14-18Hebdo

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8e semaine de guerre - Lundi 21 septembre au dimanche 27 septembre 1914

LUNDI 21 SEPTEMBRE 1914 - SAINT MATHIEU - 50e jour de la guerre

MARDI 22 SEPTEMBRE 1914 - SAINT MAURICE - 51e jour de la guerre

MERCREDI 23 SEPTEMBRE 1914 - SAINT LIN - 52e jour de la guerre

JEUDI 24 SEPTEMBRE 1914 - NOTRE-DAME DE LA MERCI - 53e jour de la guerre

VENDREDI 25 SEPTEMBRE 1914 - SAINT FIRMIN - 54e jour de la guerre

SAMEDI 26 SEPTEMBRE 1914 - SAINTE JUSTINE, VIERGE ET MARTYRE. - 55e jour de la guerre

DIMANCHE 27 SEPTEMBRE 1914 - SAINTS COME ET DAMIEN - 56e jour de la guerre

Revue de presse

-       L'ennemi a repassé la frontière en Lorraine

-       La cathédrale de Reims incendiée par les obus allemands

-       L'ennemi est partout repoussé avec des pertes considérables

-       Après huit jours de bataille, les armées allemandes sont toujours sur la défensive

-       Devant Maubeuge, les Allemands auraient perdu 40,000 hommes

Morceaux choisis de la correspondance

21 septembre - ELLE.- Maman va mieux aujourd’hui. Les majors qui l’avaient soignée dimanche lors de sa fracture, étant restés à Bruyères depuis leur départ d’ici, sont venus aimablement la revoir aujourd’hui. Ils ont trouvé son bras en très bon état. C’était vraiment bien gentil à eux de se déranger ainsi. Ils faisaient partie d’un groupe de 16 ambulances, 13 sont déjà occupées sur le front : Rambervillers, Baccarat, St-Dié, Raon, Bruyères où ils ont beaucoup de gravement malades, qu’on ne peut évacuer trop loin et qu’on ne veut pourtant pas laisser trop près des batailles puisque les Allemands sont encore à Senones.

Je crains que la guerre ne dure longtemps.

23 septembre - ELLE.- J’ai reçu ta bonne grande lettre du 20 sept. ce matin et suis contente de voir que tu t’es décidé à acheter un manteau chaud car je crains que la guerre ne dure longtemps. En la place d’Epinal où nous sommes allées hier Thérèse et moi pour avoir des nouvelles de Georges, on nous disait au contraire que si on gagnait la bataille de l’Aisne comme celle de la Marne, ce serait fini dans un mois. Les gros engagements peut-être, mais les préliminaires de la paix dureront à mon humble avis encore de longs jours.

 

Nous n’avions donc plus de nouvelles de Georges depuis qu’il était parti pour l’armée de la Marne et débarqué à Vassy. Les gens du pays en avaient reçu de presque tous leurs combattants, aussi Maman se désolait, elle n’a fait que pleurer toute la soirée de lundi. Hier nous avons résolu d’aller à Epinal au gouvernement où nous avons comme aimable donneur de laissez-passer et de renseignements le grand soutien de Simonnet. De suite, il nous a rassurées en nous disant que le 16 sept. en tout cas, Georges allait très bien, qu’il avait échappé encore une fois à un gros accident : il causait avec 3 lieutenants dont le Lt Dumont lorsque un obus de pièce lourde allemande vient s’abattre au milieu d’eux tuant 2 des lieutenants, Mr Dumont et Georges complètement indemnes. Mr Manuel a ajouté « par ces temps pénibles, pas de nouvelles, bonnes nouvelles, on nous prévient toujours ici des malheurs arrivés aux officiers de nos régiments ». Oui, ai-je dit, mais Georges n’est pas officier, il n’est qu’adjudant. C’est vrai, mais connu de tous nos officiers qui ne manqueraient pas de nous prévenir s’il lui arrivait quelque chose. En ce moment, ils sont dans les environs de Reims, tu vois, en contact avec l’ennemi.

Je viens d’enterrer deux de mes lieutenants qui ont été tués hier à côté de moi.

