14-18Hebdo

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37e semaine de guerre - Lundi 12 avril au dimanche 18 avril 1915

 

LUNDI 12 AVRIL 1915 - SAINT JULES - 253e jour de la guerre

MARDI 13 AVRIL 1915 – SAINTE IDA - 254e jour de la guerre

MERCREDI 14 AVRIL 1915 - SAINT TIBURCE - 255e jour de la guerre

JEUDI 15 AVRIL 1915 - SAINTE ANASTASIE - 256e jour de la guerre

VENDREDI 16 AVRIL 1915 - SAINT FRUCTUEUX - 257e jour de la guerre

SAMEDI 17 AVRIL 1915 - SAINT ANICET - 258e jour de la guerre

DIMANCHE 18 AVRIL 1915 - SAINT PARFAIT - 259e jour de la guerre

Revue de presse

-       L'attaque bulgare contre la Serbie

-       La manœuvre austro-allemande en Galicie

-       La bataille des Carpathes

-       La victoire des Eparges

-       Le zeppelin "Z.9" sur l'Angleterre

-       Encore un navire hollandais torpillé par un sous-marin allemand

Morceaux choisis de la correspondance

Oui, si nous avons la chance d’en revenir, nous aurons beaucoup de choses à nous raconter.

12 avril - Camille Biesse (Armées) à Georges Cuny, son cousin.- Merci de tes affectueuses félicitations auxquelles j’ai été très sensible. Oui, si nous avons la chance d’en revenir, nous aurons beaucoup de choses à nous raconter. Actuellement ici tout est calme. Serait-ce le calme précurseur des orages ? Peut-être. L’armée est forte, bien reconstituée, bien approvisionnée. Le beau temps revient. Ayons confiance. Nous finirons bien par avoir les Boches. Edouard part demain matin au repos pour une quinzaine. Victor commande actuellement une section contre avions dans le camp retranché de Paris, au fort de Bois d’Arcy, par St Cyr l’Ecole. Je connaissais intimement le général de Grandmaison. Sa mort est une grosse perte pour l’armée. Alfred Grandjean a pu faire parvenir des nouvelles fin mars. Il est en bonne santé mais ne mange plus que du pain K et touche rarement de la viande.

 

Votre cher frère doit trouver le temps bien long dans son exil.

12 avril - Jeanne Cuny (Lyon) à Mimi Cuny, sa cousine.- Je vous remercie de votre bonne sympathie à propos des blessures de mon pauvre petit Jean. Il y aura demain un mois qu’il a passé cette terrible journée de l’attaque du Bois Sabot, qui a été meurtrière pour beaucoup. Heureusement que le Bon Dieu nous l’a conservé et je l’en remercie.

 

Jean avait été chargé de porter un pli à un commandant, et ayant de suite été repéré par les Prussiens, il a vu les obus éclater coup sur coup autour de lui et au moment d’arriver au but, un obus l’a blessé à la tête et il a perdu beaucoup de sang. Le docteur lui a dit que 2 millimètres de plus, il était tué net. Au moment où on le pansait, le poste de secours où il se trouvait a reçu un obus qui les a tous lancés en l’air. Ils étaient 15 et ils se sont trouvés enterrés complètement. Jean a pu être sauvé et comme il se rendait à l’ambulance, il est repéré encore une fois près d’une maison qui reçoit l’obus qui lui était destiné et s’écroule à quelques pas de lui. Un peu plus loin, c’est lui qui est atteint et il reçoit 7 éclats d’obus dans les cuisses et 3 balles de shrapnels dans le bras gauche qui suppure encore car il y a eu des morceaux de sa capote dans un des trous du bras. Après avoir râlé là pendant longtemps, des soldats sont enfin arrivés et ont porté Jean sur 2 fusils jusqu’à l’ambulance où, après lui avoir versé le contenu d’une bouteille de teinture d’iode sur toutes ses blessures, le major lui trouvant des symptômes de tétanos veut lui injecter du sérum. Pendant que l’on préparait l’injection, l’ambulance vole en éclats, repérée par les bombes de ces affreux Allemands. Presque tous ont été tués. Jean a encore échappé là à la mort. On a pu le transporter un peu plus loin, et on l’a déposé dans une petite voiture de berger qui l’a amené le lendemain matin à Châlons où on lui a fait de suite l’injection contre le tétanos. De là il a été envoyé à Bordeaux où il est admirablement soigné et bien aimé de tout le monde, on le gâte, il est le plus jeune de tous les blessés et il a tant souffert. Pierre a été le voir. Il va aussi bien que possible. Ses infirmières sont dévouées comme de vraies mères. J’espère qu’il n’y aura pas de complications et qu’il se guérira, mais ce sera long. Vous voyez ma chère amie que mon pauvre Jean a été bien éprouvé moralement et physiquement. Il est si courageux qu’il me remonte par ses bonnes lettres. Jamais il ne s’est plaint.

