14-18Hebdo

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44e semaine de guerre - Lundi 31 mai au dimanche 6 juin 1915

 

LUNDI 31 MAI 1915 - SAINTE PETRONILLE - 302e jour de la guerre

MARDI 1ER JUIN 1915 - SAINT PAMPHILE - 303e jour de la guerre

MERCREDI 2 JUIN 1915 - SAINTE EMILIE - 304e jour de la guerre

JEUDI 3 JUIN 1915 - FETE-DIEU - 305e jour de la guerre

VENDREDI 4 JUIN 1915 - SAINT FRANÇOIS - 306e jour de la guerre

SAMEDI 5 JUIN 1915 - SAINTE VALERIE - 307e jour de la guerre

DIMANCHE 6 JUIN 1915 - SAINT CLAUDE - 308e jour de la guerre

Revue de presse

-       L'offensive russe reprend partout avec énergie - Plus de 10,000 officiers et de 600,000 soldats sont prisonniers de guerre en Russie

-       L'armée italienne continue à avancer

-       Des zeppelins dans la banlieue de Londres

-       Nos sapeurs dans la bataille d'Arras

-       Mort de l'aviateur Henri Blancpain

-       Le roi de Grèce est opéré de nouveau

Morceaux choisis de la correspondance

Si vous lui payez un franc par jour, elle peut franchement vous donner des draps, pour que tu puisses te déshabiller. Cela doit être très fatiguant de garder toujours ses vêtements.

31 mai - ELLE.- Je suis bien contente que ta petite promenade à Villers-Cotterêts t’ait apporté un peu de distraction. Quel dommage que cela n’arrive pas régulièrement et surtout qu’on ne le sache pas à l’avance pour pouvoir s’en réjouir et même peut-être se donner rendez-vous. J’espère au moins que tu auras acheté ce qui peut te manquer. Si votre séjour à Vermelles dure encore, pourquoi n’achèterais-tu pas un lit ? Et demande des draps à la propriétaire de la ferme. Si vous lui payez un franc par jour, elle peut franchement vous donner des draps, pour que tu puisses te déshabiller. Cela doit être très fatiguant de garder toujours ses vêtements.

 

Je vois que les officiers de Villers-Cotterêts, quoique sur le front, sont encore comme ceux de Cheniménil et ont des tennis tandis que les nôtres n’ont pas obtenu celui qu’ils convoitaient. Ceux d’Epinal touchaient jusqu’alors des soldes étonnantes. Ainsi le capitaine commandant le dépôt de Maurice avait plus de 800fr[1]. par mois. A la solde ordinaire on ajoutait 80fr. d’indemnité de tranchées (à Epinal), 90fr. de cherté de vivres, 80fr. pour autre chose encore, plus le prix des rations qu’on vous octroie à l’intendance. Enfin il y avait tant d’extras qu’ils arrivaient à des sommes très élevées. Pierre Mangin comme lieutenant touchait plus de 500fr. Mais quelqu’un a eu la pudeur de s’élever contre cet état de choses et on les a remis à la solde de paix depuis le 7 mai. Maurice qui nous racontait cela ne touchera la haute paie que quelques jours puisqu’il est arrivé le 28 avril, mais il est d’avis comme nous que c’est suffisant des prix ordinaires.

 

Thérèse, Maurice et leurs petits sont venus déjeuner hier. Thérèse est allée ce matin conduire Maman à Jarménil pour demander à un convoi de ravitaillement, qui est au repos depuis quelques semaines et qui fournit des hommes et chevaux aux cultivateurs. Comme il est arrivé une rame de houille et que le camionneur ne peut arriver à la conduire, en ce moment les cultivateurs ne peuvent donner aucune aide, Maman avait l’autorisation du général pour demander des soldats. Ils sont donc venus à midi, 6 hommes et 4 chevaux, mais depuis 10 mois que ces braves gens font peu de chose, cette occupation de pelleter de la houille n’a pas l’air de leur convenir, on trouve cela fatiguant et assoiffant - mais on a tant de mal en ce moment qu’il faut en passer par là.

 

Demain ce sera de nouveau Thérèse qui conduira Maman et Dédé à Epinal pour 7 heures ½ pour l’opération de Dédé. Thérèse reviendra de suite après pour me donner des nouvelles et elle déjeunera ici pour que je sois moins seule, elle est si gentille.

