14-18Hebdo

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Carnets de guerre (Anna Vautrin) – N° 83 – 20 nov au 26 nov 1916

Document transmis par Renaud Seynave, son arrière-petit-fils - 18/11/2016

 

1910 Vautrin Alexis et Anna Coll Michel Segond.jpg

Alexis et Anna Vautrin à Nancy en 1910

 

Lundi 20 novembre 1916

Nancy est toujours calme. On n’entend pas de canon aujourd’hui ce qui nous change. La vie est très chère, tout a augmenté du double. Les œufs sont déjà à 7 sous pièce en ce moment. J’ai vu sur les journaux qu’on donnait des cartes de sucre à Neuilly. Le sucre est très rare.

 

Grande nouvelle sur les journaux ! La prise de Monastir en Serbie par les troupes serbes, françaises et Russes. C’est aujourd’hui l’anniversaire de la prise de cette ville en 1912. Cette ville avait été prise aux Serbes l’année dernière par les Bulgares. C’est le général Sarrail qui est à Salonique avec beaucoup de nos troupes françaises qui a fait cette prise de Monastir. Pauvres Serbes qui étaient chassés de leur patrie depuis un an.

 

Mardi 21 novembre 1916

Un régiment passe à Nancy, huit autos remplies de soldats se dirigent vers la Seille avec la musique. Gogo rencontre Thérèse Gegout qui lui dit que le fiancé de sa sœur Marthe a pu écrire en cachette et il dit que si la guerre continue encore longtemps, il deviendra fou. Il est prisonnier depuis le début et il est très mal. Thérèse dit que sa maison à Montmédy sert de mess aux officiers allemands. Les valeurs et son argenterie sont restées cachées dans sa cave mais les Allemands ont dû les trouver. Alfred Grandjean écrit à sa femme Marie qui est à Thiéfosse : « On dit que le régime végétarien fait du bien mais j’ai maigri de 12 kilos ». Il est toujours retenu à Briey par les Allemands.

 

On nous raconte que les taubes sont venus à Gérardmer, ils ont jeté des bombes. Madame Savignac qui était descendue à la cave en a trouvé une sur son lit sans être éclatée quand elle est remontée de la cave.

 

Mercredi 22 novembre 1916

Les Allemands traitent toujours les malheureux Polonais comme des esclaves. Les Allemands avancent toujours en Roumanie. Ils ont franchi le Danube et ne sont plus qu’à 100 km de Bucarest. Les Russes abattent un zeppelin. L’empereur d’Autriche François-Joseph est souffrant. Il a maintenant 87 ans.

 

Nous sommes tranquilles à Nancy. Pas de canon.

 

Jeudi 23 novembre 1916

Les magasins ferment à 6 heures. Nancy est plongée dans l’obscurité. Les becs de gaz sont badigeonnés de bleu. Tout est sombre. Tout le monde a maintenant des petites lampes électriques pour rentrer chez soi le soir. A minuit, le tocsin sonne. Ce sont des taubes qui veulent venir sur la ville. Ils n’ont pas pu venir.

 

Vendredi 24 novembre 1916

Il y a beaucoup de brouillard aujourd’hui.

 

A 2 heures, un coup de bombardement, au bout de 4 minutes un autre coup formidable. Nos vitres tremblent. Au bout de 5 minutes, un 3ème coup, nous en attendons d’autres mais c’est fini pour aujourd’hui. Les Allemands ne prodiguent pas ces coups de 380 car cela leur coûte 13 000 francs le coup. C’est un bombardement un peu cher.

 

On vient chercher mon mari pour aller à l’hôpital pour les blessés.

 

Le 1er obus est tombé chez Kronberg, boulevard Lobau. Le 2ème est tombé Grande Rue près de St Epvre, le 3ème est tombé dans les terrains de l’usine Früholz au Pont d’Essey. C’est le 2ème coup qui est tombé près de St Epvre qui était très rapproché de nous. C’est pourquoi nous l’avons si bien entendu.

 

Samedi 25 novembre 1916

Je suis allée voir les endroits où sont tombés les obus. Chez Kronberg, c’est sur un tas de houille. La houille a volé de tous côtés et le boulevard Lobau en était couvert. Une équipe balayait. Le 2ème obus a écrasé une maison de trois étages Grande Rue et la moitié d’une maison qui se trouvait à côté. La chapelle qui touchait n’a rien. C’est surtout la maison vis-à-vis qui a eu des victimes. On voit, dans la maison coupée en deux, des lits, armoires etc. Il y a 7 tués et 6 blessés. Une pauvre femme descendant à la cave avec un enfant sur les bras a été tuée. Son enfant a eu un bras arraché et il est mort à l’hôpital. Une petite fille de 8 ans a été tuée, un homme et une autre femme tués aussi dans leur maison. Un lieutenant de l’intendance qui rentrait a été tué dans la rue avec un soldat. Les blessés sont à l’hôpital, c’est mon mari qui les soigne.

 

Un pauvre homme a perdu sa femme, son enfant de 18 mois et une petite fille de 8 ans. Son enfant de 8 mois qui a reçu des éclats d’obus à la tête est à l’hôpital. Mon mari espère la sauver, c’est affreux.

 

Le 3ème obus n’a pas fait de victimes. Il est tombé dans les chantiers Früholz dans les terrains vagues.

 

Dimanche 26 novembre 1916

Les magasins de la maison Majorelle sont en feu. Les dessins et plans de Monsieur Louis Majorelle sont brûlés ainsi que des bois précieux des iles qu’ils avaient depuis longtemps, c’est une grosse perte.

 

Les Allemands font une levée d’hommes en masse. Ils remplacent par des femmes ceux qui étaient restés dans le civil. Le maréchal Hindenburg qui est maintenant le Dieu de l’Allemagne ordonne la levée de tous les hommes de 15 à 60 ans.

 

Quel printemps allons-nous avoir avec cette armée énorme ! Quels combats va-t-on avoir ! Ce sera effrayant. Les Allemands envoient en ce moment de nombreux Belges en Allemagne. C’est navrant ! On leur donne le choix de travailler 6 mois pour les Allemands ou d’être envoyés immédiatement en Allemagne.

 

On les embarque comme des bestiaux pour l’Allemagne, ce sont de véritables esclaves !

 

Le docteur Doyen est mort, c’est un grand chirurgien qui disparaît.



18/11/2016
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