Souvenirs de guerre 1914-1919 (Paul Boucher) - Ch 15-4 –1918 L’armistice, le retour, la dislocation et la démobilisation – Quatrième partie –29 juillet au 11 novembre 1918
Document transmis par Renaud Seynave, son petit-fils - 04/10/2018
Pour mes enfants - En souvenir de François Boucher, mon frère et d’Edouard Michaut, mon beau-frère,
morts au champ d'honneur.
(Gérardmer - 1920).
Paul (2e à partir de la droite) et François Boucher (au milieu) en août 1914,
Je vais avec le général pour voir tout le terrain conquis puis visite des cantonnements, des blessés, de Jenoudet puis paperasses, décorations, citations.
Nous sommes mis sous les ordres du 3e corps américain., le général Bullard que nous allons voir le 7 août. On nous aurait laissés sans manger sans l’intervention de l’officier de liaison français Berthier de Sauvigny, plus tard sénateur de la Moselle.
Le général Bullard a voulu réparer cette maladresse et nous invite à faire la sieste. Notre P.C est à Igny dans une maison forestière des cinq Piles près de l’abbaye de trappistes complètement détruite par les boches.
Les environs sont remplis de cadavres d’Allemands en décomposition. Nos troupes tentent en vain de franchir La Vesle. Avec le général, je parcours un autre champ de bataille, la forêt de Ris. Je déjeune chez le préfet à Château-Thierry et dîne à l’armée avec le général Degoutte. Notre P.C est à Loupeigne d’où je pars le 18 août en permission à Paris où Suzanne vient au-devant de moi puis à Evian où se trouve toute la famille
Les Vautrin ont la villa « Les Magnolias » comme en 1917, Papa sur mes instances a loué le château de Neuvecelle, retraite en cas de désastre au début de 1918. Nous en sommes loin heureusement. Les Chabrol sont à Neuvecelle de sorte que le séjour est très agréable.
Le départ est moins triste qu’autrefois. Je rentre et remplace Lasserre au premier bureau. Notre P.C se déplace le 5 septembre à Mont-Notre-Dame. Dans tout cela, le boche oppose quelques éléments mitrailleurs et canons, une résistance opiniâtre pendant laquelle le gros de la troupe recule puis s’en va à quelques kilomètres en arrière et résiste à nouveau.
Nous reprenons le contact et sans insister, pour ménager les pertes encore sensibles, nous voici enfin relevés. Où allons-nous ?
Embarquement en chemin de fer le 21 septembre pour Calais. Arrivée le 22 à 3h du matin. Notre Q.G est à Coulogne. Visite des cantonnements à Gravelines. Dîner à Hondschoote chez le général Degoutte. Tout est mystérieux, nous sommes en Belgique.
Les troupes ne marchaient que la nuit, on veut la surprise. L’attaque est déclenchée le 28 septembre.
Le P.C est à la ferme des Paratonnerres puis dans les ruines de Langenmark. Tout le P.C habite dans un abri en béton, gros embouteillages sur les rares routes. Les Allemands font sauter les carrefours.
Mon remplaçant au 152e, le capitaine Piard est brûlé et meurt.
J’interroge des officiers arrogants de 8e et 11e Bavarois.
Le temps est froid. Comme les troupes ont dû souffrir. L’eau est à fleur de sol. La grippe sévit, nous buvons de la soupe à la teinture d’iode.
Le 4 octobre je vois P. Velin qui est sous-officier dans les chars d’assaut. Il devait être tué quelques jours plus tard.
Je quitte Langenmark le 9 octobre pour remplacer Lasserre grippé. Cela me fait manquer une séance de cours de gaz. Je couche directement sur la paillasse de Lasserre qui pris de la grippe infectieuse (choléra !) meurt quelques jours plus tard à Rosendaël.
De tous côtés, bonnes nouvelles. On avance, le bruit court d’une demande d’armistice des boches le 11 octobre !
Nous attaquons sur Roulers après avoir dépassé la zone dévastée du front. Je vois passer de 2 à 3 000 prisonniers. Déplacement du Q.G à De Ruiter en Belgique le 16 octobre.
On retrouve la zone habitée, des arbres avec des feuilles et des habitants. Les déplacements sont continuels, ce qui donne du travail.
Le 21 octobre nous allons de Izegem à Ingelmunster, déplacement de 4 km. On suit l’avancée. Installation dans un grand château en brique où un état-major allemand est resté pendant quatre ans.
J’ai avec moi quatre gendarmes et deux agents de la sûreté belge. Nous faisons des missions intéressantes. Les Allemands résistent toujours avec des nids de mitrailleuses. Les liaisons aux arrières sont des plus compliquées, énormément de chevaux manquent.
Les permissionnaires ont 50 km à faire à pied. Il faut organiser des dépôts de vivres. Le ravitaillement se fait mal, si mal que pendant la bataille de Langemark, on a été ravitaillé par avion !
La division a eu de lourdes pertes pour franchir la Lys et elle est relevée le 8 novembre par la 9e division américaine et se regroupe dans la région d’Ingelmunster.
Nos antennes T.S.F donnent des nouvelles stupéfiantes ; les radios révolutionnaires boches demandent l’armistice.
Nous approchons de l’Escaut. Le P.C est transporté à Izegem. Nos troupes sont épuisées mais le boche doit l’être aussi.
Nous devons faire une attaque le 11 à 10 heures du matin. Le corps d’armée nous dit que les munitions ne sont pas arrivées et qu’il faut attendre, mais notre T.S.F nous fait part des offres sérieuses d’armistice par les boches avec passages de parlementaires.
A 6 heures du matin, le 11 novembre, nous avons connaissance de la radio officielle donnant la cessation des hostilités à partir de 11 heures. Nouvelle accueillie avec bonheur et calme. On boit le champagne.
La guerre est finie
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