14-18Hebdo

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85e semaine de guerre - Lundi 13 mars au dimanche 19 mars 1916

 

LUNDI 13 MARS 1916 - SAINTE CHRISTINE - 589e jour de la guerre

MARDI 14 MARS 1916 - SAINTE MATHILDE - 590e jour de la guerre

MERCREDI 15 MARS 1916 - SAINT LONGIN - 591e jour de la guerre

JEUDI 16 MARS 1916 - SAINT CYRIAQUE - 592e jour de la guerre

VENDREDI 17 MARS 1916 - SAINT PATRICE - 593e jour de la guerre

SAMEDI 18 MARS 1916 - SAINT CYRILLE DE JERUSALEM - 594e jour de la guerre

DIMANCHE 19 MARS 1916 - REMINISCERE - IIe DIM. DE CAREME - 595e jour de la guerre

Revue de presse

-       Le bombardement reste toujours actif sur les deux rives de la Meuse - Le Kronprinz prépare sans doute un nouvel effort

-       Guynemer abat son huitième avion boche

-       Les armées italiennes prennent une offensive générale sur tout le front - Les forts de Gorizia violemment bombardés

-       On prépare la rentrée du Reichstag

-       La prochaine élection présidentielle aux Etats-Unis

-       L'ennemi a déclenché une très forte attaque entre Béthincourt et Cumières

-       La violente bataille autour du "Mort-Homme"

-       Le manque de pain en Allemagne

-       Est Africain - Les Allemands battus à Kitovo

-       L'action du Kronprinz paraît décousue

-       Von Tirpitz démissionne

-       Les Italiens progressent sur la hauteur dominant Lucinico - Au sud-est de San Marino ils repoussent une violente attaque ennemie

-       Le général Gallieni démissionne pour raisons de santé - Le général Roques ministre de la Guerre

-       Le gouvernement mexicain accepte l'intervention des Etats-Unis

-       Les Russes après un combat ont occupé Mamahatun à 80 verstes d'Erzeroum

-       Guynemer blessé

 

Morceaux choisis de la correspondance

Je ne voudrais pas que mon Geogi soit mécontent de sa femme quand il rentrera et qu’il retrouve ses enfants plus mal ou plutôt moins bien qu’il ne les a laissés.

13 mars - ELLE (Arcachon).- Je suis avec les enfants dans la forêt où Elise m’a apporté ma chaise longue. Il y a un bon grand coin qui est déboisé et où le sable de la dune est à nu, on peut y creuser des trous comme sur la plage et les enfants l’ont appelée plage de la forêt. Tout autour ce sont des pins, on n’y sent pas l’air de la mer et de bonnes journées ensoleillées comme celles que nous avons depuis jeudi dernier doivent faire du bien aux délicats comme Robert et moi, du moins je l’espère. J’ai reçu ta lettre ce matin. Mon pauvre Geogi a l’air de craindre que je succombe à la tentation d’élever nos enfants comme de petits princes ou comme les petits Nicolas. Voilà ce que c’est de vivre séparés depuis si longtemps, on ne sait plus ce que sa femme pense et on l’accuse à tort. Tu sais bien que loin de vouloir donner à nos enfants des idées de luxe et de farniente, je voudrais les élever simplement comme nous l’avons été et avec des habitudes de travail comme tu en as. Le premier est facile, c’est déjà pour cela que je n’ai pas choisi une plus belle villa ici. Tu as eu d’ailleurs les échos de l’opinion de Mr Dédé. Pour le second c’est plus difficile, car le travail est évidemment une chose ennuyeuse pour les enfants et, comme en ce moment je fais peu de choses, ils n’ont pas un grand exemple d’activité et de travail. A Docelles, ils voyaient Maman, il est vrai, comme ils te verraient à Cornimont. Mais néanmoins je t’assure que je fais tout le possible pour leur inculquer les principes que je te sais aimer, et que je cherche à les faire travailler le plus possible. Je ne voudrais pas que mon Geogi soit mécontent de sa femme quand il rentrera et qu’il retrouve ses enfants plus mal ou plutôt moins bien qu’il ne les a laissés.