 

Je suis gâtée, ce matin une lettre, ce soir celle du 28, c’est délicieux, tu es trop gentil mon chéri.

 

1er juin - ELLE.- Tu recevras sans doute en même temps, sinon avant ma lettre, un mot de Maman te donnant des détails sur l’opération de Dédé. Je ne sais qu’une chose que Thérèse m’a rapportée, c’est que le petit s’est bien réveillé et qu’autant qu’on peut en juger de suite après l’opération, elle a bien réussi.

 

Je ne te l’avais pas dit avant, mais j’avais été assez impressionnée par une réflexion d’André l’autre soir, aussi cette nuit et ce matin ont été pénibles pour moi. Je suis bien contente que ce soit chose faite. L’autre soir, en l’embrassant avant qu’il ne s’endorme, il m’avait dit : « Est-ce que je me réveillerai, Maman, après qu’on m’aura endormi - Sans doute, tu te réveilleras - Mais, vous savez, il y a bien des gens qui ne se sont jamais réveillés ». Je l’ai naturellement tranquillisé, mais cette réflexion est restée dans mon esprit d’une façon tenace, je ne voulais pas croire à un pressentiment et pourtant j’avais peur. Tu vois comme je suis devenue nerveuse en ton absence. Aussi ai-je été soulagée d’un grand poids quand Thérèse est revenue. Nous avions l’exemple de Marthe Krantz et d’un petit Tanant, cousin de tante Marthe, enfant âgé de 10 ans qu’on avait endormi aussi pour une vétille, un abcès à percer. Cela devait durer une minute, mais à la première aspiration de chloroforme, il est mort. Je suis donc bien contente à cette heure et espère qu’après cela notre bon Dédé pourra respirer en fermant la bouche. On a dû aussi lui arracher ses 7 dents gâtées.

 

Combien on s’effraye de l’offensive que chacun appelle !

1er juin - Hélène Bodenreider (La Bresse) à Mimi Cuny.- La plus grande partie de mon temps a passé aux évacués. Je suis tout étonnée moi-même d’avoir été là prise dans un service si absorbant et tout à coup quasi officiel. Je suis en rapport continuel avec officiers, médecins et sociétés qui s’en occupent. Des dons assez importants sont arrivés pour eux, il a fallu trouver les plus grandes nécessités, préparer des paquets, recevoir tout ce monde et combien leur répondre ! Le soir de vraies écritures à mettre en ordre. Voyez quelle importance je prends ! Avec cela les occupations de la maison, du jardin pour lequel j’essaye tour à tour des évacués mais parmi lesquels je n’ai encore trouvé grand secours. Mes filles ont réclamé leur garde-robe d’été, ces premières chaleurs. Elles sont bien dépourvues par le deuil et je ne trouve aucun secours dans les artistes couturières de La Bresse toutes chargées de besogne par les trop nombreux deuils de soldats. Bref je suis la personne affairée.

 

Votre mari n’a-t-il pas trop été mêlé dans ce grand mouvement du Nord ? Combien on s’effraye de l’offensive que chacun appelle !

 

Jean est toujours au Ballon de Guebwiller, en seconde ligne ne recevant plus que quelques obus. Après avoir été terrassier, il vient d’accepter, par intérim et pour me donner un moment de tranquillité de le savoir en quasi sécurité, de partager la charge de vaguemestre avec le frère de Mr Ernest Perrin. Je suis donc sans aucune inquiétude pour lui. J’ai été la semaine dernière faire mes adieux à mon plus jeune frère qui a passé par Remiremont en route pour l’Afrique où sont envoyés peu à peu les engagés alsaciens. Il était enchanté de la perspective du voyage et séjour dans un pays nouveau et moi je suis plus tranquille de le savoir hors portée des Allemands. L’aîné de mes frères est en Galicie !

 

Tu les retrouveras bien changés, c’est énorme un an dans la vie des enfants.

3 juin - ELLE.- Voilà 3 jours sans nouvelles de toi, 3 longs jours, à attendre impatiemment l’heure du courrier et à être déçue en ne voyant pas l’écriture de mon chéri dans le paquet de lettres qu’il dépose à la maison. Il est probable que j’en aurai deux demain matin. Ce soir m’est arrivé tout un énorme paquet, ce sont je crois mes lettres que tu me renvoies. Je n’ai pas eu le temps de regarder, car je désire que cette lettre parte à six heures.

