14-18Hebdo

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16e semaine de guerre - Lundi 16 novembre au dimanche 22 novembre 1914

 

LUNDI 16 NOVEMBRE 1914 - SAINT PAUL DE LA CROIX - 106e jour de la guerre

MARDI 17 NOVEMBRE 1914 - SAINT GREGOIRE LE THAUMATURGE - 107e jour de la guerre

MERCREDI 18 NOVEMBRE 1914 - SAINT MAXIME - 108e jour de la guerre

JEUDI 19 NOVEMBRE 1914 - SAINTE ELISABETH DE HONGRIE - 109e jour de la guerre

VENDREDI 20 NOVEMBRE 1914 - SAINT FELIX DE VALOIS - 110e jour de la guerre

SAMEDI 21 NOVEMBRE 1914 - PRESENTATION DE LA SAINTE VIERGE - 111e jour de la guerre

DIMANCHE 22 NOVEMBRE 1914 - SAINTE CECILE - 112e jour de la guerre

Revue de presse

-       M. Caillaux quitte la France

-       Les mensonges de la presse allemande

-       Les Russes délogent les Allemands des défilés de la Mazurie - Une grande bataille est engagée

-       Le combat redouble de violence devant Dixmude et dans la région d'Ypres

-       Le manque de farine en Allemagne et en Autriche

-       Grave incident entre la Turquie et les Etats-Unis - Les Turcs tirent sur une chaloupe d'un navire cuirassé américain

-       Les troupes anglaises repoussent de violentes attaques

-       Les Russes progressent victorieusement en Bukovine

-       L’ardeur invincible des tirailleurs sénégalais s’est une fois de plus affirmée dans la conquête du Togo allemand

-       Entre l'Oise et l'Aisne, les opérations sont favorables à nos troupes

-       Du canal de l'Yser à l'est de Dixmude, c'est l'inondation

-       La Landsturm en Lorraine

-       Les restaurants resteront ouverts jusqu'à 10 heures du soir

-       La capitulation de Przemysl est imminente

Morceaux choisis de la correspondance

16 novembre - ELLE.- J’en sais plus sur ta blessure à l’épaule après avoir enlevé avec éclat une batterie à l’ennemi, tu as été touché par un projectile qui a atteint le poumon. Et pour Georges ? Peut-être que l’ambulance dans laquelle il a été pansé à Béthune a été prisonnière. Dans ce cas nous pourrions avoir de ses nouvelles par les médecins ou infirmiers qui sont rendus à la liberté au bout de quelques semaines de captivité. Camille Biesse dit qu’il est très difficile de tenir une situation exacte des blessés, et il ajoute « ils sont si nombreux ».

 

Camille dit que les hommes ont un moral excellent et que l’intendance fonctionne à la louange de tous. Il compte bien sur la victoire. Quant à lui, son service est beaucoup moins pénible qu’en Lorraine où il n’avait souvent qu’une ou deux heures de repos, cinq tout au plus, sur la paille naturellement. Maintenant il a toujours un lit, chose rare à la guerre, et dont il fait bien de profiter car après cette bataille il compte quitter l’état-major et servir dans un régiment. Dans le Nord, le pays est dans un état épouvantable, tranchées, haies garnies de fils de fer barbelés, villages minés, c’est exaspérant. Camille a hâte d’être en Allemagne pour en voir autant.

 

Le pauvre Monsieur Willig père n’a pu s’échapper du Hohwald depuis le commencement de la guerre. Il y a quinze jours seulement qu’on a de ses nouvelles et qu’il a obtenu la permission de s’en aller par la Suisse.

 

Les fils Michaut ont jusqu’alors été préservés du danger ou plutôt d’accidents. La pauvre Madame Vautrin mère reste introuvable malgré toutes les démarches. Paul Gounant a été décoré pour sa belle conduite à la prise d’un village. Il est nommé comme capitaine. Paul Cuny m’écrit que tous les deux, toi et Georges Boucher vous êtes les premiers héros de la famille. Nous n’avons pas besoin que vous soyez des héros mais que vous fassiez simplement votre devoir de bons patriotes.

 

Nous trinquons terriblement dans l'Est, dans le Midi ils ont l'air d'être bien plus tranquilles que nous.

