14-18Hebdo

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49e semaine de guerre - Lundi 5 juillet au dimanche 11 juillet 1915

 

LUNDI 5 JUILLET 1915 - SAINTE ZOE - 337e jour de la guerre

MARDI 6 JUILLET 1915 - SAINTE COLOMBE - 338e jour de la guerre

MERCREDI 7 JUILLET 1915 - SAINT ELIE - 339e jour de la guerre

JEUDI 8 JUILLET 1915 - SAINTE VIRGINIE - 340e jour de la guerre

VENDREDI 9 JUILLET 1915 - SAINT CYRILLE - 341e jour de la guerre

SAMEDI 10 JUILLET 1915 - SAINTE FELICITE - 342e jour de la guerre

DIMANCHE 11 JUILLET 1915 - SAINT NORBERT - 343e jour de la guerre

Revue de presse

-       Un cuirassé allemand coulé dans la Baltique par un sous-marin anglais

-       Les permissions aux hommes du front

-       Un taube essaie de survoler Remiremont

-       Venise gardée par une escadrille d'aviateurs français

-       Holt, l'assassin de M. Pierpont Morgan, s'est tué

-       Le général Gouraud a été amputé du bras droit

-       La guerre italienne - Destruction de la gare de Gorizia

-       Dans l'Afrique du Sud capitulation générale des Allemands

-       Ça ne va pas chez Krupp

-       Sur le front anglais les Boches attaquent et sont repoussés

-       Attentat contre le sultan d'Egypte mais la bombe n'éclate pas

Morceaux choisis de la correspondance

Je trouve comme toi que ces baisers sur du papier n’ont rien de bien doux, et il serait temps que nous puissions nous les donner vraiment.

5 juillet - ELLE.- Je ne t’ai pas écrit hier, je suis restée au lit jusque 10 heures, manquant la messe comme tu le vois, puisqu’on la dit maintenant à 8 h 1/2. Maman y avait emmené les enfants et, pendant que Maman faisait ensuite le catéchisme, j’ai enlevé et refait le pansement du doigt de Robert. Tu devines que ce ne fut pas sans peine et sans cris. Le coton avait collé. On avait beau le tremper, il fallait tout de même tirer un peu et on trouvait que Maman allait trop vite, l’opération a au moins duré 1/2 heure. Enfin tranquillise-toi, la plaie a très bonne mine, je ne crois pas qu’elle suppurera, l’ongle tombera mais ce sera là, je crois, que se bornera la chose. Nous avons encore eu la chance cette fois. Au premier moment, j’ai eu peur que le petit bout du doigt ne soit complètement coupé. Ce matin le pansement était très bien, très sec.

 

Quand les deux aînés sont rentrés du catéchisme avec Maman, André est allé atteler l’âne, Grand-mère a encore vite fait quelques bouteilles de compote de cerises et, quand tout le monde a été prêt, nous sommes tous partis à Cheniménil où on était invité pour voir Maurice. Mais Maurice était parti, il a heureusement de bons amis à Epinal, l’un était venu à 10 h 1/2 le prévenir qu’il y avait revue annoncée pour 2 heures, il était donc retourné. Les parents de Thérèse étaient là. Mr Schwindenhammer est comme Maman, il a du mal de trouver des matières premières mais, ayant plus l’habitude des affaires, il sait sans doute mieux s’en tirer. 5 machines sur 6 marchent chez eux le jour, de 6 heures du matin à 6 du soir, car ils sont trop près de la ligne de feu pour laisser éclairer. Mais il ne va plus faire de papier de couleur, il ne fera plus que du blanc, parce que les couleurs sont trop rares et trop chères. On était pour cela, comme pour beaucoup d’autres choses, tributaires de l’Allemagne et le fameux « Badische Anilin und Soda Fabrik[1] » était un des grands fournisseurs.

