14-18Hebdo

14-18Hebdo

81e semaine de guerre - Lundi 14 février au dimanche 20 février 1916

 

LUNDI 14 FEVRIER 1916 - SAINT VALENTIN - 561e jour de la guerre

MARDI 15 FEVRIER 1916 - SAINTS FAUSTIN ET JOVITE - 562e jour de la guerre

MERCREDI 16 FEVRIER 1916 - SAINTE JULIENNE - 563e jour de la guerre

JEUDI 17 FEVRIER 1916 - SAINT THEODULE - 564e jour de la guerre

VENDREDI 18 FEVRIER 1916 - SAINT SIMEON - 565e jour de la guerre

SAMEDI 19 FEVRIER 1916 - SAINT CONRAD - 566e jour de la guerre

DIMANCHE 20 FEVRIER 1916 - SEPTUAGESIME - 567e jour de la guerre

Revue de presse

-       Violentes attaques allemandes sur les fronts d'Artois, de Champagne et d'Alsace

-       120,000 Serbes cantonnés à Corfou

-       Le port du Havre embouteillé

-       Les Russes ont pris Erzeroum

-       Une garantie nouvelle des Alliés à la Belgique

-       La conquête du Cameroun est complète

-       Les Allemands ont perdu 11,000 hommes en une semaine, entre Lens et Arras

-       Grands mouvements de troupes en Belgique

-       La poursuite des Turcs en déroute - Un corps d'armée russe a pris à lui seul 240 canons

 

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(L'Echo de Paris 15/02/1916)

-Voyons, ma tante, vous, peur des zeppelins !

-Tu en parles à ton aise, toi qui es bien à l'abri dans tes tranchées !

 

 

Morceaux choisis de la correspondance

Vous savez bien, mon amour chéri, que c’est vous qui êtes raisonnable dans notre ménage et c’est pour cela qu’il faut absolument que vous reveniez sain et sauf de cette vilaine guerre pour reprendre la direction de la famille, et aussi pour aimer votre petite femme.

15 février - ELLE.- Je ne t’ai pas écrit hier, étant partie à Cornimont dès le matin et n’en étant revenue qu’à 7 heures du soir. Je suis passée par Remiremont où je devais faire renouveler le laissez-passer de Thérèse et demander le sauf-conduit de nos bonnes en vue du départ pour Arcachon, puisqu’elles sont Alsaciennes, elles sont sous le contrôle de l’armée ; pour nous, nous n’avons qu’à demander à la préfecture. Puis je suis arrivée à C. où j’ai fait des paquets de linge pour la villa que nous allons occuper. Si les Allemands essaient d’entrer dans les Vosges, c’en sera toujours autant qu’ils ne trouveront pas.

 

J’ai eu une pluie terrible tout le jour et, en voyant les pauvres troupes arriver à leur cantonnement, trempées, boueuses, j’ai pensé à toi qui dois être bien mouillé tous les soirs. Il est arrivé chez nous pendant que j’y étais un officier d’alpins qui a été bien content de se faire faire un feu de cheminée pour se sécher. Quel dommage que tu n’étais pas à sa place.

 

J’ai vu Albin Germain qui n’a pas encore changé d’accent. Il s’est aimablement informé de toi. Je lui ai demandé si sa femme n’avait pas trop de mal en s’occupant de l’usine. Son beau-frère Mr Thiémonge l’aide un peu, il s’est installé à Ventron ainsi que sa femme. « Mais je ne sais pas si on continuera à fabriquer. Pensez-vous, Madame Cuny, que le wagon de houille coûte mille francs en gare de Cornimont. L’autre jour, Mr Bodenreider est passé ici, il était bien dégoûté aussi ». Le pauvre Albin, avec sa pauvre tunique de simple soldat sans aucune fantaisie, son béret d’alpin sur l’oreille, ses cheveux coupés ras, son langage traînant, il n’a rien d’emballant, mais c’est une bonne nature.

