14-18Hebdo

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5e semaine de guerre - Lundi 31 août au dimanche 6 septembre 1914

 

LUNDI 31 AOUT 1914 - SAINT RAYMOND NONNAT - 29e jour de la guerre

MARDI 1er SEPTEMBRE 1914 - SAINT GILLES - 30e jour de la guerre

MERCREDI 2 SEPTEMBRE 1914 - SAINT ETIENNE - 31e jour de la guerre

JEUDI 3 SEPTEMBRE 1914 - SAINT MANSUY - 32e jour de la guerre

VENDREDI 4 SEPTEMBRE 1914 - SAINTE ROSALIE - 33e jour de la guerre

SAMEDI 5 SEPTEMBRE 1914 - SAINT LAURENT JUSTINIEN - 34e jour de la guerre

DIMANCHE 6 SEPTEMBRE 1914 - SAINT ZACHARIE - 35e jour de la guerre

Revue de presse

-       La bataille a repris dans les Vosges et en Lorraine

-       La guerre austro-serbe : nouvelle défaite des Autrichiens à Lovcen

-       Les aéroplanes allemands au-dessus de Paris

-       Les automobiles civiles ne sortent plus de Paris

-       Les exactions allemandes en Belgique

-       Grande victoire russe en Galicie - 150 canons pris aux Autrichiens

-       L’anniversaire de Sedan

-       La Russie va envoyer 3 millions d'hommes en Allemagne et 2 millions en Autriche

-       La défense de Paris - Une proclamation du général Gallieni

-       Le cardinal della Chiesa est élu pape sous le nom de Benoît XV

-       La grande bataille de Galicie terminée par la prise de Lemberg est un désastre pour l'Autriche

-       La manœuvre débordante de l'ennemi semble définitivement conjurée

-       Le gouvernement à Bordeaux

Morceaux choisis de la correspondance

Nous resterons ici jusqu’à ce que les autorités nous fassent partir mais j’espère que nos troupes refouleront les Allemands, et que nous ne serons pas forcés de nous sauver.

31 août - ELLE.- Je viens de t’envoyer une carte spéciale pour les militaires, espérant qu’elle te parviendra plus vite que mes lettres qui s’obstinent à mettre 10 jours à t’arriver. Les tiennes n’en mettent que cinq.

 

Nous allons tous très bien, on n’entend plus le canon depuis deux jours, ce qui calme un peu les esprits. Georges et Maurice vont parfaitement, en bon état quoique très fatigués, sortis sains et saufs de situations très périlleuses. Georges est absolument au feu, mais il a couru tant de dangers depuis 15 jours et en est sorti indemne qu’il se dit immunisé. Dieu le veuille ! Il va être cité à l’ordre du jour, ayant fait une prouesse comme reconnaissance mais elle lui a coûté son cher cheval. Il avait passé un jour au dépôt, dans les convois pour se reposer car il avait eu un accès de fièvre par suite d’excès de fatigue. Nous avons pu ainsi savoir où il était et, hier matin après la messe, nous avons couru dans les communes environnant Rambervillers pour le trouver. Avec bien du mal, nous y sommes arrivées, mais nous étions dans la ligne de feu. Mr Hatt, que nous avons rencontré, nous disait que nous pourrions peut-être recevoir un obus, mais nous n’avons rien vu, encore moins reçu, tranquillise-toi.

 

Enfin nous avons trouvé Georges, très bonne mine, mais très désolé d’avoir perdu son cher « Gracieux » qu’il aimait tant et dont il se sentait si maître, il avait parfaitement marché depuis le début de la campagne ayant accompli de vrais raids sans fatigue apparente.

 