 

Ils font quelquefois des réflexions bien amusantes entr’eux quand ils ne savent pas qu’on les entend. Ainsi hier André et Noëlle se disputaient et tout d’un coup j’entends André dire : « Tu sais je le dirai à Maurice Blech que tu veux épouser, je lui dirai que tu as un mauvais caractère et que tu griffes ». « D’abord tu ne le verras plus Maurice Blech puisqu’il n’habite plus St Dié et puis tu n’as pas besoin de dire que je veux l’épouser, Maman m’a dit que ce n’étaient pas les jeunes filles qui demandent leur mari, donc c’est à lui à me demander ». « Eh bien ! Justement je lui dirai que tu es méchante et il ne te demandera pas ». Tu vois ces petites gens qui parlent déjà mariage, on devient précoce.

 

Thérèse est restée à la maison pour écrire des lettres et je suis donc seule ici avec mes trois, Françoise et Elise. Ils sont très sages. Noëlle et André ont une leçon d’histoire à apprendre, mais comme tu le sais, les leçons apprises dans les bois vont la moitié moins vite que dans la chambre. Ils ont le règne de Louis XIV à repasser et ils s’embrouillent dans tous les traités et leurs dates, Westphalie, Pyrénées, Aix-la-Chapelle, Nimègue, Utrecht, etc., cela me les remet en mémoire.

 

J’ai vu dans les journaux qu’on va encore appeler la classe 88. Je me demande quelle aberration pousse le ministre ? Que fera-t-il au point de vue guerre d’hommes de cet âge qui au contraire peuvent tenir une place très utile dans l’agriculture et l’industrie. A la fin, ils feront si bien que la vie deviendra encore plus difficile et chère. Voilà par exemple Boullery qui travaillait tant chez nous qui, à Langres, ne fait que porter les plis de l’état-major. Pour cet ouvrage, une femme ou un vieux retraité suffirait bien, ou un mutilé. Enfin il faut accepter et trouver tout bien.

 

14 mars - ELLE (Arcachon).- Je viens me reposer de mon après-midi à faire des calculs de prix de revient en causant un peu avec toi et en t’embrassant. Je suis sur mon balcon et n’en ai pas bougé toute la journée. Les enfants sont allés se promener avec Elise dans la forêt comme toujours, puisqu’on a émis la règle d’y passer la plus grande partie des après-midi. Robert y est aussi, il ne tousse plus du tout.

 

Maman nous annonce son retour pour mardi prochain, j’en suis bien contente, car elle pourra un peu se reposer et, si Bigaut ne lui est pas laissé à partir du 30 mars, elle ne pourra sans doute plus revenir après. Dans le renouvellement de sursis de Bigaut pour le mois de mars, il était mis que c’était pour donner le temps de le remplacer, de sorte que je crains qu’on ne le lui laisse plus.

 

J’ai reçu une bonne lettre de Cécile qui m’annonce qu’elle a de bonnes nouvelles de son mari en date du 6 mars. Il lui dit que son régiment n’a eu que des pertes insignifiantes en regard des bombardements subis. Il a un petit gourbi avec une paillasse pour dormir et il dit qu’il n’y fait pas chaud et que l’aumônier du régiment couchant avec lui le réchauffe. Le brave Camille, cela doit le changer, lui qui toute l’année dernière logeait dans des châteaux.

 

Cécile était allée ainsi que Maman au service d’Edouard, elles ont fait le voyage de retour ensemble et Maman m’écrit combien elle a trouvé Cécile gentille et gaie, c’est évidemment la plus charmante des trois.

 

Cécile me dit qu’ils ont de bonnes nouvelles de Marguerite. Jean peut revenir de temps en temps à Sfax, il paraît que la végétation en Tunisie n’a jamais été si belle. Mais Marguerite voudrait bien que les sous-marins cessent leurs exploits et lui permettent de revenir avant les fortes chaleurs. Toujours pas de nouvelles d’Alfred qui doit entendre le canon de Verdun et doit voir l’envers de la bataille.

 

Je pense que Maguy va venir en même temps que Maman. La pauvre Maguy a une sainte terreur de la coqueluche. Dans toutes ses lettres, elle me demande si mes enfants toussent encore. Il y a longtemps qu’ils ne sont plus contagieux, mais elle prend maintenant tout à fait la manière L.J. qui exagère prudence et précautions.