 

J’avais emmené le jeune Faron pour ne pas me fatiguer à conduire et lui apprendre. Il conduit bien maintenant, je lui prêche surtout la prudence, car c’est ce qui manque souvent à ces jeunesses.

 

Je suis arrivée avant onze heures chez nous et, pendant que Pauline nous préparait à dîner, je faisais descendre par Faron le linge que je sortais des armoires, pour en faire des postaux l’après-midi. Par petite vitesse, on ne garantit aucun délai et par grande vitesse, avec un tel éloignement, cela eût été trop cher. J’ai donc fait 9 colis de 10 kilos. Puis j’ai mis un peu d’ordre dans nos livres. J’ai fait une visite aux Géhin, acheté de l’étoffe au bureau, demandé 1 000 fr. au grand bureau pour mon voyage. Avec les 300 que tu m’as envoyés, les 750 de rente de l’emprunt que j’ai déjà touchés, me voilà montée. Mais j’aurai notre voyage qui coûtera bien 500 fr., la villa 600, ce qui allégera bien vite ma bourse. Heureux ceux qui comme moi n’ont pas besoin de compter franc par franc ou sou par sou.

 

A Cornimont, j’ai appris que Mr Ernest André venait de mourir et ai reçu en effet un faire-part m’invitant à l’enterrement pour demain. Inutile de te dire que je n’irai pas, je vais écrire à ces dames. Il est mort très vite d’une pneumonie. Mme Munier, femme du docteur, âgée de 32 ans seulement, est morte subitement dans une sorte de crise d’épilepsie. C’est ce que Madame Braun que j’ai croisée sur la route (elle est toujours très bien renseignée) m’a expliqué. Pauline m’avait dit que c’était d’une embolie.

 

Mme Géhin, pensant me faire plaisir, m’a dit que tous les ouvriers auraient voulu te voir l’autre jour à ton passage. « Oh ! Mr Cuny est venu et je ne l’ai pas vu », disaient ceux près desquels tu n’es pas passé. Il paraît que tout le monde demande ton retour, « pourvu qu’il revienne », tandis qu’on accepte de grand cœur l’absence de Pierre Mangin. Tu vas encore me dire que je me laisse prendre à la flatterie, n’est-ce pas mon chéri.

 

J’avais envoyé mes colis à la gare par Faron et Pauline, trouvant inutile de me faire tremper. Mais comme toujours, quand ce sont des bonnes qui portent les colis, les employés réclament que l’emballage est défectueux, l’adresse mal cousue, etc. Enfin ils ne voulaient pas prendre des colis postaux, voulaient l’envoyer en messageries. Pauline est revenue me chercher et cette fois quand je suis arrivée, je n’ai pas trouvé un employé dans la gare, le fils du chef de gare était mort et on était en train de le mettre au cercueil. Il a fallu que j’attende un grand quart d’heure que tout ce monde descende. Mais avec moi, personne n’a fait de difficulté. Ils se sont rangés à mon avis que c’était le mode d’envoi le plus économique et mes paquets sont tous partis.

 

Seulement tout cela avait pris du temps et nous ne quittions Cornimont qu’au son de la cloche de six heures. Malgré la pluie et le vent, nous avons très bien marché. Faron a conduit jusqu’au Tholy. Puis j’ai repris le volant car je sentais que nous étions en retard et, comme il ne connaissait pas la route, cela allait moins vite. Nous sommes rentrés pour 7 h1/2. Maman commençait à s’inquiéter. Marie Krantz et Thérèse dînaient avec nous et ensuite nous avons fait un excellent bridge. La voilà bien, la joueuse, au lieu de se mettre au lit de suite en rentrant de sa longue course, quel peu de raison, dira mon mari si sage. Vous savez bien, mon amour chéri, que c’est vous qui êtes raisonnable dans notre ménage et c’est pour cela qu’il faut absolument que vous reveniez sain et sauf de cette vilaine guerre pour reprendre la direction de la famille, et aussi pour aimer votre petite femme, car tu sais je t’aime trop pour pouvoir me passer de toi, Geogi, et j’aime tant tes baisers. Je t’en envoie mille et mille, les meilleurs que je sais donner. Ta Mi.