Ils ont donc fait une reconnaissance vers Badonviller-Baccarat pour renseigner sur l’importance de l’armée allemande qui se trouvait devant nos troupes. Ils ont pu passer entre l’infanterie et l’artillerie allemande et de là ont cherché le convoi. Tout a très bien réussi, ils ont vu que les Allemands traînaient derrière eux un troupeau considérable qu’ils ont évalué à 3 000 bêtes, etc., etc. Mais ils ont été dépistés et obligés d’entrer sous bois. Après mille péripéties, qu’il serait trop long de te conter ici, ils ont dû se résigner, pour pouvoir rentrer, à abandonner leurs chevaux, qu’ils ont attachés dans un fourré pour que les Allemands ne les prennent pas (les pauvres bêtes y meurent peut-être de faim à l’heure qu’il est) et ils ont traversé les lignes allemandes grâce à la pluie qui empêchait d’entendre parfaitement leurs pas. Mais des angoisses quand on entendait le « Wer da ! » fatidique, quand il fallait se traîner dans les fossés, ils ont marché longtemps dans un ruisseau pour qu’on ne les entende pas. Georges a trébuché à un moment dans quelque chose, sa main en avant a plongé dans la cervelle d’un mort, horreur et dégoût. Enfin suprême joie à l’aube suivante de revoir un pantalon rouge et d’être sauvés. Ils étaient partis depuis 26 heures et n’avaient rien mangé. Le lieutenant avait été très gentil pour Georges, à la fin de la nuit, le voyant très fatigué, il lui a porté son manteau alourdi par la pluie pour qu’il puisse avancer plus librement. Ils étaient partis à 7, ils ont perdu 2 hommes au passage d’un fossé, ils ne savent s’ils se sont égarés ou si on les a tués dans la suite ou faits prisonniers, deux autres ont été blessés, mais ont pu rentrer en tenant le lieutenant et Georges par leurs vestes. Le général Legrand les a félicités et remerciés ; mais hier Georges a appris avec ennui que le lieutenant allait changer d’escadron, c’est dommage car ils s’étaient voués une amitié fidèle et s’étaient promis de se ramasser l’un l’autre en cas de blessure ou de mort et de ne pas laisser l’éclopé entre les mains des Allemands si cruels. Georges dit que cette fameuse nuit où ils ont traversé le champ de bataille restera toujours présente à son esprit, entendant les appels des blessés qui réclamaient de l’eau, qui hurlaient comme de pauvres chiens et qu’on ne pouvait songer à secourir, ne pensant qu’à se sauver soi-même.

 

Ses chefs lui ont accordé la faveur insigne de venir déjeuner à la maison, puisqu’il n’avait plus de cheval, disant que, si on les faisait partir, il rejoindrait bien toujours le convoi. Il a été heureux de se changer, de se laver et de remporter du linge, car le sien était resté sur sa selle. Il a emporté un panier d’haricots et d’œufs, car là où ils sont, ils ne trouvent plus rien et n’ont que ce qui vient de l’intendance, c.à.d. riz et légumes secs et viande. On l’a reconduit pour 3 heures et il a très bien retrouvé son régiment.

 

Mais tu ne peux te faire une idée de ces environs de Rambervillers. Ce n’est plus que troupes, fourgons, chevaux, artillerie sur les routes, dans les bois, dans les champs, partout.

 

31 août - ELLE (suite).- On s’attendait à réentendre le canon aujourd’hui car depuis deux jours, il y a une vraie détente, mais rien encore aujourd’hui. Tant mieux c’est toujours autant de gagné, c’est un jour de plus pour l’arrivée des Russes.

 

Ce matin, Robert qui est toujours le parfait bavard que tu connais, nous a annoncé qu’il avait vu passer deux obus étant chez la fermière ; je lui ai fait expliquer comment étaient les fameux obus, « vous savez bien, des grosses voitures à boucherie ». C’étaient tout simplement des autobus. Le pauvre Robert confondait.

 

André est venu avec Maman et moi voir Georges hier, il était bien content. Nous avons vu pas mal de canons en batterie à la crête d’une petite élévation de terrain, les caissons masqués par des branchages et j’ai pensé à toi que je suis si contente de sentir à l’abri jusque présent.

 

Au retour nous avons rencontré Victor qui est dans les convois d’artillerie et n’est pas très exposé, il va bien mais comme mes frères a un peu maigri.

 

Ce matin l’oncle Henry est passé et nous a donné de bonnes nouvelles de ses deux fils exposés. Ils sont tous deux entre Munster et Turckheim et vont très bien. Il allait à Rambervillers voir la maison d’André qui a reçu des obus et a été pillée (mais par les Français).

 

Toujours pas de nouvelles des parents de Thérèse. Georges croit que leur usine est brûlée, mais il ne l’a pas dit à Thérèse, elle le saura toujours assez tôt. Elle craint que ses parents n’y soient restés et qu’on ait tué son père ou emmené comme otage.

 

On nous a affirmé que la filature de Schlestadt est en ruines. Mais je crois peu aux nouvelles, car on en répand plus de fausses que de vraies.

 

Les mines de Courrières ont été abandonnées ces jours derniers et on a fait sauter les puits de descente. Pierre Geny a rejoint son régiment à Versailles.

 

Le gros du train des équipages est toujours ici, cela nous donne de la sécurité, cela prouve que les Allemands n’avancent pas puisqu’on ne leur donne pas l’ordre de se replier.

