14-18Hebdo

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20e semaine de guerre - Lundi 14 décembre au dimanche 20 décembre 1914

 

LUNDI 14 DECEMBRE 1914 - SAINT NICAISE - 134e jour de la guerre

MARDI 15 DECEMBRE 1914 - SAINT IRENEE - 135e jour de la guerre

MERCREDI 16 DECEMBRE 1914 - SAINT EVRARD - 136e jour de la guerre

JEUDI 17 DECEMBRE 1914 - SAINT LAZARE - 137e jour de la guerre

VENDREDI 18 DECEMBRE 1914 - SAINT GRATIEN - 138e jour de la guerre

SAMEDI 19 DECEMBRE 1914 - SAINT AVIT - 139e jour de la guerre

DIMANCHE 20 DECEMBRE 1914 - SAINT EUGENE - 140e jour de la guerre

Revue de presse

-       Le maréchal von der Goltz vice-roi de Constantinople

-       La maladie du Kaiser - Le rappel du Kronprinz à Berlin

-       La Belgique martyre

-       Partout les Russes tiennent tête avec succès

-       L'évacuation de Belgrade par les Autrichiens

-       Les Allemands auraient perdu 150,000 hommes en Pologne

-       Les Allemands maîtres de la Turquie

-       L'Egypte protectorat anglais

-       La journée du drapeau belge

Morceaux choisis de la correspondance

On a réquisitionné samedi la filature pour y installer des ateliers de réparation de camions et autos.

14 décembre - ELLE.- Je reçois au courrier de 3 heures ta lettre du 10 et ta carte du 11 ct, tu vois qu’elles sont venues vite.

 

Monsieur Robert est en train de faire une rage épouvantable parce que je ne veux pas me déranger de ma chaise longue pour lui donner un gâteau que Grand-mère lui a promis, paraît-il. Il a eu une mauvaise journée. Ce matin déjà on a fait le méchant au moment de dire sa leçon. Il dit très souvent des vilains mots à ses frère et sœur, aux bonnes et même à Mademoiselle Renard quand elle lui fait faire ses devoirs. Aussi est-il souvent privé de dessert. Il nous assure que cela ne lui fait rien, qu’il n’aime pas le dessert. Pourtant les jours où il en a, c’est une belle fête. Ce sont péchés de jeunesse.

 

Je t’ai dit, je crois, que les nouvelles de Mère étaient bien meilleures. Elle m’a écrit elle-même, me parle de lui chercher deux bonnes pour le printemps quand elle rentrera à Nancy. Tu vois qu’elle n’a pas perdu ses bonnes habitudes de prévoir longtemps à l’avance.

 

De Marie Paul, j’ai reçu un télégramme ce matin pour me dire que Paul est rentré à Epinal, il a un sursis d’appel de soixante jours jusqu’au 9 février prochain, qu’il voudrait s’installer à Thaon et que je lui trouve une cuisinière. Elle me dit « Mère mieux », ce qui me fait bien plaisir. Je vais tâcher de trouver ce qu’il faut pour Paul, je vais demander à Oda que nous avons eue un moment chez nous ces années dernières. Si elle ne veut pas, il faudra aller dans les bureaux de placement d’Epinal, ce qui sera moins facile car on a évacué beaucoup de monde.

 

Thérèse est repartie chez elle car on a réquisitionné samedi la filature pour y installer des ateliers de réparation de camions et autos, aussi elle veut être là pour organiser tout et faire fermer certaines portes. Les soldats vont rendre libre tout l’encaissage. On transportera les caisses vides dans un hangar, les pleines dans les allées des salles, le coton ailleurs, enfin cela donne bien du mal à Thérèse. Elle a 3 officiers à loger chez elle et 200 hommes dans l’usine. Ce qui est ennuyeux c’est qu’ils veulent prendre la houille que Maman espérait amener ici, car celle qu’on reçoit est affreuse et Maman aurait voulu mélanger avec de la bonne. Thérèse dira aux officiers qu’ils ont bien facile d’en réquisitionner à Epinal tandis que nous avons mille maux. Maurice est aux environs de Dixmude.

 

Les enfants rentrent de leur leçon de piano. Ils jouent au billard anglais, un de nos anciens jouets qu’ils ont retrouvé au grenier et qui les amuse beaucoup. La bille tombe dans des trous qui sont chiffrés, c’est André qui inscrit les chiffres et fait l’addition et quand on a 1 000 on a un bonbon.

 

Comme le dit Paul LJ, le séjour sur le front en ce moment doit manquer de charme.

15 décembre - ELLE.- Robert parle à tout le monde au village, il connaîtra bientôt les gens mieux que moi et il enregistre avec soin ce qu’on lui dit bien mieux que ce qu’on veut lui apprendre. Tu vois Geogi comment se fait l’éducation de ton fils.