 

15 février - LUI.- Je reçois tes deux bonnes lettres du 11 et du 12. Si j’étais comme tu le crois un peu découragé, il me suffirait de relire ta lettre si tendre, si douce, pour être tout à fait remonté. Tu m’y dis de si bonnes choses, tu m’y rappelles de si doux souvenirs, que moi aussi je suis tout ému en pensant à toi mon adorée et à la vie si heureuse que tu m’as donnée. Je devrais évidemment te cacher mes petits moments de découragement, d’ailleurs fort rares tu le sais bien, mais nous sommes tout l’un à l’autre que je préfère encore te dire toutes mes pensées et quelquefois ma tristesse, à toi qui sais si bien me consoler par tes tendres paroles affectueuses. Ce qui m’ennuie ma Mi, c’est d’être séparé des enfants mais surtout de toi et pourquoi te le cacherais-je, je suis tout à fait en mal de ma Mi, de ses jolis yeux si doux, de sa voix si tendre, de tout son petit corps que j’adore et que j’adorerai toute ma vie. Toutefois il faut être raisonnable et je veux continuer à faire mon devoir pour l’amour de toi et pour nos enfants. Je suis en somme moins à plaindre que beaucoup d’autres, notamment que les pauvres fantassins dont la plupart ne reviendront pas. Moi au moins je suis sûr de revenir et de te serrer de nouveau dans mes bras comme autrefois, te rappelles-tu Mi. Donc soyons tous deux courageux, ayons confiance en Dieu, espérons le retour le plus rapidement possible mais restons fermes et inébranlables, pour que personne ne puisse plus tard nous reprocher quelque chose.

 

Marie Molard m’avait déjà parlé de sa maison. Je lui avais conseillé de ne rien écrire et lui avais même dit que, de notre côté, nous agirions comme le général en question. J’habitais à Vauxbuin une maison dont nous avions pris toutes les chambres. Il le faut bien quelquefois et, quand les propriétaires ne sont pas là, on ne leur fait aucun tort, à condition bien entendu qu’on soit raisonnable et qu’on tâche d’être soigneux et de ne rien abîmer.

 

Nous partons probablement demain. Nos manœuvres ont été intéressantes, surtout ces derniers jours, mais elles l’eussent été encore plus si nous avions eu le beau temps. En tout cas les chefs qui nous dirigeaient (je parle du général Ct le corps d’armée et du général de division, Hirschauer, l’ancien directeur de l’aviation) nous ont fait une excellente impression et nous avons confiance en eux. Les généraux Langle de Cary et Franchet d’Esperey sont venus nous voir et nous ont causé quelque temps.

 

Allons, ma Mi, bon courage et soigne-toi bien. C’est vois-tu l’essentiel. Ne pense pas trop à la guerre car les soucis ne cadrent pas avec la bonne santé. Je suis content que les enfants aillent mieux. J’ai reçu la petite lettre de Dédé, j’y répondrai le plus tôt possible. Dis-lui que nous croyons tous que le Kaiser, comme il dit, est f...u. Si nous partons demain, je ne pourrai peut-être pas t’écrire après-demain. En attendant, je t’embrasse et te serre sur mon cœur comme je t’aime ma Mi. Ton Geogi. L’histoire de la bouillotte m’a beaucoup amusé. Mais fais attention Mi et ne pense pas trop à ton Geogi. Si la bouillotte t’avait brûlée et avait blessé ces jolis petits seins que j’aime tant !

