14-18Hebdo

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Carnets de guerre (Anna Vautrin) – N° 16 - 25 au 31 janvier 1915

 

Anna Vautrin, 48 ans en 1914, née Perrin, a épousé Alexis Vautrin professeur à la Faculté de médecine de Nancy. Alexis et Anna Vautrin habitent à Nancy, cours Léopold, et ont une maison au bord du lac de Gérardmer, « les Roseaux ». Ils ont quatre filles : Suzanne épouse de Paul Boucher qui ont deux enfants : Annette et Jean, Madeleine épouse d’Edouard Michaut qui ont une petite Colette, enfin Marguerite et Yvonne.

Document transmis par Renaud Seynave, son arrière-petit-fils - 21/01/2015

 

1910 Vautrin Alexis et Anna Coll Michel Segond.jpgAlexis et Anna Vautrin en 1910

Lundi 25 janvier 1915

Edouard écrit du nord : « Les boches se servent de fusées éclairantes, sorte de fusées de feu d’artifice qui éclairent pas mal le paysage. Canonnade ininterrompue hier, j’ai compté 12 obus allemands de suite tirés tout près et qui n’ont pas éclaté ; on entendait à merveille le sifflement. Le 13e obus a fait un peu moins de bruit, le 14e et 19e n’ont pas éclaté. » Rien de nouveau à Nancy.

Mardi 26 janvier 1915

Gogo revient de Docelles. Les Anglais étaient déjà partis. Suzanne nous écrit de Gérardmer qu’elle reste encore quelques jours car elle espère pouvoir encore une fois aller voir Paul en Alsace avant de revenir à Nancy. M. Henry Boucher est allé jusqu’à Thann mais n’a pas pu voir Paul qui était dans les tranchées.

Maurice Boucher quitte l’ambulance de Grandville. Il a quelques jours de permission qu’il va passer à Angoulême chez Maguy Laroche-Joubert. Paul Laroche-Joubert qui était à Royan pour garder un phare vient d’être renvoyé à Angoulême chez lui. Le gouvernement va installer une poudrerie dans sa papeterie et on l’a désigné pour être l’ingénieur puisqu’il sort de Centrale. Il va donc retourner chez lui avec Maguy, ce sont des heureux.

Mercredi 27 janvier 1915

Gogo va toujours pendant toute sa matinée aux réfugiés. Elle distribue des paquets de vêtements à ces pauvres gens chassés de leurs foyers.

Edouard écrit du nord à Madeleine : « Hier, alors que je procédais tranquillement à ma toilette dans le grenier de la ferme où nous habitons, d’autres batteries envoyaient quelques projectiles aux nombreux aéroplanes qui sillonnaient l’air, tout à coup une balle de shrapnel est venue percer une tuile avec violence au dessus de ma tête et s’est abattue sur le plancher. Les taubes sont rentrés tranquillement. Les boches n’ont pas cessé de tirer toute la nuit. »

Jeudi 28 janvier 1915

En rentrant chez moi dans l’après-midi, j’ai vu dans la rue Stanislas 8 prisonniers allemands qui passaient, conduits par trois gendarmes. Deux d’entre eux avaient des casques et les autres avaient la tête couverte de calottes. Ils avaient de bons manteaux et marchaient au pas de parade. Ils avaient été faits prisonniers à Emberménil près de Lunéville. On les dirigeait à l’hôpital civil et de là on les enverra à la gare pour être dirigés dans le centre de la France.

Vendredi 29 janvier 1915

Ce matin à 5h, violente canonnade jusqu’à 6 heures, on nous dit qu’un taube a voulu venir sur Nancy mais qu’on l’a arrêté par nos batteries. Ce n’est pas un taube mais un zeppelin qui tentait de venir sur Nancy. Il a été arrêté près d’Arracourt par nos batteries.

Edouard écrit qu’il n’y a rien de nouveau dans le nord. On canonne de temps en temps.

Samedi 30 janvier 1915

Aujourd’hui à 1h de l’après-midi, un taube est passé sur Nancy. Nous l’avons très bien vu du jardin. Nos batteries lui ont donné la chasse. On voyait très bien les flocons de fumée blanche autour du taube. Il était très haut et il s’est élevé encore plus, au moins à 2 000 mètres. Nos batteries n’ont pas pu l’atteindre. Cela était très intéressant de suivre la chasse. Le taube a lancé 6 bombes qui n’ont pas fait grand mal.

Une bombe rue d’Algérie qui est tombée dans la terre, une rue Victor sans faire de dégâts, deux bombes sur la gare St Georges sans dégâts, une bombe chez Mme H… près des grands moulins, elle est tombée dans un jardin en cassant 2 sapins et en faisant un gros trou dans la terre. La sixième bombe est tombée dans la cour de l’école des grands moulins. En voyant le taube, l’instituteur avait fait rentrer les enfants dans l’école. Heureusement car la bombe est tombée dans la cour et aurait certainement tué plusieurs enfants. Toutes les vitres ont été cassées et un enfant a été blessé par des éclats de vitres. J’ai vu à l’école des grands moulins et chez Mme H… les trous creusés par les bombes. Le taube a lancé des fléchettes près des grands moulins. Un enfant a été blessé au pied par une flèche. Quels barbares !

J’ai rencontré le peintre Emile Friant avec qui j’ai parlé de cette visite du taube. Il me disait qu’il fallait faire très attention d’entrer dans une maison en apercevant un taube car nos projectiles en retombant peuvent causer la mort des personnes. Monsieur Kronberg me disait qu’un obus de 75 que nos canons tiraient sur le taube était retombé dans un de ses chantiers sans éclater. Il a fait venir un artilleur pour venir le prendre. On peut par conséquent recevoir les obus qui retombent ou des balles de shrapnel.

Dimanche 31 janvier 1915

Un taube est encore venu sur Nancy. Je l’ai aperçu en passant place Stanislas. Nos canons n’ont pas tiré. Le canon gronde très fortement toute l’après-midi. Cela doit venir du côté de Pont-à-Mousson.

Je vois sur le journal qu’il y eu 2 taubes sur Remiremont qui ont lancé deux bombes sans faire de mal. A Bruyères, il y a eu aussi un taube. C’est la première fois que les taubes viennent sur Bruyères et Remiremont.

Il parait que les milords anglais qui étaient à Docelles sont maintenant à Bruyères pour quelques temps.

A suivre…



23/01/2015
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