 

A deux heures ½ les Schwindenhammer et Thérèse sont partis à Arches voir une nièce mariée à Lienthal qui a fui quand les Français ont abandonné le village. Les alpins ont mis ses enfants sur des mulets ainsi que les quelques petites choses pour passer le Rothenbach et elle a retrouvé son mari à St Amarin, il s’était sauvé dès les premiers jours pour ne pas servir chez les Allemands. Ils sont restés à St Amarin depuis, ayant loué 4 petites chambres, mais comme Mr Klein avait un petit tissage et travaillait pour les Kullmann de Mulhouse, on lui a offert de venir au tissage d’Arches aider Mr Risler pendant la guerre, du moins pendant qu’il ne peut retourner chez lui, ils ont donc loué une maison à Arches et s’y sont installés. Mais j’ai ouï dire que certains font grise mine au fameux Mr Klein encore très jeune et homme solide, parce qu’on trouve qu’il aurait dû s’engager en France. Lui ne veut pas parce qu’on envoie tous les Alsaciens en Algérie et au Maroc. Enfin les pauvres gens ont eu bien des tribulations et dans quel état retrouveront-ils toutes leurs affaires après la guerre.

 

Pendant ce temps, nous sommes partis au Château s/Perles toujours juchés sur notre voiture, mais le bourriquet manquait d’ardeur et en entrant dans le bois il a fallu descendre de voiture, il calait. On a goûté de pain et de cerises.

 

Le soir quand je me suis couchée, Dédé ne dormait pas encore, il avait l’air d’avoir très chaud, je lui pris sa température, il avait 38 et se plaignait d’avoir mal au genou - déjà dans la journée il en avait parlé à maintes reprises. Il est resté au lit aujourd’hui, ce soir il avait encore la même température, je lui ai frotté le genou avec du Baume Bengué, ce sont peut-être des rhumatismes de croissance, j’en ai eu aussi vers 13 ou 14 ans. Mais s’il a encore de la fièvre demain, je ferai venir un médecin car, tu me connais, j’aime à être conseillée et à ne pas agir en aveugle.

 

C’est Noëlle la plus forte maintenant, elle a eu une santé très régulière cette année, elle a si bonne mine, toujours le corps très mince, mais les mollets grossissent un peu, elle a beaucoup grandi et se développe très bien. Par moments elle raisonne déjà comme une grande. Le temps passe si vite, il me semble pourtant que c’est hier qu’elle faisait ses premiers pas à la véranda, te la rappelles-tu trottinant comme une souris.

 

Nous venons de recevoir une lettre de Georges nous annonçant qu’il va quitter le camp d’Osnabrück. Les Allemands ont organisé une sorte de pension où on recevait 40 ou 50 personnes pour faire une cure de repos dans un petit village sur les bords de la Weser et vont y mettre une centaine d’officiers prisonniers. Au camp d’Osnabrück, 20 Français, 40 Russes se sont fait inscrire, dont Georges qui dit qu’il se réjouit de ce changement : monter dans un train, voir des civils dans la rue en allant à la gare, ne plus voir les mêmes murs, changer d’air et de milieu. Il dit qu’il espère que la règle sera moins sévère puisqu’il n’y aura à garder que 100 prisonniers au lieu de 700. D’autre part, comme c’est un tout petit village, il aura peut-être plus de mal pour se procurer les choses nécessaires ou agréables. La cantine à Osnabrück recevait les commandes pour la ville si on voulait acheter du linge, des livres, etc. Quoi qu’il en soit, ce petit changement lui fera du bien, 6 mois entre 4 murs doivent sembler longs, ce sera un petit intermède. Sa lettre date du 15 juin.

 

Je t’embrasse, mon chéri Geogi, mais je trouve comme toi que ces baisers sur du papier n’ont rien de bien doux et qu’il serait temps que nous puissions nous les donner vraiment. J’ai vu l’autre jour dans le journal qu’un député demandait un congé pour les troupes à donner par roulement. Si seulement cela se faisait, ce serait si bon de se revoir. Ta Mi.