 

Mon Gi chéri, je voudrais bien que dans vos lettres vous me parliez un peu plus de vous et un peu moins de moi. Racontez-moi vos faits et gestes, ce que vous dites et pensez, ce que vous voyez, etc. Comme je te disais, quand tu revenais d’un voyage quelconque, comme celui de Charmes : « Maintenant le chéri va me dire tout ce qu’il a vu et entendu ». Tu connais ma curiosité, c’est un défaut qui ne se corrige guère.

 

Je voudrais savoir que vous ne pataugez plus dans la boue. Je reçois à l’instant ta lettre du 11 et suis contente de penser que tu vas sinon faire un peu de musique, du moins en entendre, tu vas rêver en musique et chantonner le bouquet en t’endormant. Je pense que tu as emporté de Soissons tous les appareils téléphoniques que tu y avais installés.

 

Il me semble que les jours sont si lents à passer sans toi, les heures me semblent plus longues ici dans ce calme, sans un bruit que le clapot de la mer.

Ici, rien, on se sent désespérément loin.

15 mars - ELLE (Arcachon).- J’ai le cafard aujourd’hui, est-ce parce que tu m’en parlais dans ta lettre d’hier ou est-ce plutôt un effet de fatigue mais je suis dégoûtée de moi et de tout, et j’aurais besoin de la présence de mon chéri pour me secouer et me redonner du calme dans l’esprit. Il me semble que les jours sont si lents à passer sans toi, les heures me semblent plus longues ici dans ce calme, sans un bruit que le clapot de la mer. A Docelles on entendait quelques échos du dehors et, pendant mes stations de l’après-midi sur ma chaise longue, j’étais parfois distraite par des passages de soldats, des camions, le son d’un canon lointain. Ici, rien, on se sent désespérément loin. C’est presque effrayant cet amour du sol natal que j’ai. Quand je disais que nous quitterions les Vosges, si les Allemands les annexaient, j’en aurais un bien gros déchirement de cœur à en juger par le spleen qui me prend dès que je m’en éloigne. Tu dois te dire que je ne suis qu’une enfant, mon pauvre chéri et il ne me sied guère de me lamenter à toi qui es autrement seul que moi et qui as une vie toute de sacrifice et de devoir morne et austère. Pardonne-moi, je vais me surmonter et demain il n’y paraîtra sans doute plus et, si tu étais avec moi, un baiser de toi, doux et tendre, me remettrait de suite.

 

J’ai cherché aux enfants un professeur de solfège et piano et ai trouvé une dame qui est ici depuis plus d’un an : femme d’un artiste, professeur à la Schola Cantorum à Paris, son mari est au front, il était à Crouy l’an dernier comme sergent. Elle ne donnait plus de leçons depuis son mariage et elle s’y est remise sans doute depuis la guerre, car elle m’a dit que la vie était chère quand on avait trois petites filles. Les enfants commenceront demain, elle fera faire à chacun 20 minutes de piano et ensemble 20 minutes de solfège dont ils n’ont pas la moindre idée. Cette perspective ne souriait pas à Mr Dédé. Quand j’ai annoncé mon projet, il a d’abord fait la grimace puis il m’a demandé : « Est-ce que cette dame est jolie ? Est-ce qu’elle sent bon ? Alors cela ira déjà mieux ». Tu sais que Mr ton fils fait très attention au physique des gens, il a tout de suite fait d’en voir les défauts et les qualités et je crains qu’il ne soit plus tard comme son polisson d’oncle Georges Boucher, trop amateur des jolies femmes parfumées, car maintenant déjà il les regarde volontiers.

 

Nous avons dans la maison voisine les Fabien Henrion de Nancy qui sont ici depuis le 1er janvier, s’étant éloignés à cause des bombardements. Il y a plusieurs jeunes femmes ou jeunes filles et quatre bébés dont l’aîné semble avoir 6 ans. On reçoit beaucoup, ils connaissent sans doute des familles qui sont à l’hôtel et cela fait l’admiration des bonnes, car il y a sept domestiques, auto, une des dames monte à cheval. C’est d’ailleurs par les bonnes que nous savons leur nom.

