71e semaine de guerre - Lundi 6 décembre au dimanche 12 décembre 1915
LUNDI 6 DECEMBRE 1915 - SAINT NICOLAS - 491e jour de la guerre
MARDI 7 DECEMBRE 1915 - SAINT AMBROISE - 492e jour de la guerre
MERCREDI 8 DECEMBRE 1915 - IMMACULEE-CONCEPTION - 493e jour de la guerre
JEUDI 9 DECEMBRE 1915 - SAINTE LEOCADIE - 494e jour de la guerre
VENDREDI 10 DECEMBRE 1915 - SAINT VALERE - 495e jour de la guerre
SAMEDI 11 DECEMBRE 1915 - SAINT DANIEL - 496e jour de la guerre
DIMANCHE 12 DECEMBRE 1915 - SAINTE CONSTANCE - 497e jour de la guerre
Revue de presse
- Les délibérations des Alliés et les obligations de la Grèce
- Exploits d'aviateurs anglais
- Sur le Carso les Italiens s'emparent d'un matériel de guerre
- Grèce et Turquie négocie un accord
- Les attaques bulgares continuent contre le front franco-anglais
- La question de Salonique
Morceaux choisis de la correspondance
6 décembre - ELLE.- Tu m’annonces que tu montes en ballon mais, malgré tous ces agréments que la guerre te procure, égoïstement, je préférerais t’avoir près de moi et jouir de ta chère présence qui me manque tant. Enfin pour le moment, je suis pourtant contente de te sentir un peu en repos et plus gaiement que dans ta ferme où tu as la vie par trop monastique.
Ici, nous avons toujours la même petite vie, calme pour moi, très astreignante pour Maman qui a de moins en moins de personnel. Nous avons été obligées cet après-midi d’aller à Aumontzey chercher un Italien qui était venu samedi dernier demander de l’embauche. Comme un de nos ouvriers a été appelé aujourd’hui, nous avons de suite cherché celui-là pour qu’il puisse travailler dès demain. Il faisait heureusement très bon malgré le vent violent ce qui m’a fait une bonne promenade.
Les enfants avaient tous les jouets de St Nicolas. Tante Thérèse leur en a encore apporté ce soir, des fusils et soldats aux garçons et un ménage pour Noëlle. André lui-même déclare qu’ils sont trop gâtés. Paul Cuny leur a encore donné hier un billet de 20 francs et André disait ce soir qu’il ne savait vraiment pas quoi acheter et qu’il ferait mieux de le donner aux pauvres. Il a le caractère bien plus généreux que ses frère et sœur, le bon Dédé, il veut toujours donner tout ce qu’il a. Il faut dire aussi qu’il a le défaut de ses qualités, il ne s’attache à rien. Il travaille vraiment mieux cette année et commence à faire ses devoirs seul, mais il n’est pas en avance pour son âge. J’ai comparé ses devoirs à ceux de la petite Bodenreider, il est bien inférieur. Espérons qu’il rattrapera plus tard, je ne m’en ennuie pas ayant l’exemple des jeunes Nicolas et André Kempf, qui ont eu une instruction bien décousue et sont pourtant arrivés à leurs examens. Il paraît que Maurice Nicolas est parti en Serbie.
Je t’ai dit, je crois, que j’avais transformé toutes nos obligations et bons en emprunt. Avec les primes ou différences de cours, cela nous donne à peu près 83 000 francs. Tu te rappelles que nous avions pris des obligations avec les 50 000 et les 10 000 que Mère a donnés à Noëlle et aux garçons. Pour le reste, il y a le prix de notre auto, les intérêts des obligations en août, 1 000 fr. touchés de Thaon et quelques coupons.
Tu parles de ta permission pour le début de janvier, quel bonheur, mon chéri, je me réjouis tant de te revoir.
