Souvenirs de guerre 1914-1919 (Paul Boucher) - Ch 9-3 – La réorganisation
Document transmis par Renaud Seynave, son petit-fils - 03/08/2016
… On se lançait des journaux, du pain, des cigares. Tous les jours, un journal parvenait aussi au commandant de Cie…
Le colonel Didio du 152e à Gérardmer en 1901 devant la maison de Paul Boucher.
Le 23 mars, nous sommes relevés par de paisibles territoriaux et nous allons à Moosch où nous ne passons que deux jours car le 26 mars nous allons reconnaitre les positions du Sudel, pentes sud du Grand Ballon et nous montons pour deux heures du matin. Le 27e BCA et ma Cie occupent le secteur dit du Breithal allant de la côte 950 à la côte 650, en haut avec de la neige et en bas le printemps.
Les lignes touchent les boches à un endroit mais les occupants pacifiques ont pris des habitudes peu guerrières. La manière du moment est d’avoir en avant de la première ligne des postes d’écoute. Il en faut tous les 100 ou 200 mètres sans qu’on se préoccupe de leur utilité ni de leur danger.
Dans mon secteur, j’en avais un appelé le poste Chambaud. Il se trouve à une vingtaine de mètres d’un poste allemand du même genre. Le nôtre n’avait aucune organisation, les veilleurs devaient s’assoir dans le fond ou sortir à mi-corps. Les Allemands accédaient à ce lieu par un boyau couvert de lourdes traverses. Je l’ai visité en 1919.
Cet état de chose permettait par bonheur une certaines détente, les boches montraient leurs têtes de temps à autre. On se lançait des journaux, du pain, des cigares. Tous les jours, un journal parvenait aussi au commandant de Cie, un tout jeune homme de 24 ans. Le journal était ensuite remis au chef de bataillon Sacole du 31e BCP.
J’avais un abri parallèle aux lignes, à 20 mètres à peine en arrière.
« La gazette du centenaire du 152e RI n° 26»
Editée en février 2016 par la cellule communication du 152e RI à Colmar et transmise par le lieutenant-colonel Bodénès de la Direction des Ressources Humaines de l’armée de terre.
FÉVRIER 1916, RETOUR A STEINBACH :
Le 1er février 1916, le lieutenant-colonel Semaire prend six jours de permissions bien nécessaires et méritées pour se reposer des grandes fatigues physiques et morales accumulées depuis sa prise de commandement mi-décembre, parmi lesquelles la quasi disparition du régiment fin décembre et sa reconstitution en moins d’un mois.
En ce début février seul le 1er bataillon est en première ligne dans la région du Sihl, au sud du Hartmannswillerkopf. Le reste du régiment est en deuxième ligne, employé à l’organisation des lignes de soutien, au transport des matériaux vers la première ligne et à l’installation des lignes téléphoniques du secteur de Steinbach.
Steinbach vu d'une tranchée du 1er bataillon
Le 5 février, après les habituelles reconnaissances de secteur menées par les commandants de bataillon et les commandants de compagnie, le régiment se prépare à monter en première ligne. Le 9 février, le 1er bataillon est relevé au Sihl par le 15e BCP. Il est engagé dès le lendemain en première ligne à Steinbach avec le 2e bataillon qui a relevé le 75e régiment d’infanterie. Le 11 février, le 3e bataillon relève le 140e régiment d’infanterie dans le même secteur.
Un poilu du 15-2 de garde à Steinbach par P.JANIN le 25/02/1916
Autour de Steinbach, on fait une guerre de position depuis la conquête du village par le régiment le 10 janvier 1915. Le village est en ruine, les tranchées allemandes et françaises se font face, parfois à seulement quelques dizaines de mètres. Le 1er bataillon est installé dans le sous-secteur de Colardelle au nord-est du village face au plateau d’Uffholz, le 2e bataillon au centre dans le sous-secteur Ayné qui inclut le village, le 3e bataillon au sud-ouest du village dans le sous-secteur Alsacienne plus connu sous le nom fameux de côte 145. Le poste de commandement du régiment est installé aux sorties nord de Steinbach. La compagnie de mitrailleuses est répartie dans le secteur des 2e et 3e bataillons. Dans chaque bataillon trois compagnies sont en première ligne et une compagnie est en réserve. Pendant tout le mois de février, le régiment va conserver cette organisation hormis les mitrailleuses qui vont être réparties fin février dans les trois bataillons.