 

Maman est revenue hier vers quatre heures avec André. Thérèse était allée les chercher en mettant capote et rideaux pour que Dédé ne sente pas d’air. En rentrant, on l’a couché de suite après lui avoir donné une petite tasse de bouillon froid et il s’est endormi vers six heures pour ne se réveiller que ce matin à l’heure habituelle. Le premier jour il n’a rien pris du tout, de crainte qu’il ne vomisse. Hier et aujourd’hui, on ne devait lui donner que des boissons froides, eau, lait ou bouillon, pour éviter une hémorragie, étant donné que la plaie de la gorge est encore à vif. Il s’est levé vers onze heures et il est dans sa chambre, car il faut éviter les courants d’air. On s’est partagé pour lui tenir compagnie, en ce moment c’est Elise qui est près de lui. Il n’a pas encore beaucoup de goût au jeu, il regarde des livres d’images sans rien dire ou regarde par la fenêtre les autos militaires qui passent continuellement. Pendant une huitaine il faut, paraît-il, prendre des précautions contre l’air qui pourrait amener des maux d’oreilles. Nous le garderons donc en haut, car par cette chaleur, on ne peut obliger chacun en bas à tenir tout clos. De ce fait il aura huit jours de congé ce qui semble lui être particulièrement agréable. Mais il ne perdra guère, car aujourd’hui c’est jeudi, samedi les classes ont congé à cause de l’Italie « alliée », lundi c’est le certificat, les institutrices vont à Bruyères. En somme il ne manquera que demain vendredi.

 

Si tu voyais Noëlle et Robert en ce moment, ils courent nu-pieds dans les pelouses qui ont été fauchées, on a fait un très bon foin. Ils sont sales comme des charbonniers car la houille anglaise fait bien plus de fumerons que nos anciennes houilles du Nord et le jardin est tout noir. Noëlle n’a plus de ruban dans les cheveux, elle a une robe qui fut blanche ce matin mais est dégoûtante à l’heure qu’il est, on dirait de vrais saltimbanques. On va faire sa toilette tout à l’heure avant de l’envoyer à sa leçon. Tu les retrouveras bien changés, c’est énorme un an dans la vie des enfants. Hier j’ai arraché à Noëlle sa première dent de lait, ce fut naturellement une opération larmoyante mais je ne voulais plus traîner comme je l’ai fait avec Dédé, pour une fille surtout il ne faut pas avoir des dents de travers. Je t’envoie ci-joint un petit papier trouvé, ce n’est pas très joli à dire, trouvé aux cabinets. Tu verras que ta fille ne perd pas son temps, même aux cabinets elle fait des chiffres, plus ou moins bien évidemment, mais c’est une preuve que cela l’amuse. A la fin, l’ardeur se ralentissant, tu verras qu’elle ne s’est plus rappelé si c’était une addition ou une soustraction qu’elle faisait.

 

Tous ces hommes (sauf ceux du vrai front, de la ligne de feu comme on te l’a si bien répondu à Villers-Cotterêts) depuis un an n’ayant rien fait ou si peu, bien nourris, vont trouver étrange en rentrant d’être obligés de travailler pour gagner leur pain et celui de leurs femmes et enfants et les 8, dix ou douze heures de travail qu’ils seront obligés de fournir leur sembleront bien dures et bien amères.

Le temps reste invariablement beau, au grand désespoir de Maman qui voudrait tant de l’eau pour ses jardins et ses turbines. Nous avons une équipe de soldats d’un convoi de ravitaillement au repos à Jarménil pour nous décharger et nous amener 100 tonnes de houille. Grand Dieu ! Si tous les soldats reviennent aussi flemmards et buveurs après la guerre, ce sera terrible. Il y aura sûrement une révolution après la guerre, car tous ces hommes (sauf ceux du vrai front, de la ligne de feu comme on te l’a si bien répondu à Villers-Cotterêts) depuis un an n’ayant rien fait ou si peu, bien nourris, vont trouver étrange en rentrant d’être obligés de travailler pour gagner leur pain et celui de leurs femmes et enfants et les 8, dix ou douze heures de travail qu’ils seront obligés de fournir leur sembleront bien dures et bien amères.