17 novembre - Pierre Mangin (Epinal) à GC[1], son cogérant.- J’ai repris du service comme lieutenant de chasseurs forestiers, on m’a placé à Epinal, à la première sous intendance, où je m’occupe de tâcher de faire un peu travailler nos malheureuses usines des Vosges pour la Troupe, mais cela est bien difficile. Tous se plaignent, ce qui est la vérité, de ne plus avoir de personnel hommes pour faire chauffeurs, machinistes, etc. etc. On travaillotte à peine dans des conditions misérables et précaires et on nous refuse toujours de nous laisser transiter jusque chez nous le coton du Havre. Je continue depuis ici à faire marcher les usines. Alfred Stouvenot vient tous les lundis à Epinal et nous tâchons de marcher ainsi cahin-caha. En ce moment le Faing, le Saulcy et les 2 tissages du Daval marchent mais c’est le maximum de ce qui peut marcher et nous allons manquer de coton. Néanmoins j’ai pris une nouvelle mesure qui j’espère nous permettra d’obtenir du coton. Vous savez que Pierrat a perdu son fils unique. Nous trinquons terriblement dans l’Est tandis que dans le Midi ils ont l’air d’être bien plus tranquilles que nous.

 

20 novembre - ELLE (Paris).- J’étais venue pour te voir, j’ai fait 25 h de chemin de fer jusque Paris, mais on m’empêche de passer. On me refuse un billet quelconque pour la zone des armées. Je t’en prie, demande qu’on t’évacue n’importe où, mais que je puisse arriver jusque toi. C’est trop pénible de venir ainsi aussi loin et de ne pas aboutir. Je suis bien navrée, j’aurais tant voulu te voir. Je sais que tu dis que le service de Santé est admirable et que tu vas mieux et que ta fièvre est tombée depuis longtemps déjà et la congestion pulmonaire n’est plus à craindre.

 

Pour Georges, c’est toujours le silence. Quels tourments provoque une telle incertitude ! Cette situation est vraiment épouvantable. Tous essayent de rassurer Maman en lui disant que Georges est peut-être prisonnier dans quelque endroit de l’Allemagne et qu’il lui est impossible de nous donner de ses nouvelles. Il faut que nous nous rattachions à cet espoir. Quand cette terrible guerre finira-t-elle ? On ne voit que deuils et tristesses autour de soi ! Marie Paul nous a envoyé de Genève une feuille à remplir pour le Bureau des prisonniers de guerre. Il est instamment recommandé d’écrire préalablement au chef du dépôt du régiment pour être certain que la personne recherchée est inscrite comme disparue. Munie de ces renseignements elle s’adressera à Genève en accompagnant une demande de l’offrande nécessaire pour arriver à un résultat. C’est, dit-elle, la seule association permettant de correspondre avec les prisonniers et surtout de les rechercher, Mesdames Viviani et Millerand ont eu elles-mêmes recours à ses bons offices.

 

Maguy[2] va bien. C’est elle qui voyage pour leurs affaires. Cela reprend pas mal. L’autre jour elle était encore à Bordeaux.

 

20 novembre - JMO 5e RAC/Groupe 95.- Tir sur les tranchées allemandes par la section détachée à Bucy. Le lieutenant Grosperrin quitte l’état-major de groupe et passe à la 45e batterie.

 

Un beau jour nous n’entendrons plus parler de toi et tu auras disparu sans que nous sachions rien. Oh, tu sais, c’est trop affreux !