 

6 juillet - Nicolas Noël (HGP ex contremaître au Saulcy) à Mimi Cuny.- Je suis en 1ère ligne depuis le 17 mars n’ayant que de rares jours de repos et faisant un service assez dur sur une montagne d’Alsace où le printemps a été rude, il faisait très froid.

 

7 juillet - ELLE.- Hier André ayant encore de la fièvre, nous étions allées Thérèse et moi jusqu’à Bruyères pour prier le docteur Rousseau de venir le voir, mais nous avons eu de la malchance, le docteur R. n’est plus à Bruyères, il est à Langres depuis un mois. Il est remplacé à l’hôpital où il soignait les blessés par un médecin du centre de la France. Je trouve qu’on ferait vraiment bien mieux de laisser dans leur centre les docteurs qui peuvent encore soigner un peu les civils plutôt que de les changer systématiquement de ville. Enfin, nous sommes donc revenues bredouilles et, comme je devais aller aujourd’hui à Epinal, je me suis dit que j’en demanderais un. Nous avons donné à André une purgation qui a donné d’heureux résultats déjà et ce matin, il n’a plus de fièvre et dit que son genou ne lui fait plus mal. Je reprendrai encore sa température à 1 heure avant de partir et, si la fièvre n’est pas revenue, ce ne sera pas la peine de faire venir un médecin, ce n’aura peut-être été qu’un petit accès de fièvre causé soit par les douleurs musculaires, soit par la croissance, soit par la chaleur. Après ceci, je lui donnerai des fortifiants.

 

Thérèse est venue déjeuner avec sa petite Françoise hier, c’est une joie quand elles viennent. Comme un jour qu’il faisait chaud, Maman avait fait monter du champagne pour boire avec de l’eau, la petite Françoise s’en est souvenue et, au moment de tendre son verre à sa mère pour qu’elle le remplace, elle passe sa petite main sur son front et dit : « Il fait çaud aujourd’hui, on aura de la çampagne ». Maman n’a pas pu résister à l’invitation et les enfants ont été ravis. Maurice est très fier de sa fille qu’il trouve une jolie petite fille, c’est vrai, sa mère l’élève très bien. Plus nous connaissons Thérèse, plus nous l’apprécions, c’est une femme parfaite, d’humeur égale, serviable, intelligente et sérieuse. Nous sommes bien contentes que Maurice soit si bien tombé, Maurice étant très jeune de caractère et souvent irréfléchi avait besoin d’une compagne pondérée et qui sache lui montrer le bon chemin. De plus Thérèse est très bonne pour Maman.

 

Le doigt de Robert est en bonne voie, mais le petit jeune homme est dans une période de colère, il faut toujours le gronder et il se met à rager.

 

7 juillet - Lieutenant Hamon (Armées) à Georges Cuny.- On m’envoie à Fontainebleau suivre des cours de tir. Je suis navré car voilà encore quelque temps à rester à l’arrière et à m’ennuyer, car vous savez la vie au dépôt est loin d’être agréable. On a un service assez ennuyeux et la vie à Besançon est au moins aussi monotone que celle du front. Service de place, de régiment, corvées, on ne rate rien. Henriot est aux Dardanelles. Delorme commande une batterie de 58 en Alsace. On m’a appris que Déon était capitaine, voulez-vous le féliciter de ma part.

 