6 décembre - LUI.- J’ai bien reçu ta bonne lettre et j’espère que les enfants vont mieux maintenant. Je regrette bien que vous ne puissiez trouver une garde-malade, mais je désirerais beaucoup que tu cherches une institutrice, car sans cela je vous connais, vous deux Maman, vous allez vous fatiguer l’une ou l’autre et je ne le veux pas. Notre maman a déjà tant à faire à l’usine, elle a besoin de bonnes nuits. Quant à toi, je veux te retrouver tout à fait bien portante quand je vais revenir en permission. Je n’ai jamais eu l’habitude de dire à ma Mi si chère : « J’exige » mais tu me permettras d’insister à ce sujet. On trouve des institutrices tant qu’on en veut et de cette façon vous seriez tout à fait tranquilles et moi aussi. Quant aux demoiselles Aubert qui doivent accompagner Robert, elles seront peut-être très ennuyées que tu ne partes pas de suite. Qui sait ? Elles s’étaient peut-être arrangées pour s’en aller du jour au lendemain, avaient peut-être placé le peu d’économies qu’elles ont les pauvres filles, croyant n’en avoir plus besoin. Tu ferais peut-être bien de t’en inquiéter. Comme toi, je serai tranquille de savoir notre petit Robert entre leurs mains, mais tu ferais bien de les prévenir que notre petit homme a quelquefois des petites sautes d’humeur et qu’elles ne s’en blessent pas.
Toujours le même temps maussade, cette après-midi nous avons encore été complètement rincés. Je le regrette surtout parce que le ballon ne peut pas sortir et que, si cela continue, nous ne pourrons pas y monter. A part le mauvais temps, je me plais tout à fait bien ici. Je t’assure que nos jeunes camarades sont gais et qu’on rit souvent. L’un d’eux est comme notre Dédé, imitant parfaitement tous les chefs. Plusieurs sont musiciens et le soir après souper nous faisons un peu de piano. J’ai d’ailleurs de bonnes nouvelles de la batterie. Les Allemands ne tirent pas beaucoup et tout le monde est à son poste. Tu vas dire que je rabâche, il ne me manque que mes chéris et surtout ma Mi, mais par exemple cela me manque beaucoup et je voudrais bien que les permissions ne tardassent pas trop.
6 décembre - Victorin Noël (Armées) à Georges Cuny, son patron.- De nouveau nous voici aux tranchées, ce ne sont plus nos sapins des Vosges, ce sont les plaines du nord avec la boue. Nous sommes à vingt-cinq kilomètres d’Arras, du côté de Calonne, dans leurs boyaux. Nous avons de la boue jusqu’à la ceinture, plusieurs camarades sont restés enlisés. Nous faisons les relèves hors des boyaux et à découvert des boches. La même chose comme nourriture à manger une fois toutes les 24 heures : un peu de patates, un peu de bœuf, un quart de vin, un peu d’alcool ; comme il y a 4 à
Faut-il que ces Allemands soient bêtes de ne pas rentrer chez eux et de te donner ainsi la permission d’en faire autant.
7 décembre - ELLE.- Je reçois ta si tendre lettre du 4 et j’y vois que mon chéri garde des yeux aveugles pour sa petite femme, qui au fond, tu sais, en est très heureuse. Elle ne demande qu’une chose : garder l’amour de son mari toute sa vie, aussi chaud, aussi réconfortant qu’elle l’a connu jusqu’alors. C’est une vraie assurance de bonheur qui lui fait accepter avec sérénité les petites misères de la vie, petite santé pour elle qui l’empêche de se donner bien des satisfactions comme celle d’aller voir mon adoré, ce que je pourrais tenter si je ne craignais pas les longues courses à pied, les attentes dans les gares, etc. Je vais devenir une plante de serre chaude qui va bien, à condition d’avoir toujours une petite vie calme, confortable, sortant aux bonnes heures, me reposant souvent. Quelquefois je me vexe en constatant tout cela, puis après, la raison revient et je m’estime trop heureuse encore puisque je puis me soigner, que j’ai un si délicieux mari qui veut bien m’aimer malgré toutes mes petites faiblesses, nos trois enfants qui sont de bons chéris. Si j’étais forte, ce serait le paradis et il n’existe pas sur terre. Donc ne nous plaignons pas ! J’ai la meilleure part.