21 novembre - ELLE (Paris).- Tu ne peux t’imaginer ma tristesse d’être ici toute seule alors que j’y suis toujours venue avec toi, entourée, soignée par toi et je ne puis m’empêcher de pleurer. Pardonne-moi, j’ai toujours eu beaucoup de courage jusqu’alors, mais je n’en ai plus. Te savoir blessé, souffrant sans doute beaucoup et ne rien pouvoir pour toi, être là bête et inutile, empêchée de courir à toi par les prescriptions militaires. J’avais attendu patiemment à Docelles, puisque tu m’avais de suite écrit que tu me préviendrais aussitôt que tu serais évacué. Ton commandant qui m’a écrit aussi une si charmante lettre, me disait aussi que j’aurais bientôt le plaisir de te soigner (je ne t’en avais pas encore parlé dans les lettres voulant te la montrer quand je serais près de toi) et puis voilà que tu m’annonces qu’on ne t’évacue pas et que tu te guériras là-bas à Braisne jusqu’à ce que tu puisses retourner au feu. Est-ce seulement la vérité, n’es-tu pas plus malade du moment qu’on ne veut pas te faire voyager. Cela va encore faire sans doute comme pour notre pauvre Georges : un beau jour, nous n’entendrons plus parler de toi et tu auras disparu sans que nous sachions rien. Oh, tu sais, c’est trop affreux !

 

Je t’apportais une attestation de l’oncle Vautrin qui promettait de te donner tous ses soins. Et je t’en supplie encore, tâche de te faire envoyer un peu à l’arrière, que je puisse te voir. J’ai fait une demande au général commandant Villers-Cotterêts pour qu’il me donne une autorisation pour aller vers toi, mais je ne pense pas l’obtenir. A Epinal comme ici, on m’avait dit que je ne pourrais arriver à passer, mais j’avais confiance dans ma bonne étoile qui m’avait si bien servie jusqu’alors, et je m’étais promis de ne pas me décourager et d’aller frapper à toutes les portes. Malheureusement, on est ici très peu aimable et on se heurte à des consignes très sévères.

 

Demain pour être moins triste, en attendant la réponse du général, j’irai voir Paul Cuny à Versailles. Cela me fera plaisir de le voir, je penserai à toi et nous causerons ensemble de mon Geogi adoré. Si je n’ai rien du général, je repartirai lundi à midi car je ne veux pas rester plus longtemps seule ici. Nos petits enfants m’avaient chargée de mille choses pour toi et je t’apportais de menues sucreries.

 

En tout cas, mon mari aimé, si je ne puis te voir, soigne-toi bien, pense que tu viens d’être malade, une congestion ne se soigne pas comme une blessure. Rappelle-toi comme j’ai été malade au printemps et garde-toi pour moi et surtout pour tes enfants si je venais à leur manquer. Maman a toujours peur que je me fatigue car, comme dit Maguy, je suis d’un bois bien épatant mais pas très résistant. Allons, je me gourmande et n’arrive pas à me consoler, aussi je te quitte, en t’embrassant de toutes mes forces. Je t’écrirai encore demain et espère être plus raisonnable. Ta petite Mimi.

 

Ton commandant dans sa lettre parle de toi en termes si élogieux : « il y a des natures d’élite qui s’imposent en toutes circonstances : votre mari a conquis l’estime de ses chefs et de ses hommes et tous regrettent de ne plus le voir au milieu d’eux pour leur faire partager son énergie bienveillante. »

 

Aussitôt guéri, extermine le plus possible d’Allemands pour que ce doux moment du retour vienne vite.

22 novembre - ELLE (Paris).- Je rentre de Versailles où j’ai vu Paul en très bon état, il a même plutôt grossi. J’ai eu la chance à la sortie de la gare de trouver un de ses artilleurs auquel je me suis adressée au hasard et qui m’a donné l’adresse du mess. Il était midi et quart et je l’y ai trouvé. A entendre de la porte les rires qui venaient de la salle où se trouvaient les sous-officiers, on peut juger de la gaieté de l’armée française. Nous avons longuement parlé de tous, de toi surtout, mon Geogi. Paul m’a emmenée dans sa chambre qui est dans une maison tout près du mess. Son capitaine n’a pas le droit de lui accorder une permission. Pour t’en donner une idée, pour Paris chaque semaine ils ont droit seulement à 5% de l’effectif, ce qui fait pour chacun une permission tous les 5 mois !!! C’est maigre.