 

16 février - ELLE.- Te doutes-tu que ta femme va avoir 32 ans dans trois jours. Je m’imagine avoir encore 22 comme au moment de notre mariage. Ces dix ans passés, tu me les as faits si heureux que je n’aurais pas dû vieillir. Baucis nous a donné l’exemple qu’il ne faut pas chercher à se rajeunir, donc gardons l’amour de notre mari cher en attendant les cheveux blancs. Nous n’en avons encore ni l’un ni l’autre, seul j’ai découvert chez toi un petit poil de moustache qui faisait mine de pâlir, retrousse-le en pensant à moi pour lui garder un air conquérant.

 

J’ai été navrée tout le jour en voyant ces bourrasques de pluie et en entendant le vent souffler. Dans quel état devez-vous être le soir en rentrant. Vous devez retrouver vos manteaux trempés pour les remettre le lendemain matin. Et tes pauvres chevaux ? À la corde ? Toujours. Comme on maudit l’incurie de certains services, parfois. Il me semble que les communistes auront pris une bonne leçon durant cette guerre en voyant ce que l’Etat sait faire. Enfin, oublions ces tristes choses.

 

Comme les journaux semblent dire que les Allemands attaqueront de notre côté, je vais louer à la Banque de Mulhouse un coffre-fort où je mettrai mes bijoux et les valeurs industrielles qui ne distribuent rien, mais j’emporterai avec moi les quelques petites choses comme la rente sur l’Etat, St Gobain, Maroc, etc. qui paient pour le cas où nous serions empêchés de rentrer ici, que nous puissions vivoter là-bas. On ne sait jamais ce qui peut arriver et, si tu ne m’envoyais plus d’argent, que nous en ayons quand même encore un peu, pour moi et les enfants. J’ai des idées bien sombres, ne crois-tu pas ?

 

Maman a fait bon voyage en Suisse quoique froid, ayant trouvé la neige et des hôtels inhospitaliers à Pontarlier et Dijon au retour. Elle a demandé à ses fournisseurs de pâtes de lui en donner le plus possible. Je pense qu’après sa démarche ils le feront autant qu’ils le pourront, mais leur gouvernement, tiraillé entre l’Allemagne qui leur fournit la houille et la France qui donne des tuyaux de cuivre, soufre, etc., les oblige à des ménagements pour les deux pays et aussi pour leurs nationaux qui ont aussi bien des commandes à exécuter. Enfin ils ont très bien reçu Maman qui a visité des affaires très bien tenues, toutes modernes avec des machines venant presque toutes d’Allemagne mais si pratiquement agencées que je crois qu’on aura bien du mal après la guerre à se passer d’eux.

 

Les enfants vont bien, mais ne sortent toujours pas. André ne retourne pas en classe car il est resté très pâle et fatigué. Il fait ses devoirs à la maison. Pour lui le changement d’air sera très bon.

 

17 février - ELLE.- Toujours la pluie et le vent. Je la regarde tomber, accompagnée de neige depuis ma chaise longue où je reste sagement pour ne pas être fatiguée par le départ. Ma pauvre Maman trotte, malgré la bourrasque, de tous côtés. Le camionnage ne se fait pas bien, on a des wagons en retard, etc. Cela fera du bien à Maman de rester une dizaine de jours avec nous là-bas. Peut-être que l’usine en pâtira, mais tant pis, le métier qu’elle mène est vraiment trop fatigant.

 