Le danger est permanent en première ligne. Les échanges d’obus sont quasi quotidiens et le moindre mouvement à vue de l’ennemi est salué par le coup de feu d’un guetteur. La végétation a disparu depuis longtemps et le terrain est dégagé. Depuis la côte 425, les Allemands observent le village en ruine et saluent de coups de feu le déplacement des imprudents. Au cœur de l’hiver, les Diables Rouges sont confrontés au froid, au mauvais temps, à la boue. Comme les feux sont interdits de jour et de nuit, on laisse quelques sentinelles en première ligne et le reste de la section se regroupe dans des abris convenablement chauffés quelques mètres en arrière. La journée est partagée entre postes de guet et aménagement des tranchées pour renforcer la protection et créer un confort relatif. La nuit, on assure les tours de garde dans les tranchées ou en avant-poste. Un soldat du 15-2 raconte : « L’ennuyeux est que la nuit, nous prenons la garde par équipe, de 6h00 (18h00) à minuit et de minuit à 6h00. Lorsqu’il fait trop mauvais dans la tranchée, on rentre dans le gourbi se chauffer un peu, en laissant des sentinelles. Seulement, nous ne touchons ni pétrole ni bougies et il faut rester dans l’obscurité toute la nuit. Dans ce sacré régiment (le 15-2), on touche environ 2 bougies tous les 8 jours et il en faudrait 2 par nuit. »
La soupe dans une cave de Steinbach par P.JANIN le 18/02/1916
A compter du mois de février, le champ de bataille des Vosges va devenir une zone de combat secondaire pour les deux belligérants jusqu’à la fin du conflit et les lignes de front ne vont plus bouger. En effet, le 21 février 1916, l’armée allemande déclenche une attaque massive pour percer le front à VERDUN. Pendant 10 mois, les Allemands vont essayer de s’emparer de cette ville que les Français, sous les ordres du général Pétain puis du général Nivelle, vont défendre victorieusement pendant 10 mois à partir des collines avoisinantes du Nord et de l’Est, et ainsi faire de ce champ de bataille où 75% des poilus sont passés à tour de rôle et 380 000 ont été tués ou blessés, « le » symbole de la grande guerre.
LE MONUMENT DU 15-2 COMMÉMORATIF DES COMBATS DU HWK :
1921 INAUGURATION DU MONUMENT DU 15-2 AU HARTMANNSWILLERKOPF
Le monument du 152e régiment d’Infanterie au Hartmannswillerkopf est l’œuvre du sculpteur Victor-Charles Antoine (1881-1959), qui a appartenu au régiment durant la Première Guerre mondiale. Pour rendre hommage à ses camarades il décida, en 1919, de construire un monument sur le site de la bataille. Un sentier y fut aménagé pour acheminer les matériaux nécessaires à l’édification. Assisté de vingt-cinq poilus, il fit combler un trou entre deux gros rochers afin de constituer une assise suffisamment grande pour y fixer le bronze. Le monument fut inauguré en 1921 devant une foule nombreuse.
Détruit par les Allemands en 1941, quelques vestiges furent cependant sauvés et permirent au sculpteur de le restaurer en 1954. Située au pied de l’Aussichtsfelsen (rocher Hellé), qui offre une vue étendue sur toute la plaine d’Alsace, l’œuvre actuelle, en bronze, se compose d’un groupe de cinq soldats donnant l’assaut, baïonnette au canon et grenade à la main. Le monument salue l’héroïsme des soldats en figeant leur départ à l’assaut devant le drapeau du régiment. En bas du groupe sculpté, se trouvent trois plaques en bronze. Sur celle de gauche, on peut lire : « Ville de Munster 1914-1915 Hartmannswillerkopf », sur celle du centre avec des diables s’élançant à l’attaque : « Aux vaillants du quinze-deux tombés en Alsace », et sur celle de droite : « Steinbach 1914-1915 Metzeral ».
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