 

Tante Marie Geny a parlé à Maman hier de leur situation qui est bien changée depuis la guerre. Elles n’ont presque rien touché de leurs valeurs. De plus Pierre n’étant qu’adjudant, toutes ses dépenses et celles de sa femme et du petit sont naturellement à la charge de tante Marie. Ils avaient, 2 mois avant la guerre, 25 000fr. d’économies. Pierre et Alfred ont trouvé bon d’acheter une part de forêt à leur oncle François pour arrondir un lot qu’ils avaient et maintenant Allemands et Français se battent là-dedans, font du feu, les obus hachent les plus beaux arbres et, même s’ils retrouvent quelque chose après la guerre, si les Allemands n’y mettent pas le feu en se retirant, pour le moment en tout cas ils ne peuvent rien en tirer. La maison de Pierre aura sans doute été pillée. Enfin elle disait qu’elle pensait à quitter leur appartement, tante Lucie et elle, qui devenait trop cher. Maman lui a dit de n’en rien faire, surtout de ne pas vendre de valeurs en ce moment où le cours est si bas, que nous leur prêterions. Les banques avaient consenti à la papeterie un découvert, nous pouvons en profiter et nous avons encore, nous personnellement, un compte à Cornimont. Je pense que tu ne me désavoueras pas si j’offre une dizaine de mille francs aux Tantes là-dessus, si cela peut leur rendre service. J’attends d’ailleurs ta réponse à ce sujet avant de faire une proposition.

 

J’ai reçu une aimable lettre de ton commandant qui semble avoir pour toi une réelle affection. J’en suis bien contente.

 

Tu vois, c’est une augmentation de 30%. Pour les pauvres gens qui n’ont que juste, la vie va devenir difficile.

4 juin - ELLE.- J’ai reçu par le même courrier deux lettres de toi qui ont été naturellement les très bienvenues. Quoique les communiqués soient muets en ce qui vous concerne, dès qu’on n’a plus de nouvelles on se demande ce qui s’est passé.

 

Ce que tu me dis de Pierre Mangin ne m’étonne pas. Il se croyait évidemment très malheureux à Epinal, surchargé de besogne sans doute, tandis qu’à Chambéry Alice m’a écrit qu’ils avaient déjà fait de très jolies courses en auto à Aix, Grenoble, la grande Chartreuse, etc. Le lendemain du jour où elle m’écrivait, Pierre devait aller faire des réquisitions à Moûtiers et on devait y aller tous en promenade. Qui sait ? Il y a peut-être des autos militaires à leur disposition. Rien n’est étonnant quand il s’agit de coulage dans l’administration militaire.

 

Dédé est levé, il s’amuse devant la fenêtre avec des petits jouets. Il a crié la faim hier toute la journée et ce matin les liquides qu’il absorbait ne lui remplissaient pas l’estomac, d’après ce qu’il disait. Aussi à midi voyant qu’il allait si bien, on l’a laissé manger de la truite, de la purée, des épinards et du pain trempé dans du lait. Le voilà enfin calmé et de bonne humeur. Mais il s’ennuie un peu et aurait bien voulu aller à l’école cet après-midi. Quelle ardeur !

 

Tout a terriblement augmenté de prix. L’autre jour il a fallu payer 17f50 des souliers à Dédé. Je sais bien qu’ils semblent être de la meilleure qualité, mais enfin c’est cher pour un mioche de 8 ans. Je voulais offrir au petit Louis pour ses étrennes, puisque je ne lui avais rien offert en hiver, une petite charrette pousse-pousse. J’en avais vu une dans un catalogue de Paris à 29fr. qui était bien, mais on vient de m’écrire qu’elle est augmentée de 10 francs par suite de la hausse des matières premières. Tu vois, c’est une augmentation de 30%. Pour les pauvres gens qui n’ont que juste, la vie va devenir difficile.

 

J’aurais dû te laisser croire que j’étais devenue une femme très sérieuse, non plus une petite follette si amoureuse de son mari - après 9 ans de mariage !! nous pouvons dire 8 seulement car voilà bientôt une année d’absence qui ne compte donc pas.