Comme toi, je me suis remise un peu au piano depuis une quinzaine. J’ai retrouvé les partitions chères à Georges : Paillasse et la Tosca entr’autres, qui à l’étude me plaisent plus que je ne l’avais cru au déchiffrage. Le pauvre Georges voudrait bien être ici pour les entendre et peut-être toi aussi quoique je joue moins bien que toi. Il est vrai que je pourrais toujours te laisser le clavier et, pendant que tu ferais marcher tes chers doigts, moi je t’embrasserais ce qui serait encore cent fois mieux. Arrête-moi, chéri, tu vois, je dis des bêtises, je suis gaie aujourd’hui et je t’aime toujours plus. Faut-il que ces Allemands soient bêtes de ne pas rentrer chez eux et de te donner ainsi la permission d’en faire autant. Au lieu de cela, les voilà en partance pour l’Asie, l’Afrique. Quand en reviendront-ils ?
Nous sommes en pourparlers à l’usine avec le ministère des Postes pour la fourniture du papier des mandats. C’est une commande très importante, que nous voudrions bien avoir pour toutes sortes de raisons que tu devines.
8 décembre - ELLE.- La culotte que tu avais demandée et le manteau que je t’ai fait faire sont prêts. Mais cela m’ennuie de te les envoyer par Besançon, qui met vraiment trop de temps pour vous faire parvenir vos paquets. Cela prend un mois et si tu penses revenir pour le début de janvier tu ne les aurais pas. Aussi j’ai pensé à une autre combinaison peut-être plus pratique. N’envoies-tu pas un émissaire quelconque à Villers-Cotterêts ou à une autre ville chaque semaine. Tu pourrais dans ce cas me donner une adresse d’un commerçant ou d’un hôtel que connaîtrait ton homme ou je pourrais envoyer mon colis en gare et il irait en prendre livraison. Car je préférerais que tu aies tes affaires neuves pour voyager, que tu sois un beau petit mari. Ecris-moi donc vite ce que je dois faire et où je dois faire mon envoi.
Nous avons eu hier une journée horrible de pluie continuelle. Je n’ai pas bougé mais la brave Thérèse est allée malgré la bourrasque jusque Nomexy relancer un contremaître de préparation qui était parti chez Peters. On lui avait déjà écrit de revenir mais il ne répondait pas et Thérèse voulait savoir s’il voulait revenir oui ou non. Il était parfaitement consentant mais n’avait pas jugé utile d’écrire, il attendait son laissez-passer pour se mettre en route, car nous faisons toujours partie ici de la fameuse zone des armées. Maman est allée avec Thérèse jusque Epinal où elle avait des courses à faire.
J’ai gardé mes coquelucheux, Robert et Noëlle, je ne les fais plus travailler avec Mademoiselle Renard le matin depuis qu’ils toussent, ne voulant pas les fatiguer, mais les journées sont longues quand on ne fait que jouer. Aussi hier après-midi pour avoir la paix un instant, j’ai fait faire à Noëlle une dictée et à Robert une copie. Après ce petit exercice, ils ont repris leurs jeux avec bien plus de plaisir.
Je t’envoie ci-joint une note que j’ai découpée à ton intention. Si tu peux t’en servir, j’espère que tu le feras pour me faire plaisir. Bonnes tendresses, mon chéri aimé. Quand pourrai-je t’embrasser vraiment ? Ta Mi.
8 décembre - LUI.- Notre séjour ici va bientôt finir et lundi prochain j’aurai retrouvé ma batterie. Pour la première fois aujourd’hui nous avons eu un temps relativement beau, le vent était cependant assez violent mais ne m’a pas empêché de monter en ballon. J’ai ainsi pu revoir Soissons et les lignes allemandes. Mais la sensation en ballon est beaucoup moins agréable qu’en aéroplane. Je trouve qu’on est beaucoup plus secoué par le vent et cependant je ne suis monté qu’à
Il est probable que je ne recevrai plus de lettres de toi avant mon retour à la batterie et cela m’ennuie car j’aurais aimé avoir des nouvelles de nos chéris. J’espère qu’ils vous laissent un peu tranquilles et que leur toux est complètement passée. St Nicolas est-il venu et a-t-il apporté les beaux jouets que demandaient les enfants. J’espère bien que Père Fouettard n’a pas laissé de verges car nos chéris sont maintenant raisonnables et bien obéissants.
