14-18Hebdo

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Henry Novel – Lettres à ses parents (1914-1918) – 20- Octobre 1918 - Fin

 

Henry Novel, 17 ans en 1914, est mobilisé en 1916 à Chambéry puis rejoint le front en 1917. Futur étudiant en médecine il est affecté à des services d’ambulance. Il correspond régulièrement avec ses parents qui habitent Grenoble où son père exerce la profession d’avoué.

Document transmis par Michel Novel, son fils - 19/10/2015

 

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Georges et Henry Novel

 

 

Ce 16 octobre 1918 (tampon de la poste pour l'année)

Mes chers Parents,

 

Rien de neuf... pluie, boue et le canon recommence à tonner devant nous au delà de Sissonne...

 

On ne sait pas trop que penser de la guerre - durera - durera pas. Les événements qui avaient l'air de vouloir se précipiter ont l'air de ralentir et je crains bien que ce ne soit pas par la diplomatie que l'on sorte les boches de France mais bel et bien à coups de canons.

 

Je crois que rendus disponibles par suite du rétrécissement du front, nous ne tarderons pas à être relevés pour de bon. Si cela était vrai ou si même nous restons en réserve je ne serai pas longtemps avant d'aller en permission, à ce propos je vous demanderai de me dire si le train de Paris à Chambéry a toujours une correspondance pour Grenoble sinon plutôt que de risquer de perdre une journée à Chambéry je viendrai par Lyon à mon prochain voyage.

 

Je reçois à l'instant une lettre où Maman voit une paix si imminente qu'elle songe déjà aux vêtements civils. C'est je crois un peu rapide et je crains d'avoir encore le temps d'user pas mal d'effets militaires avant la fin qu'on voit aujourd'hui plus lointaine qu'il y a huit jours.

 

Je vous embrasse bien

 

Ce 20 octobre 1918 (tampon de la poste pour l'année)

Je vais bien.

 

Bons baisers.

 

Ce 21 octobre 1918 (tampon de la poste pour l'année)

Mes chers Parents,

 

Je ne sais pas si je vous ai dit que j'étais à Sissonne, mais ce que je ne vous ai sûrement pas dit c'est que je viens de faire deux jours et deux nuits de marches presqu’ininterrompues sous l'eau et dans la boue. Aujourd'hui nous sommes en ligne et le communiqué de demain vous dira où nous serons demain. Je crois que cela sera dur et pénible surtout lorsqu'on connaît ce pays presque sans relief où les villages sont inconnus et où l'on trouve une ferme tous les dix kilomètres ! Ce ne sont que prés et boqueteaux, tous pareils où on n'essaye même pas de se mettre à l'abri de la pluie car les quelques baraques qui s'y trouvaient ont été brûlées par les boches. D'un autre côté la chemise qui colle à la peau sous la capote et la veste traversée vous rappelle que l’on n’en est pas à quelques litres près dans l'ondée que le ciel vous distribue si libéralement.

 

Et dire qu'il y a trois jours les communiqués étaient si agréables à lire…

 

J'ai été content de savoir Georges en permission au moment où son régiment se déplaçait car les destinations inconnues ne sont sûrement pas à l'heure actuelle les environs de Paris…

 

Je n'irai guère en permission qu'au mois de décembre ou tout au plus à la fin de novembre mais pas avant. J'espère que ce sera pour douze jours mais ma citation n'est pas encore sortie et toutes ces histoires ne sont pas faites pour la hâter. J'en ai eu de bonnes nouvelles néanmoins il y a quelques jours.

 

Je vous embrasse tous.

 

Ce 23 octobre 1918 (tampon de la poste pour l'année)

Mes chers Parents,

 

Toujours rien de neuf et la petite histoire que je vous annonçais l'autre jour semble reculer de jour en jour... Puisse-t-elle ne jamais avoir lieu !!! Aujourd'hui par extraordinaire il fait beau temps et c'est avec une joie sans mélange que l'on se sent sécher peu à peu…

 

La permission de Georges doit tirer à sa fin et la mienne ne m'apparait que dans un horizon très lointain : plus d'un mois encore… Mon aide-major va rentrer demain ou après demain et j'espère qu'il sera là pour le petit exercice auquel nous devons nous livrer car je ne tiens pas du tout à être seul dans ces moments là.

 

A en croire les journaux l'épidémie de grippe a l'air de sévir sérieusement à l'intérieur, j'espère que vous pouvez tenir et que Papa possède assez de tabac pour effectuer une contre préparation vigoureuse à cette épidémie...

 

Georges sait-il où il va rejoindre ? Je lui souhaite d'aller en Belgique où la guerre doit être moins pénible car on doit trouver facilement un toit et un poêle, le nec plus ultra du confortable dans la guerre actuelle. C'est du reste de l'absence de ces deux ustensiles de 1ère nécessité que nous souffrons le plus actuellement dans nos trous humides et froid. Heureusement que je me porte comme un charme et que le ravitaillement arrive à peu prés normalement.

 

Je vous embrasse tous.

 

Ce 29 octobre 1918 (tampon de la poste pour le mois et l'année)

Mes chers Parents,

 

Enfin nous voilà descendus !!! La petite cabane au milieu des bois où j'habite me semble un palais et aujourd'hui j'ai pu me changer, me laver, manger chaud et oublier un peu le terrible cauchemar que nous venons de vivre. Le bataillon monté avec des effectifs plus que réduits a laissé sur le terrain en un seul jour 114 tués ou blessés. Lorsque je vous raconterai en détail comment s'est passée cette affaire vous ne voudrez pas y croire... Enfin c'est passé et bien passé et il court sur notre sort des bruits optimistes... On dit beaucoup que nous irions en Alsace pour instruire les Américains : irions-nous remplacer la division de Georges partie je ne sais où.

 

Je souhaite que les choses se passeront ainsi car réellement on a jusqu'ici usé et abusé de ce pauvre régiment sans modération ni mesure. Hier grande nouvelle : en apprenant la relève nous avons appris également par T.S.F. que l'Autriche n'en voulait définitivement plus : si cela pouvait finir.

 

J'ai reçu aujourd'hui un gâteau qui vient agréablement améliorer l'ordinaire : je vous en remercie d'autant plus qu'il doit vous être actuellement très difficile de trouver les denrées nécessaires à sa fabrication. Georges a-t-il pris le vêtement bleu et le manteau bleu à moi qui étaient à la maison ?

 

Je vous embrasse tous.

 

Ce 31 octobre 1918 (année supposée)

Mes chers Parents,

 

Rien de neuf. Temps brumeux et pluvieux mais pas trop froid... heureusement. Dans quelle direction est parti Georges ? Je n'ai vu aucun 72 dans les environs mais néanmoins je regarde soigneusement car j'espère un peu qu'il viendra par ici.

 

Bons baisers.

A suivre…



02/05/2016
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