 

Nous avons eu aujourd’hui une journée très douce mais sans soleil. Bonnes tendresses. Ta Mie.

 

Les arrivages ont été interrompus pendant près de 15 jours à cause de Verdun et des transports de troupes.

16 mars - ELLE (Arcachon).- Voici la tempête à nouveau mais il ne fait plus froid comme au début de notre séjour et un petit feu de cheminée suffit à réchauffer un peu la pièce trop ventilée par l’air de la mer. Les trois petits sont au lit après avoir poussé force cris, ce n’était pas leur idée d’aller se coucher, mais pendant ce temps de tranquillité, je fais travailler les deux grands. Ils ont leurs devoirs de Docelles à faire et en plus leur maîtresse de solfège leur a donné un devoir. Ils ont un petit cahier en papier de musique et doivent inscrire des clés de sol, de fa, des rondes, blanches, noires, etc., inscrire les notes qui sont sur les lignes et les interlignes. André trouve que c’est assommant, inutile, etc. Noëlle y met plus d’ardeur, espérons qu’elle continuera.

 

Thérèse a eu l’ennui d’apprendre que ses parents avaient été à nouveau bombardés. Il y a eu 64 obus lancés sur leur quartier et beaucoup de blessés, dont deux ont été apportés dans leur cave et y sont morts ce qui a fortement impressionné ces dames. Aussi elles sont parties le lendemain et sont installées chez Thérèse à Cheniménil. Comme Mr Schwind. ne veut pas quitter la Neuveville, sa femme y retournera souvent et ils ne coucheront pas chez eux, mais dans un petit village voisin, Thiaville, qui n’est pas dans la zone du tir, c’est vraiment bien ennuyeux d’être si près du front et si peu tranquille. Et avant que les Allemands quittent ces parages, ils leur feront encore sans doute plusieurs fois des frayeurs. Heureux encore que personne des leurs ne soit blessé, ni l’usine, ni la maison abîmées.

 

Ce pays quand il n’est pas doré de soleil est bien laid, les bois de pins sont noirs, ce ne sont pas de beaux arbres, comme tu le sais, et par la pluie, cela devient sombre, triste et laid. Dédé est comme moi, il préfère nos Vosges. Il est vrai que par le beau temps tout change d’aspect, la mer devient si jolie, il y a des teintes superbes.

 

Je suis fâchée aussi de revoir ce temps pour vous qui allez patauger dans la boue. As-tu reçu les pruneaux que je t’ai fait envoyer, j’ai pensé qu’ils te feraient plaisir.

 

Il paraît que Cornimont et Charmes ont été arrêtés ces jours-ci. Paul est reparti pour les Vosges pour s’occuper des arrivages de houille pour ses usines. Il a beau dire, le brave Paul, je maintiens qu’une usine dont le gérant demeure à Paris, quelqu’intelligent qu’il soit, tel Paul ou Pierre Mangin, ne marche pas aussi bien qu’une dont on s’occupe de tout près. Les employés n’ont souvent pas la décision nécessaire ou la promptitude. Il est vrai que les arrivages ont été interrompus pendant près de 15 jours à cause de Verdun et des transports de troupes. La réunion des H.G.P. a lieu dimanche.

 

17 mars - ELLE (Arcachon).- Mes lettres doivent te sembler bien monotones, il n’y est question que de nos santés, de la température, rien d’intéressant ni de saillant. Comme tu l’as deviné d’après la carte que je t’ai adressée, le pays n’a rien de joli, seule la proximité de la mer, avec les jolis tons que lui donnent le soleil et les reflets du ciel apporte un peu de beauté, mais la terre est plate, aucun rocher, ni aucune falaise, c’est le vrai désert des dunes plantées de pins résineux aux formes tordues. Il y a loin de cette soi-disant fameuse Côte d’argent et la Côte d’Azur si pittoresque et fleurie, et comme je te le disais précédemment, une autre année, si des idées de vagabondage nous prennent, ce ne sera plus de ce côté que se porteront mes regards.