Nous avons eu Mr Auptel à Charmes pendant quelque temps mais il n’a pas pu s’entendre avec Emile Lemaire, ce n’est évidemment pas un fin directeur comme Emile ou comme Knipieler mais enfin je crois qu’il peut faire l’affaire. Comment se fait-il donc qu’il ne soit pas mobilisé ? Il doit être encore jeune.
Te rappelles-tu, Mi chérie, qu’il y a hier un an nous avons passé une bien bonne soirée dans notre petite chambrette de l’hôtel Terminus. Quel dommage que nous ne puissions pas recommencer !
10 décembre - LUI.- J’ai reçu tes deux bonnes lettres du 5 et du 6 décembre et attends les prochaines à ma batterie où je serai dans deux jours. J’aurais voulu en effet voir les bonnes faces des enfants devant les cadeaux de St Nicolas. J’espère qu’ils vont mieux et qu’ils ne toussent plus. Ne t’inquiète pas pour Robert, qui se fortifiera avec l’âge. Tu te rappelles que vers cinq ans Dédé nous a aussi donné quelques ennuis mais il va en somme très bien maintenant, il en sera de même pour notre petit Robert.
Je trouve comme toi qu’Adrien a une certaine audace de faire payer une pareille somme pour une chose pareille. Tu vois qu’il ne faut plus s’étonner de rien. Bien entendu, gardons nos réflexions pour nous-mêmes et tâchons que personne ne le sache. Quant à Paul, c’est évidemment toujours le même et personne ne le changera. Mais, comme tu le dis très bien, il ferait mieux de tenir sa langue et s’il raconte des choses pareilles à Epinal, cela pourrait être très mal interprété. Enfin que veux-tu, personne n’est parfait et chacun a ses petits défauts qu’il ne voit pas et dont par conséquent il a peine à se corriger.
Nos dernières séances ont lieu demain et nous allons terminer notre stage ce soir par un petit dîner, où nous invitons les malheureux officiers des batteries qui nous ont servis pour nos tirs et qui ont pas mal à faire depuis notre arrivée. Notre popotier a pu se réapprovisionner à Fère-en-Tardenois, on nous annonce langouste, dindes, etc. Parmi nos jeunes camarades, quelques-uns ne disent pas mal la chansonnette. Enfin ce sera une gaie soirée avant de reprendre notre petite vie monotone de Soissons.
Je n’ai pas de nouvelles des permissions mais j’espère bien revenir vers le 10 janvier. Je n’ai pas besoin de te dire comme je m’en réjouis car je suis si en mal des chéris et de toi, ma Mi si chère.
10 décembre - Paul Cuny (Epinal) à Georges Cuny, son frère.- Je compte faire remarcher Cheniménil. Voici quelques renseignements sur cette affaire :
- Le parc est parti et on fait la barbe de toutes les machines.
- Le directeur que j’ai engagé pour moi de manière à laisser à Maurice toute liberté est déjà en place.
- On vide tous les paliers pour y mettre de l’huile fraîche.
- La machine à vapeur sera remise en route par un monteur dressé par Knipiler et qui s’occupe de tous nos moteurs.
- Pour simplifier nous ne ferons que Ch. 28 et trames 37 Continu et Self-acting.
- J’ai vendu déjà beaucoup de filés à écart depuis f. 1,60 jusque f. 1,80 base Ch. 28.
- Je fais une première facture demain de filés retrouvés pour Kahn Lang base tr. 37 à f.4.
- Toute la partie commerciale et comptabilité se fera à Epinal.
J’ai déjeuné dimanche 5 à Docelles.
11 décembre - ELLE.- C’est toujours de mon cher lit à 9 heures du matin que je t’écris avec la fenêtre ouverte pour bien m’oxygéner les poumons. Je fais la grasse matinée autant que je peux, cela me plaît beaucoup. J’écris ou je lis la gazette, je rêve un peu, enfin me complais dans la paresse, ce qui est bien vilain.