 

Maurice avait écrit à Maguy une lettre toute dégoûtée et découragée. Elle avait tâché de bien faire en lui envoyant une bonne lettre bien réconfortante. Là-dessus il a été très colère à la pensée qu’elle avait pu le croire un peu démonté et las, et l’a relevée rapidement du péché de paradis. Cela lui a fait du bien j’en suis sûre d’attraper un peu sa petite sœur. Mais, comme le dit Paul LJ, le séjour sur le front en ce moment doit manquer de charme.

 

Nos trois usines commencent à marcher mais que de difficultés de toutes sortes !

16 décembre - Paul Cuny (Epinal) à Mimi Cuny, sa belle-sœur.- Je pars demain pour Paris en automobile avec le fournisseur de l’armée qui nous fait travailler : j’ai de grosses affaires à traiter là-bas. Nos trois usines commencent à marcher mais que de difficultés de toutes sortes ! Que devient Cheniménil ? En passant tard hier, j’ai vu de la lumière à l’usine, mais en même temps j’ai aperçu aussi des autos militaires, alors je me demande si nous travaillons ? Est-ce que le cas échéant Maurice et Thérèse seraient disposés à retravailler ? Si j’obtiens une prolongation de sursis, et je l’espère ayant beaucoup de travail pour l’armée, peut-être pourrait-on s’arranger ? Les filés en tous cas se vendraient comme des petits pains : j’ai déjà preneur.

 

16 décembre - Adrien Molard (Nancy) à Georges Cuny, son beau-frère.- J’ai pu faire marcher à peu près tous les métiers du Tissage et plus de broches qu’il n’en faut pour l’alimenter. La filature de jumel de Roville a dû être mise en route samedi, mais je n’en ai pas de nouvelles encore. Paul et M. Knipiler ont dû aller hier à Laveline pour tout organiser. Paul a pu obtenir rapidement un permis de circuler en auto, et heureusement, car sans cela on perd son temps dans les trains. Nous continuons toujours des achats pour l’Intendance, mais la laine s’épuise à Nancy et en France. On nous demande encore des cache-nez et des couvertures : Francin a eu un congé de 8 jours pour nous fabriquer un type et nous allons sans doute lui passer une commande. Nous achetons des longottes pour la fabrication de tentes individuelles, mais cela ne vaudra pas un autre tissu qui n’a pas été agréé et qui était tissé avec des retors. Nous avons acheté aussi divers tissus coton teints en bleu pour pantalons de treillis, c’est souvent de simple satin.

 

Mais c’est la guerre et petit à petit on s’habituera aux balles comme on l’est déjà aux obus.

17 décembre - Docteur Gaillemin (Armées), médecin de Cornimont, à Mimi Cuny.- Quant à votre cher mari, je sais de visu qu’il va bien. Il a dû vous écrire que j’avais eu le très grand plaisir de bavarder avec lui durant deux heures. Je suis allé le trouver près de sa batterie, il était à ce moment dans son trou, étendu sur de la paille, et ce trou refermait (quel luxe !!) un fourneau. J’ai trouvé Mr Cuny un peu courbaturé ce jour-là parce qu’il venait d’avoir quelques heures auparavant sa seconde piqûre de sérum anti typhoïdique. Il était en pleine réaction ; néanmoins il avait très bonne mine et nul à le voir n’aurait pu soupçonner que cinq semaines auparavant il avait eu une blessure grave, dont il s’est tiré très heureusement. Vous vous imaginez le grand plaisir que j’ai eu de le voir, quand je vous aurai dit que c’était le premier ami que je rencontrais depuis le commencement de la campagne. Je croyais, en me trouvant près de lui, être un peu dans les Vosges ; malheureusement le sifflement des obus qui s’entrecroisaient au-dessus de nos têtes ne me laissaient pas longtemps dans cette agréable illusion. Les Allemands en effet ont pour principe de bombarder Soissons ou les villages situés au-delà chaque soir à partir de 3 heures ; ils négligent la plaine où se trouvait votre mari et cherchent à détruire quelques maisons ; il semble que sans cela ils ne pourraient point passer une bonne nuit.

 

Vous me demandez chère Madame ce que je deviens ; je vous dirai simplement que je me porte très bien, que j’ai un appétit excellent mais que malheureusement nous avons toujours un menu extrêmement abondant ; comme j’ai peu d’exercice je crains de devenir obèse ou d’attraper la goutte. Je loge dans une très belle habitation, j’ai une chambre très vaste, un lit excellent, une cheminée qui fonctionne très bien et me permet de combattre le froid quand par hasard celui-ci apparaît sur les bords de l’Aisne. Je m’y plairais très bien si mes enfants et ma chère femme étaient près de moi et si les balles perdues ne tombaient pas si abondamment dans le village. Ce village est à 1 600 mètres environ des premières tranchées allemandes, et est dans un vallon, où les balles semblent converger ; nous savons heureusement de quelle direction viennent celles-ci et quel côté du mur il faut longer pour les éviter. Mais c’est la guerre et petit à petit on s’habituera aux balles comme on l’est déjà aux obus.

