Les atrocités allemandes
LES FAITS
Pour la partie lorraine du front, les atrocités allemandes ont été commises dans le secteur Raon-l’Étape, Rambervillers, Badonviller, Baccarat, Gerbéviller ; elles ont débuté au moment de l'avance allemande jusqu'à environ mi-septembre, lorsque le front a reculé vers le Nord-est jusqu'à la ligne Champenoux-Senones. Nomeny, Jarny et Fresnois-la-Montagne ont également été touchées.
Anna Vautrin nous donne des descriptions précises de ce qui s'est passé : « Badonviller a été incendié par les uhlans, qui ont forcé les femmes du village à éteindre l'incendie et les ont photographiées ; le facteur a été fusillé, et la femme du maire jetée dans le brasier de sa maison en flammes ; l'ancien maire de Blaucourt a été fusillé ; une femme et l'enfant qu'elle allaitait ont été fusillés » ; à Baccarat, la famille Michaut a payé un très lourd tribut (habitations et cristallerie).
A Gerbéviller, plusieurs personnes ont été fusillées...
Le rapport de Mr Mirman, Préfet de Meurthe et Moselle, adressé au ministre de L'Intérieur, officialise ces faits en produisant une partie du détail exhaustif de ce qui a été constaté (rapport publié dans « Le Rappel » du 19 Août 1914) :
« Dans les cantons de Badonviller, Cirey, et Blamont, des femmes, jeunes filles, vieillards ont été assassinés sans aucune raison et sans le moindre prétexte. Des maisons incendiées systématiquement par les troupes allemandes dès leur arrivée et au moment de leur retraite.
En plusieurs endroits ces « sauvages » n'ont pas seulement saccagé, ils ont volé, emportant argent et bijoux.
A Badonviller, 11 personnes assassinées, dont la femme du maire, 76 maisons incendiées. Après le pillage de la ville, l'église a été canonnée et démolie ; 15 otages, dont le juge de paix, ont été emmenés le 13 Août. A Bréménil, 5 personnes ont été assassinées, dont un vieillard de 74 ans ; un homme blessé il y a quelques jours, alité, a été brûlé dans sa maison avec sa mère, âgée de 74 ans.
Le maire a eu l'épaule traversée par une balle.
Parux n'est plus qu'un monceau de ruines. Presque toutes les maisons ont été incendiées, non par les obus, mais par des soldats dès leur arrivée, avec des cartouches spéciales.
A Blamont, plusieurs victimes, dont une jeune fille, la charcuterie saccagée et pillée.
En présence de ces actes d'une odieuse sauvagerie, les maires lorrains témoignent d'un sang-froid et d'une fermeté admirables.
L'un d'eux, Mr Benoît, maire de Badonviller, a connu, dans une journée tragique, toutes les douleurs. Sa maison de commerce a été brûlée, sa femme assassinée. Avec un courage admirable, il n'a cessé de veiller à la protection des intérêts de sa commune, sans un instant de repos, sans une minute de défaillance, en soutenant les forces morales de tous.
Et le lendemain de ces malheurs, les Allemands ayant évacué Badonviller, un prisonnier allemand fut amené au village.
La population frémissante des atrocités subies entourait et menaçait le prisonnier.
Le maire Benoît s'interposa, rappela le respect dû à tout prisonnier ennemi et lui sauva la vie.
Le gouvernement a décidé ce matin de donner la croix des braves au maire de Badonviller, et Mr Malvy, ministre de l'Intérieur, propose aujourd'hui même d'accorder la croix de la légion d'Honneur à ce citoyen français qui a donné, en ces heures terribles, un merveilleux exemple d'énergie et de noblesse d'âme. »
Au total, en Meurthe-et-Moselle, au moins 346 civils sont tués en 6 jours par les troupes allemandes.13 localités du département sont partiellement ou entièrement mises à sac.
Outre Badonviller, on dénombra principalement 102 maisons brûlées et 68 civils tués à Fresnois-la-Montagne, 55 civils tués à Nomeny et 25 fusillés à Jarny.
Ainsi que je l'ai évoqué dans mon article sur « Reims ville martyre », la volonté de destruction de cette cathédrale symbolise la barbarie de l'ennemi qui, en s'attaquant avec un tel acharnement au patrimoine historique et culturel, ne semble avoir aucune limite. Sous prétexte qu'il peut servir de poste d'observation, le monument subira d'effroyables bombardements tout au long de la guerre, ce qui causera une forte vague d'émotion dans tout le pays. A la fin du conflit, la ville est détruite à 85%.
En Belgique, à Dinant, du 22 au 23 Août 1914, les Allemands se vengent sur la population civile suite à d'épuisants combats avec l'armée française. En 24h, 665 civils hommes, femmes et enfants sont massacrés.
Les 25 et 26 Août, ils incendient Louvain, en représailles à des tirs présumés des civils.
De nombreux bâtiments historiques, dont la bibliothèque de l'Université, sont détruits.
Les troupes allemandes ont mis à feu et à sang un grand nombre de villes et de villages, tuant environ 6 500 civils dans une centaine de communes de Wallonie, obligeant les femmes et les enfants à regarder ces scènes atroces, et s'en prenant même à ces derniers.
LES JUSTIFICATIONS ALLEMANDES
Pour justifier toutes ces atrocités, les Allemands accusent les civils belges d'avoir ravitaillé et abrité des groupes de francs-tireurs, des « bandes » de civils armés constituées pour s'opposer à la traversée allemande de la Belgique vers la France, ce qui est contraire aux droits, prétendent-ils, conformément à la Convention de La Haye de 1907... ; devant ce qui n'est qu'un mythe, une telle mauvaise foi est révoltante.
En outre, en octobre 1914, pour tenter de faire échec à ces accusations portées contre leur armée, 93 intellectuels allemands, de renommée mondiale, signeront un manifeste (l'appel « au monde civilisé ») à destination de leurs homologues étrangers en appelant à leur connaissance de la culture allemande, supposée incompatible avec de telles atrocités, qui, si elles ont eu vraiment lieu, tiennent de la légitime défense...
Ces prises de positions outrancières auront pour effet d'interrompre toute relation des universités anglaises et françaises avec leurs homologues allemandes, et ce jusqu'à la fin des années 20.
LA PRESSE ALLIEE
Du côté des alliés, la dénonciation unanime des atrocités est un fer de lance d'une redoutable efficacité pour mobiliser l'opinion. En Grande-Bretagne, elle est au centre de la campagne de recrutement de l'armée.
Tout au long du conflit, la presse alliée veillera bien entendu à entretenir les braises sous le feu des atrocités pour que l'indignation demeure intacte.
Face aux viols, pillages et assassinats, bien réels, l'émotion et la haine dominent, et les plumes exigent des représailles, comme celle de Charles Briand dans « Le Rappel » :
« En avant ! Chargez donc ! (....) Exterminer ces assassins, c'est sauver nos enfants et nos femmes, c'est sauver le patrimoine d'honneur de l'humanité. (….) La civilisation n'a pas besoin seulement de porteurs de torches, elle a besoin, aussi, de porteurs de glaives. »
Cette sauvagerie explique qu'en 1940, devant la peur-panique de subir à nouveau les mêmes atrocités, un exode massif des populations reflua vers le Sud, encombrant les axes de circulation et entravant par là-même les contre-attaques des blindés français.
(Sources : les journaux de guerre)
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