 

Comment va votre bonne Mère ? Redites lui encore combien je pense à toutes ses angoisses au sujet de votre cher frère qui doit trouver le temps bien long dans son exil et bien heureusement qu’il est encore dans un des moins mauvais camps.

 

Quand tu reviendras de la guerre tu trouveras des changements.

13 avril - Paul Cuny (Epinal) à Georges Cuny, son frère.- Je suis allé dimanche déjeuner à Docelles où j’ai trouvé tout le monde en excellente santé. Tante Célina est toujours active et se donne énormément de mal pour la Papeterie, c’est réellement une femme de premier ordre. J’ai vu les cahiers des enfants, on fait beaucoup de progrès et quand tu reviendras de la guerre tu trouveras des changements. Tu verras aussi dans ta fille une personne très réfléchie. Mimi parle d’aller en Suisse voir notre pauvre maman qui quoique mieux n’est pas en brillant état je le crains. C’est d’autant plus navrant que personne d’entre nous ne peut aller la voir puisqu’elle est en Suisse ! Enfin espérons encore. Comme les lettres mettent très longtemps à parvenir à destination, je m’empresse de t’adresser aujourd’hui mes meilleurs souhaits de fête : une bonne santé pendant la guerre, un prompt retour puisqu’il marquerait notre victoire et la fin des sacrifices de notre pays. Nous avons ici d’ailleurs les meilleurs renseignements, nous montons constamment, les autres descendent ! Je fais déjà de beaux projets : bureau à Mulhouse pour toutes nos affaires (tu sais que l’Alsace consomme beaucoup de Jumel) et nous aurons l’avantage de faire toute la gamme des 260s Amérique, Jumel, retors, etc. Depuis décembre dernier, j’ai vendu pour la Vologne douze millions de kg filés. Mais nous rencontrons nombre de difficultés pour assurer la marche des usines.

 

13 avril - Sébastienne (Docelles) à Georges Cuny, son patron.- Monsieur sait déjà par Madame la nouvelle de mon mariage, mais je n’ai pas voulu manquer de l’en avertir moi-même. Le grand jour sera donc le 24 avril prochain, heureux anniversaire pour plusieurs autres ménages heureux dans la famille de mes Maîtres. Ce qui est très regrettable c’est que ce soit dans des temps aussi malheureux car je ne peux avoir aucun des membres de ma famille, mes frères sont à la guerre ainsi que le fils unique de Monsieur Claudon mon futur époux. Ceci nous fait bien de la peine mais nous n’y pouvons rien. Monsieur Claudon ne veut pas attendre plus longtemps parce qu’il a assez souffert me dit-il, il vit seul depuis la mort de sa première femme, il voit bien que la vie n’est pas faite pour vivre seul. Pour moi je m’en étais bien aperçue depuis longtemps mais j’en avais pris mon parti ne voyant pas cette vie comme but suprême. Maintenant que tout va changer pour moi, aurai-je un peu de bonheur, beaucoup me le souhaitent du fond du cœur.

