Carnets de guerre (Anna Vautrin) – N° 84 – 27 nov au 3 déc 1916
Document transmis par Renaud Seynave, son arrière-petit-fils - 25/11/2016
Yvonne et Marguerite avec leur père Alexis Vautrin
Lundi 27 novembre 1916
L’empereur d’Autriche François-Joseph est mort à 87 ans après 68 ans de règne. Il est mort au palais de Schönbrunn près de Vienne. C’est son neveu qui lui succède sous le nom de Charles I en Autriche et Charles IV en Hongrie. Il a épousé la princesse Zita de Bourbon qui a deux frères dans l’armée belge qui se battent contre son mari. Le nouvel empereur a 30 ans et 4 enfants. Les funérailles de l’empereur François-Joseph auront lieu jeudi.
Mardi 28 novembre 1916
Un navire hôpital anglais vient d’être coulé par un torpilleur allemand. Les Allemands avancent toujours en Roumanie. Pendant cette nuit, des navires allemands ont tenté d’aborder la côte anglaise près de Ramsgate. Les canons anglais les ont bombardés.
Le capitaine de Beauchamp qui avait fait le raid de Nancy à Munich et où il avait jeté des bombes vient de rentrer en France après avoir été à Rome.
Les pommes de terre deviennent très rares et très chères. On nous dit que nous allons avoir des cartes de sucre.
Mercredi 29 novembre 1916
Aujourd’hui, 9 zeppelins sont allés sur l’Angleterre. Il y a eu quelques tués et plusieurs blessés. Heureusement les aviateurs anglais ont pu descendre un zeppelin qui a été brûlé et les canons anglais sont parvenus à brûler un autre, ce qui fait 2 zeppelins descendus.
Vers midi, un avion allemand est venu au dessus de Londres et a lancé plusieurs bombes sur la ville. Il y a eu quelques blessés. C’est la première fois qu’un avion allemand peut arriver sur Londres depuis le commencement de la guerre. Il y a eu un mort et 16 blessés.
Le gouvernement français a intimé l’ordre aux ministres allemands, turcs et bulgares de quitter immédiatement Athènes. La situation en Grèce reste toujours obscure. L’amiral français qui s’y trouve a aussi donné l’ordre que toutes les armes et le matériel de guerre de la Grèce doivent êtres livrées à l’Entente avant le 1er décembre.
Jeudi 30 novembre 1916
On se bat beaucoup en Serbie. Le général Sarrail et le prince de Serbie sont entrés à Monastir. Les Serbes rentrent dans leur patrie mais tout est brûlé par les Bulgares. Ils veulent avancer au-delà de Monastir.
Les Roumains reculent toujours devant les armées allemandes qui ne sont plus qu’à 50 km de Bucarest. La Roumanie est encerclée de trois côtés par trois armées allemandes.
Les fronts de la France sont assez calmes mais on est inquiet pour la Roumanie. Tous les yeux sont fixés sur Bucarest. Les Roumains n’ont pas assez d’artillerie lourde, ils ne peuvent faire face aux canons lourds allemands.
Le grand duc Nicolas vient d’être appelé par le Tsar pour aller de l’armée des Carpates avec une armée russe au secours des Roumains.
C’est aujourd’hui qu’on enterre François-Joseph dans la chapelle des Capucins à Vienne Le Kaiser et le Kronprinz sont venus à Vienne mais ils n’ont pas assisté à la cérémonie. Plus de 300 000 personnes étaient dans les rues. Les fenêtres avaient des crêpes. Beaucoup de princes allemands et autrichiens y assistaient.
L’Allemagne retire du front tous les spécialistes de la guerre. La guerre à outrance dit l’Allemagne puisque la paix est impossible. Quel printemps nous allons avoir et quelles batailles terribles en vue !
Vendredi 1er décembre 1916
Le tocsin sonne. Un taube vient sans doute pour repérer la ville. Il ne lance pas de bombe.