 

Ne fais pas attention à ma lettre d’hier, l’accès de découragement qu’elle montrait est passé et je suis de nouveau vaillante. Si je n’ai rien reçu du général gouverneur de Villers-Cotterêts demain matin, je retournerai à Docelles attendre de tes nouvelles ; je te ferai un envoi de tout ce que je t’apportais comme sucreries. Paul m’a dit qu’il t’a fait envoyer du linge. Tu m’écriras si tu en veux encore. Je t’avais apporté deux chemises de flanelle, des serviettes de toilette, des chaussettes de laine, car maintenant que tu as eu quelque chose à la poitrine il faut faire attention de ne pas attraper froid, mais je ne veux pas faire double emploi, car tu n’as peut-être pas tant de place dans ta cantine.

 

Je viens de téléphoner à Paul Picard qui m’avait dit hier que le dépôt de Gray lui avait écrit que Georges était peut-être à Albertville (sur les dires d’un soldat). Paul Picard qui a déjà été très gentil pour Maman quand elle était ici, avait immédiatement prié l’agent de la B. de F. à Chambéry de s’informer. Mais là encore c’est une mauvaise piste, ainsi de toutes celles qui nous avaient donné un peu d’espoir au début. Si tu n’as pas reçu mes lettres, tu n’auras pas été au courant de toutes les démarches que nous avons faites pour retrouver notre pauvre grand frère, démarches toutes infructueuses d’ailleurs. Ce serait trop long de te les répéter. Ce sera encore une des mille et une choses à se dire au revoir. Aussitôt guéri, extermine le plus possible d’Allemands pour que ce doux moment du retour vienne vite. Maman a été bien soulagée d’apprendre de bonnes nouvelles de ta guérison dans la période angoissante que nous traversons. Elle est complètement désespérée de retrouver Georges. Elle m’écrit : « tu sais combien il faisait ma joie et combien je comptais sur lui pour m’assister dans les dernières années qui me restent à vivre ».

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 22/11/1914 (N° 1248)

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Le Barbare contemple son œuvre -Guillaume II devant Arras

De même qu’il était venu devant Nancy, avec l’espoir de faire dans cette ville une entrée triomphale, de même le Mégalomane vint devant Arras ; et là aussi il eut la même désillusion. Guillaume II s’était fait conduire en automobile dans le Pas-de-Calais pour assister à la prise de la ville. Et c’est en raison de sa présence que les attaques des Allemands contre Arras ont revêtu un caractère particulièrement acharné. C’est dans le désir de lui plaire que les artilleurs allemands ont pointé leurs gros canons sur la ville où ils ont semé inutilement la destruction et la ruine. Le kaiser s’était placé sur une hauteur d’où il pouvait apercevoir Arras et il espérait y faire une entrée triomphale mais, comme précédemment à Nancy, ses espérances furent déçues.

 

 

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L’enterrement du highlander

On mène à sa dernière demeure un soldat écossais mort à l’hôpital des suites de ses blessures. La foule accourt et se range, émue et respectueuse, sur le passage du cortège. Dans le silence s’élève une mélopée triste comme un sanglot. Après le landau fermé où se trouve le pasteur, voici le corbillard sur lequel repose le cercueil enveloppé dans le drapeau britannique. Derrière, vient le joueur de cornemuse, le ‘bag-piper’ qui joue l’air funèbre traditionnel. Puis une centaine d’Ecossais, camarades du défunt, suivent d’un pas rythmé, portant le fusil abaissé vers la terre. Chacun s’est découvert, et la foule demeure impressionnée et silencieuse, tandis que le cortège disparaît et que le lamento de la cornemuse s’éteint peu à peu au lointain.

 

Thèmes qui pourraient être développés

  • Caillaux quitte la France
  • Le Togo
  • Les restaurants resteront ouverts jusqu'à 10 heures du soir
  • La censure (édito de Maurice Barrès)
  • Les ambulances faites prisonnières - Le personnel sanitaire ne peut être maintenu en captivité
  • L’encyclique de Benoît XV - Vœux pour la fin de la guerre
  • La Bukovine
  • L’association suisse pour rechercher des prisonniers - Mesdames Viviani et Millerand ont eu elles-mêmes recours à ses bons offices.
  • Le mégalomane - Guillaume II devant Arras (LPJ Sup)
  • Religion - Fête religieuse - Présentation de la Sainte-Vierge - 21 novembre


[1] GC pour Georges Cuny

[2] Marguerite Laroche-Joubert, sœur de Marie C., habitant à Angoulême



14/11/2014
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