En rentrant, nous avons trouvé Maman toute ragaillardie, elle avait reçu une carte de Georges du 17 ainsi conçue « Je viens d’enterrer deux de mes lieutenants qui ont été tués hier à côté de moi. Nous avons pu leur avoir un service religieux, avec comme orgues le formidable son du canon à gros calibre allemand, cette cérémonie était extrêmement poignante. Je vais bien et pense beaucoup à vous. Si cette affreuse guerre se terminait seulement. Toute ma tendresse. » Tu vois que l’homme qui affectait de ne croire à rien semble devenir plus sensible, on sent en tout cas qu’il est affecté de toutes les tristesses qu’il voit autour de lui. Pauvre Georges, pourvu que sa bonne chance continue, mais si la guerre ne cesse pas bientôt, combien en reviendra-t-il ? On n’entend parler que de deuils, on n’ose presque pas le dire tout haut, mais on en vient à désirer que nos frères soient blessés pour ne plus continuer à combattre.

 

Sur le front, il commence à en avoir pas mal de malades qui ont pris froid dans les tranchées, beaucoup de bronchites, d’angines etc. Ceux qui sont du côté de Thann n’ont pour la plupart jamais couché que dans les tranchées depuis le début de la guerre. Comme nos hommes les font bien moins bien que les Allemands qui les recouvrent avec des volets, des portes, des planches qu’ils prennent dans les villages voisins, y transportent même des matelas dans le rond-point qu’ils appellent chambre de repos, nos hommes, dis-je, souffrent beaucoup de cette situation, surtout depuis les derniers froids.

 

Maurice s’est ré-avancé aussi, sa dernière carte était datée de Cirey du 17. En somme les Allemands ne sont encore guère loin, ils sont encore à Senones et Provenchères et nous réentendons le canon très fortement aujourd’hui.

 

Hier, en allant à Epinal, j’ai conduit la petite Zèbre pendant une dizaine de kilomètres. Ce n’est pas difficile du tout.

 

A Epinal vu Thiébaut Willig, Henri Kempf, Georges Vourion, François Antoine, tous quatre automobilistes. Ils sont amusants ces braves, ils ont évidemment fait les démarches nécessaires pour avoir cette petite sinécure et maintenant ils affectent de dire qu’ils aimeraient bien mieux être au front et se battre. J’ai eu envie de leur dire « changez donc avec Maurice, il sera assez heureux d’avoir votre place et d’être en sécurité au lieu de se demander toujours si la minute qui passe ne sera pas la dernière ».

Nous voudrions seulement apprendre que les Russes marchent un peu plus vite, je trouve qu’ils traînent beaucoup et ne font plus rien de bon, et nous craignons que la guerre ne dure bien longtemps.

25 septembre - ELLE.- Rien de nouveau aujourd’hui à te conter, notre vie se continue très calme, le village depuis 12 jours a repris son aspect ordinaire sans troupes, sans convois. On entend encore le canon du côté de St-Dié ou Senones, mais cela ne nous impressionne plus, nous commençons à nous y habituer. Nous voudrions seulement apprendre que les Russes marchent un peu plus vite, je trouve qu’ils traînent beaucoup et ne font plus rien de bon, et nous craignons que la guerre ne dure bien longtemps.

 

Nous avons vendu du papier ces jours-ci à des imprimeurs d’Epinal et de Remiremont pour plus de mille francs, cela permettra à Maman de payer les contributions sans reprendre de l’argent à la Banque qui y porte intérêt, c’est toujours autant, il y a 2 600 F. à payer, il restait 1 500 F. dans la caisse, avec ce papier vendu, cela fera presque le compte. Quant aux contributions de la filature, on attendra la fin de la guerre. Mr Diter, de la Banque de Mulhouse, me disait mardi que nous n’étions pas forcés de payer, seulement il donnait le conseil de le faire pour le Grand Meix[1] puisque Maman est restée et qu’elle peut retirer de l’argent à la banque si elle en manque, c’est une œuvre patriotique, disait-il.

 

Les hommes sont encore en grande partie employés dans les forts de sorte qu’on n’a pas à les occuper et à faire remarcher l’usine. Quant aux femmes de mobilisés, elles ont touché des secours. Avec ces secours si larges donnés par l’Etat, la charité privée est ainsi dispensée d’agir, cela vaut bien mieux pour nous, nous évitons ainsi les coups de sonnette quémandeurs.

 

Je viens d’être interrompue par un soldat automobiliste qui revenait à Epinal et qui nous apportait une carte de Maurice, toujours en bonne santé mais en contact avec les Allemands un peu au nord de la ligne Baccarat-Lunéville. Il dit que les nuits dehors deviennent terriblement froides et s’effraie de la campagne d’hiver qui va commencer. Ce soldat est du groupe sanitaire automobile. Comme il n’y a que de petits engagements de ce côté et qu’ils y sont presque inutiles, on les renvoie vers Toul, un peu plus au nord, où on se bat rudement ces jours-ci, paraît-il.