La lutte est toujours très vive en Roumanie. Les Allemands ne sont qu’à 30 km de Bucarest. Le général français Berthelot qui est là-bas avec une mission vient de décider avec le préfet de police de Bucarest de faire évacuer les femmes et les enfants. Les pauvres Roumains des autres villes fuient devant les Allemands qui bombardent ces malheureux réfugiés avec leurs avions. Madame André Luc qui a sa mère en Roumanie n’a aucune nouvelle. Elle ne sait pas si elle a pu s’enfuir de Bucarest, quelle inquiétude !
Notre amiral français qui est en Grèce a signifié aux Grecs qu’ils devaient remettre le matériel d’artillerie aux mains des Français. Il avait donné la date du 1er décembre comme délai. Les Grecs ont refusé. En voyant ce refus, nos troupes ont débarqué au Pirée aujourd’hui. Des marins français ont expulsé des consuls ennemis à Athènes. Que va-t-il se passer ? Nous envoyons beaucoup de troupes à Salonique.
Il y a en ce moment un très grand mouvement de troupes. Aujourd’hui, sur le cours Léopold, nous voyons des petites voitures à deux roues avec des soldats allant vers le Bois-le-Prêtre. Ce sont des petites voitures servant à porter les obus dans les tranchées. Les trains sont bondés de soldats. Craint-on une offensive sur tous les fronts ?
En Roumanie, c’est le général von Mackensen qui commande toutes les troupes allemandes marchant sur Bucarest.
Il parait que l’Allemagne a décidé que dorénavant les prisonniers en écrivant ne peuvent plus parler d’autres personnes que celle à laquelle ils écrivent. C’est encore une infamie de l’Allemagne.
Samedi 2 décembre 1916
A 1 heure de l’après-midi, un bruit formidable, c’est un obus de bombardement. La sirène et le tocsin marchent, 4 minutes après de nouveau un autre coup terrible, c’est un second obus et de nouveau un troisième obus. Nous descendons à la cave avec les enfants. La petite Colette qui dormait est descendue à la cave avec son petit lit. Le canon tonne très fort car il bombarde un taube qui est sur Nancy au moment du bombardement. Ce taube lance une bombe à la Pépinière.
1er obus dans les champs près de Tomblaine.
2e obus sur l’usine Daum.
3e obus dans le canal de décharge de la Meurthe au Pont-Cassé.
Le soir à 11 heures, tocsin et sirène. Nous redescendons à la cave avec les enfants.
1 obus rue de la Hache sur l’épicerie Rousselot
A 11h30, de nouveau la sirène mais il n’y a rien. Nous remontons de la cave nous coucher. Les enfants sont très gaies et se rendorment facilement. Quand nous entendons la sirène, Gogo qui a Colette dans sa chambre la prend avec ses couchages et la descend vite à la cave.
Dimanche 3 décembre 1916
A 2 heures du matin, sirène et tocsin, vite tout le monde descend à la cave.
Un obus sur l’hôtel de Strasbourg près du temple protestant. Nous montons à 9 heures dans nos chambres à coucher. Mais quelle nuit ! 3 fois à la cave. Heureusement que nos caves sont chauffées par le calorifère. Que je plains les pauvres gens qui ont des caves froides.
A 10 heures du matin, sirène mais il ne tombe pas d’obus. A 11 heures du matin, en allant à la messe, je vois un taube au dessus de la ville. Tocsin.
Je vais voir les dégâts. Le temple protestant est très abimé. Il n’y a plus de vitraux. Un gros morceau de la corniche est tombé.
L’hôtel de Strasbourg est éventré jusqu’au rez-de-chaussée. La maison des Houot qui touche l’hôtel est abimée. Il n’y a plus de vitres. Les persiennes sont sorties des gonds. Vis-à-vis de la place St Jean, un gros morceau d’obus est allé frapper la maison de Madame de Gonneville, a brisé les vitres, et il est tombé dans la cage d’escalier. Heureusement, il n’y avait personne dans la maison.
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