 

J’ai assisté ce matin à la leçon de solfège et piano de nos enfants. Cette dame donne ses leçons très sérieusement et leur donnera, je crois, une bonne manière de jouer. C’est dommage qu’ils ne puissent avoir toujours un aussi bon professeur. A Docelles Mademoiselle Marchal n’est évidemment qu’un pis-aller, mais elle n’est pas forte elle-même et n’a jamais eu de bons professeurs de sorte que ses principes sont mauvais. C’est ce qui est ennuyeux à la campagne, les arts d’agrément y sont toujours sacrifiés. Que faire à cela ? Noëlle et André ont fait très attention. Noëlle a déchiffré un morceau de César Franck, rien que cela de luxe ? intitulé « Plainte d’une poupée ». Elle sera fière de te le jouer.

 

Je ne sais si ce climat maritime me convient beaucoup, j’ai des rhumatismes depuis que je suis ici et souvent mal à la tête. Ce serait bête d’être venue si loin et d’être obligée de repartir avant les deux mois prévus pour le séjour. Il y a trois semaines aujourd’hui que nous y sommes arrivés, cela me semble un siècle.

 

Maman nous écrit qu’elle a vu Gustave Cuny, qui lui a dit que Laveline serait arrêtée aussi dans 4 jours si on ne reçoit pas de houille. Paul doit être furieux. Il paraît que Marcel, le jeune employé de Cheniménil qui était si malade la semaine dernière, va mieux et qu’il est hors de danger, tant mieux. Mais je pense que les écritures doivent être plus ou moins bien tenues.

 

Voilà nos chéris qui rentrent de promenade, ils vont goûter et se mettre à leurs devoirs. Ils sont très sages tous ces jours-ci. Nous t’embrassons de tout notre cœur. Ta Mi.

 

Ces deux mois depuis ta permission me semblent avoir été si longs, si longs, ne trouves-tu pas ?

Je suis contente de voir dans les journaux que les attaques allemandes sont repoussées à Verdun. On ne nous dit pas à quel prix naturellement mais, quel qu’il soit, c’est une bonne nouvelle. Le tout est de ne pas les laisser passer puisque ce serait de nouveau autant de terrain à reconquérir.

18 mars - ELLE (Arcachon).- Notre séjour continue normalement. Nous n’avons pas un temps très beau ces jours-ci mais suffisant pour que les enfants restent dehors et s’amusent. D’ailleurs jeudi, le dernier jour de tempête, il faisait bien moins froid qu’en février et nous nous étions installées Thérèse et moi au salon, laissant les cinq diables s’ébattre à la salle à manger avec les bonnes. Tandis qu’au début du séjour nous nous cantonnions tous à la salle, seule chambre où on pouvait avoir chaud, de sorte que nous étions un peu assourdies. Maintenant tout va mieux, nous avons mis un peu de gaieté et agrément dans la maison par des petits tapis blancs, des bouquets et photographies. Les chambres nous semblent donc plus à nous et moins hôtel.

 

J’ai cueilli pour toi ce matin en allant chercher les enfants à leur leçon de musique un petit brin de mimosa qui t’apportera avec sa douce senteur un peu de ma pensée si souvent près de toi et mon amour. Mon pauvre Geogi que je sens si seul, si privé d’affection, je ne dis pas de causeries car tu n’es pas amateur, mais tu aimes tout de même un peu les caresses de ta femme et ces deux mois depuis ta permission me semblent avoir été si longs, si longs, ne trouves-tu pas ? Je suis contente de voir dans les journaux que les attaques allemandes sont repoussées à Verdun. On ne nous dit pas à quel prix naturellement mais, quel qu’il soit, c’est une bonne nouvelle. Le tout est de ne pas les laisser passer puisque ce serait de nouveau autant de terrain à reconquérir.

 

Marie Charles, la bonne de Thérèse, a reçu une lettre de sa sœur aujourd’hui, qui lui dit que les usines des Héritiers sont arrêtées faute de coton et de houille. Espérons pour les ouvriers que cela ne durera pas.