Nos enfants se réjouissent follement du départ, du voyage (peut-être qu’à mi-chemin, on ne sera plus si enthousiaste) et du séjour à Arcachon. Pendant que j’y pense, voilà notre adresse : Villa les Bruyères, le Moulleau par Arcachon, Gironde. Tu pourras m’y écrire à partir de lundi, car nous quitterons ici mercredi matin à huit heures. Les bonnes prendront le train de six heures. Mélie viendra faire notre déjeuner et fermer la maison et nous partirons en auto à Epinal pour nous éviter le lever si matinal. Le petit Faron ramènera la voiture. Nous arriverons à Paris à 9 heures du soir, coucherons à l’hôtel Terminus. Le lendemain nous irons déjeuner et dîner chez nos deux Marie, je vais le leur écrire, je pense qu’elles n’y verront pas d’inconvénient. J’irai avec mon Bertus chez notre docteur auquel j’ai demandé rendez-vous. Puis nous prendrons le train à 10 heures du soir à la gare d’Orsay. Je vais retenir des couchettes pour pouvoir bien dormir jusque Bordeaux où nous arrivons vers 7 heures du matin. Si je n’avais pas dû m’arrêter à Paris pour voir le docteur, nous aurions pu prendre le train de 8 heures du matin qui est très bon aussi, mais il nous aurait débarqués à Arcachon à 9 h1/2 du soir. C’est ennuyeux d’arriver dans un pays inconnu la nuit, nous n’aurions pas pu aller à la villa de suite, il aurait fallu aller à l’hôtel. Enfin on te donnera des nouvelles. Peut-être qu’une fois partie j’en serai contente, pour le moment je n’en vois que les ennuis, les départs sont toujours assommants.

 

J’ai écrit au curé d’Arcachon pour qu’il me recommande une jeune fille qui s’occupe de nos enfants pour les promener, les surveiller, etc., que je n’en ai pas de soin et puisse bien me reposer. J’ai reçu une lettre d’une demoiselle qui s’offre pour les deux mois que nous passerons là-bas, mais avant de l’engager, je veux la voir, car je veux quelqu’un de jeune et gai pour que les enfants se plaisent avec elle. J’ai eu autrefois une vieille institutrice de soixante ans qui défendait tout, qui ne riait jamais, derrière ses lunettes c’était toujours un regard sévère qu’on découvrait. Aussi je veux me rendre compte avant d’engager. Tu vois, mon chéri, que je me soigne et cherche à m’éviter toute fatigue, c’est presque honteux en temps de guerre et quand il y en a tant de malheureux.

 

Et toi, mon chéri, que deviens-tu, penses-tu à te soigner, à ne plus trop fumer. Je voudrais tant être avec toi et prendre soin de ta santé. Rappelle-toi que c’est une chose précieuse qu’il faut garder le plus et le mieux possible. Bonnes tendresses de ta petite femme.

 

Rien de neuf absolument, on s’écorche les yeux et l’imagination en cherchant dans les journaux quelque chose de nouveau qui laisse prévoir la fin.

19 février - ELLE.- Nos actions de St Gobain sont retrouvées. J’ai reçu un avis l’autre jour de la Sté Générale à Epinal de venir rechercher des titres qu’on avait déposés chez eux en juillet 1914 pour l’estampille. De suite, j’ai songé à nos titres et ce matin je suis allée à Epinal pour louer un coffre-fort à la Banque de Mulhouse et y porter nos valeurs, mes bijoux et dentelles pour le temps de mon absence. Je me suis présentée à la Sté Générale avec la lettre qu’ils m’avaient envoyée ou plutôt à Mr G. Cuny. Mais j’avais oublié de me munir de ton autorisation et on n’a rien voulu me donner. Je leur ai demandé si ce n’était pas un certificat de St Gobain et en effet c’est bien cela. J’aurais voulu qu’ils le renvoient directement à la maison puisque c’est convenu, mais ils n’ont pas voulu. Il faut, paraît-il que tu écrives pour donner l’ordre qu’ils m’envoient les titres et ensuite ce sera moi qui correspondrai avec St Gobain. Je leur ai représenté que les titres sont à mon nom, mais rien n’y a fait. Ecris-leur donc de les envoyer à Villa les Bruyères, Le Moulleau par Arcachon, Gironde. Je les renverrai ensuite à Paris.