Hier j’en ai été empêchée parce qu’il a fallu conduire Maman à Epinal et elle préférait y aller le matin pour trouver les banques moins encombrées. Elle a rencontré, chez l’imprimeur qui fait nos couvertures de cahier, l’abbé Friesenhauser en permission, c’est lui qui nous a prévenues de la blessure de Georges et qui l’a administré. Il a répété à Maman que Georges avait montré beaucoup de courage à ce moment et que tout le monde l’aimait au régiment, que c’était vraiment dommage qu’il ait été pris si vite, qu’il aurait pu rendre tant de services par la suite. Naturellement le cœur de Maman a vibré en entendant cela.
Malgré la pluie nous avons fait très bonne route mais nous avions de si fortes inondations hier que l’usine a été arrêtée six heures, certaines transmissions et courroies étaient complètement dans l’eau. Mélie ne pouvait plus sortir de chez elle. Ce moment critique n’a pas duré longtemps et le soir on a pu remettre en marche.
Jeudi je suis allée à Laveline conduire Mademoiselle Rayel voir son neveu Claude qui y est avec son régiment. Nous avons circulé à travers les fermes pour trouver sa compagnie et quand nous sommes arrivées dans son cantonnement, j’ai laissé Mlle Thérèse pour ne pas les gêner et suis partie jusque Granges rendre visite à notre brave curé Romary, qui m’a reçue à bras ouverts et m’a fait admirer son appartement dans tous les coins, admirer la vue « splendide et magnifique ». Il était enchanté de tout, m’a servi un grand verre de vin doux acheté chez des religieux du Midi, des pains d’anis faits par sa sœur, enfin il m’a gâtée. Il était stupéfait de me voir seule conduire l’auto. Dans le village j’ai rencontré des automobilistes qui avaient séjourné ici, entr’autres ce peintre qui a logé chez Maman et a été si gentil pour moi et les enfants. Il nous a pris en affection et veut absolument faire notre portrait après la guerre (au fond, je ne sais quel est son talent). Je commence à être connue parmi tous ces convois qui venaient toujours s’équiper ici près du parc et il paraît que j’y ai la cote et qu’on trouve que je conduis très bien. Tu vois, je pourrais peut-être gagner ma vie comme chauffeur si nous étions ruinés (mais pour cela, il ne faudrait pas rester au lit jusque dix heures).
Le retour s’est bien effectué. J’ai repris Mlle Thérèse, ai vu Claude Champion qui avait sa femme et son bébé avec lui. Tu vois c’est moins sévère ici que chez vous. Et nous sommes rentrées pour cinq heures.
Bonnes tendresses de ta petite Mi. J’ai reçu ton mandat hier.
11 décembre - JMO 5e RAC/Groupe 95.- Le maréchal des logis Paulin est promu sous-lieutenant et affecté à l’état-major du groupe. Le commandant Giraud rentré de permission le 11 Xbre, reprend le commandement du groupe et le capitaine Aulard rejoint la 50e batterie.
12 décembre - ELLE.- Toujours le même affreux temps humide, je pense à toi qui as dû refaire tes
J’ai reçu des renseignements sur une villa à Arcachon que Mme Hammont qui y est allée l’an dernier nous recommande vivement. On la loue 250 fr. par mois. Je viens d’écrire pour la louer, car les enfants ayant eu la coqueluche, on ne peut les emmener dans un hôtel, nous y aurions des ennuis et dès que Robert sera vers le déclin de la maladie nous le ferons partir.
12 décembre (Paris - Hôtel de l’Opéra - 16, rue du Helder) - LUI.- Tu seras bien étonnée de voir l’en-tête de cette lettre, je suis venu en effet passer mon dimanche à Paris et je repars demain matin pour le front. Le colonel directeur du cours nous avait dit lundi que nous pourrions retourner chez nous (Soissons) en passant par Paris, mais comme il fallait l’autorisation du chef de corps pour en être sûr, j’ai préféré ne pas te déranger et j’ai eu le courage de ne pas t’imposer un si long voyage et de si dures fatigues pour venir me rejoindre. J’avoue cependant que je n’aurais peut-être pas eu le même courage si je ne devais bientôt aller te rejoindre. En tout cas, tu blâmeras peut-être ma décision, mais au risque de ne pas revoir ma Mi si chère et d’être privé du plaisir de la couvrir de baisers, j’ai préféré lui éviter cette fatigue. Comme les gens sont toujours drôles, j’ai préféré dire ici que je n’étais pas sûr du tout de pouvoir venir et que je regrettais beaucoup de ne pas t’avoir prévenue.