 

Nous resterons ici jusqu’à ce que les autorités nous fassent partir mais j’espère que nos troupes refouleront les Allemands, et que nous ne serons pas forcés de nous sauver. 

L’exode des populations frontières s’est un peu arrêté.

2 septembre - ELLE.- Ici, on est plus au calme ces jours-ci. Le canon qu’on avait entendu toute la journée de vendredi, d’une façon continue et très rapprochée, avait un peu démoralisé le pays et nous-mêmes. Mais depuis, il ne tonne plus que par intervalles, l’exode des populations frontières s’est un peu arrêté, et par là même les nouvelles terrifiantes ne se répandant plus, on est tout à la joie de rester chez soi. Tout le village a les yeux braqués sur nous, si jamais nous nous en allons, ce sera la fuite éperdue de tous les habitants.

 

Ce qui est ennuyeux, c’est qu’on ne peut avoir de nouvelles sûres, les uns prétendent que les Allemands étaient en nasse à St-Dié, qu’on en a tué plus de 2 000, qu’il a fallu réquisitionner 150 hommes des environs pour les incinérer car on n’a pas le temps de les enterrer, que dans toute la région de Baccarat, ils ont tellement de morts qu’ils avaient demandé au général Pau un armistice de 48 heures pour les enterrer et relever les blessés, mais le général Pau n’a pas accepté. D’autre part on dit qu’à St-Dié il n’y a eu que quelques patrouilles de uhlans, mais en tout cas il est repassé hier beaucoup de troupes qui remontaient par le train jusque Laveline pour barrer le col du Bonhomme, Fraize et Corcieux, car on craignait que les Allemands ne débouchent par là pour prendre notre armée par le flanc droit. Enfin comme on n’a peu ou point de nouvelles sûres, les oreilles se tendent à tous les canards qui circulent.

 

Georges nous disait que les obus allemands ne font pas énormément de dégâts. L’autre jour tout un peloton était en train de déjeuner, les hommes assis en rond, les chevaux en arrière, Georges était à 10 mètres d’eux, un obus tombe juste au milieu du cercle, les chevaux se cabrent, les hommes sont projetés à terre et recouverts de terre, Georges se disait qu’on allait voir une boucherie. Non, tout le monde s’est relevé, il n’y avait que des égratignures. Une autre fois, il dormait d’un sommeil profond étant éreinté, un obus éclate dans ses environs tuant un cheval d’un compagnon, Georges ne s’était même pas réveillé, c’est son camarade qui l’a tiré pour qu’il se mette un peu plus à l’abri. Il dit que les balles sont bien plus agaçantes, avec leur petit « pst, pst » qui résonne tout le temps dans les oreilles.

 

Les enfants vont toujours à merveille, ils font leurs petits devoirs tous les matins gentiment, Robert a toujours bien du mal de faire ses lettres.

On lui a donné une espèce de cheval plutôt mauvais que bon, qui fait des demi-tours continuellement.

4 septembre - ELLE.- Le ravitaillement est toujours ici et nous donne ainsi la sécurité de nous sentir loin encore des lignes ennemies. D’ailleurs nous fuirons quand nous les sentirons avancer. Tous les officiers que nous avons pu voir et qui ont des renseignements sur ce qui se passe dans les pays envahis nous y engagent. La pauvre Thérèse est bien anxieuse, nous le devinons, du sort de ses parents. Naturellement on ne peut en avoir de nouvelles puisque l’ennemi se tient sur la Meurthe. Des Raonnais qui ont émigré ici, ont tenté hier d’y retourner, mais ont été arrêtés par nos troupes au-delà de Rambervillers, on ne laisse passer personne.

 

Maurice est maintenant sur la route d’Archettes-Epinal cantonné dans une ferme en train de faire faire des tranchées par ses sections pour le cas d’investissement d’Epinal. Nous sommes allées Thérèse et moi, en Zèbre le voir hier (tu vois nous sommes braves) et il nous disait qu’il ne dormait pas bien, il a encore toujours le cauchemar du col de Ste Marie sous les yeux et passe ses nuits à en rêver, de plus il avait rêvé que Georges était mort. Enfin son moral n’est pas excellent. Nous l’avons remonté en lui faisant part d’une prédiction du curé d’Ars qui annonçait une guerre avec l’Allemagne qui commençait aux moissons et finissait aux vendanges ; si c’était vrai, quelle joie n’est-ce pas, chéri, mais quoique ayant affecté devant Maurice une confiance entière, je n’y crois guère, surtout en voyant la marche rapide des Allemands sur Paris et la retraite du gouvernement dans le Centre. Au point de vue égoïste, c’est très mal, mais l’invasion du Nord ne m’attriste pas du tout comme celle de notre pays, c’est curieux comme on a dans la grande patrie sa petite terre à soi.