 

J’ai oublié de te parler de la réunion de Nancy. Y étaient Garnier, Perrin, Vautrin, Maman et Alice Kempf. L’oncle Alphonse avait dit qu’il accepterait ce qu’on dirait mais qu’il avait l’intention de faire une déclaration globale pour l’impôt sur le revenu. L’oncle Jules a fait l’historique de la société pour les dames qui n’avaient jamais assisté aux réunions. Ensuite on a parlé du compte de répartition qui est arrivé à son maximum et qui ne porte pas d’intérêt, qu’il devrait en porter. Philippe Houot avait donné idée que pour chaque associé on fasse deux comptes courants. On laisserait le capital à son prix actuel et pour parfaire la différence on ferait donc deux comptes courants, l’un fixe, l’autre changeant d’après les bénéfices et où chaque associé pourrait puiser. Maman voudrait bien avoir ton avis, que tu as dû déjà donner à Paul pour l’appuyer à la réunion du 5 mars, car elle trouve que ces combinaisons sont bien boiteuses et ne seront encore que des solutions prises hâtivement et qui ne seront pas définitives. En somme autrefois, on avait déjà des comptes courants et finalement la société était le banquier de tous les associés, ce qui est, je crois à ton avis, un bien mauvais principe, et comme cela te regarde en premier, tu devrais m’écrire tes idées. Ils avaient tous l’air très monté contre le père de Misie.

 

Pour l’impôt sur le revenu, chacun déclarera la somme distribuée en septembre 1915. On blâmait beaucoup Pierre Mangin de n’avoir pas fait d’inventaire l’an dernier. P. Houot préconise cette idée des comptes particuliers, parce que c’est prévu dans l’acte de société et qu’on n’aura donc pas besoin de grands changements. Tandis qu’autrement cela obligerait à changer les statuts. Mais ne pourrais-tu obtenir une permission de 24 heures pour le 5 mars, si tu es en Champagne, ce ne serait pas long d’atteindre Paris et ce serait mieux que tu donnes ton avis plutôt que d’être ennuyé ensuite des décisions prises. Tu n’étais déjà pas là au moment où on a fait tous les statuts, il faudrait que cette fois au moins, tu y soies.

 

Nous allons bien. Les enfants ne toussent plus du tout le jour, encore un peu la nuit. Ils se réjouissent du départ et comptent les jours et presque les heures. Ils m’ont gentiment fêté mon anniversaire à midi. Mais mon chéri n’était pas là, quelle tristesse, quand cela finira-t-il.

 

Le secteur de Maurice est des plus mouvementés, des bruits très divers et très problématiques courent sur leur relève dans 3 semaines. Ils les accueillent avec scepticisme mais avec joie tout de même car il ne croit pas qu’ailleurs ils puissent être aussi mal que là où ils sont. Rien de neuf absolument, il dit s’écorcher les yeux et l’imagination en cherchant dans les journaux quelque chose de nouveau qui laisse prévoir la fin. Mais on ne trouve rien. Es-tu plus heureux qu’eux dans tes recherches ?

 

Enfin, il ne faut pas désespérer, si la guerre dure encore quelque temps, peut-être viendras-tu dans nos côtés.

20 février - ELLE.- Je ne veux pas me coucher sans te dire bonsoir et sans t’embrasser bien tendrement. Mon pauvre chéri, je me sens si loin de toi, maintenant que je ne sais plus où tu es. Je fais des vœux pour que les tempêtes et les bourrasques s’arrêtent car vos manœuvres doivent être bien pénibles pour vous et vos hommes.

 

Nous avons eu ce matin une très belle messe pour les soldats morts pour la patrie avec des chants et du violon, chose qu’on n’a plus entendue depuis le début de la guerre.

 

Ce soir les enfants ont eu la réjouissance de voir arriver un groupe d’artillerie, 4 batteries, ce qui a amené de l’animation au village. Je pense toujours à toi dans ces cas-là et regrette de n’avoir pas la chance de t’offrir un bon cantonnement chaud et douillet.

 

Enfin, il ne faut pas désespérer, si la guerre dure encore quelque temps, peut-être viendras-tu dans nos côtés. Bonnes tendresses de ta Mi.