 

J’ai été tout particulièrement touchée des attentions dont j’ai été l’objet chez Madame Boucher. Jusqu’à présent je n’avais pas eu de secret pour ma maîtresse et c’est elle qui a été consultée la première au sujet de la demande de Monsieur Claudon. Madame Boucher aussi m’a conseillé à accepter parce que mon futur mari m’a-t-elle dit est l’honnêteté en personne. Aussi n’ai-je eu aucune hésitation désirant depuis longtemps déjà un petit intérieur si modeste soit-il. C’est ainsi que je vais quitter pour toujours la maison de mes chers Maîtres auxquels j’étais bien attachée. Le bon Dieu l’a voulu ainsi sans doute. J’aurai encore le plaisir de revoir mes chers petits enfants chaque fois qu’ils viendront à Docelles. J’aurai moins de chagrin de les avoir quittés. Merci pour tous les bons soins et l’affection dont j’ai été si longtemps entourée dans la maison qui a été comme la mienne. Madame me fait beaucoup d’honneur et de plaisir en acceptant notre humble invitation. Les enfants viendront aussi. Monsieur voit que nous sommes bien gâtés tous les deux sans compter les petits cadeaux qui se préparent. André et Robert m’ont donné un superbe livre de mariage, les bons petits ont pris dans leur tirelire pour faire leur cadeau à Tété.

 

14 avril - Maurice Boucher (Angoulême) à Georges Cuny, son beau-frère.- Ta fête aura lieu dans neuf jours et tes enfants n’auront pas le bonheur de faire à leur papa chéri le compliment d’usage. Heureusement qu’ils sont assez grands et assez avancés pour t’écrire de ces bonnes petites choses d’enfants qui font tant de plaisir. Je quitte Angoulême le 24 crt pour aller passer deux jours à Docelles avant de rejoindre mon dépôt auquel je vais être rendu le 29 crt pour trois heures de l’après-midi. Les démarches que j’ai entreprises pour être affecté à une formation auto sont en bonnes voies, cependant si elles n’aboutissaient pas, j’ai appris par une voie indirecte que le commandant du dépôt veut me conserver jusqu’à la fin de la guerre, a-t-il dit, pour l’instruction des jeunes recrues. Donc de toute façon je ne reverrai pas la tranchée d’infanterie d’ici un certain temps tout au moins. Le séjour à Epinal aurait pour moi l’attrait de la proximité de Docelles, mais je préfèrerais cependant la première solution à la vie de garnison que me laisse entrevoir le séjour dans un dépôt. Enfin !

 

Paul L.J. a rapporté de Paris une nouvelle intéressante au plus haut point et venant de source absolument officielle. L’Italie entrera en danse avant la fin du mois. La France, l’Angleterre, La Russie lui donnent chacune 1 milliard et la France lui adjoint 300 000 hommes dont 200 000 sont concentrés à Salon et environ sous prétexte d’embarquement sur Gallipoli ou autres lieux et 100 000 à Dijon sous prétexte d’armée d’invasion en Alsace. C’est un peu cher, mais si cela pouvait avancer un peu nos affaires, ce ne le serait pas trop. Les 3 000 000 000 doivent être payés par mensualités d’ici la fin de l’année. Nous verrons si cette entrée en campagne se réalise dans les délais annoncés. Je le souhaite de tout mon cœur.

 

18 avril - Marie Molard (Chailly-Lausanne) à Georges Cuny, son frère.- Maman est bien malade et la tumeur existe et cette fois plus d’hésitation des docteurs, c’est cancéreux. Je ne puis t’énumérer toutes les misères de ma pauvre bien aimée. Grâce au bon Dieu elle n’a cependant pas les douleurs atroces qui en sont parfois les conséquences. Elle a tous les remèdes, les fortifiants nécessaires, trois sortes de piqûres, camphre, strychnine, fer et arséniate de soude. On ne peut faire davantage. A force de soins, piqûres et mille choses on la soutient mais hélas voir le mal progresser et ne pouvoir l’enrayer ! On fera tout ce qu’il est humainement possible pour sauver Maman. Germaine est pensionnaire à Berne depuis Pâques.

