14-18Hebdo

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Le jour de la mobilisation générale (Hanotaux)

Gabriel Hanotaux – Histoire illustrée de la guerre de 1914 – Tome 2 – Ch. 18

  

Le samedi 1er août, c'est « le jour de la mobilisation générale ». L'ordre fut délibéré en conseil des ministres le matin ; il fut affiché à cinq heures dans tous les bureaux de poste.

 

Il fut accueilli partout, en France, dans une sorte de recueillement. Tous savaient le sens profond de cette mesure : ce n'était pas encore la guerre déclarée, mais c'était la guerre probable, à peu près certaine. Pas un Français qui ne sût ce que ce mot comportait de risques et de souffrances ; pas un Français qui ne fît, en cet instant, le sacrifice complet de lui-même et des siens à la patrie. Ce fut l'heure sublime !

 

Et les choses se firent si simplement. Peut-être trouvera-t-on quelque intérêt à des notes prises, le jour même :

 

« J'appris, à n'en pas douter, que l'ordre de mobilisation générale allait être affiché. Je rentrai chez moi et nous partîmes immédiatement pour la maison de campagne de l'Aisne où nous passions l'été : en raison du voisinage de la frontière, il y avait des mesures à prendre immédiatement, pour rentrer ensuite à Paris. Nous quittâmes Paris par une après-midi lumineuse et chaude, avant que l'ordre de mobilisation fût publié ; mais, par le télégraphe, il nous devança bientôt. Dès Meaux, les yeux des femmes en pleurs nous avertirent : la foule était massée devant les bureaux de poste ; on lisait en silence l'affiche tricolore.

 

« La nouvelle nous précédait au fur et à mesure que nous avancions, dépassés, le plus souvent, par les automobiles lancées à toute vitesse, avec des gendarmes porteurs de l'ordre ; dans les villages, la cloche sonnait, le tambour battait ; nous assistions, pour ainsi dire, au spectacle de la France qui se levait ; les hommes quittaient le travail aux ateliers et dans les fermes ; les paysans hâtaient le pas des chevaux ou laissaient la faucheuse en plein champ ; les femmes se hâtaient de regagner la maison et s'empressaient pour les préparatifs du départ ; les enfants se taisaient, étonnés et ne comprenant pas. On peut dire, qu'au fur et à mesure que l'ordre arrivait, la nation se mettait sur le pied de guerre et recevait, en même temps, l'âme guerrière. Spectacle d'une simplicité et d'une grandeur inouïes. Comme les hommes ne changent pas, je suppose que ce fut l'effet produit sur la Gaule par les feux qu'alluma Vercingétorix.

 

« Nous arrivâmes dans notre petit village à la nuit tombante ; faute de tambour, le garde champêtre avait pris la clochette de l'enfant de chœur, et, sur le carrefour qui sert de place, il lisait la proclamation en ânonnant et il tintait la guerre.

 

« Nous passâmes la nuit dans les préparatifs d'un départ hâtif. Je ne puis dire quel fut notre étonnement quand nous apprîmes, vers sept heures du matin, que les territoriaux mobilisés pour garder les voies étaient partis. Nous n'en revenions pas d'apprendre que, déjà, ils avaient quitté le village, qu'ils avaient reçu le fusil, le brassard et le képi et, qu'en blouse, en bourgeron, en veston, mais soldats, ils étaient à leur poste. Bientôt, nous les trouvâmes, échelonnés le long des routes. On se reconnaissait et on se saluait de loin.

 

« Dès que tout fut prêt, les adieux faits au jardinier et aux voisins qui répondaient à l'appel, la maison confiée à une femme de garde, à deux heures nous étions en voiture, pour faire, en sens contraire, le chemin que nous avions parcouru la veille.

 

« C'était le dimanche. La France était dans un silence parfait. Pas un ivrogne, de Fismes à Paris. Par milliers, le long des routes, les bicyclistes pédalant avec la musette sur le dos ; un bonjour au passage, un temps d'arrêt pour serrer les mains. Les femmes assises sur le pas des portes, déjà seules, ou groupées sur les places, les yeux en pleurs, mais calmes et sans plainte. Tous les points de concentration gardés ; un ordre parfait. Sur les voies ferrées de la ligne de l'Est, peu de trains ; on avait mis les wagons en réserve pour le grand branle-bas du lendemain.

 

« Même ordre, même calme, mais un peu plus affairé, dans Paris ; les hommes achetant des souliers, les femmes des provisions. Sur les boulevards, l'animation est plus grande : la foule se porte aux nouvelles. Mais, partout, le même mot : « La mobilisation ; c'est bien ; on marchera. » Dans les gares, dans le métro, c'est une cohue, mais ordonnée et réglée par la volonté de tous : une sorte de discipline spontanée s'établit déjà dans toute la nation. »

 

Dans la soirée, le diapason monte encore, des cortèges se forment : on chante la Marseillaise, le Chant du départ. On est prêt à partir : demain, on partira.

 

Vers minuit, des faits ayant un caractère plus grave se produisent ; des bandes qui paraissent organisées tentent le pillage de magasins signalés comme allemands ou austro-hongrois ; des hommes suspects vont, par les rues, un pot à colle à la main et affichant des placards sur les boutiques fermées. Les magasins de la maison Maggi sont mis au pillage. La police est, un moment, débordée, mais elle se ressaisit aussitôt.

 

Le lundi 3 août, l'état de siège est proclamé ; les Chambres sont convoquées pour le lendemain, 4 août : on apprend que la frontière est violée par des partis allemands ; cependant, M. de Schoen est toujours à l'hôtel de l'ambassade.



06/08/2014
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