14-18Hebdo

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Carnets de guerre (Anna Vautrin) – N° 55 - 25 au 31 oct. 1915

 

Paul écrit d’Alsace, il a invité le capitaine d’une autre Cie à diner ce soir car une torpille était tombée sur leur cuisine…

 

1915 Alexis Vautrin avec Yvonne et Marguerite.jpgAlexis Vautrin et ses deux plus jeunes filles, Yvonne et Marguerite

 

Document transmis par Renaud Seynave, son arrière-petit-fils - 13/10/2015

 

Lundi 25 octobre 1915

Journée très calme à St Amé. Paul écrit d’Alsace qu’un obus est tombé à 30 mètres de lui et que pour la première fois la vallée de St Amarin a été bombardée. Le curé de Pouxeux est parti pour la Serbie.

Mardi 26 octobre 1915

Nous lisons sur les journaux que les troupes anglaises et françaises débarquent toujours à Salonique. La Bulgarie a déclaré la guerre à la Serbie et s’unit aux Allemands et aux Turcs pour la combattre. Un Bulgare qui aidait Alexis à la clinique et qui aime beaucoup la France vient d’être appelé en Bulgarie. La pauvre Serbie est dans une situation presque désespérée et les alliés auront de la peine de la secourir à temps.

L’Angleterre avait offert à la Grèce l’ile de Chypre pour que la Grèce marche avec nous mais elle a refusé ! Elle dit qu’elle veut rester neutre ainsi que la Roumanie. Quelle guerre Européenne ! Voilà déjà 15 mois qu’elle dure.

Mercredi 27 octobre 1915

Paul écrit qu’ils reçoivent souvent des torpilles aériennes qui sont plus dangereuses que les obus car on ne les entend pas venir. Nous en avons aussi beaucoup à envoyer aux Boches.

Jeudi 28 octobre 1915

J’aide Suzanne à sortir de terre son argenterie qu’on avait enfouie dans le jardin au moment de l’invasion des Allemands qu’on craignait à Gérardmer. Rien n’était abimé mais il était temps. La caisse était pourrie et l’humidité y pénétrait. On ne craint plus heureusement l’invasion des Allemands. Il y avait des cachettes dans tout le jardin.

Le vicaire d’Eloyes est parti aussi parait-il en Serbie.

Nous partons demain pour Gérardmer où Suzanne va passer 8 jours avant de rentrer à Nancy.

Vendredi 29 octobre 1915

Nous quittons St Amé pour Gérardmer. Nous partons avec l’auto à 2 heures et nous passons par Thiéfosse pour dire au revoir à Marguerite Boucher qui doit partir lundi pour Sfax en Tunisie retrouver son mari qui est revenu de Gafsa où il était depuis 9 mois. Elle embarque lundi à Marseille pour arriver à Tunis. Le bateau met 36 heures. Il faut deux passeports avec la photographie. On est très sévère. Nous arrivons à Gérardmer à 5 heures. Je couche chez Suzanne. (Marguerite est la fille d’Alphonse et Mathilde Perrin, elle a épousé Jean Boucher frère ainé de Paul)

Samedi 30 octobre 1915

Chaque fois que je vais de chez Suzanne au village de Gérardmer il faut que je montre mon passeport car il y a un poste de gendarmerie près de la route qui va à La Bresse et qui arrête tous ceux qui passent en voiture ou à pied. Les rues de Gérardmer sont pleines de soldats alpins du 14e chasseur qui sont au repos venant du Linge où l’on s’est beaucoup battu.

On nous dit que le maire de St Nabord a 6 mois de prison pour avoir écrit à son fils que la place d’Epinal était dégarnie. Il criait souvent contre les opérations militaires et on a ouvert sa lettre qu’il écrivait à son fils. La censure est très sévère.

Paul écrit d’Alsace, il a invité le capitaine d’une autre Cie à diner ce soir car une torpille était tombée sur leur cuisine et avait aplati tout le diner préparé et les casseroles. Il y avait une gigue de chevreuil. Tout a été englouti dans la terre. Heureusement que les cuisiniers n’étaient pas là. Le capitaine est arrivé la nuit par les boyaux de tranchées pour ne pas être vu des Boches.

Paul écrit qu’il a mangé une perdrix aux choux pour son diner. C’est plutôt rare au sommet de l’Hilsenfirst. C’est une perdrix qui a été tuée en terrain neutre entre les tranchées françaises et allemandes. On a attendu le soir pour aller la ramasser car pendant la journée cela est impossible de peur des balles.

Suzanne me montre le couteau que l’on distribue maintenant aux soldats pour s’en servir dans les tranchées contre les Allemands. Ils en ont aussi. C’est affreux cette guerre ! On se sert de tous les instruments de guerre qu’on avait autrefois : des crapouillots, flèches, grenades, baïonnettes et couteau.

Victor Perrin est à Versailles pour surveiller les avions. Il a demandé de partir sur le front pour être dans une batterie. Il ne peut pas sortir du fort de Versailles.

Dimanche 31 octobre 1915

Un taube vient sur Gérardmer. Il passe au dessus de la maison de Mr Boucher. Le canon qui est au dessus de Ramberchamp se met à tonner. Nous voyons très bien tous les flocons de fumée des shrapnels autour de l’avion. Il jette une bombe près du chalet La Toquade à Ramberchamp. Je suis allée voir le trou qui est grand de deux mètres de largeur. La bombe s’est enfoncée dans un pré près du lac dans un terrain mouvant. Nous sommes allés au cimetière voir avec Suzanne les tombes des soldats qui sont très bien arrangées pour la Toussaint. Il y a aussi les tombes des Allemands.

Je pars à 2 heures de Gérardmer pour Nancy.

A suivre…



23/10/2015
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