  

    

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 20/02/1916 (N° 1313)

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L’autre ennemi : la paperasse

Cette composition est mieux qu’un symbole. On sait, en effet, que dès son arrivée au ministère de la Guerre, le général Gallieni a commencé à dresser ses batteries contre cet autre ennemi : la paperasse. Mais cet ennemi-là est non moins tenace que l’autre. La volonté d’un ministre, si énergique qu’il soit, ne suffit pas toujours pour vaincre des traditions bureaucratiques qui se perdent dans la nuit des temps. Il faut donc que chacun encourage et soutienne de son mieux le ministre réformateur qui n’a pas craint de s’attaquer à la paperasserie administrative. Il est grand temps, en effet, d’en finir avec des mœurs déplorables qui entraînent des complications inutiles, des pertes de temps, des vexations, et annihilent, à une époque où la France a besoin de toutes ses ressources, les bonnes volontés d’une foule d’officiers qui préféreraient se battre que de croupir dans des bureaux. Depuis que la guerre est officiellement déclarée à la paperasse, que de traits n’a-t-on pas cités de son influence malveillante. C’est à cause des complications bureaucratiques que nos soldats reçurent au printemps les vêtements chauds qui leur étaient destinés pour l’hiver ; c’est à cause des complications bureaucratiques que parfois des hôpitaux manquèrent des remèdes nécessaires pour les soins à donner à nos blessés. On signalait l’autre jour un état de 93 questions, dont quelques-unes véritablement effarantes, posées à l’administration de tous les hôpitaux de France par les bureaux du service de santé sur les blessés soignés depuis le début de la guerre. A ce premier questionnaire en était joint un second comportant 105 autres questions sur le matériel des hôpitaux. Pendant que les médecins répondent à toutes ces interrogations oiseuses, ils ne soignent pas leurs malades. Mais qu’importe à l’administration ?... L’essentiel pour elle est de faire des statistiques.

 

Un ancien officier, libéré de toute obligation militaire, veut reprendre du service au commencement de la guerre. Il écrit au ministère pour demander à être rappelé sous les drapeaux. Inquiet de ne pas recevoir de réponse, il va s’informer. « Votre demande, lui répond-on, n’était pas recevable parce qu’elle n’était pas écrite sur papier « du format réglementaire » ». Et voilà pour quelles chinoiseries paperassières on prive le pays des meilleurs concours. Un de nos confrères publiait dernièrement le fac-similé d’un formidable grimoire de paperasserie administrative. A l’origine, c’était une simple question posée par un sous-secrétaire d’Etat au commandant d’un bataillon d’infanterie territoriale. Eh bien ! le grimoire s’était promené pendant plus de six semaines, du grand quartier général d’une armée à tous les régiments de ladite armée ; et il rentrait enfin au bercail, orné d’innombrables cachets, de non moins innombrables signatures et annotations. Jugez par là du temps que cette sotte paperasse avait fait perdre à des officiers qui avaient pourtant bien autre chose à faire.

 

De telles pratiques exigent un nombre incalculable de bureaucrates occupés tout le jour à faire des « états ». Pierre Mille, avec un esprit incisif, montre jusqu’où est poussée cette manie de l’état : « Deux cent mille Bouvards et deux cent mille Pécuchets, dit-il, écrivaient en ronde et faisaient des états. Les sergents-fourriers faisaient des états, les capitaines faisaient des états, ils les transmettaient au commandant qui faisaient d’autres états ; et du commandant au colonel, du colonel aux généraux, des généraux aux chefs de corps, la même demande d’autorisation pour l’achat de douze brosses à cirage passait, passait encore, sur autant de feuilles de papier, puis redescendait la filière et la remontait sous forme d’états. La méditation, la composition, la rédaction des états absorbaient les esprits. Il ne s’agissait pas que la chose fût faite, il s’agissait qu’elle fût écrite. Et quand elle était écrite, nul ne savait plus si elle avait été faite ; il n’est pas bien certain que nul s’en inquiétât. L’état devenait une passion, une manie absorbante et formidable, une raison d’être et une nécessité vitale. » Eh bien ! il faut que cette manie absorbante et formidable disparaisse ; il faut que le formalisme militaire soit simplifié et que la paperasserie soit vaincue. La France, pour cela, compte fermement sur l’énergie du général Gallieni. S’il y réussit, il aura bien mérité d’elle une fois de plus.