 

19 mars - ELLE (Arcachon).- J’ai été contente de lire ta lettre hier soir, qui respirait le soleil et le contentement qu’une bonne journée laisse derrière elle. Mais je voudrais savoir si tu vas vraiment bien. Je ne sais pourquoi, mais en regardant ta photographie tous les matins, je trouve que tu as tellement maigri que je m’imagine que tu dois être malade, souffrir de quelque chose. N’as-tu plus eu de vertiges, ne fumes-tu pas trop ? S’il y avait moyen de faire analyser tes urines, tu devrais demander au docteur, car j’ai peur que tu te négliges et que tu tombes malade ensuite.

 

Maguy nous avait annoncé qu’elle viendrait nous voir un dimanche avec son mari qui obtiendrait une permission, mais je ne l’attends pas aujourd’hui car il pleut.

 

J’ai été communier ce matin et ai prié pour mon chéri, que ce brave St Joseph le protège et me le rende bientôt et qu’il lui donne l’idée de bien se soigner.

 

André est content de t’envoyer une carte et il espère que tu t’apercevras qu’il a changé d’écriture et en arbore une plus en rapport avec son grand âge. Dans une de tes prochaines lettres, fais-y allusion, car il serait très déçu, il travaille bien ces jours-ci et aime les encouragements.

 

Maman nous écrit qu’elle ne peut revenir vers nous, je m’y attendais d’ailleurs me doutant bien qu’une fois reprise par son travail elle trouverait mille empêchements au départ. Pourvu que Bigaut lui reste après le 30 mars, car alors elle ne reviendrait plus du tout et pourtant un repos lui serait bien bon.

 

Maître Robert a fait une rage folle hier soir. Il était rentré de la plage sans sa pelle et je lui ai dit qu’il n’aurait pas de dessert jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée. Voilà Monsieur qui se met en colère et commence à me frapper. Je l’ai condamné à dîner de suite et à aller au lit avant tout le monde, mais il criait tellement qu’il ne pouvait rien manger et il a fallu comme toujours recourir à l’aide de Père Fouettard qui par ses bruits et ses coups aux cloisons fait cesser immédiatement les hurlements. A part cette petite passe, ils sont tous très sages.

 

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 19/03/1916 (N° 1317)

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Le général Sarrail - Commandant l’armée d’Orient

C’est une des grandes figures militaires qui se dégagent des événements de cette guerre. On sait quel fut le rôle du général Sarrail au début de la guerre, à l’heure sombre qui précéda les jours glorieux de la Marne. Son armée fut, au Nord, le pivot solide où s’appuya la manœuvre du général Joffre. Avec une admirable ténacité, le général Sarrail, cramponné entre la Meuse et l’Ornain, fit front contre l’armée du Kronprinz. Avec des forces très inférieures, il maintint l’adversaire, et, tandis que le général Foch, au centre, et le général Maunoury, à l’aile droite, achevaient de gagner la victoire de la Marne, Sarrail, par sa résistance acharnée, conservait au pays cette citadelle de Verdun contre laquelle les Allemands n’ont cessé d’épuiser leurs forces.

 

Désigné, à la fin de l’an dernier, pour commander l’expédition française en Macédoine, le général Sarrail, au mois de janvier 1916, fut nommé commandant en chef des forces réunies de l’Angleterre et de la France, opérant dans les Balkans. Le plus bel hommage qu’on puisse rendre au général Sarrail, c’est de reproduire ce que disait alors à un de nos confrères le général Bryan Mahon, commandant de l’armée anglaise d’Orient, à propos de cette nomination. « Pour moi, personnellement, déclarait le général anglais, il n’y aura rien de changé. Je me suis toujours et sur toutes les questions trouvé en parfaite communion d’idées avec le général Sarrail dont le haut ascendant personnel s’impose, même malgré lui. Vous me voyez particulièrement heureux des nouvelles dispositions qui le placent à la tête des forces franco-anglaises, et le général Sarrail sait que, comme par le passé, il aura toujours en moi le collaborateur le plus dévoué et le plus empressé. Je ne puis que répéter que je suis enchanté de cette nouvelle situation. »

 

On sait quelle fut l’œuvre du général Sarrail en Macédoine, comment il poussa audacieusement ses faibles effectifs jusqu’à Krivolak, puis au-delà de la rive gauche de la Tcherna. L’effort qu’il tentait ainsi avait pour but d’effectuer la jonction avec les Serbes pendant qu’ils combattaient dans les défilés de la Babouna. Malheureusement, leur vaillance dut fléchir devant le nombre de leurs adversaires. Ils se replièrent vers l’Albanie. C’est alors que Sarrail entreprit l’admirable retraite stratégique qui ramena ses forces vers Salonique. Cette opération commencée le 2 décembre était terminée le 12. Elle s’effectua en quatre étapes, et telle que l’avait prévue le grand chef.