 

Georges, heureusement n’est ni mort ni blessé, quoiqu’en rêve Maurice, il nous a envoyé hier deux cyclistes de Bruyères vers 9 heures du soir (ils nous ont même effrayées, nous allions nous coucher et tout bruit insolite fait tressaillir à cette triste époque). Georges nous envoyait un mot disant qu’on les embarquait ce matin à 4 heures pour une destination inconnue, mais ils avaient entendu les officiers parler de 2 jours de voyage et en déduisaient qu’ils partaient vers le Nord, et il demandait quelques provisions pour améliorer l’ordinaire, qui suivait dans deux wagons à la fin du train. On a donc donné aux bonshommes un peu de chocolat, gruyère, œufs durs, vin blanc, prunes. Et ce matin il a passé à la gare et a jeté un billet pour nous, il était content d’avoir reçu les petites gâteries.

 

Tu sais que le grand pont de Blainville est détruit. Pour aller à Nancy, il faut passer par Mirecourt et Vézelise. / Le moral de Georges est bien meilleur que Maurice. Il avait encore eu 4 mauvaises journées dans le feu de l’action et disait que les forêts entre Rambervillers et Raon sont pleines de morts. Il craint bien que cela n’amène des maladies, car on n’a pas le temps de les enterrer, c’est une infection, les chevaux morts sont gonflés comme des outres, mais ces spectacles terrifiants ne l’empêchent pas de dormir aussitôt et tant qu’il en a l’occasion. On lui a donné une espèce de cheval plutôt mauvais que bon, qui fait des demi-tours continuellement, et il regrette de plus en plus son cher Gracieux qui lui obéissait si bien au moindre geste. Enfin, c’est déjà beaucoup que lui du moins soit en bon état.

On dégarnit beaucoup notre frontière pour renforcer celle du Nord, Paris est évidemment plus important qu’Epinal, mais pour nous c’est ennuyeux.

6 septembre - ELLE.- J’ai été ravie de recevoir les deux photos ce matin, tu m’as semblé en parfait état de santé et j’ai cru constater que mon mari cher a gardé en guerre ses mauvaises habitudes du temps de paix : de ne pas mettre de manchettes. Son sous-lieutenant est bien plus fringant avec des manchettes et des gants. Enfin l’essentiel est que tu ailles bien, mon chéri.

 

Le beau temps est excellent pour tous, pour nos enfants comme pour tous les soldats et chevaux qui campent dehors. Le village en est plein, ce sont des artilleurs qui reviennent des cols et qu’on expédie dans le Nord, des pontonniers qui avaient passé ici dans la 1ère quinzaine d’août, je ne sais encore pourquoi, puisqu’il n’y a pas de fleuves par ici, des convois d’artillerie qui venaient à la gare chercher des munitions, des ambulances qui ont huit jours de repos.

 

On entend encore le canon tous les jours mais très lointain, à 10 heures du soir hier il tonnait encore.

 

Nous avons vendu du foin hier aux artilleurs pour 75 francs, ils ne le paient pas plus cher qu’en temps normal, enfin ce sera toujours autant de moins que les Allemands brûleront s’ils viennent ici.

 

On n’a pris aucune de nos autos. Si nous partons, nous emmènerons la voiture fermée à laquelle Maman tient plus qu’à la découverte et Thérèse prendra sa Zèbre pour elle et Marie K., qui était très triste ces temps derniers quand elle nous entendait faire des projets de départ et à laquelle nous avons offert de l’emmener. Maman se mettra près de Maurice Kommer avec Noëlle sur le devant de la voiture et moi à l’intérieur avec les enfants de Thérèse, nos garçons et les bagages. Si Thérèse avait su conduire une grosse voiture, on aurait pris les deux, mais d’autre part, il paraît qu’on a beaucoup de mal à trouver de l’essence qui est réquisitionnée pour les autos militaires, nous serons donc forcés d’en mettre un chargement sur l’auto, et il vaut autant ne pas avoir deux grosses voitures qui mangent beaucoup. Quant à nos trois bonnes, nous les enverrons à Cornimont, tant mieux pour elles si les Prussiens n’y vont pas, car nous ne pouvons les emmener toutes les trois, nous n’avons pas la place, et celles que nous laisserions se déclareraient victimées.

