers 1912 : Jean, François, Thérèse, Bernard et Goty « Le Louvre » à la main

(Archives Alain Aussedat)

 

 

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 1915 à St Jorioz - Mère Zi, Edouard Favre et ses cinq enfants

 

 

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1916 - Jean Favre en 5e au collège de Mongré près de Villefranche-sur-Saône

(le 2e en partant de la droite)

 

 

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Bernard Favre vers 1917-1918 (Archives Alain Aussedat)

 

 

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Le commandant Edouard Favre en 1919 (il a 43 ans)

 

 

Epilogue

Mariage d’Edouard Favre et d’Yvonne Bon (« la sœur de Madame Piet »)

20 août 1919 à Montriant, Sainte-Marthe

 

 

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Enfants assis par terre : Michel Bon, Bernadette (Dédette) Bon, Anne-Marie (Mamy) Piet, Christiane Bon, Christiane Durin, Marie (Lily) Laurent, Geneviève (Deubet) Bon, Elisabeth (Chonchon) Laurent

1er rang : Etienne Adenot ??, Armand Deries, Louise Favre (Mère Zi), Edouard Favre, Yvonne (Néné) Bon, Gabriel Bon, Pauline Bon, Emmanuel Bon

2e rang : Louis Callies, Jacques Bon, ??, ??, Marie (Mic) Piet, Antoine Favre, Marguerite (Goty) Favre, Nina Callies, Jacques Deries, Monsieur Armand, André Favre ??

3e rang : Renée Bon, ??, ??, Zite ?, Deries ?, Charles Bon, André Piet, Emmanuel (Manu) Bon, Jean Favre, ??

4e rang : ??, ??, ??, ??, Thérèse (Zézou) Favre, ??, Mme Germaine Durin, Jacques Callies, François Favre

Tout au fond : au milieu Marguerite (Gry) Laurent et à droite Georges Piet

 

La famille Edouard Favre en 1927 à Paris

 

Deux filles sont venues compléter la famille : Marie-Josèphe (dite Trott) en 1921 et Madeleine (dite Kette) en 1923

 

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Les Dor à Paris - Mars 1927 - 12 bis avenue Bosquet

Goty, Bernard, François, Zézou tenant Kette, Jean, Georges Dor portant sa fille Mathilde, Trott, Edouard, Néné

(Albums François Favre)

 

 

La V.C.D.A. à Menthon-St-Bernard

Edouard et Yvonne Favre ont acheté en 1919 leur maison de vacances : la Villa Courant d’Air (V.C.D.A.) à Menthon-St-Bernard, de l’autre côté du lac d’Annecy.

 

Ils ont réédité dans cette VCDA ces vacances enchanteresses pour leurs enfants, leurs petits-enfants et beaucoup d’autres.

 

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Vue de la Villa Courant d’Air ou V.C.D.A. (Albums François Favre)

 

 

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1923 - La famille Edouard Favre repeint la V.C.D.A.

(Archives Alain Aussedat)

 

 

Des vacances de rêve pour leurs enfants

13 août 1926 - Col du Frêne - La V.C.D.A.

 

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Jean Aussedat, Alix Favre, Mimi Paturle, Goty Favre, Georges Piet, René Pauly, Jacqueline Savoyaud, Manu Bon, Bernard Favre, Charlotte Favre, Mythil Aussedat, Gady Aussedat, Henri Aussedat, Friquet Paturle, Jean Favre, Jacques Favre, Néné Favre, Dédette Bon (Albums François Favre) 

 

  

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Les mêmes avec leurs bicyclettes (Albums François Favre)

  

Et des vacances de rêve pour leurs petits-enfants

Témoignage de Didier Boucher en 2012 dans « Trott & Co »

Il faut comprendre que pour nous, la VCDA, c'était comme si les Renaud, les Bonte et les familles de Bertrand, Didier et Jean-Edouard se retrouvaient et passaient leurs vacances d'été tous ensemble mais aussi Noël.

 

Et nous, on allait à Paris à la Toussaint, on logeait chez les Bernard Favre, on dormait tête bêche avec nos cousins et on découvrait le métro où l'on pouvait voyager des heures avec un seul ticket; le métro à pneu ! Quelle différence ! Et on mangeait des baguettes alors qu'à Cheniménil[1] c'était des pains longs.

 

A Cheniménil à Noël avec les Rocher et les Bernard Favre (précédés de leurs skis, et quels skis ! qui arrivaient par le train) et avec Grand-Mère, oncle Jean et tante Goty Rocher, oncle Bernard et tante Marie-Thérèse Favre, ce qui faisait déjà une bonne équipe.

 

Et depuis Cheniménil, on allait tous une journée à Cornimont[2] chez les Jean Favre où on retrouvait aussi des Monsaingeon. Quelques jours plus tard, c'est tous ceux de Cornimont avec parfois des Cuny qui venaient à Cheniménil un soir, parfois le 31 décembre. Venaient aussi des Aussedat, Hommell, Grandcolas. Pour nous c'était la grande fête. Tante Goty, oncle Jean Favre, oncle Jean Rocher, oncle Bernard, oncle Jacques Aussedat ne rêvaient que d'une chose : commencer le plus vite possible un « petit » bridge, et je me souviens aussi qu'oncle Jean Favre distribuait ses enveloppes. Sans doute tante Noëlle les avait préparées et donc il nous donnait à chacun nos étrennes. Après l'avoir remercié, on courrait aux toilettes pour voir discrètement ce qu'il y avait cette année dans l'enveloppe. A noter que les filles étaient plus gâtées que les garçons.