J’ai dîné chez Marie M., nous avons parlé un peu de notre pauvre Maman, Marie a encore abondamment pleuré en y pensant. Nous avons parlé aussi beaucoup de toi et de nos chéris. Tu avais dit à Marie que tu comptais aller dans le Midi avec eux, je n’ai pas dit que Robert s’en irait probablement avant toi. Je suis allé ensuite voir avec Adrien Pierre Mangin, qui est en effet assez pessimiste, puis Alice Mangin qui était avec ses filles et le jeune Lallement qui est encore à son dépôt à St Cloud et enfin Marie Paul avec laquelle j’ai causé une heure et que je viens de quitter. Nous avons évidemment beaucoup parlé de la guerre, un peu aussi d’affaires (avec Marie Paul cela ne peut pas être autrement), elle m’a dit que Paul croyait pouvoir faire remonter Cheniménil pour le 1er janvier. Nous avons causé aussi beaucoup de toi et me voilà rentré à notre petit hôtel où nous avons aussi passé ensemble quelques bons moments.
Je vais aller chez Pathé et j’ai grande envie d’aller à l’Opéra Comique, où on joue Manon. Je ne crois pas que ma pauvre Maman me blâmerait, mais je tâcherai de choisir une place où je ne puisse être vu.
Demain retour à la ferme et dans un mois nouveau départ mais celui-ci pour te revoir et t’aimer.
Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 12/12/1915 (N° 1303)
Atrocités allemandes en Belgique - Exécutions à la mitrailleuse
Le ‘Courrier de la Meuse’ annonce que neuf personnes de Liège, condamnées à mort ne furent pas fusillées mais… mitraillées. Leur exécution eut lieu dans la cour de la citadelle de Liège. A ce sujet le ‘Telegraaf’ d’Amsterdam dit : « Probablement pour prévenir que le peloton d’exécution, ému de pitié, vise encore les membres inférieurs des victimes -ainsi que cela s’est produit déjà à différentes reprises- et afin d’éviter à l’officier commandant le peloton d’exécution le devoir d’achever ses victimes d’un coup de revolver dans l’oreille, le travail du bourreau fut confié cette fois au mitrailleur. Les neuf condamnés furent placés sur un rang et… la bande se déroula. Un bruit, quelques cris et voilà neuf cadavres dans une mare de sang. » Il est arrivé à maintes reprises, en effet, depuis quelque temps, que les soldats allemands, composant les pelotons d’exécution, aient tiré aux jambes des condamnés. Sans doute avaient-ils honte de l’abominable besogne qu’on leur commandait. Mais, de ce fait, ils ne faisaient que rendre plus cruelles les souffrances des victimes. Celles-ci, blessées, s’abattaient avec des cris d’horreur, et les officiers, comme il advint lors de l’assassinat de miss Cavell, devaient les achever à coups de revolver. Voilà pourquoi les autorités allemandes remplacèrent le peloton d’exécution par la mitrailleuse. Les boches ne sont jamais pris de court en matière de barbarie.
Les massacres d’Arménie
Abdul-Hamid avait fait massacrer 200 000 Arméniens. Les Jeunes-Turcs, depuis qu’ils sont les alliés des Allemands, ont de beaucoup dépassé ce chiffre déjà effroyable. Ils ont fait périr ‘un million’ d’hommes, femmes et enfants de cette race infortunée. Ils n’ont accompli cet abominable forfait qu’après en avoir reçu l’’autorisation expresse’ du gouvernement du kaiser, et la presse allemande officieuse s’est couverte de honte en approuvant publiquement ces massacres. La sozialdemokratie s’est soigneusement gardée de faire entendre la moindre protestation. Toutes les nouvelles, de toutes les sources, parvenues de Constantinople, de Smyrne, d’Angora, de Van, etc., etc., s’accordent dans la description des horribles scènes de carnage dont les victimes sont, depuis le début de la guerre, les populations arméniennes de l’empire. Les Turcs ont dressé un plan pour l’extermination complète des Arméniens et ils l’exécutent avec une sauvagerie qui fait dresser les cheveux sur la tête, avec des raffinements de cruauté dont l’histoire de l’humanité, même dans les siècles les plus reculés, donne peu d’exemples. Et ils tuent, ils massacrent, ils pillent, ils brûlent, ils détruisent sous les yeux mêmes de leurs patrons les Allemands, qui les encouragent dans cette horrible besogne. Sont seuls épargnés du massacre ceux qui se convertissent à l’islamisme, et ceux-là encore sont déportés loin, loin de leurs villages, des villes, des campagnes, et isolés de leurs femmes et de leurs enfants, qui sont islamisés de force et répartis parmi les familles musulmanes ! On a justement appelé Abdul-Hamid « le Sultan Rouge », mais de quel nom seront-ils connus dans l’histoire ces Jeunes-Turcs et leurs amis et alliés, les soi-disant chrétiens, les Teutons ?