 

Comme vous je souhaite vivement la fin de toutes ces tristesses. Comme je voudrais voir notre territoire libéré ! et les Boches boutés jusqu’au Rhin ! Que Dieu nous garde et nous protège, amis, parents et soldats !

 

17 décembre - JMO 5e RAC/Groupe 95.- Etat de proposition pour la Légion d’honneur en faveur du s/lieutenant Hamon blessé le 13 Xbre : « Sérieusement blessé par un éclat d’obus à proximité de la batterie en se rendant à son poste de combat, a refusé de se laisser emporter par ses hommes pour ne pas les exposer au tir de l’artillerie ennemie ».

 

Mais quelle guerre ! Quand sera-ce fini ? Les braves Russes ne vont pas vite.

18 décembre - ELLE.- Nous apprenons que Georges est assez guéri pour avoir quitté son hôpital le 28 novembre et, qu’après un voyage de 24 h, ils ont été parqués à Osnabrück (Hanovre) dans une caserne d’artillerie où sont déjà enfermés environ 220 officiers russes, 13 français et une vingtaine de belges. Son nouveau régime va probablement être inférieur à l’actuel. Nous allons lui envoyer, comme il le demande, dans un paquet solide, une petite provision de cigarettes maryland car elles sont introuvables là où il est et qu’il ne peut se procurer que du tabac jaune dit d’Orient.

 

Mais quelle guerre ! Quand sera-ce fini ? Les braves Russes ne vont pas vite.

 

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 20/12/1914 (N° 1252)

 

LPJ Illustre 1914-12-20 A.jpgExécution d’un espion

Cet espion a été exécuté dans le parc de Villers-Cotterêts. Il avait comparu la veille devant le conseil de guerre siégeant à Soissons, sous l’inculpation d’avoir fourni des renseignements aux Allemands dans les premiers jours d’octobre. Condamné à mort, il fut immédiatement transféré à Villers-Cotterêts. Les yeux bandés et les mains attachées derrière le dos, l’espion a été conduit sur le lieu de l’exécution, où se tenait un peloton du 87e territorial d’infanterie. Il avait demandé une cigarette qu’il fuma jusqu’au dernier moment.

 

 

LPJ Illustre 1914-12-20 B.jpgUne fête arabe sur le front

C’est le docteur Vaugien, médecin d’un régiment de marche de spahis qui a fait le récit de ce divertissement original : « Ce soir-là, racontait-il, vers huit heures et demie, le dîner était achevé. Il vint alors à l’idée de quelques officiers et de quelques hommes de s’amuser un peu. Immédiatement la flûte arabe fut exhumée du paquetage. Les flûtes en roseau du départ étaient perdues ou brisées. Les flûtistes en ont fait avec des morceaux de lances métalliques de uhlans trouvées dans les champs. Le tableau était superbe. Au milieu d’un grand cercle où brûlaient deux feux, les musiciens avaient pris place. Flûtistes et guellalis se servaient de leurs bidons individuels comme de tambourins. Au premier rang, quelques officiers et sous-officiers autour des hommes assis ou debout et surtout beaucoup d’hommes de l’infanterie que ce spectacle étonnait. Le tout éclairé par un superbe clair de lune. Au milieu du cercle, les chanteurs et danseurs se succédaient au milieu des applaudissements des assistants. Tout le monde était content et de bonne humeur et, sans le bruit du canon qui mêlait sa voix à la musique, on se serait cru à une fête arabe donnée chez un caïd. La fête ne prit fin qu’au moment où l’on rentra au cantonnement. Vous voyez que, malgré les mauvais jours qu’ils ont eus, les spahis ont conservé leur bonne humeur et leur excellent moral. »

Thèmes qui pourraient être développés

  • L’évacuation de Belgrade
  • L’Egypte - protectorat anglais
  • Le Parlement - Les députés-soldats
  • La Belgique martyre
  • La Belgique - Le cardinal Mercier
  • Le réchaud du soldat
  • La journée du drapeau belge (LPJ 20/12/1914)
  • Le bureau de placement pour les bonnes
  • Le billard anglais
  • Manuel de conversation du Barbare complet (Manuel de conversation en pays ennemi trouvé dans la poche d'un sergent poméranien dans la plaine d'Arras EDP 18/12/1914)
  • L'espionnage allemand (LPJ Sup)
  • Une fête arabe sur le front (LPJ Sup)

 


12/12/2014
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