 

Marie K. a reçu hier une carte de Georges datée du 21 septembre. Il disait comme Maurice qu’il s’effrayait de l’hiver et se demandait comment on arriverait à sortir de la boue de la Champagne.

 

Les enfants, sauf Noëlle décidément dans une mauvaise veine, travaillent bien. Tout irait donc à merveille si tu étais avec nous, mon aimé chéri, hélas, quand nous retrouverons-nous dans notre chère maison ?

Sais-tu que je la conduis très bien maintenant la Zèbre, c’est très facile. Si on est encore en fonds l’an prochain, nous en achèterons peut-être une.

27 septembre - ELLE.- J’ai reçu ta lettre du 24 ce matin. Tu vois que le courrier est rapide pour venir ici, si seulement il en était de même pour aller à Besançon, que tu aies des nouvelles un peu plus fraîches, mais on m’a encore assuré que toutes nos lettres arrivent à la poste à Epinal, qu’on les enfouit dans des sacs avec la note « à expédier telle date », c’est toujours huit jours après, voilà l’explication du retard de nos lettres. J’espère que maintenant, cela ira plus vite puisque nous sommes presque sortis de la zone des armées, depuis quinze jours nous n’en avons plus à loger.

 

Maurice est toujours sur la Vezouze vers Ogéviller, ses dernières nouvelles apportées par un automobiliste étaient toujours bonnes. Son adresse est Lieutenant Boucher – 349e Rt d’infanterie – 20e compagnie par le dépôt - Epinal. Il a écrit à sa femme que son commandant, le seul chef qui reste à son régiment, vient de le proposer à titre définitif pour le grade de capitaine. Tu sais que le capitaine qui les commandait au col de Ste Marie était le capitaine Retournard que tu connaissais. Il a été blessé et se soigne à Nevers.

 

Quant à Georges, à la place à Epinal, on nous avait dit qu’il était dans les environs de Reims le 17 sept. quand un obus a donc tué 2 lieutenants. Et aujourd’hui, Roman le magasinier, qui est infirmier à Chaumont, vient d’arriver en permission. Il a vu hier un blessé du 4e chasseurs qui lui a dit que, le 23, Georges était en bonne santé et que le régiment était à Apremont (Meuse). Je me suis précipitée sur la carte et je vois 2 Apremont, l’un près de St Mihiel et l’autre au nord du département près de Montfaucon. Ce dernier serait plus près de Reims et leur séjour sur ce point semblerait plus vraisemblable que le premier. Mais tout dépend de ce que font ces Allemands qu’on a bien du mal de déloger. Si tu veux lui écrire, il faut adresser : Adjudant G. Boucher, 4e Régt de chasseurs à cheval, 5e escadron par le dépôt de Gray.

 

Ces jours-ci on a appris que beaucoup de jeunes Docellois sont blessés mais pas grièvement. Jean Champion est à l’hôpital de Chaumont, il a eu le poumon traversé par 2 balles, son état a été assez grave au début, mais semble s’améliorer.

 

Je pense aller un de ces jours à Cornimont ; je me réjouis de voir si ma maison est enfin délivrée de la soldatesque qui l’envahissait, et si mes bonnes ont encore trouvé quelques fruits dans le parc malgré la présence de tous les artilleurs. En allant à Epinal mardi, j’ai demandé à Mr Manuel un laissez-passer bleu pour Cornimont. Il a laissé la date en blanc que je mettrai quand je voudrai. C’est très commode ainsi. J’irai en Zèbre avec Maurice Kommer. Sais-tu que je la conduis très bien maintenant la Zèbre, c’est très facile. Si on est encore en fonds l’an prochain, nous en achèterons peut-être une.

 

Maman a reçu hier une lettre très aimable de Jean Boucher de Sfax. Il nous dit qu’Henry va très bien, qu’on prend beaucoup de réservistes zouaves pour combler les vides de France. Jusqu’alors ils n’ont pas été appelés ni l’un ni l’autre, tant mieux pour Henry surtout qui n’est que caporal et qui souffrirait beaucoup du port du sac lourdement chargé.

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 27/09/1914 (N° 1240)

Non disponible dans Gallica.bnf.fr

Thèmes qui pourraient être développés

  • La cathédrale de Reims
  • Les médecins militaires et leurs soins aux civils
  • La Zèbre
  • Les automobilistes
  • Les contributions (lettre 25/09/14)
  • La zone des armées
  • Religion - Fête religieuse - Notre-Dame de la Merci - 24 septembre


[1] Grand-Meix, nom social de la Papeterie familiale à Docelles



19/09/2014
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