 

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 18/04/1915 (N° 1269)

 

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Les chiens sanitaires

Nous disons plus loin, dans notre « Variété » quels services les chiens sont appelés aujourd’hui à rendre dans la guerre. Parmi ces services, il n’en est pas de plus important que la recherche des blessés, la nuit, sur les champs de bataille. Avant que les chiens fussent employés à cet office, la tâche des brancardiers était singulièrement difficile. Ils ne pouvaient l’accomplir qu’en s’éclairant, et les lumières, attirant l’attention de l’ennemi, leur valaient immédiatement d’innombrables coups de fusil. D’autre part, si bien organisée que fût l’exploration des champs de bataille par les hommes, elle demeurait fatalement incomplète, et nombre de blessés, cachés dans des fourrés écartés, n’étaient pas relevés. Combien de milliers de malheureux sont morts ainsi, de faim, de froid, d’épuisement, et dont les blessures auraient pu être guéries si on les avait ramassés et portés à l’ambulance dans les premières heures qui suivirent le combat. C’est pour remédier à l’impuissance de l’homme dans cette recherche silencieuse, occulte, rapide sur les champs de bataille qu’on a songé à employer le chien ; le chien, dont l’intelligence, l’instinct sauveteur, les facultés de dévouement se prêtent admirablement à une telle besogne. Aujourd’hui, toutes nos armées ont leurs chiens sanitaires ; et grâce aux braves toutous dressés dans les chenils militaires, d’innombrables blessés ont été, depuis le commencement de la guerre, retrouvés sur les champs de bataille, soignés, guéris et rendus à la patrie.

 

 

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 « Dis-moi quel est ton pays »

Ce fut, sur la place de Dannemarie, en Alsace, un instant d’émotion intense. A la fin d’un concert donné par la musique militaire française, un chanteur à la voix sonore et chaude, accompagné par les instruments, chanta la célèbre chanson d’Erckmann-Chatrian et de Sellenick : « Dis-moi quel est ton pays, est-ce la France ou l’Allemagne ? » L’émotion des Alsaciens qui entendirent ce chant fut profonde. Les plus émus furent les officiers d’origine alsacienne en l’entendant exécuter sur leur terre natale redevenue française. Les musiciens furent obligés de recommencer le morceau à trois reprises différentes au milieu des acclamations enthousiastes de la foule.

 

Thèmes qui pourraient être développés

  • Les Eparges
  • Allemagne - Le pain K
  • Généraux - Mort du général de Grandmaison
  • Le Bois Sabot
  • Blessés - Blessures d’un jeune homme (Jean Cuny)
  • Suisse - Aller en Suisse
  • Industrie - Projet affaire - Bureau à Mulhouse
  • Le mariage de Sébastienne
  • Saint Georges - 23 avril - Fête religieuse - Souhait de fête
  • Automobile - Formation automobile
  • Affectation au dépôt
  • L'Italie se fait payer pour entrer en guerre (lettre Maurice 14/04)
  • Les Carpathes
  • Un navire hollandais torpillé par un sous-marin allemand
  • Cancer - Traitement maladie du cancer
  • Front - Les chiens sanitaires (LPJ Sup)
  • Alsace - Erckmann-Chatrian - "Dis-moi quel est ton pays, la France ou l' Allemagne ?" (LPJ Sup)
  • Conseils pratiques - Ne blâmons aucune dépense, y/c la vie de plaisir. Toute dépense superflue est une manifestation de confiance (LPJ Sup)


10/04/2015
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