 

D’ailleurs, je te parle de tous ces projets, mais nous avons toujours le ferme espoir de n’être pas obligées de fuir devant les Huns ; ce qui nous déconcerte et nous fait un peu craindre ces jours-ci, c’est qu’on dégarnit beaucoup notre frontière pour renforcer celle du Nord, Paris est évidemment plus important qu’Epinal, mais pour nous c’est ennuyeux.

 

Depuis deux jours pas de dépêche officielle et pas de journaux, on est comme dans un désert, les officiers eux-mêmes ne savent rien.

 

Thérèse aurait bien voulu voir Maurice, car les femmes de la filature n’ont encore reçu aucun secours, elles sont allées à la préfecture où on leur a dit que 3 demandes seulement étaient parvenues de Cheniménil, ce sont des paysans, et quand elles étaient allées réclamer au maire, il leur a répondu bêtement d’aller trouver leur patron, elles lui avaient gagné de l’argent et qu’il pouvait les nourrir. Et il a ajouté : « il a un champ de patates derrière sa maison, allez les prendre ». Tu vois ce maire qui devrait être le représentant de l’autorité et empêcher au contraire les déprédations, qui engage les gens au vol. Personne d’ailleurs n’a encore reçu de secours, ce sera sans doute comme pour les retraites, on attendra longtemps, enfin, nous allons nous occuper de cette question et, si le maire s’obstine à ne pas envoyer les demandes à la préfecture, nous irons nous-mêmes trouver le préfet.

 

Tu sais que c’est Manuel le grand manitou à Epinal, il parle en maître dans le cabinet du Gouverneur comme chez le Préfet. Quelles machinations a-t-il faites pour ne pas partir, il a toutes les chances, celui-là, couchant tous les soirs dans sa bonne maison, surveillant ses usines, circulant partout en auto. Les méchantes langues d’Epinal prétendent qu’on n’a pas compris, dans les bouches inutiles qu’on a évacuées, toute la gent galante d’Epinal et que c’est Manuel qui a tenu à la garder (ceci sous toutes réserves).

 

On est venu hier réquisitionner toute l’essence que Maurice avait encore dans son garage, soit 900 litres. Heureusement on nous a laissé la nôtre, cela ne nous servira plus guère que pour le grand départ, car on devient de plus en plus difficile pour circuler. L’autre jour Madame Bertin avait demandé qu’on la conduise à Bussang pour voir André, et le fameux commandant de la place de Remiremont, qui m’a déjà fait perdre 2 heures quand j’ai voulu aller à Cornimont, a refusé de la laisser passer. Marie Krantz prétend qu’on m’a laissé continuer ma route à cause de mon physique plus engageant que celui de la pauvre Mme Bertin. Je crois plutôt que c’est parce que j’avais une raison à donner pour mon voyage, tandis que Mme Bertin qui n’allait voir que son fils, a dû agacer le commandant éloigné peut-être de sa famille.

 

On a pris l’autre jour, paraît-il, 4 officiers allemands en auto près d’Epinal. Ils s’étaient fabriqués des laissez-passer français, je me demande encore comment et par où ils étaient entrés. La sentinelle a cru voir sur leurs figures qu’ils n’étaient pas français et les a arrêtés. A l’interrogatoire, ils ont été forcés d’avouer leur identité. Je me demande ce qu’ils venaient faire, mais je suis sûre qu’on ne les aura pas tués, en France on est si bête, et qu’on les aura tout bonnement envoyés dans le Centre.

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 06/09/1914

Rien - Non paru

Thèmes qui pourraient être développés

  • Les blessés non secourus : voir le témoignage bouleversant (une dizaine de pages) d’Auguste Chapatte dans Hartmannswillerkopf 1915-1916 - Souvenirs d’un poilu du 15-2 : lors de l’attaque du 21 décembre 1915, il est blessé et abandonné : « Dans quelques heures, je ne serai plus : le froid et la neige auront achevé l’œuvre de la balle qui m’a frappé. »
  • Les aéroplanes
  • Le pantalon rouge
  • La carte de correspondance spéciale pour les militaires
  • La défense de Paris
  • Benoît XV - Le conclave : pas de problème car l'Italie était neutre --> les 60 cardinaux ont pu venir (Hanotaux /T4/ch4/p44)
  • Le service de ravitaillement
  • Le gouvernement à Bordeaux


29/08/2014
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