5 juin - ELLE.- Tu sauras, chéri que je ne suis pas encore le diaphane mirage. J’en serais bien désolée d’ailleurs car cela ne me va pas du tout d’être maigre et je ferai tous mes efforts pour redevenir la bonne petite poulette dodue d’antan que son mari pouvait embrasser sans se heurter à une salière disgracieuse. La poulette va mieux, continue son petit métier de fainéante, elle y met même une douce philosophie et, à la fin de la guerre, pour peu que cela dure, elle aura besoin, comme tous les soldats des services de l’arrière, comme tous ceux qui n’auront pas combattu, elle aura besoin, dis-je, d’un bon petit coup de fouet pour se remettre au travail, pour reprendre un peu d’activité. Je compte sur toi pour cela, mon Geogi, car tu sais on prend bien vite et très facilement la douce habitude de ne rien faire, d’être choyée par sa mère, par son mari adoré, et on devient une petite sultane étendue sur ses nattes, sur de moelleux coussins - et on se laisse vivre. Enfin je me dis qu’il vaut mieux encore vivre, quitte à ne pas travailler, mais être au milieu de mon mari, de mes enfants chéris, que de tomber vraiment malade et être obligée de vous quitter pour toujours. Voilà la pauvre Louise Garnier[2] qui serait peut-être encore là si elle s’était soignée lors de ses premiers malaises au lieu de continuer à mener une vie agitée et mondaine.

 

Les Kiener sont bien éprouvés : Edouard de l’âge de Maurice est mort cet hiver, Roger, celui de Remiremont a été tué près d’Arras aux dernières attaques et le jeune Gérard qui a été très gravement blessé à l’épaule en septembre n’est pas encore remis. Quand on fait ainsi des comparaisons, on doit s’estimer bien heureux de son sort.

 

Moi qui peux être si fière de mon chéri qui me témoigne tant d’amour, je devrais remercier le ciel de me l’avoir conservé jusqu’alors et, au lieu de me déclarer satisfaite, je veux toujours mieux et demande qu’il me soit rendu bien vite, bien vite pour pouvoir de nouveau mettre ma tête sur son épaule et me serrer fort contre lui. Tu vois, Geogi, c’est de t’écrire de mon lit qui me donne ces idées, nous serions si bien ainsi l’un près de l’autre et je voudrais tant embrasser le petit coin que j’aime. J’y pense souvent, tu sais, je ne devrais pas te le dire, ce n’est pas raisonnable, j’aurais dû te laisser croire que j’étais devenue une femme très sérieuse, non plus une petite follette si amoureuse de son mari - après 9 ans de mariage !! nous pouvons dire 8 seulement car voilà bientôt une année d’absence qui ne compte donc pas. Mais je m’aperçois que je t’écris d’une façon stupide. Je passe des tristesses de la vie à l’amour que j’ai pour toi sans aucune transition. Aussi je m’arrête. Je vais encore t’embrasser une petite fois, une toute petite fois, puis je reprends un style plus sage - mais vois-tu, je t’aime trop. Allons, voilà que je recommence encore.

 

Donc je veux te dire que, quoi, ah oui, que notre Dédé va très bien. Je l’ai laissé un peu sortir aujourd’hui, il faisait si chaud et je ne crois pas qu’il ait pu y attraper un refroidissement. Il a une faim dévorante, ce sont probablement ses jours de mi-diète qui en sont cause, mais il est encore un peu pâlot. Il assure qu’il ne sent plus rien en avalant, ce qui tend à prouver que sa plaie est cicatrisée.

 

Maurice est parti à Boulogne s/Seine et Paris où il doit rencontrer Paul Cuny qui y est cette semaine

 

Le jeune Jean Adrien Lamarque a été tué près d’Arras.

 

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 06/06/1915 (N° 1276)

 

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L’enthousiasme en Italie - La population acclame les régiments qui partent pour la frontière

La mobilisation en Italie s’est accomplie dans une fièvre d’enthousiasme. Le pays tout entier s’est levé dans un élan patriotique pour acclamer au passage les régiments qui s’en vont combattre pour l’achèvement de l’unité italienne et pour la cause de la civilisation et du droit. On a vu des vieux compagnons de Garibaldi, qui firent jadis avec le grand condottière la campagne de l’Est en France, revêtir la glorieuse chemise rouge de leur jeunesse pour aller saluer l’armée. L’Italie touche à l’heure glorieuse entre toutes de son histoire. Son intervention dans la guerre des nations était l’événement attendu, l’événement inéluctable. La mère patrie de la civilisation latine ne pouvait rester indifférente en face de la sauvagerie tudesque. L’Italie s’est levée dans un mouvement unanime ; elle veut sa part d’héroïsme et de gloire ; et son entrée dans la lice achèvera la déroute du Barbare et assurera le triomphe de l’esprit latin sur l’orgueil germanique.