  

Mais Menthon c'était le top, même si on en n'avait pas conscience, on était avec nos cousins cousines du même âge. Dominique ça devait être Olivier, André, François. Hélène c'était plutôt Thierry, Aline, Philippe. Bertrand c'était Bab, Marie, Jean-Claude, Noël. Moi c'était Anne, Xavier. Jean-Edouard c'était (les 1950s) Béatrice, Yves et Evelyne. Rose (l'oméga) fermait la marche. Patrice est arrivé après.

  

On vivait sans trop voir les parents. Il y avait la grande table et la petite table où nous conviait la cloche de Lise. Lise ! Savez-vous qui était Lise ? Lise travaillait chez Grand-Mère à Paris et à Menthon. C'est à dire tout le temps. Peut-être avait-elle des congés mais moi je l'ai toujours vue au boulot. Elle était spectaculaire à tous points de vue : physique, vocal, pileux, culinaire. Le mieux : demandez à Yves, Régis ou encore Noël de vous faire une description. Lise était aidée ou secondée par Marie qui était la Lise des Rocher, tout aussi spectaculaire et, quand elles étaient ensemble à la cuisine, il y avait de l'ambiance ! Il y avait aussi des sœurs de Lise : Irène et Cécile qui venaient faire des piges quand la VCDA était pleine. Chez nous c'était Marie-Lou qui venait et figurez-vous qu'elle a trouvé l'amour (en tout cas son mari) en la personne de Robert le fils de la Marie des Rocher, vous me suivez ?

  

A la grande table, c'était Grand-Mère qui présidait et, après le dîner, il y avait la prière. Là encore un grand moment. Imaginez toute la famille, y compris ceux de la petite table réunis dans la grande salle à manger. On retournait nos chaises, on s'en servait de prie-Dieu. Tous à genoux et c'est Grand-Mère qui donnait le départ. Je dis « départ » parce que parfois on chronométrait. Tous vos parents pourront vous réciter certains passages : « Non ! nous ne pouvons essuyer de refus puisque vous êtes notre Mère oh ! Notre-Dame du Sacré-Cœur mais écoutez favorablement nos prières et daignez les exaucer. Ainsi soit-il ». Il y avait ensuite la litanie de tous les Saints patrons des morts de la famille en commençant par Saint Edouard notre grand-père, Saint Georges, on répondait : « Priez pour nous » et, comme il y en avait pas mal, parfois Grand-Mère en oubliait, on lui soufflait et souvent (pour améliorer le chrono), on anticipait le « Priez pour nous » avant qu'elle ait invoqué le Saint. Maman n'aimait pas trop cette prière, mais elle aimait bien car Grand-Mère terminait toujours par : « Notre Dame du Soleil » et on répondait : « Donnez nous le beau temps ! »

  

Sinon on faisait la sieste quand on était petit. On allait à la plage gérée par Monsieur Olgiatti. Plus tard on allait se baigner là où il y a actuellement les pédalos avant que n'arrive l'époque des pontons.

  

Après, maman a acheté un dériveur : un 420 qui naviguait tout le temps. Les voiles restaient dans le bateau. Il était équipé d'un spi et d’un trapèze. Les bateaux à moteurs sont venus plus tard, seul oncle Alexis Carron en avait un mais c'était les aînés qui en profitaient.

  

Le tennis bien sûr était très convoité et le droit d'aînesse était la règle absolue. Je m'insurgeais car j'étais dans les plus jeunes et je savais très bien qu'il en serait toujours ainsi. Les aînés ne semblaient pas comprendre cette évidence. Bref il valait mieux y aller quand il faisait très chaud plutôt que de tenter sa chance à 18 heures ; là c'était mission impossible.

  

Pour moi, les bons joueurs c'était Olivier, Thierry, Baby, Jean-Claude et Noël. Chez les Rocher, peut-être Edouard mais j'étais trop jeune. Edouard jouait avec Henri Carron et Bertrand Callies.

  

Presque chaque année il y avait le tournoi de la VCDA où tout le monde était inscrit et là, « même » les cousines concouraient... Imaginez une Aline contre Marie, ou une Marie-Ange contre tante Anne. La championne c'était Christine Favre qui était bien meilleure que beaucoup de garçons et Marie-Christine Favre (avant de s'appeler Monsaingeon) était la meilleure des autres filles quoique Maman jouait bien avec son service caractéristique à la cuillère. Tante Marie-Thérèse jouait aussi, oncle Bernard, lui, adorait. C'est Camille Tenconi qui entretenait le tennis et selon les années les résultats étaient variables.

  

Il y avait bien sûr la Tournette, le tour du lac à vélo et la traversée du lac à la nage qui étaient presque annuelles. Grand-Mère avait une barque qui a longtemps été sous la maison des Tissot-Dupont, celle où les Rocher se succèdent au mois d'août. C'était une grande barque avec 2 paires de rames qui nous permettait d'aller au « Jet de la Rose ».

  

Comment évoquer la VCDA sans parler d'oncle Manu Bon chez qui on prenait « un petit pot » en remontant du bain et qui adorait ses petits bridges sur la terrasse avec oncle Bernard (avec ses cigarettes Boyard papier maïs) et si possible tante Goty et oncle Jean (avec son cigare ou sa pipe).

  

Voilà quelques souvenirs et tout cela n'a été possible que grâce à oncle Jean et tante Noëlle qui ont laissé à Grand-Mère la jouissance de cette maison. Une fois Grand-Mère disparue, tante Noëlle a tout fait pour que cette maison soit ouverte à tous.


[1] Cheniménil se trouve dans les Vosges (à 14 km d’Epinal)

[2] Cornimont se trouve également dans les Vosges (à 52 km d’Epinal)



20/07/2018
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