Carnets de guerre (Anna Vautrin) – N° 56 - 1er au 7 nov. 1915
C’est le jour des morts ! L’association « Les Femmes de France » m’invite au cortège…
Arc de Triomphe de la place Carrière à Nancy le 1er novembre 1915
(Source photographique : Collections BDIC, album Valois)
Document transmis par Renaud Seynave, son arrière-petit-fils - 28/10/2015
Lundi 1er novembre 1915
Nancy est bien calme. On n’entend pas le canon. Nous allons aux offices.
Le ministère Viviani est renversé et remplacé par le ministère Briand.
Mardi 2 novembre 1915
C’est le jour des morts ! L’association « Les Femmes de France » m’invite au cortège qui va au cimetière du sud sur les tombes des soldats français. Il y a une foule immense, 16 drapeaux de toutes les sociétés. Les tombes sont très bien arrangées avec des fleurs. Le maire de Nancy fait un discours ainsi que le général. Pendant ce temps-là deux avions français, un biplan et un monoplan volent au dessus du cimetière, très bas et laissent tomber une vingtaine de bouquets liés avec des rubans tricolores sur lesquels sont écrits « L’aviation aux soldats morts ».
La foule s’en va recueillie. Les rues de Nancy sont noires de monde. On se rend ensuite au cimetière de Préville où il y a encore des discours. Le maire avait recommandé à tous les habitants de laisser les portes ouvertes pour qu’on puisse se réfugier si un taube jetait des bombes. Il y a un grand drapeau cravaté de noir au milieu du cimetière. Nous passons près des tombes musulmanes. Il y en a trois à Nancy.
Mercredi 3 novembre 1915
On se bat toujours en Champagne. Edouard écrit qu’ils reçoivent beaucoup d’obus suffocants.
La pauvre Serbie est attaquée de tous côtés par les Allemands, les Turcs et les Bulgares. Les Bulgares sont déjà à Niš en Serbie.
Juste avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, le Parlement et le gouvernement de Serbie s'installèrent à Niš et la ville devint la « capitale de guerre » du pays. Le 7 décembre 1914, le gouvernement serbe proposa la création d'un État regroupant tous les Slaves du sud. Mais, en octobre 1915, la ville fut occupée par l'armée bulgare. Le tsar Ferdinand de Bulgarie y reçut l'empereur Guillaume II d’Allemagne en janvier 1916. Niš fut libérée le 12 octobre 1918 par l'armée du voïvode Petar Bojovic (Note Wikipédia).
La Serbie avait réclamée depuis longtemps le secours des troupes alliées mais tous les pays ont trop tardé pour arriver au secours de ce malheureux peuple qui se bat comme des lions. Même les femmes et les enfants prennent les armes. Les Français ont débarqué 50 000 hommes à Salonique mais ce n’est pas assez. La Russie n’envoie aucun renfort ni l’Italie.
La pauvre Serbie va-t-elle succomber ?
La Grèce veut rester neutre ainsi que la Roumanie.
Jeudi 4 novembre 1915
Rien de nouveau, les pauvres Belges sont toujours sous la domination allemande. Plusieurs habitants de Liège et Bruxelles ont été fusillés. Une infirmière anglaise Miss Cavel vient d’être fusillée à Bruxelles. Comme elle n’était pas tout à fait morte, c’est un officier allemand qui l’a achevée en lui tirant un coup de révolver à la tête. Ce crime a soulevé l’indignation de tous les pays, l’Amérique, la France, etc.
On va donner le nom de Miss Cavel à plusieurs rues de France. Les Allemands sont des brutes et des barbares.
Vendredi 5 novembre 1915
Le canon a tonné très fort aujourd’hui. Gogo va tous les jours aux réfugiés à la Bourse du commerce pour habiller les pauvres réfugiés de tous les villages envahis. Yvonne passe ses matinées à l’ambulance des Beaux-arts pour raccommoder le linge des soldats.
Samedi 6 novembre 1915
Des prisonniers russes m’ont écrit des camps d’Allemagne où ils sont prisonniers. Je vais leur envoyer à chacun un paquet de pain car ils sont bien malheureux. Toutes les semaines, j’envoie des paquets aux prisonniers de Gercourt qui sont en Allemagne. Je leur mets un pain de 1kg fait exprès et des conserves.
Dimanche 7 novembre 1915
Le canon a encore fortement tonné mais pas longtemps. Cela doit venir du côté de Champenoux. On se bat toujours beaucoup du côté de Flirey.
Nous sommes allés aux Beaux-arts à pied avec Alexis. Il y a aux Beaux-arts un malheureux blessé qui a eu les 2 mains emportées et un œil crevé par une de nos grenades qui a explosé entre ses mains.
On a téléphoné de l’hôpital civil à 10 heures du soir à Alexis pour qu’il vienne à l’hôpital pour un capitaine qu’on venait d’amener de près de Baccarat. Ce capitaine avait fait une démonstration de crapouillot et il lui avait éclaté entre les mains. Il avait une blessure affreuse au cou et le lieutenant à côté de lui a été tué. Alexis espère le sauver.
A suivre…
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