7 juillet - Adjudant Malavaux (Armées - Besançon) à Georges Cuny.- Après ma rentrée au dépôt, je suis parti pour quelques jours au Valdahon exécuter des tirs avec les jeunes soldats de la classe 1916, puis en rentrant j’ai obtenu une permission agricole de 10 jours pour la rentrée des foins. Je crois qu’il est inutile de vous dire que j’en ai profité du mieux que j’ai pu, et que ma présence en ce moment dans ma famille était une grande réussite, car ma femme, tant courageuse soit-elle, et comme tant d’autres d’ailleurs, commençait à perdre courage débordée par le travail avec nos trois enfants et j’ai eu la satisfaction, ma permission terminée, d’avoir pu mettre un peu d’ordre dans la maison. Dimanche prochain 11, je dois encore repartir au Valdahon, toujours avec les jeunes soldats, pour exécuter des tirs avec le 90 et le 95, puis en rentrant la moisson battra son plein, mais ce sera moins long que les foins et, si je le peux, je veux encore faire mon possible pour aller donner un petit coup de main à la maison. Ma santé est complètement remise et si je puis vous être utile, je suis à votre disposition, car j’ai toujours espéré, mon Capitaine, finir la campagne avec vous. Je sais bien que ce sera encore pour quelque temps, mais néanmoins, je suis toujours disposé, en ce qui me concerne, à faire tout mon possible pour remplir consciencieusement ma part de devoir. J’ai vu Mr le Lt Henriot qui est parti, au 47e, pour les Dardanelles, je vois très souvent aussi Mr Hamon qui m’a dit espérer bientôt aussi vous rejoindre.

 

Je ne « rage » plus en pensant aux Russes, je m’attends à tout de leur part. Après Lemberg, ils abandonneront Varsovie, puis Riga. Nous avons de tristes alliés - les Anglais qui sont 700 000 pour garder même pas 100 kilomètres, la Russie qui recule, heureusement que la France a mon Geogi.

8 juillet - ELLE.- En t’écrivant hier, j’ai oublié de te dire que je t’avais fait la veille (c.à.d. le 6 juillet) l’envoi de ton costume de toile. Dans le carton, se trouve aussi une chemise, des citrons et un presse-citron et une bouteille de kirsch qui te fera plaisir, soit pour en prendre avec de l’eau sucrée, soit pour boire un petit verre avec tes compagnons. J’ai repensé depuis qu’il n’y avait pas de numéros au col de ta tunique de toile, peut-être votre commissionnaire en trouvera-t-il à Villers-Cotterêts, autrement je pourrai t’en envoyer d’Epinal. J’espère qu’il t’ira bien. La culotte n’a pas de double fond, si tu avais de longues courses à faire à cheval, tu ferais bien de mettre les noires qui ont des basanes et laisser celle-là pour quand tu es au repos, ou si tu le désires, je pourrais en commander une pareille mais renforcée aux endroits qui ont des frottements.

 

J’ai vu avec une joie sans mélange que les autorités songeaient à donner des permissions aux troupes du front. Mais quand viendra ton tour ? Et dans quelles conditions aura lieu ce congé, voilà ce qu’il faudra savoir. L’espoir fait déjà plaisir, mais combien grand sera le bonheur de te voir arriver.

 

Je pense que Paul ne doit plus circuler facilement en auto, car Désiré était souffrant la dernière fois qu’ils ont passé ici et il avait demandé un congé à Paul. Depuis que Paul est revenu, presque chaque jour Désiré fait ses 200 kilomètres car une fois c’est Paul, le lendemain c’est Knipieler qui fait le tour des usines.

 

Tu sais je ne « rage » plus en pensant aux Russes, je m’attends à tout de leur part. Après Lemberg, ils abandonneront Varsovie, puis Riga. Nous avons de tristes alliés - les Anglais qui sont 700 000 pour garder même pas 100 kilomètres, la Russie qui recule, heureusement que la France a mon Geogi. Sur cette petite méchanceté, je vous embrasse mon chéri adoré.

 

Tu ne peux t’imaginer la joie que m’a causée ta lettre m’annonçant ton arrivée prochaine.

9 juillet - ELLE.- Tu ne peux t’imaginer la joie que m’a causée ta lettre m’annonçant ton arrivée prochaine. J’en suis toute émue et n’ose presque pas croire que c’est vrai, mon chéri, mon chéri, j’en pleure de joie. Demande ta feuille de route pour Docelles et Cornimont pour pouvoir y aller si cela te fait plaisir, je t’y conduirais en auto.