Le ‘Times’ a donné de nombreux détails sur les derniers massacres. « D’après la méthode hamidienne, les hommes valides sont mis à part et envoyé à des bataillons de forçats ou tués par-ci par-là par les troupes. Les femmes, les enfants et les vieillards prennent le chemin de l’exil, notamment du désert qui se trouve entre Aleppo et l’Euphrate. Les souffrances de ces malheureux sont horribles. Ils marchent sous le soleil brûlant sans pouvoir se procurer ni du pain ni de l’eau. Beaucoup de femmes virent périr leurs enfants sous leurs propres yeux. Les gendarmes qui les conduisaient organisaient les scènes les plus répugnantes. Des femmes, nous assure lord Bryce, étaient dévêtues et obligées de poursuivre leur marche dans la nudité la plus complète. Quelques-unes de ces pauvres créatures devinrent folles et jetèrent leurs enfants. D’autres, pour sauver leur honneur, se précipitèrent dans l’Euphrate. La totalité de la population arménienne de Trébizonde disparut, dans un seul après-midi, sous les flots du fleuve historique. Le consul italien, qui rapporte ces faits, déclare qu’il fut obligé d’y assister sans pouvoir rien faire pour les empêcher. Au début de septembre, lorsqu’un massacre paraissait imminent, des bateaux français et anglais arrivèrent heureusement, et 4 000 Arméniens, hommes et femmes, furent embarqués. » Et ces horribles massacres, répétons-le, sont accomplis par les Turcs avec l’approbation tacite des Allemands.
Les instantanés de la guerre (photos)
Une batterie d'artillerie serbe en action
Tranchée serbe au bord d'un lac
Les petits métiers du front - La fonte du métal - Le ventilateur
Les petits métiers du front - La fonte du métal - Le ventilateur
Les petits métiers du front - Fabrication de ronds de serviettes
Le dentiste sur le front
Abri blindé, 1ère ligne aux postes d'écoute
Barricade de gabions
Un 75 à la réparation
Lâchez tout !
Les instantanés de la guerre (photos)
En Serbie - Sur la tombe d'un frère d'armes
Infanterie serbe au repos
Un parc d'auto-mitrailleuses blindées montées par des marins
Avant-poste serbe
Infanterie serbe
Pointage d'un mortier de 270
Au périscope
Un quartier général avec cagnas de luxe
Ambulance chirurgicale montée pour l'affaire de Champagne
La guerre de tranchée - Le guetteur
Thèmes qui pourraient être développés
- Grèce - La question de Salonique
- Enfants - Les jouets des enfants
- Commandes militaires - Ministère des Postes pour la fourniture du papier des mandats
- La zone des armées
- Industrie - Problème de Main d'œuvre
- Allemagne - La grande séance du Reichstag
- Généraux - Le général de Castelnau, chef d'état-major général
- Arts et culture - Pathé
- Atrocités allemandes en Belgique (LPJ Sup)
- Les massacres d'Arménie (LPJ Sup)
- Emprunt - Le 5% - La rente dans l'histoire (LPJ Sup)
- Les instantanés de la guerre (Photos dans LPJ Sup)
- Conseils pratiques - La sottise des amours-propres (LPJ Sup)
- Religion - Fête religieuse - Immaculée Conception - 8 décembre
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