 

 

 

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La vengeance du chauffeur

Le journal russe ‘Rousskoïé Slovo’ raconte la mésaventure suivante, qui est survenue à un général autrichien. Le général Skarbonovitch, commandant en chef de la 2e division autrichienne, bien connu pour sa dureté envers ses soldats, avait, à l’occasion de l’arrivée de sa femme, organisé un bal grandiose. Pendant deux jours, les réjouissances allèrent grand train. Le troisième jour, le couple dut partir pour l’état-major de corps. Chemin faisant, le général Skarbonovitch battit à mort son chauffeur et le remplaça par un autre qui, lui aussi, ne tarda pas à être roué de coups. Après la visite du général à l’état-major, le couple revint. Il faisait nuit ; le brouillard était intense. Epuisés par plusieurs nuits sans sommeil, mari et femme s’étaient endormis. Ils ne se réveillèrent que le matin… en captivité chez les Russes. Le chauffeur, battu et mécontent, s’était ainsi vengé des coups qu’il avait reçus de son chef, en l’amenant pour qu’il fût fait prisonnier, à l’état-major de la division russe la plus proche.

 

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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Canons d'un cuirassé anglais en action

Pièce de gros calibre traversant un village

Les Monténégrins à Lyon

Tranchée allemande à deux étages

Patrouille explorant les abords d'un village

Porteurs de soupe aux environs des Eparges

Soldats du génie faisant des tranchées

En Alsace - Les quatre drapeaux que le général Joffre va décorer

En Alsace - Skieur franchissant un talus

Pièce de marine installée sur le front

  

    

Les instantanés de la guerre (photos)

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En Alsace - Cuisines roulantes en rase campagne

La boucherie à bord d'un transport de troupes

La réorganisation des forces serbes - Entraînement des troupes nouvellement équipées

La réorganisation des forces serbes - Bataillon faisant une grande marche

Sentinelle anglaise à Salonique

Highlanders à Salonique

Le poilu dans la tranchée écrit à sa marraine

Canon de 155 remorqué sur un truck allemand

Une chambre de travail derrière les tranchées de première ligne

Nouveau canon-revolver allemand de gros calibre à cinq tubes

  

  

Thèmes qui pourraient être développés

  • Grèce - 120,000 Serbes cantonnés à Corfou
  • Le port du Havre embouteillé
  • Cameroun - La conquête du Cameroun est complète
  • Contrôles sur les routes - Laissez-passer et sauf-conduit - Les bonnes alsaciennes sous le contrôle de l'armée
  • Location d'une villa et le linge
  • Pour une anthologie des écrivains tombés à l'ennemi
  • Projets de fuite devant les Allemands
  • La Suisse impeccable, tiraillée entre l'Allemagne et la France
  • La terreur en Autriche-Hongrie - 4,000 civils, dont 500 femmes, exécutés
  • Les femmes ne peuvent rien faire en banque sans l'autorisation de leur mari (et pourtant les titres sont à son nom)
  • Industrie - Mobilisé - Absence au conseil d'administration
  • Allemagne - La dégringolade du mark
  • Armée - L'autre ennemi : la paperasse - Balayez-moi tout ça ! (LPJ Sup)
  • Femmes - Bataillons d'amazones (LPJ Sup)
  • Les instantanés de la guerre (Photos dans LPJ Sup)
  • Religion - Fête religieuse - Septuagésime


12/02/2016
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