 

Tu sauras que nous n’avons plus de train ici après sept heures 1/2 du soir, 6 h 1/2 d’Epinal. Il y en a un très bon qui part de Paris vers huit heures du matin par Chaumont et arrive à Epinal à 5 heures mais peut-être y en a-t-il de nouveaux depuis qu’on veut rouvrir les hôtels de Vittel, Plombières, etc. aux touristes. Renseigne-toi à Paris en arrivant. Je ne trouve rien à te dire tellement je suis contente.

 

Pierre Geny est très mal. Sa mère a été appelée en toute hâte samedi dernier. Le dimanche on a craint une embolie toute la journée. Tante Lucie qui est partie à Paris aussi nous écrit que le docteur ne peut se prononcer avant 4 ou 5 jours. Nous voilà déjà à vendredi, comme il ne nous est pas arrivé de mauvaise dépêche, nous espérons qu’on pourra le sauver. Les Tantes et Gabrielle sont 9 rue Mazarine et se relaient près de Pierre.

Mon Geogi, quelle joie de se revoir. Je t’embrasse de toutes mes forces. Ta Mimi.

 

10 juillet - ELLE.- Je suis comme toi, je compte les heures en attendant ta venue et, depuis que je sais que tu vas arriver, je trouve le temps bien plus long, chaque train qui passe me semble devoir t’amener et c’est une déconvenue de ne pas te voir. D’autre part, j’aime encore autant que tu ne viennes pas tout de suite, car je serai fatiguée cette semaine et, pour quelques jours que tu passeras ici, ce serait malheureux que tu trouves une femme dolente. Ce serait donc beaucoup mieux si tu n’arrivais que dimanche ou lundi prochain.

 

Je ne sais si tu peux télégraphier comme officier, tu pourrais toujours essayer à Paris de télégraphier au « Commandant Parc Autos Cheniménil » l’heure de ton arrivée, pour qu’on aille si possible te chercher à Epinal car il y a toujours de l’arrêt et tu comprends que je ne veux pas perdre une heure de ta chère présence. Ne nous télégraphie pas à nous directement, car le télégramme ne vient télégraphiquement que jusqu’à Epinal, de là il nous arrive par le courrier et il se pourrait que tu arrives avant.

 

Je pense que tu pourras voyager de nuit soit de Villers-Cotterêts à Paris, soit de Paris ici pour gagner du temps. Je vais aller à la gare pour voir les heures de trains de Paris et te les communiquer. De cette façon, tu pourras voir à quelle heure il te faut partir de Villers-Cotterêts.

 

Mon Geogi, tu sais, je perds la tête en pensant que tu vas revenir, je ne sais plus rien te dire.

 

Dédé va mieux, il n’a plus de fièvre aujourd’hui, mais il « s’ennouie » dans son lit, demain il se lèvera. Moi je suis toute ragaillardie à l’idée de te revoir. Tu vas me retrouver avec une très bonne mine. Robert m’attend avec son âne pour partir à la gare.

 

10 juillet - Paul Cuny (Epinal) à Georges Cuny, son frère.- Nous sommes en plein dans nos inventaires, inventaires de guerre aux exercices incomplets de six à huit mois. Tissage Roville terminé : pour huit mois f 120 000, dont f. 38 000 amortissements. Année en cours s’annonce encore meilleure, en outre sera complète. J’ai de bonnes nouvelles de « Petit Père[2] », pour le moment il est en permission à Sfax pour défendre ses propriétés contre une invasion terrible de criquets. Il me dit que les dégâts sont considérables partout. Ici nous sommes au plus grand calme et, sauf quelques imbéciles n’ayant rien à faire, on ne rencontre que des gens confiants.

 

11 juillet - ELLE.- Maurice a vu hier Camille Biesse à la gare d’Epinal, il allait à Thiéfosse avec toute sa famille et doit repartir mardi matin. Monsieur Carrelet, mari de Madeleine Perrigot, également dans l’état-major, descendait aussi du même train. Je constate que si on vous a donné l’ordre de surseoir aux envois en permission, il n’en a pas été de même pour les états-majors. Enfin, nous aurons notre tour une fois aussi, n’est-ce pas mon chéri.