 

 

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Procédés de sauvages - Deux blessés allemands abattent lâchement à coups de revolver les officiers français qui viennent de leur porter secours

« La fougue de nos hommes, dans la bataille de l’Artois, a été magnifique, disait à un de nos confrères un capitaine blessé. Celle des miens, ajoutait-il, a été surexcitée encore par un incident douloureux qu’il faut conter pour la honte des Boches… Partis de Mont-Saint-Eloi, nous venions de prendre la Targette, après un rude assaut où tirailleurs, zouaves et conscrits de la classe 15 furent superbes. Nous avions débusqué les Allemands des caves de la grande brasserie dont ils avaient fait une ville souterraine remplie d’immenses approvisionnements, mais repoussante de saleté. Fiers de leurs succès, les poilus sortaient du village pour aborder la plaine dans la direction de Neuville, lorsqu’ils virent ceci : deux de nos officiers rampaient vers un petit talus pour explorer le terrain ; arrivés là, ceux-ci aperçurent, quelques mètres en avant, deux Allemands blessés exposés en plein feu. Risquant leur vie, ils les apportèrent eux-mêmes à l’abri de la levée de terre où, aussitôt, ils se mirent à sonder l’horizon avec leur lorgnette. Lâchement, les deux Boches sauvés par eux les tuèrent par derrière à coups de revolver ! Au même moment, notre clairon sonnait la charge. L’indignation donnait des ailes à nos soldats, qui avait vu l’horrible chose ; un bond foudroyant les transporta dans la prochaine tranchée ennemie. Ai-je besoin de vous dire qu’ils n’ont pas fait de quartier ? »

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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Frontière italienne - Soldats autrichiens gardant les lignes du chemin de fer

Le port du Trieste où se sont produites des manifestations contre l'Autriche

Sur le front - Au bois Le Prêtre - En sentinelle derrière les fils de fer barbelé

En action - Mise en place d'une pièce d'artillerie lourde de 95 m/na

Sur route - Machine utilisée pour remettre en état les routes ravagées par les obus

A la gare de Bâle - Transport des paquets destinés aux prisonniers français en Allemagne

A Beauséjour - Huit soldats et officiers sortant de leur gourbi souterrain

L'âge des cavernes - Aux environs de Soissons, nos soldats sont cantonnés dans les rochers

Aux environs de Roye - Une tranchée défendue par nos braves tirailleurs algériens et marocains

Dans la tranchée - Tommy écrit à sa bonne amie

 

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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Londres pendant la guerre - Musique féminine traversant Piccadilly Circus

A Londres - La promenade des soldats aveugles à Regent's Park

L'heure de la soupe - Chez nos braves tirailleurs

Aux environs de Lassigny - Tirailleurs algériens à la corvée de bois en forêt

Sur le front - Tranchée envahie par l'eau remise en état à l'aide de gabions et de fascines

Soldats autrichiens accompagnant des chariots de munitions

Halles d'Ypres - On consolide ce qui reste de la grande tour

Contre les avions - Mitrailleuse employée par les Belges

Sur le front - Tirailleurs belges dans leur trou

Aux environs d'Arras - Groupe d'Allemands faits prisonniers

  

Thèmes qui pourraient être développés

  • Les prisonniers de guerre en Russie
  • Angleterre - Des zeppelins dans la banlieue de Londres
  • Mort de l'aviateur Henri Blancpain
  • Soldes dans les dépôts - Haute paie et solde de paix
  • Opération des végétations
  • Poudrerie - Coton poudre
  • Congés scolaires - Congé des classes à cause de l'Italie "alliée"
  • Certificat d'études
  • Horaires de travail par jour : 8, 10 ou 12 h
  • Les veuves de la guerre
  • L’augmentation des prix
  • Alsace - Les engagés alsaciens envoyés en Afrique
  • Les Allemands dignes descendants des Vandales et des Huns
  • L’enthousiasme en Italie - La population acclame les régiments qui partent pour la frontière (LPJ Sup)
  • Les instantanés de la guerre (Photos dans LPJ Sup)
  • Religion - Fête religieuse - Fête Dieu


[1] Franc : voir dans le Prologue (en fin d'article) - Le pouvoir d’achat des francs de l’époque (INSEE)

[2] Louise Garnier, une cousine, est morte en 1913 à l’âge de 34 ans



29/05/2015
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