Carnets de guerre (Anna Vautrin) – N° 53 - 11 au 17 oct. 1915
Un taube suit notre train. Des canons du fort d’Arches tirent sur lui…
Alexis et Anna Vautrin avant la guerre
Document transmis par Renaud Seynave, son arrière-petit-fils - 01/10/2015
Lundi 11 octobre 1915
Rien de nouveau. J’apprends qu’une famille de Malzéville avait reçu la nouvelle de la mort de leur fils. Il y a plusieurs mois, son corps avait été ramené à Nancy et les parents l’avaient fait mettre dans leur caveau quand, ces jours-ci, ils ont reçu une lettre de leur fils qui dit qu’il est prisonnier en Allemagne. Les parents ont été très heureux de la bonne nouvelle et ne savent pas quel est le corps qui est dans le caveau. Sans doute dans le fort de la bataille, on s’est trompé de corps.
Mardi 12 octobre 1915
Rien de nouveau
Mercredi 13 octobre 1915
Monsieur Perrin, le neveu du docteur Perrin est parti à Salonique.
Jeudi 14 octobre 1915
Canon très fort à 10h du soir et à 2h du matin. Nous apprenons que les deux gendres du docteur Weiss sont tués. Madame Level vient de perdre son 4ème fils à la guerre. C’est affreux pour cette pauvre femme restée veuve. Monsieur Rouague (le beau-frère de monsieur Meyer, doyen de la faculté de médecine) vient aussi d’être tué dans l’offensive de Champagne. Son corps n’a pu être ramassé que deux jours après. Sa pauvre femme ne sait pas s’il a beaucoup souffert ou s’il est mort sur le coup.
Vendredi 15 octobre 1915
Un taube vient sur Nancy. Il passe au dessus de notre maison et jette une bombe cours Léopold chez Madame Beauchet. La bombe tombe sur le mur du jardin, une 2ème bombe rue du Montet, une autre faubourg Stanislas et plusieurs sur Villers. Il y a une blessée. Le canon tonne et on voit les flocons de fumée des shrapnels au dessus de notre maison. Nous voyons très bien le taube disparaitre.
Samedi 16 octobre 1915
Je pars à 8 heures pour St Amé où je vais passer 15 jours auprès de Suzanne qui est là car il y a trop de taubes qui lancent des bombes à Gérardmer. Un taube suit notre train. Des canons du fort d’Arches tirent sur lui. Je compte plus de 60 flocons de fumée de shrapnels. J’entends des shrapnels qui tombent sur mon wagon. Cela fait du bruit comme de la pluie très forte. Près de Remiremont, c’est le fort du Parmont qui tire. J’apprends à Remiremont que le fort d’Arches en tirant sur le taube a envoyé un de nos obus de 75 sur la maison de Madame Humbel à Eloyes. L’obus est entré par la fenêtre de son salon à travers la persienne de fer. Il a fait un gros trou dans un tapis d’Aubusson, cassé 2 chaises puis a fait un trou dans le parquet et a éclaté dans la cave en cassant de nombreuses vitres. Les dégâts seraient à peu près de 7 000 francs.
Des artilleurs du fort d’Arches sont venus chez Mme Humbel constater les dégâts et surtout la manière dont l’obus a été tiré. Un obus tiré d’un fort ne doit jamais arriver de côté mais toujours du haut. Les artilleurs du fort avaient donc mal tiré.
J’arrive à midi à St Amé, Suzanne et Annette sont à la gare pour me recevoir. Nous montons dans une vieille voiture de l’usine pour arriver à la villa qui est très agréablement située.
Dimanche 17 octobre 191
Nous allons à la grande messe avec Annette. Le bon Jeannot est très amusant et commence à parler. Il aime beaucoup qu’on lui lise les images mais toujours les mêmes. Dans l’après midi nous allons avec l’auto à Docelles. On nous dit que Maurice qui fait partie d’un état-major de brigade est près de Somain. Georges Cuny est toujours près de Soissons dans l’artillerie lourde et Georges Boucher prisonnier à Wolbeck dans le Hanovre. Il écrit maintenant des lettres navrantes. Il dit qu’ils sont dans une petite maison et il faut se coucher comme dans les bateaux, l’un au dessus de l’autre.
A suivre…
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