 

Il paraît que Paul va à Paris cette semaine et il doit y retrouver Monsieur Lanique, donc il vaut autant que tu ne viennes pas tout de suite puisque tu ne verrais pas ton frère. A tous points de vue, il est préférable que ton arrivée soit remise à la semaine qui commence le 18 juillet.

 

J’espère que tu as reçu le premier paquet que je t’ai envoyé contenant du linge et que le second t’apportant ton habit de toile va aussi te parvenir. Tu verras que je t’ai envoyé des anciennes chemises de couleur, elles ne sont plus très bonnes ni belles, mais j’ai pensé que tu les jetterais quand elles seraient déchirées et quant à la beauté comme tu n’as pas de conquêtes à faire là-bas cela ne te fera rien. Tu vois, je t’enlève le droit de te faire beau et de plaire, quelle vilaine petite femme je fais.

 

André est débarrassé de sa fièvre. Je ne le renverrai pas à l’école avant le 14 juillet et le laisserai bien à l’air. Les deux autres vont très bien, ils sont à la pêche en ce moment. On a vidé le canal pour refaire une portière et les ouvriers sont enragés pour prendre les dernières truites de la rivière, les enfants viennent de rapporter un anguille de 60 centimètres devant laquelle ils sont en admiration.

 

Maurice me charge de te dire que de Paris tu télégraphies, au lieu du capitaine commandant le parc de Cheniménil comme je te l’avais dit, le jour de ton arrivée au capitaine Renier - Section automobile - n°6 Place d’Epinal. C’est un bon ami de Maurice et ils iraient te chercher ensemble à Port d’Atelier où tu arrives vers 1 h 1/2, ce qui t’éviterait le long arrêt dans cette gare qui n’a rien d’intéressant et te ferait arriver ici bien plus tôt. Si tu ne les y vois pas, qu’ils aient eu un empêchement au dernier moment, tu en seras quitte pour prendre ton train pour Epinal où tu arrives à 5 h 17 comme je te l’ai dit dans ma carte. Il vaut mieux prendre cette ligne Troyes-Chaumont que Nancy où l’express est souvent arrêté par des trains militaires et où il est omnibus de Nancy à Epinal, on met donc 3 heures pour ce court trajet.

 

Bonnes tendresses, mon Geogi chéri, je t’aime et t’attends avec impatience. Ta Mi.

 

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 11/07/1915 (N° 1281)

 
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L’amour du drapeau - « Mes blessures me font moins mal que mon désespoir de le quitter »

C’est par ces paroles qu’un officier porte-drapeau témoignait à son chef la douleur qu’il ressentait en se séparant de l’emblème qui lui était confié. C’était le jour de la prise des Ouvrages Blancs dans le village de Mont-Saint-Eloi. Après le combat, un lieutenant s’avançait péniblement, soutenu par un homme. Il avait un œil crevé, les deux poignets mutilés ; cependant en croisant les bras, il maintenait encore sur sa poitrine un drapeau ensanglanté… Le général l’aperçoit et va à lui. Alors, le blessé lui dit : « Mon général, je suis le porte-drapeau du …e d’infanterie. Et c’est notre drapeau que j’ai là… Mais je suis trop blessé pour le garder plus longtemps… Mon général, mes blessures me font moins mal que mon désespoir de le quitter… » Le chef l’embrasse, les larmes aux yeux : « Vous le retrouverez bientôt, lieutenant. Et ce jour-là, ce sera avec un troisième galon sur le bras et la croix sur la poitrine… »

 

 

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Dans le Trentin - Les alpins italiens précipitent d’énormes quartiers de rocs sur une patrouille ennemie