 

On sait encore ce que Sarrail a fait du camp retranché de Salonique. « Notre situation y est inexpugnable », a dit le général de Castelnau. Enfin, l’entrevue récente que le général Sarrail eut avec le roi de Grèce montre que le tacticien de Verdun, le stratégiste de la Macédoine, l’organisateur de Salonique est encore un diplomate aussi habile qu’énergique. Les intérêts de la France dans les Balkans ne pouvaient être confiés à de meilleures mains.

 

 

 

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Les morts étaient debout

C’est une des visions tragiques de la grande lutte devant Verdun. On sait comment notre artillerie décima les masses allemandes. « Les rangs ennemis fondaient littéralement… » Quand les troupes françaises chargèrent les Brandebourgeois du Kaiser, elles durent escalader de véritables murailles de cadavres allemands. Le fait qui inspira notre gravure a été rapporté par un officier qui fut blessé dans ce combat de géants.

 

« C’était, dit-il, au lever du jour, devant la cote 288, à Vacherauville. Entre deux collines, dans une sorte de petite vallée, nous aperçûmes, à 500 mètres, une ligne brune d’où émergeaient des silhouettes humaines. Cette masse était encore confuse. Mais on ne pouvait s’y tromper, c’était bien là une troupe ennemie qui, sans doute, se préparait à un nouvel assaut. Notre 75 « donna » aussitôt. A la lunette, on vit sauter dans les airs des membres humains. Dans la masse brune, de larges brèches se produisaient à chaque coup. Mais la colonne d’attaque ne paraissait pas se mouvoir. Quelques obus furent encore tirés. Les Boches n’avançaient ni ne reculaient. Lorsque le jour fut complètement venu, on eut le mot de l’énigme. La masse brune que notre artillerie venait de canonner était un amas de cadavres allemands. Surprise par notre feu de la veille au soir, toute une colonne avait été anéantie, là, dans le ravin, entre les deux collines. Et les cadavres étaient tellement serrés, les uns contre les autres, que la plupart d’entre eux étaient restés debout. »

 

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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La boulangerie des Anglais à Salonique

Uniforme d'hiver des troupes autrichiennes

Batterie italienne contre les avions

Mise en batterie d'un 155 court

Canon de 24 m/m

La tenue d'hiver du poilu dans les tranchées inondées

Un parc de munitions

Trois poilus sur les bords de l'Yser

Le général de Maud'huy fume une bonne pipe

 

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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Un guetteur belge dans la tranchée

Soldats belges se rendant aux tranchées

La poste allemande en Russie

Grenadiers autrichiens en Bessarabie

Sur le front - Halte-là !

La place Marguerite, à Fresnes en Woëvre

Poste téléphonique à 10 mètres sous terre

Prisonniers turcs au cap Hellès

Opération d'urgence dans une formation militaire du front

Le périscope improvisé

 

 

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  • Il y a 7 domestiques, cela fait l'admiration des bonnes
  • Orphelins de guerre - Les préfets vont-ils devenir les tuteurs et les maîtres absolus d'un million d'enfants français ?
  • Le solfège
  • Religion - Un nouveau pamphlet des catholiques allemands contre les catholiques français
  • Industrie - Usines arrêtées, faute de coton et de houille à cause des transports de troupes
  • Généraux - Le général Sarrail, commandant de l'armée d'Orient (Portrait dans LPJ Sup)
  • Femmes françaises (LPJ Sup)
  • Les instantanés de la guerre (Photos dans LPJ Sup)
  • Religion - Fête religieuse - Reminiscere - IIe dimanche de Carême


07/03/2016
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