Un officier italien raconte : « Une nuit, nos sentinelles entendent monter un bruit, comme si on grattait sur les rochers. On ne voyait personne. Le bruit augmentait, c’était le grincement caractéristique des clous des bottes sur les rochers pas couverts de la neige. C’étaient des soldats autrichiens qui essayaient de tendre un piège à leurs adversaires. Dans un instant la compagnie est debout, en silence, toute prête. On regarde vers les sentiers qui montent. En passant sur la neige, dans le fond de la vallée, la patrouille autrichienne se découvre : ce sont des taches noires qui avancent. L’officier explique en quelques mots à ses hommes ce qu’il faut faire. La patrouille ennemie doit passer tout à l’heure au-dessous de l’éperon. Sans faire de bruit, souples et silencieux, les soldats italiens ramassent sur le bord de l’abîme des pierres énormes, de véritables rochers. L’officier est étendu par terre, à côté d’eux : il regarde la marche en avant de la patrouille ennemie. A un certain moment, il crie « Jetez ! » Un fracas énorme remplit la montagne. Des hurlements, puis le silence de nouveau, les ombres noires se sont arrêtées et ont disparu. A l’aube, une patrouille d’alpins va compter les cadavres et ramasser les blessés ».

 

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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Prisonniers allemands au Japon

Minenwerfer pris aux Allemands ces jours derniers

La fenaison en 1915 - Nos soldats aux champs

La fenaison en 1915 - Nos soldats aux champs

Fusiliers marins montant un blessé à bord

On conduit à sa dernière demeure un territorial tué la veille

Une mitrailleuse contre aéros montée sur un tonneau et une roue

Un tour de valse

La sieste à un mètre sous terre

Dans la Somme - Ce qui reste d'un café d'Albert

 

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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Tranchée de 1ère ligne en communication par téléphone avec une batterie d'artillerie

Forêt de Parroy. Un poste d'observation au-dessus d'un souterrain d'abri

Pour protéger leurs tranchées. Soldats portant des frises en fil de fer barbelé

Après une rude journée. Les poilus se reposent dans le jardin qu'ils ont dessiné au milieu de la forêt

Section de fantassins se rendant aux tranchées de 1ère ligne pour les remettre en état

Une cuisine roulante

Artilleurs artificiers ravitaillant en torpilles aériennes une batterie défilée sous terre

Entrée d'un abri d'artilleurs

Un poilu territorial devant sa taupinière

Lance-bombe allemand à air comprimé pris ces jours derniers par nos troupes

 

 

Thèmes qui pourraient être développés

  • Etats-Unis - Attentat contre le Sénat américain et contre Mr Pierpont Morgan
  • Afrique du Sud - Capitulation générale des Allemands
  • Allemagne - Ça ne va pas chez Krupp
  • Egypte - Attentat contre le sultan d'Egypte
  • Marine - Un cuirassé allemand coulé dans la Baltique par un sous-marin anglais
  • Les permissions aux hommes du front - Un député demande un congé pour les troupes à donner par roulement
  • Religion - Faire le catéchisme
  • Allemagne - Badische Anilin und Soda Fabrik - Un fournisseur allemand : aujourd’hui BASF
  • Le baume Bengué
  • Prisonnier - Transfert de prisonniers de leur camp vers un village pour faire une cure de repos
  • Champagne - Quand il fait chaud, boire du champagne avec de l'eau
  • Artillerie - Cours de tir à Fontainebleau
  • Permission agricole pour faire les foins
  • Les Anglais sont 700 000 hommes pour garder même pas 100 km
  • La Russie recule
  • Le télégraphe
  • Tunisie - Une invasion de criquets en Tunisie
  • Le transport des permissionnaires
  • L'amour du drapeau (LPJ Sup)
  • Les Invalides - L'Hôtel de la Gloire (LPJ Sup)
  • Les alpins italiens (LPJ Sup)
  • Les instantanés de la guerre (Photos dans LPJ Sup)
  • Conseils pratiques - Optimisme - Bannir les grands et petits soucis quand ils ne se rapportent qu'à nous-mêmes (LPJ Sup)


[1] Badische Anilin und Soda Fabrik : aujourd’hui BASF

[2] Petit Père : surnom de son plus jeune frère : Henry



03/07/2015
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